L’Olympomachie avait été génératrice de grands malheurs. Peu, à Terra, avait échappé aux conséquences des affres de cette guerre terrible. Les royaumes et empires avaient été usés par les combats et si les armées avaient vaillamment combattu, perdant d’innombrables guerriers, c’était bien les populations qui en payaient aujourd’hui le prix fort. A Lumen notamment, malgré les efforts de la reine Elena, il était difficile de s’approvisionner en produits élémentaires. Les céréales étaient rationnées, la viande rare et le vin, quasiment introuvable pour les gens du peuple. La population comprenait mieux qu’il faudrait du temps pour rétablir les plaisirs de la vie « d’avant » maintenant que les services du palais d’ivoire avaient pédagogiquement expliqué à tous que personne n’était oublié et que le seul objectif de la reine était de servir son peuple du mieux qu’elle le pouvait. Bien entendu, il y avait toujours des réfractaires aux explications et les troubles qu’ils avaient causés disparaissaient à peine. Leur rébellion avait failli faire tomber le pouvoir en place mais les interventions de patriotes fidèles avaient sauvé le palais.
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Thibault mordit férocement dans la viande d’une cuisse de poulet rôtie selon la méthode secrète du chef-cuisinier de la maisonnée des De Maizière. La cuisson était parfaite, la viande tendre et la peau dorée et croustillante. Les lèvres fines du garçon brillaient de gras et toute la joie qu’il éprouvait à se régaler de ce plat, entre autres tout aussi bons, se répercutait dans ses yeux noisettes qui brillaient d’un éclat bienheureux. Et oui, tous ne souffraient à Lumen … Le rejeton de l’Archiduc Arnaud de Maizière, proche et puissant conseiller de la reine Elena de Lumen, termina son repas avec un soupir d’aise. Il avait bien mangé et ce repas était amplement mérité après une si dure matinée. En effet, son précepteur personnel l’avait abreuvé d’histoires politiques aussi vieilles que l’origine du monde et le garçon avait failli, d’ennui, rendre l’âme. Heureusement, l’après-midi qui se profilait serait bien plus intéressant puisqu’il était libre.
Peut-être que Thibault irait rejoindre ses amis pour jouer aux cartes ou encore irait-il regarder les Paladins du Griffon s’entraîner. A quinze ans, Thibault rêvait de combats et de magie, préservé qu’il avait été de l’horreur de l’Olympomachie. En effet, son père avait envoyé sa famille à l’abri, dans une résidence secondaire fortifiée sur la côte et de la guerre, le garçon n’avait perçu que des éclairs lumineux dans le ciel, loin, très loin. Et c’est pendant cet exil nécessaire de la capitale qu’il avait grandi. Son visage enfantin s’était voilé des traits d’un beau jeune homme, juvénile mais responsable. Il gardait le doux visage de sa mère mais son regard vif et pénétrant quand un point retenait son intérêt était celui de son père. Ses cheveux courts, bruns et ondulés demandaient un entretien quotidien dû aux épis rebelles qui sans cesse se relevaient dès qu’il ventait un peu. La silhouette de Thibault s’était un peu allongée, heureusement, et il atteignait à présent le mètre soixante-dix. Il espérait ne pas s’arrêter là car sa taille était un sujet qui le complexait. Il était aussi fin et les exercices physiques imposés par le maitre d’armes de la famille séchait ses muscles plutôt que de les développer. Chaque chose venait en son temps et nul doute qu’il serait un jour un beau noble qui ferait honneur à son nom. Mais il y avait du travail … A l’épée, Thibault était moyennement bon. A l’arc … Non, mieux valait éviter l’arc ! La hache et la masse étaient trop lourdes pour lui et le seul vrai domaine dans lequel il excellait était l’équitation. Peut-être qu’en travaillant plus la lance, il pourrait devenir un commandeur dans une unité de cavalerie. Mais là encore, il y avait du travail et de plus, son père voyait en lui son successeur, c’est-à-dire, un homme qui murmurerait des conseils avisés à une reine exigeante. Pas des plus passionnant selon l’avis de Thibault. En vérité, il traversait une phase d’incertitude qui allait de pair avec son âge. A quinze, on voulait toujours tout et rien …
En tout cas, le jeune sire De Maizière présentait bien. Il était agréable à regarder, ne balbutiait pas lorsqu’il devait s’exprimer en public et gardait le dos droit en toutes occasions. Ses vêtements portaient les Armes de sa famille et l’on enviait la qualité de ses tuniques et des cuirs dont il se parait. La richesse de son père prévenait tout accroc et lors des rassemblements de la Cour au palais d’Ivoire, on le citait comme l’un des garçons à marier les plus prometteurs. Certaines familles œuvraient déjà en coulisses à caser leur fille auprès de cet illustre et richissime héritier et il fallait avouer qu’il prenait plaisir à parader quand il le pouvait. Cela restait puéril mais Thibault était jeune et se cherchait encore.
