On est heureux. Pour le pérégrin, dont les infatigables pieds écrasent doucement l'herbe rouge de la plaine, la vision de l'auberge-relais, si familière, est toujours synonyme des mêmes souvenirs et sensations. Poser ses bottes sur la table, commander de la nourriture. Partager ses aventures. Nouer des amitiés ou des amours, souvent temporaires. Repartir. Un cycle ininterrompu, qui rythmait sa vie éternelle depuis des siècles. La fin d'un voyage et le début d'un autre.
C'est décidé, si un jour il devenait dieu, grayle serait le saint patron des aubergistes.
Il ouvrit grand les doubles portes d'une puissante impulsion des bras, tel un seigneur en terre conquise. Personne ne lui prêta attention, et pour cause. Ils étaient une bonne quarantaine dans la pièce, ripaillants parfois les uns avec les autres, parfois dans leur coin. Une odeur de nourriture, de bière, de cigare explosa à la tête de Grayle. Oh il allait aimer ce coin. Il y avait même un grand feu de cheminée.
Remettant de l'ordre dans sa chevelure brune, époussetant sa grande écharpe orangée, assez longue et large pour lui servir de poncho, il regarda autour de lui, ses yeux bleus scrutants la pièce, à la recherche d'une place libre, ou au moins, d'un compagnon de tablée intéressant. Ou d'une compag....
- Oh.
Il fronça les yeux. Elle était dos à lui, loin, mais... non, il ne reconnaissait pas ce dos, ces longs cheveux noirs et cette mèche bleue, cette énorme queue et ces oreilles noires mais ils lui étaient familiers. Et Si sa mémoire ne lui jouait pas de tours, il connaissait une personne, une hybride, tapie dans ses souvenirs.
C'était il y a 3 ans. Il faisait froid. Neige, tempête. Un monstre. Une épée. Un temple. Des sources chaudes. Une forêt. Une aventure épique et romantique. Ils avaient passés du bon temps ensemble, avant de reprendre chacun leur route, se disant adieu d'un signe de la main, laissant au destin l'initiative de les remettre sur la route de l'autre. Et le destin s'était éxecuté.
Avec assurance, il s'approcha près d'elle, se saisissant d'une chaise au passage. Elle était seule, une choppe de bière vide devant elle. Attendant sont repas sans doute. Il se déporta légèrement sur le côté. Oui, c'était elle, Schad. En trois ans, elle n'avait pas changé d'un poil. Ca tombait bien, lui non plus. Continuant sa route, il croisa une serveuse. Sourire charmant. Clin d'oeil. Il se saisit de la bière sur son plateau. Elle hoche la tête. Charmée.
Il est juste derrière elle. Son bras s'étend, passant au dessus de l'épaule de la terranide, déposant la bière devant elle.
- Votre bière, madame, dit-il de sa voix chaude et mielleuse, même si on peut sentir dans le timbre de cette dernière, la fatigue d'une longue marche. Elle se retourne sur la gauche. Il s'est déjà déporté sur la droite, comme un fantôme. Le temps qu'elle se retourne encore, il est déjà attablé, confortable, presque crâneur, une jambe croisée.
- Avec un petit bonus.