L’énergie qui émanait d’un Noxien avait été décrite par nombreux anciens testaments comme étant similaire aux puissances naturelles primordiales du cosmos. Le plasma, par exemple, ou les rayons gamma, étaient compatibles avec la redoutable foudre que la race éteinte de Nox avait le don de déployer par simple impulsion mentale. Ainsi, Losgar déchaînait des rayons précis mais fulgurants sur les abominations du Warp, veillant à ce que ses traits lumineux calcinent leurs agresseurs sans que le cargo spatial ne soit touché.
Contrôler autant d’énergie était le fruit d’années d’exercices et de méditations, un entraînement extrêmement rigoureux et violent qui forgeait les plus jeunes Noxiens à l’art de la guerre, l’héritage ultime de leur espèce et la chose qu’ils avaient été conçus pour le faire. S’il semblait donc aisé aux yeux de Padlock et Onyxian la façon avec laquelle le cendré éradiquait les monstres à fortes décharges électriques mauves, ce n’était que grâce aux siècles de labeurs et d’exercices, un corps si endurant qu’il pouvait tolérer le potentiel destructeur de sa propre force.
S’il avait repoussé la princesse infernale, ce n’était pas parce qu’il doutait de ses compétences. Elle devait posséder les pouvoirs d’une sorcière de très, très haut niveau. Donc un psyker alpha plus, si sa mémoire des classifications impériales était correcte. Pareilles créatures pouvaient modeler la réalité même à leur guise, à une certaine limite. Mais c’était justement ça le danger. Plongés dans La Mer des âmes, elle était comme le plus lumineux des phares, appelant par sa magie-même les dévoreurs du Warp qui savoureraient éternellement la démone et son potentiel infernal.
Les monstruosités, lacérées par le redoutable adversaire qui faisait obstacle à leur festin promis, commencèrent à s’unir pour former un seul gigantesque amalgame de chair spectacle et d’appendices édentés, poussant le vice jusqu’à faire apparaître des visages gémissants et en larmes. Les innombrables victimes du Warp, dévorés et à jamais condamnés à être consommés et consumés dans les entrailles de ces abjectes créatures. Des tentacules chargés de foudre frappèrent en direction du Noxien qui, à un instant précis, déploya son énergie en une sorte d’onde de choc pour faire office d’écran, repoussant l’assaut de la bête avant de lui arracher quelques tentacules de la lame de sa main. Le combat ne pouvait perdurer, la chose continuant incessamment à se régénérer à mesure qu’elle était liée à son domaine. Même un guerrier comme lui ne pouvait espérer retenir longtemps l’appétit insatiable du Warp.
Le vaisseau accéléra soudain et les tentacules monstrueux devinrent plus épars, moins attachés à la réalité virtuelle du cargo. Un nouveau bouclier s’était déployé, surement l’oeuvre de la sorcière à bord. Onyxian s’avérait être une alliée redoutable, mais il ne fallait pas oublier que c’était un peu à cause d’elle qu’ils étaient dans ce voyage damné …
Esquivant une attaque sauvage, il bondit avec l’agilité d’un fauve, évitant de justesse les fouets de chair et de crocs qui tentaient de le happer. À travers les hublots, il pouvait deviner qu’ils fonçaient à grande vitesse vers une sombre destination, un trou dimensionnel dans le Warp. Ce trou en question ne ressemblait pas à une déchirure dans l’immatériel que les générateurs du vaisseau créeraient pour revenir vers l’espace réel, non. Alors où menait-il ?
La réponse fut à la fois simple et complexe, comme la nature même de cet univers dans lequel ils venaient d’accéder. Il avait pu le sentir le long de sa peau, comme un frisson, une sensation étrange d’avoir pénétré dans un autre plan. Les appendices qui jusque-là s’étaient évertués à se propager comme la gangrène dans le vaisseau s’évaporèrent, le lien les connectant à leur dimension chaotique rompu et l’énergie du Warp s’évanouissant. Et pourtant, Losgar n’avait pas réellement l’impression d’avoir quitté le Warp. C’était plus une sorte d’inexplicable changement de décor, à croire qu’ils avaient plutôt rejoint une île dans l’océan apocalyptique duquel ils venaient de s’extirper.
Le Noxien soupira longuement, sentant le danger s’éloigner, sans pour autant arriver à supprimer cette étrange sensation qui l’enveloppait. Ce monde, ou quel que soit son appellation, était trop étrange. Il n’était pas sûre de vouloir remercier Onyxian trop vite.
Il se dirigea à marche rapide vers la cabine de pilotage, rasant au passage toute forme d’impureté rémanente qui subsistait à son passage. On n’était jamais trop sûr avec le Warp.