C’était un gentil garçon, au caractère doux et agréable. Si la vie publique ne le dérangeait pas, il aimait aussi préserver des instants où seul, il pouvait rêver en arpentant les remparts de la forteresse ultime de Lumen qu’il avait regagné avec sa famille à la fin de la guerre. Thibault était curieux et connaissait déjà les moindres coins et recoins du palais. Sociable, il avait gagné la confiance de nombreux serviteurs et il avait à présent aussi bien accès au corps de garde de la Garde Royale qu’à la bibliothèque légendaire de Lumen. Il était poli, courtois avec tous et ne s’amusait pas à mettre en avant sa condition privilégiée. En cela, son père, un modèle parfait de puissant seigneur, avait veillé à ce que l’éducation de son fils allie humanité à connaissance et conscience de son état. Et pour étayer cette vision des choses, il avait en modèle la reine Elena qui incarnait la perfection attendue d’une souveraine digne de ce nom.
Thibault avait été élevé ainsi depuis sa naissance, entre les murs de la capitale ou dans l’une des résidences de sa famille. Choyé par sa mère, bercé par des nourrices attentives, guidé par son père, sa jeunesse avait été une longue ligne droite sans obstacles que même la guerre récente n’avait pas écorché. Il en avait bien sûr suivi les évènements, de loin, s’était indigné, avait été attristé par les pertes subies mais … que savait-il réellement de la souffrance ? Il évitait d’aborder le sujet car son expérience personnelle ne justifiait pas qu’il puisse placer des commentaires pertinents, aussi, il écoutait plus qu’il ne parlait, en se jurant intérieurement que lui aussi ferait un jour de grandes choses pour Lumen.
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Thibault mordit férocement dans la viande d’une cuisse de poulet rôtie selon la méthode secrète du chef-cuisinier de la maisonnée des De Maizière. La cuisson était parfaite, la viande tendre et la peau dorée et croustillante. Les lèvres fines du garçon brillaient de gras et toute la joie qu’il éprouvait à se régaler de ce plat, entre autres tout aussi bons, se répercutait dans ses yeux noisettes qui brillaient d’un éclat bienheureux. Et oui, tous ne souffraient à Lumen … Le rejeton de l’Archiduc Arnaud de Maizière, proche et puissant conseiller de la reine Elena de Lumen, termina son repas avec un soupir d’aise. Il avait bien mangé et ce repas était amplement mérité après une si dure matinée. En effet, son précepteur personnel l’avait abreuvé d’histoires politiques aussi vieilles que l’origine du monde et le garçon avait failli, d’ennui, rendre l’âme. Heureusement, l’après-midi qui se profilait serait bien plus intéressant puisqu’il était libre.
