De base assez famélique, Le Joker avait toujours été nuancé, un ensemble de paradoxes. Malgré le fait qu’il était peu musclé, il pouvait se montrer terriblement adroit en combat. Plus d’une fois, son agilité avait surpris le Chevalier Noir, et, même s’il n’était pas capable de tenir sur un ring de boxe face à lui, le Joker était cet individu qui pouvait transformer n’importe quel objet en une redoutable arme à tuer. Froid et amoral, il était tout à fait capable de vous faire sensuellement et longuement l’amour, puis de vous poignarder ensuite. Avec lui, Harley vivait toujours sur le fil, mais là, après avoir joui, même un homme comme Le Joker s’apaisait. S’allongeant au milieu du lit, il laissa Harley s’étaler contre lui, son corps chaud frissonnant contre le sien. Homme insaisissable aux multiples personnalités, Le Joker semblait en tout cas s’accommoder de la présence d’Harley. La jeune femme s’était rapprochée de lui dans l’espoir de le guérir, de le percer à jour, de découvrir enfin ses véritables origines, et, sans le réaliser, s’était elle-même prise à son propre jeu. Elle était devenue sa complice, puis une criminelle de haute volée, maintes fois recherchée par la police.
Reprenant ses esprits, Joker attrapa une cigarette, et tira une bouffée, son autre main caressant les cheveux d’Harley, qui se reposait contre son torse.
«
C’est un jour particulier, aujourd’hui… Ce bon vieux Batounet est bien décidé à ne pas montrer le bout de sa sale cape, et, moi, je dois t’offrir ton cadeau… »
Il caressait son épaule, et, quand elle se redressa, il retira sa cigarette, et répondit à son baiser, tout en la laissant également fumer. Oui, l’homme pouvait se montrer aussi violents que cruel, et, là, avec son corps nu et en sueur, il semblait presque normal… À l’exception de ses déformations au visage, de sa peau grisâtre, et de ses cheveux verdâtres. Il caressait encore son dos.
«
Après tout, nous célébrons notre anniversaire, non ? Celui où Harley Quinn est née… Je suppose que tu t’en rappelles, non ? »
Joker l’avait conduit dans l’usine d’Ace Chemicals, là où, alors qu’il était sous les traits du chef du
Red Hood Gang, il était tombé dans une cuve verdâtre de produits chimiques. Harley avait suivi le même traitement, elle avait plongé dans la cuve, et ils avaient fait l’amour ensuite, quand Joker avait vidé la cuve, la baisant sur le sol, s’enfonçant furieusement en elle. C’était sans aucun doute l’un des rares moments de sa vie où il semblait avoir vraiment ressenti
quelque chose pour une autre personne que lui. Harley Quinn était officiellement née.
Soufflant encore sur sa cigarette, Joker entendit le raclement d’une rame de métro, faisant trembler les murs miteux de leur refuge. Il caressait tendrement le corps de la jeune femme, la laissant fumer sur sa cigarette, puis jeta le mégot au sol.
«
Bon, bon… Il est temps d’aller montrer au reste du monde notre amour, tu ne crois pas ? Tous ces gens, à Gotham… Ils sont si tristes, si malheureux… Tu sais ce que disait ma mère, Harley ? Que mon rôle dans ce bas-monde était d’offrir à tout le monde un petit sourire ! »
Il se redressa lentement, et se releva encore. Sa main s’approcha d’un journal qu’il avait négligemment posé sur une table, et le jeta vers Harley.
«
Ce soir, les grands pontes et les richards de Gotham se réunissent dans un bâtiment huppé, dans le cadre d’un gala de charité pour les déshérités d’Amusement Mile… Tu y crois, ça ? Je viens de là-bas, et je n’ai même pas d’invitation ! »
L’une des histoires qu’il racontait souvent pour justifier son origine était celle selon laquelle Joker était à la base un homme pauvre, défavorisé, issu des quartiers difficiles de Gotham, gangrénés par la corruption, par la criminalité, avec des beaux-pères réguliers qui le battaient, et une mère dépressive et schizophrénique.
«
Et je veux t’offrir une dot convenable, à la hauteur de notre amour éternel, Harley ! Nous allons donc aller les rejoindre, et offrir à ces gens qui s’ennuient et qui dorment sur place… De quoi sourire, hihihi ! »
Le Joker embrassa à nouveau Harley, puis se rapprocha de la garde-robes.
«
Mais, soirée spéciale oblige, il faut nous mettre sur notre 31… »
*
* *
Plus tard
La soirée de charité avait lieu dans l’un des gratte-ciels des quartiers récents de Gotham City. Quand la ville avait été ravagée suite à un tremblement de terre, et qu’elle avait été reconstruite, plusieurs quartiers avaient été totalement refaits, abritant des gratte-ciel massifs, à proximité de la « vieille Gotham ».
La soirée réunissait les pontes de Gotham, des conseillers municipaux, des banquiers, des hommes d’affaires… Peut-être même Bruce Wayne en personne !
Et, alors que la soirée, qui consistait en une vente aux enchères accompagnée d’un buffet, se poursuivait, un van violet avec des tâches verdâtres se rapprochait à vive allure, accompagnée de plusieurs motos. Le Joker fit une entrée fracassante, en fonçant à travers les grandes vitres d’entrée avec le van, explosant celle-ci. Il fit ainsi irruption dans le vestibule, et la porte s’ouvrit sur le van, le laissant sortir.
Pour célébrer leur anniversaire, Joker avait opté pour
un retour aux tenues classiques. Lui portait un élégant smoking, et Harley avait remis son ancien costume.
«
Allons faire la fête, mon amour… »