The Multiversity

[Caelan Vaereth]

La brume s’accrochait encore aux collines quand Caelan Vaereth fit halte devant les grilles du domaine. Les lourdes ferronneries, ouvragées de symboles anciens à demi effacés, grinçaient sous la main du garde venu lui ouvrir. Le mage ne dit rien, se contentant d’un bref signe de tête avant de s’avancer sur l’allée pavée. Son manteau sombre, alourdi par le voyage, traînait légèrement dans la rosée. Le vent soulevait parfois ses mèches argentées, révélant les pointes fines de ses oreilles — marques discrètes de son ascendance elfique, qu’il ne s’évertuait plus à dissimuler.

La demeure du seigneur se dessinait au loin, silhouette massive de pierre grise aux toits d’ardoise, isolée dans le repli d’une vallée oubliée. L’endroit avait cette atmosphère figée, comme si le temps s’y tenait à distance. On aurait dit que la lumière elle-même hésitait à y pénétrer.

Caelan n’était pas homme à prêter foi aux superstitions rurales, mais il savait reconnaître l’empreinte d’un mal subtil. Depuis quelques lieues déjà, l’air lui semblait trop lourd, chargé d’une tension invisible. Les oiseaux se taisaient dès qu’il approchait. Et derrière les volets clos, il avait senti les regards craintifs des villageois suivre sa monture.

Le seigneur avait adressé à la couronne une requête pressante : des récoltes flétries en une nuit, des bêtes retrouvées vidées de leur sang, et un sommeil troublé de murmures qui volaient d’une aile à l’autre du manoir. Ce n’était pas une simple malédiction, pensait Caelan. Quelque chose de plus ancien rôdait ici — quelque chose lié aux racines du lieu, peut-être au sol même.

Lorsqu’il mit pied à terre, un domestique vint à lui, raide, timoré, et lui indiqua qu’on préparait ses appartements. L’homme évitait soigneusement son regard, comme tous ceux qui craignent la magie sans la comprendre. Caelan le suivit à l’intérieur, ses bottes résonnant dans le couloir pavé de marbre. L’air y était plus froid encore qu’au dehors, saturé d’une odeur de cire et de pierre humide.

Ce fut en franchissant le vestibule qu’il la vit.
Une jeune femme, penchée sur un plateau d’argent, arrangeait des coupes de vin et des fruits secs. Ses cheveux blancs, presque luminescents sous la flamme des chandeliers, s’échappaient de la coiffe qu’elle portait maladroitement. Lorsqu’elle releva la tête, il aperçut ses yeux — d’un bleu clair, limpide, à la manière des lacs du Nord. Et les longues oreilles effilées, qu’elle ne cherchait pas à cacher, disaient son origine elfique.

Leurs regards se croisèrent une seconde de trop. Il sentit aussitôt le flux se troubler autour d’elle : une vibration ténue, comme une corde d’énergie accordée à une fréquence qu’il reconnaissait sans pouvoir la nommer. Pas une magicienne — non. Mais un être éveillé à quelque chose d’autre.

— Je suis Caelan Vaereth, dit-il enfin, sa voix grave résonnant doucement dans le grand hall. On m’attendait, je crois.

Elle s’inclina, un geste fluide et gracieux malgré la servitude que suggérait sa tenue.
— Oui, messire… le seigneur a ordonné qu’on vous mène à lui dès votre arrivée.

Caelan esquissa un mince sourire.
— Alors, menez-moi.

Et tandis qu’elle s’éloignait devant lui, il sentit de nouveau cette étrange vibration, un frémissement dans l’air — comme si le mal qu’il était venu chasser avait déjà trouvé, en cette demeure, un témoin silencieux.

[Rosie]

Rosie filait dans les couloirs sombres du château, ses pieds glissant sans un bruit sur le sol froid. Sa coiffure laissait encore échapper quelques mèches rebelles qui venaient chatouiller sa nuque. Elle sentait l'aura de l'invité derrière elle. Pas seulement sa prestance, non. Quand elle avait croisé ses yeux dans le vestibule, elle avait vu ses oreilles – pointues, comme les siennes. Ça l'avait secouée. Ça faisait une éternité qu'elle n'avait pas vu un autre elfe. Les siens... La mémoire lui serra la gorge mais elle se força à garder la tête baissée. Pas le temps de s'apitoyer.