Peut-être que Thibault irait rejoindre ses amis pour jouer aux cartes ou encore irait-il regarder les Paladins du Griffon s’entraîner. A quinze ans, Thibault rêvait de combats et de magie, préservé qu’il avait été de l’horreur de l’Olympomachie. En effet, son père avait envoyé sa famille à l’abri, dans une résidence secondaire fortifiée sur la côte et de la guerre, le garçon n’avait perçu que des éclairs lumineux dans le ciel, loin, très loin. Et c’est pendant cet exil nécessaire de la capitale qu’il avait grandi. Son visage enfantin s’était voilé des traits d’un beau jeune homme, juvénile mais responsable. Il gardait le doux visage de sa mère mais son regard vif et pénétrant quand un point retenait son intérêt était celui de son père. Ses cheveux courts, bruns et ondulés demandaient un entretien quotidien dû aux épis rebelles qui sans cesse se relevaient dès qu’il ventait un peu. La silhouette de Thibault s’était un peu allongée, heureusement, et il atteignait à présent le mètre soixante-dix. Il espérait ne pas s’arrêter là car sa taille était un sujet qui le complexait. Il était aussi fin et les exercices physiques imposés par le maitre d’armes de la famille séchait ses muscles plutôt que de les développer. Chaque chose venait en son temps et nul doute qu’il serait un jour un beau noble qui ferait honneur à son nom. Mais il y avait du travail … A l’épée, Thibault était moyennement bon. A l’arc … Non, mieux valait éviter l’arc ! La hache et la masse étaient trop lourdes pour lui et le seul vrai domaine dans lequel il excellait était l’équitation. Peut-être qu’en travaillant plus la lance, il pourrait devenir un commandeur dans une unité de cavalerie. Mais là encore, il y avait du travail et de plus, son père voyait en lui son successeur, c’est-à-dire, un homme qui murmurerait des conseils avisés à une reine exigeante. Pas des plus passionnant selon l’avis de Thibault. En vérité, il traversait une phase d’incertitude qui allait de pair avec son âge. A quinze, on voulait toujours tout et rien …
En tout cas, le jeune sire De Maizière présentait bien. Il était agréable à regarder, ne balbutiait pas lorsqu’il devait s’exprimer en public et gardait le dos droit en toutes occasions. Ses vêtements portaient les Armes de sa famille et l’on enviait la qualité de ses tuniques et des cuirs dont il se parait. La richesse de son père prévenait tout accroc et lors des rassemblements de la Cour au palais d’Ivoire, on le citait comme l’un des garçons à marier les plus prometteurs. Certaines familles œuvraient déjà en coulisses à caser leur fille auprès de cet illustre et richissime héritier et il fallait avouer qu’il prenait plaisir à parader quand il le pouvait. Cela restait puéril mais Thibault était jeune et se cherchait encore.
C’était un gentil garçon, au caractère doux et agréable. Si la vie publique ne le dérangeait pas, il aimait aussi préserver des instants où seul, il pouvait rêver en arpentant les remparts de la forteresse ultime de Lumen qu’il avait regagné avec sa famille à la fin de la guerre. Thibault était curieux et connaissait déjà les moindres coins et recoins du palais. Sociable, il avait gagné la confiance de nombreux serviteurs et il avait à présent aussi bien accès au corps de garde de la Garde Royale qu’à la bibliothèque légendaire de Lumen. Il était poli, courtois avec tous et ne s’amusait pas à mettre en avant sa condition privilégiée. En cela, son père, un modèle parfait de puissant seigneur, avait veillé à ce que l’éducation de son fils allie humanité à connaissance et conscience de son état. Et pour étayer cette vision des choses, il avait en modèle la reine Elena qui incarnait la perfection attendue d’une souveraine digne de ce nom.
Thibault avait été élevé ainsi depuis sa naissance, entre les murs de la capitale ou dans l’une des résidences de sa famille. Choyé par sa mère, bercé par des nourrices attentives, guidé par son père, sa jeunesse avait été une longue ligne droite sans obstacles que même la guerre récente n’avait pas écorché. Il en avait bien sûr suivi les évènements, de loin, s’était indigné, avait été attristé par les pertes subies mais … que savait-il réellement de la souffrance ? Il évitait d’aborder le sujet car son expérience personnelle ne justifiait pas qu’il puisse placer des commentaires pertinents, aussi, il écoutait plus qu’il ne parlait, en se jurant intérieurement que lui aussi ferait un jour de grandes choses pour Lumen.
