La Saïyajin s'apprêtait à les défendre tous les deux quand l'annonce de son compagnon claqua dans l'air. Kamiye s'était affirmé, osant même se placer devant
sa femme pour tenir tête aux hommes-crabes qui avaient subitement cessé de claquer des pinces. Le silence était soudain retombé dans les rangs. Il allait sans doute très vite se gorger des rires moqueurs de la vilaine troupe mais...
- Oh, Kamiye...
Il était trop craquant !
Son attitude protectrice lui avait mis le feu aux joues, à la femme à queue de singe. Mal à l'aise, celle-ci se dandina sur place.
Son homme si noble justifia aussitôt sa vaillante réaction, prétextant qu'elle était enceinte de lui.
Ce qui était vraisemblable, mais surtout très vrai.
je ne suis pas sûre que ce soit une très bonne idée de le leur avoir leur annoncé....
Elle s'était figée, les mains posées sur son ventre, son regard baissé sous le coup d'un embarras plus prononcé.
Plus courageux que jamais pour défendre sa petite famille, l'hybride renard poussa le bouchon entre plus loin en proposant aux hommes-crabes de l'emmener auprès du Grand Crabitou en personne.
Certains parmi leurs harceleurs émirent un sifflement outré. D'autres s'agitèrent en marchant rapidement d'un côté puis de l'autre.
De toute évidence, Kamiye venait de mettre un sacré coup de pied dans la fourmilière !
Avant que les vilains ne réagissent, Gine lui posa une main rassurante sur l'épaule.
- Tu m'épates, Kamiye ! Moi aussi, tout compte fait, j'ai bien envie de voir à quoi ressemble leur chef...
Elle souriait. De la confiance débordait de ses traits.
Un homme-crabe sacrément baraqué se dressa face au couple. Il était suffisamment large et imposant pour que son ombre parvienne les couvrir tous les deux.
- Une entrevue avec notre guide suprême ? Rien que pour vos beaux yeux ? Ha ! Et puis quoi encore ? N'allez pas croire qu'un gringalet et un ouistiti puissent avoir le droit de-
Sans attendre la fin de son monologue, Gine leva la main et lui fit exploser la caboche !
Tout le monde avait sursauté.
Il y eut de nouveau un silence. Des échanges de regard. Une profonde incompréhension sur ce qu'il venait de se passer à l'instant...
Le visage de la Saïyajin était froid comme la glace, et sa main tendue encore fumante.
- Je vous interdis de me traiter comme un petit singe !
Elle tourna la paume de sa main vers les plus gros spécimens. Tous se mirent à reculer en se protégeant derrière leurs lourdes pinces.
Ils avaient peur. Ils n'avaient jamais soupçonné l'existence du ki. Ces gens-là vivaient de façon complètement tordue dans leur petit monde de brutes épaisses.
- Même tarif pour ceux qui se moqueront de mon Kamiyou, qui est beaucoup plus précieux à mes yeux que votre fichu Crabitou !
Blasphème ! Leur entourage eut un mouvement d'humeur. S'ils n'attaquèrent pas tous en même temps, c'est surtout parce que la peur de se faire griller la tronche ne les avait pas encore quittés...
- Si je peux me permettre... ?
L'individu avait levé une pince. Comme un élève en classe estivale qui demande poliment avant de prendre la parole.
Le sentant tout de suite plus conciliant que les autres, Gine hocha la tête à son attention.
- Exprime toi sagement, et je promets qu'il ne te sera fait aucun mal.
Sous le regard mitigé des siens, l'intéressé, après un bref moment d'hésitation, finit par se jeter à l'eau :
- La femme est une guerrière plutôt violente. Même si elle a la progéniture du faib-... (Le froncement de sourcils de Gine le força immédiatement à se reprendre.)
...de son petit homme dans le tiroir, je pense que ça ne dérangera pas notre boss de les rencontrer tous les deux.
S'ensuivit des murmures. Les hommes-crabes se concertaient entre eux alors que celui qui avait entamé un véritable dialogue s'était muré dans les silence.
- Tu débloquerais pas un peu, toi ? intervint un protestataire.
Cette gonzesse a des bombes à la place des mains, je te signale ! Elle pourrait parvenir à le blesser, ou pire encore...