Il était beau. Pas le genre de beauté tapageuse des nobliaux qui passaient au château. La sienne était plutôt froide. Ses mèches argentées, son manteau qui flottait derrière lui : tout en lui imposait le respect, sans qu'il ait besoin de parler. Même les domestiques, d'habitude si bavards, se taisaient à son passage. Rosie la conduisit jusqu'au coeur de la demeure seigneuriale.

– C'est par là, messire, lança Rosie en s'arrêtant devant la porte en chêne. Le seigneur vous attend dans la salle haute.

Rosie s'immobilisa devant la porte en chêne, ses doigts effleurant le bois massif. Elle se tourna à demi, juste assez pour croiser son regard. Ses yeux, d'un bleu transparent semblaient sonder jusqu'à son âme... Elle baissa vite la tête, jouant la servante docile, mais un frisson la traversa. Ce n'était pas seulement sa beauté ou cette aura de puissance qui la troublait. C'était autre chose : un écho de son passé peut-être, dans ces oreilles pointues qui lui rappelaient tant les siens. Elle chassa la pensée et se redressa, un sourire timide aux lèvres.

– Le seigneur vous recevra là-dedans, messire Vaereth.

Elle sentait déjà cette chaleur familière monter en elle, ce tiraillement qu'elle ne contrôlait jamais tout à fait. Son aura, cette maudite énergie qui s'échappait d'elle sans prévenir, commençait à vibrer. Elle savait ce que ça faisait aux autres. Les regards qui s'attardaient, les respirations qui s'accéléraient. Même Caelan, avec son air impassible, semblait moins détaché qu'il voulait le montrer. Un éclat dans ses yeux, presque imperceptible, trahissait un trouble.

Rosie s'inclina, laissant sa robe épouser un peu trop ses courbes. Elle connaissait son rôle ici. Le seigneur l'avait déjà utilisée comme un présent pour ses hôtes, un "cadeau" pour sceller une alliance ou apaiser un ego. Et ce soir, elle devinait ce qu'il attendait d'elle pour ce mage. L'idée ne la rebutait pas. Au contraire, quelque chose en lui l'intriguait.

– Si vous avez besoin de quoi que ce soit je suis à votre service.

[Caelan Vaereth]

Caelan resta un instant immobile, les yeux ancrés dans ceux de la jeune elfe. Dans le couloir silencieux, il n’entendait plus que le bruit régulier de sa propre respiration. L’air semblait s’être épaissi autour d’eux, chargé d’une électricité douce et diffuse qui lui caressait la peau sous les couches de tissu. Ce n’était pas seulement de la nervosité : c’était une vibration, une onde subtile, presque musicale.

Il la sentit d’abord comme une chaleur au creux de sa nuque, puis le long de son bras gauche — celui où reposait la rune de Lumen, marque de sa maîtrise. L’énergie de Rosie s’y accrochait comme du pollen à la lumière. Une magie rose, instinctive, presque inconsciente, qui glissait dans ses défenses comme une main invisible. Le mage inspira profondément, cherchant à rétablir la barrière entre son esprit et le flux ambiant.

— Intéressant, murmura-t-il, plus pour lui-même que pour elle.

Rosie avait baissé les yeux, mais il devinait qu’elle sentait aussi cette résonance. Une magie de nature émotionnelle, sensuelle, profondément vivante — et pourtant si fragile dans son contrôle. Le demi-elfe plissa légèrement les yeux, l’observant comme on le ferait d’un phénomène rare, dangereux et fascinant à la fois.

Il fit un pas vers elle. Trop près, sans doute. Son ombre engloutit la sienne. Le parfum discret de la jeune elfe — un mélange d’herbes et de cire chaude — le heurta de plein fouet. Il sentit son rythme cardiaque s’accélérer malgré lui. L’aura s’intensifiait, se lovait dans ses pensées, y déposait des images, des sensations, des élans qu’il n’avait pas convoqués.

Il serra les dents, fit un effort conscient pour redresser la tête et rompre le contact.
— Votre énergie est… singulière, dit-il enfin, la voix plus rauque qu’il ne l’aurait voulu. Vous devriez veiller à ne pas la laisser s’échapper ainsi. Certains pourraient s’y perdre.