La porte de la cabine s’ouvrit, dévoilant ses deux alliés de circonstance. Il surprit l’immonde contrebandier et apprenti-sorcier, Padlock, se tortillant aux pieds de la princesse infernale. Était-ce l’œuvre de la succube qui s’amusait à nouveau avec lui ? Quelque chose lui disait que cette fois, c’était une influence externe qui appelait l’humain, à le voir jeter des regards hébétés en direction de la vitre du cockpit qui dévoilait un étrange décor. Le cargo survolait une immense clairière violacée, tachée ici et là par d’étranges monolithes ondulants. En concentrant sa vue, les prunelles de Losgar comprirent que ce n’était qu’une illusion d’optique et que ces monolithes étaient en réalité d’inquiétants totems représentants des corps entrelacés, se mouvant en une danse aussi lente que sensuelle au rythme d’un vent imaginaire. Le ciel même semblait être composé de cotons doucereux les invitant à plonger dans le sommeil le plus réparateur de leur existence. Parfois, il pouvait surprendre le vol d’animaux bizarres, ressemblant vaguement à des oiseaux mais dont les attributs étaient trop … humanoïdes ?
Les
créatures se rapprochèrent du cargo spatial, intriguées par cet objet étranger qui venait de pénétrer leur monde. Plus elles approchaient, plus ils pouvaient discerner les formes et attributs de ces bêtes ailées. Le guerrier cendré avait entendu parler, dans les légendes de la planète Terra, de créatures similaires qu’on appelait harpies. Mais là où ces dernières étaient décrites comme des mégères abominables et hideuses, des vieilles sorcières anthropophages, celles de Lusst’ghaa (car Losgar avait enfin deviné où la Matriarche des Magoa les avaient entraîné) étaient de véritables avatars du désir, leurs corps nus et angéliques affichant les plus scandaleuses formes et courbes … pour ceux dont l’esprit était trop faible et fragile pour être manipulé par la sournoise magie rose !
Le dernier survivant de Nox y résista au moment où il comprit que Lusst’ghaa jouait son influence millénaire d’envoutements et de tentations sur lui, brisant le charme comme il avait résisté à la terrifiante aura de luxure qui avait émané d’Onyxian lors de son invocation. Et il les regarda sous leur vraie forme, des créatures sans visages, armés de bouches aux langues édentées, aux seins dotés d’yeux avides et aux intimités armées de becs et de tentacules crochus. Quelle horreur !
Mais si Losgar avait percé leur secret et que la Mère des Magoa était insensible aux artifices dont elle était suprême maîtresse, ils ne pouvaient en dire autant de leur pilote qui, complètement subjugué, répondit aux appels télépathiques des harpies qui lui promettaient un plaisir plus fou que ce que pouvait lui accorder la médiocre succube à ses côtés.
“Vous … tu … fausse maîtresse !”
Dopé par la magie rose qui émanait aussi bien des harpies que de cet univers maudit, l’humain s’était jeté comme un forcené vers le fusil plasma qui reposait à ses côtés, une arme que Losgar ignorait qu’il possédait. Il y’avait rarement une arme plus dangereuse dans l’arsenal impérial des humains qu’un canon à plasma capable d’éradiquer les Xenos les plus puissants et percer l’adamantium. Vu la vitesse avec laquelle il avait dégainé l’arme, on comprenait vite que ce n’était pas vraiment Padlock qui manipulait la chose, mais ses odieuses prédatrices qui se collèrent au hublot en se pourléchant les lèvres.
“Hey !”
Il crut qu’il allait tirer sur Onyxian. Il avait braqué l’arme sur elle. Son instinct l’avait poussé à s’interposer, quand-bien même il savait que sa résistance hors-norme avait des limites face à un tir surchargé de plasma. Pourquoi sauver cette descendante de démons ? L’avait-elle envouté lui aussi ? Non … ce n’était que son maudit réflexe de soi-disant héros. Pitoyable. Elle avait sa magie pour se défendre, non ? Mais peut-être que l’interférence magique des harpies rendait la manipulation de l’occulte plus difficile que prévue, sinon elle aurait maintenu son contrôle mental sur le pilote.
Mais ce dernier ne déchargea pas son arme sur eux, non. Souriant bêtement, un filet de salive dégoulinant au coin de sa bouche, il pointa le canon de son fusil vers le hublot et tira. Le verre s’effondra et fondit en même temps sous la décharge ultra-brûlante et aveuglante … puis la pression commença à les aspirer hors du vaisseau, les emportant dans une dégringolade folle tandis que l’escouade de prédateurs hurlaient à la mort et au festin aussi bien charnel que sanglant qui leur était servi.
“Bordel !”