Il n'était pas le seul à penser ainsi. Pourtant, il y en avait d'autres qui voyaient les choses autrement :
- Moi, j'ai foi en notre Maître. Le feu de cette femme ne pourra pas traverser sa sainte carapace - jamais !
- Et puis, il y a aussi son champion, leur fit sournoisement remarquer un autre.
- Ouais, c'est vrai, ça !
Ils se mirent tous à parler en même temps.
Gine, qui avait croisé les bras sur sa poitrine et qui tapait impatiemment du pied dans le sable, dut se racler très fort la gorge pour leur rappeler leur présence.
- On a pas toute la journée : décidez-vous, où bien je redeviens violente !
Elle se donnait de grands airs bien qu'elle n'avait aucune envie d'endosser ce rôle d'anti-héros.
Devant eux, les hommes-crabes s'écartèrent pour finalement former une longue haie d'honneur. Avec un grand sourire forcé sur le visage, ils inclinèrent leurs pinces en un geste qui se voulait invitatoire.
- C'est par là, madame !
Plus droite que jamais, Gine eut un reniflement dédaigneux à leur attention.
- Bien ! Merci.
Elle regarda Kamiye et, glissant ses doigts dans les siens, l'encouragea chaleureusement :
- Allons-y, Kamiyou ! Ensemble, comme deux amoureux~
Accompagnés par la horde de crustacés, Ils traversèrent la plage, foulant le sable doux et chaud sur près d'une lieue. Les rochers, jusqu'alors rares dans le décor, s'étaient sensiblement multipliés. Au bout du chemin, ils étaient devenus suffisamment nombreux pour former une grande caverne au sein de laquelle le trio put entrer. Un unique homme-crabe s'était risqué à les accompagner. C'était celui qui, le premier, avait émis la possibilité de cette entrevue avec leur grand chef. Il les guida à l'intérieur de l'antre dont le plafond, au cœur de la pénombre, s'élevait si haut qu'on ne le voyait pas.
Au bout d'un moment, sans crier gare, il s'inclina.
- Grand Crabitou ! Je... non, nous, plutôt, avons pris la courageuse décision de vous amener ces quelques voyageurs.
Il y eut un grand bruit - pareil à un raclement. Quelque chose d'immense s'était redressé. Deux lumières rouge apparurent au beau milieu de ce condensé de noirceur, où les contours d'une ombre gigantesque se découpaient à peine. Une tête jaune, couronnée de trois pics, sortit des ténèbres pour mieux inspecter ses "invités".
- Il est vraiment immense, souffla Gine, une main posée sur son cœur battant alors que sa taille lui rappelait immanquablement celle de sa propre forme simiesque et dévastatrice.
Outre ses proportions gargantuesques, le Grand Crabitou paraissait rudement âgé avec les tentacules qui pendaient de sa mâchoire inférieure, son absence totale de dentition, les quelques coquillages ayant fusionné avec sa carapace et les vieilles algues accrochées à ses aspérités. L'on ne voyait toujours pas son corps, que l'on devinait pourtant couvert de plaques solides et de pointes mal équilibré.
Ce monstre était-il lui aussi un être hybride ? Croisé avec un géant, en ce cas !
Sa voix grave et grinçante retentit alors dans le repaire :
- Qui ose me déranger pendant ma sieste ?
Le guide s'était gardé de toute réponse. Il laissait ce soin aux deux autres ; et notamment à celui, en particulier, qui les avait foutu dans ce royal pétrin.
- Cette caverne est mon sanctuaire, reprit le géant sur un même ton.
La plage qui l'entoure est mon territoire. J'y fais régner ma loi, que cela n'en déplaise aux intrus. D'ordinaire, mes sujets n'ont aucun mal à les en éloigner. Ou à en abuser. Mais vous... je vous sens différents des autres. Alors je me répète : qui pensez-vous être pour oser venir jusqu'ici et m'adresser la parole ?
Gine, qui n'avait pas encore moufté, lança un regard en coin à son compagnon.
Est-ce qu'il avait un plan ?
Elle l'ignorait. Même si, à ce stade, avec cette découverte énorme, elle commençait légèrement à en douter...