Une ombre d’ironie, à peine perceptible, effleura ses lèvres. Puis, en un geste mesuré, il effleura la porte de la salle haute du bout des doigts. Le bois vibra sous son toucher, comme s’il sondait les flux magiques qui y circulaient encore.

— Le seigneur m’attend, je suppose.

Mais ses yeux revinrent à elle, comme attirés malgré lui. Il y lut une lueur mêlée de défi et de trouble — quelque chose qu’il connaissait bien, car il la portait en miroir. Un instant, le mage oublia jusqu’à la raison de sa venue. L’énergie de la jeune elfe battait contre la sienne, et il lui fallut toute la force de sa discipline pour ne pas s’y abandonner.

Il inclina lentement la tête, le regard toujours posé sur elle.
— Merci, Rosie, dit-il d’un ton plus bas, presque feutré. Je me souviendrai de votre accueil.

Puis il poussa la porte. Le battant se referma sur lui dans un souffle lourd, emportant avec lui une part de chaleur — et cette impression persistante qu’il venait de croiser une magie plus dangereuse qu’aucun sortilège.

[Rosie]

Rosie releva lentement les yeux vers lui. Un sourire timide, presque candide, effleura ses lèvres. L'air entre eux était devenu lourd...

– Pardonnez-moi Messire…

Elle ne préciserait pas qu'elle ne pouvait se retenir. Elle baissa la tête, comme confuse, puis ajouta dans un murmure à peine audible, les joues rosies :

– Certains valent peut-être la peine qu'on s'y perde un peu...

À ces mots, son parfum se fit plus dense, une note de miel tiède et de peau chauffée par le désir, qui glissa jusqu’à lui comme une caresse. Ses doigts se crispèrent sur le tissu de sa jupe, froissant le lin avec un froissement léger, tandis qu'une onde de chaleur montait de son ventre et irradiait jusqu'à la pointe de ses oreilles effilées, les faisant frémir. Il la salua et la porte de la salle haute se referma derrière lui dans un claquement sourd.

______

Une grosse heure plus tard, un domestique vint la chercher dans les cuisines.
« Le seigneur t'attend dans la salle haute. »


Rosie entra. Les deux hommes étaient assis de part et d'autre de la cheminée : son maître, sourire carnassier, et Sire Caelan Vaereth, impassible. Le seigneur lui fit signe d'approcher.

– Viens là.

Elle obéit. Il l'attira sur ses genoux d'un geste possessif, la jupe de lin remontant aussitôt sur ses cuisses nues. Sa main glissa sous le tissu, effleura l'intérieur de sa jambe, remonta lentement jusqu'à trouver sa chaleur humide. Il la caressa sans gêne, deux doigts s'enfonçant légèrement tandis qu'il parlait à Caelan comme si de rien n'était.

– Notre hospitalité est réputée, n'est-ce pas ? Regardez comme elle est docile. Ma réputation d'hospitalité est telle que certains font des lieues juste pour goûter une nuit sous mon toit.

Rosie gémit doucement, la tête rejetée en arrière, ses hanches suivant malgré elle le mouvement de la main. Il retira ses doigts luisants, les porta à sa bouche, les lécha lentement.

– Va t'asseoir sur ses genoux, Rosie. Montre-lui ce qu'on t'a appris et comment nos invités sont bien traités ici.

Elle se leva, les jambes tremblantes, la chemise collée à sa peau moite. Sans un mot, elle traversa la pièce, s'approcha de Sire Vaereth, toujours assis dans son fauteuil. Elle écarta légèrement les cuisses pour s'installer à califourchon sur lui, face à lui, ses mains posées sur ses épaules. Le tissu remonta complètement.Son souffle était court, ses yeux brillaient à la lueur du feu dans la cheminée.

– Messire Vaereth… Mon seigneur m'a ordonné de vous servir.

Elle se pencha, effleura ses lèvres des siennes, juste un contact léger, puis murmura contre sa bouche.

– Dites-moi seulement comment vous me voulez.

Ici, en privé. En quelques minutes ou toute une nuit. Rosie se plierait à ses envies. Avant sa réponse, elle lui offrit un vrai baiser fiévreux, fit entrer en contact son intimité avec le bas-ventre de l'invité, trop excitée.