The Multiversity

[Korë Grémorya]

L'étonnement du paladin était tout à fait légitime. La Wyvérienne pouvait utiliser son archet de différentes façons, ce en fonction du degré de magie qu'elle infusait dedans. La plupart du temps, et donc lorsqu'elle frottait les cordes de son violon avec, l'outil en réclamait très peu. En revanche, pour se convertir en lame aiguisée, l'archet avait besoin que l'on lui injecte une bonne dose de mana. Cela ne se voyait pas à l'œil nu ; l'objet n'émettait aucune lueur mystique. Pas même en découpant la carapace des scolopendromorphes !
Malgré quelques morsures qui n'avaient fait qu'esquinter son armure, Ashka s'en sortait bien jusqu'à ce qu'il décide de franchir la barrière magique qu'elle avait instaurée par le biais de ses cristaux soporifiques.

- ...!! Mais qu'est-ce que vous... ?

Trop tard : son compagnon d'armes était déjà en train de piquer du nez. Il dormait littéralement debout quand son canasson accourut pour lui venir en aide. En projetant ses sabots sur un nuisible, il l'eut envoyé volé parmi ses congénères les plus en retard. Par chance, cette procession n'était pas interminable mais... il y en avait tout de même un certain nombre, de ces choses à occire.
La bardesse prit une posture ramassée. Entre les doigts de sa main libre brillaient quatre longues aiguilles noires - des Epines de nuit qu'elle avait invoquées en un battement de cils.

- Jordy, l'appela-t-elle. A mon signal, tu te recules avec Ashka.

Puis elle se précipita sur le duo. Comme une flèche, au départ. Parce que ce "trait" là bondit sur le dos de Jordy pour mieux s'élever dans les airs ! Tout là-haut, hors de portée du chant des Eclats oniriques, Korë déploya élégamment ses projectiles acérés. Les quatre épines transpercèrent autant d'opposants qui avaient entrepris de ronger les chevilles du paladin.
La Wyvérienne retomba au milieu des cadavres empalés. Elle se redressa avec souplesse, son archet tranchant pointé vers les monstres.

- Tu peux y aller.

Soulagée de sa concentration mentale, les cristaux-somnifères s'éteignirent de conserve. Korë put alors faire montre de ses compétences de bretteuse. Légère comme une plume, elle bougeait vite, évitant de façon acrobatique les pattes et les mandibules qui menaçaient de s'accrocher à ses vêtements en claquant dans le vide. Le sang vert gicla tous azimuts sans toutefois souiller la tenue de celle dont l'art de la mort n'avait visiblement rien à envier à celui d'Ashka.
La souillure qui gagnait ces lieux sombres n'échappa pas aux sens de l'aventurière.

- Restez à distance. Vous ne toucherez pas à un cheveu du héros !

Elle leva une main grande ouverte vers le sol. Un savon liquide et magique, constellé de bulles, tomba à ses pieds pour se répandre à travers la cavité. Les scolopendromorphes furent alors contraint de nager dedans à contrecourant. Ils glissaient de façon maladroite, si bien que ni leurs griffes ni leurs pattes ne leur permettaient d'aller loin. Korë ne chercha pas à les imiter, les éliminant plutôt à distance à l'aide de ses robustes épines.
Ashka et Jordy étaient hors de danger.

[Ashka Velaryon]

- Ouaaaaah... Mais qu'est-ce qu'il s'est passé? J'ai l'impression que j'ai dormi pendant au moins cent ans...

- *Tiens. Voilà notre "grand sauveur" qui est enfin réveillé. Tu en as encore fait une belle, je te jure Ashka.*

Quand j'ouvre les yeux et que je m'étire en baillant, je vois d'abord comme une douce lumière qui semble comme briller dans le noir. A côté de ce qui ressemble à un feu, je vois qu'il y a mon Jordy tout doux qui me fixe. Puis quand je me frotte les yeux, je regarde ensuite en direction mon amie Mélodia qui semble être assise un peu plus loin. Il me faut que quelques instants pour me rappeler tout ce qu'il s'est passé. L'arrivée vers la grotte. Les horribles et toutes vilaines bestioles qui ont voulues nous attaquer pour nous manger. Notre combat. Jordy presque en détresse... Je bondis alors d'un seul coup pour me relever, tout en reprenant mon bouclier et mon épée qui étaient restés à côté de moi.

- En garde les scolo-machins-tout-pas-beaux! Vous ne ferez pas de mal à mes amis! Je vais tous vous trancher et... holala... Vite! Où... Mais où est-ce qu'ils sont passés?...

- *La bagarre est terminé depuis un petit moment. Regarde plutôt autour de toi au lieu de t'agiter pour rien. On s'est débrouillés à nous deux pour trouver du bois et allumer ce feu de camp dans cette caverne qui t'a servie à roupiller comme le dragonnet imprudent que tu es.*

C'est après être resté encore en garde, au cas où les vilaines bêbêtes encore cachées quelque part réapparaitraient pour nous attaquer, que je me souviens. Ma gentille amie m'avait sauvé d'une mort certaine, face à ces vilaines bestioles qui avaient faillit me découper en tranches. J'étais venu pour aller aider Jordy, quand je me suis sentis comme très fatigué. J'avais comme alors plongé dans le noir, avant de me réveiller maintenant. Et quand je comprend tout, tout, tout ce qu'il s'est vraiment passé, je ma douce et gentille sauveuse, avant de courir vers elle pour la prendre dans mes bras et lui faire un gros bisou.

- *Snif* Ho merci Mélodia. Tu m'as sauvé de ces horribles choses. Sans toi, je serai mort en train d'être dévoré et mangé tout cru. Et à la fin, mes restes finis en caca. *Snif*

Je l'enlace très fort Mélodia en pleurant encore, avant de lui faire un gros pouyou sur la joue. C'est que aujourd'hui, ça aura été vraiment une journée très éprouvante. Entre cette rencontre avec ces méchants chevaliers noirs et surtout cette fille qui a faillit me tuer et me transformer en steak de dragon tout brûlé. La morts de ses amis à elle qu'on a enterré où Mélodia a chanté quelque chose de trop beau. La rencontre de mamie morte qui est revenue pour me parler et me sauver, pour ensuite repartir d'où elle est venue. Puis les espèces de lucioles vertes bizarres mais qui n'étaient en vrai pas des lucioles et qui se sont mises à tourner autour de moi, avant de finir par disparaitre. Et enfin, les monstres tous pas beaux qui ont faillit me dévorer...

- Désolé Méli-mélodia. Je... *Snif* je ne voulais pas encore pleurer mais... c'est aussi à cause de tout ce qu'il s'est passé aujourd'hui... C'est... c'est vraiment beaucoup pour moi... *Snif*...

- *Et moi, je n'ai même pas le droit à recevoir tes câlins. Quel injustice... Bon je reconnais que la situation d'aujourd'hui a été des plus extrêmement éprouvante pour tout le monde...*

[Korë Grémorya]

Ashka avait fini par se réveiller. Le héros avait connu un sommeil paisible, en sécurité, tandis que sa monture et Korë s'étaient affairés aux alentours de la caverne, sans jamais trop s'en éloigner. Ils y avaient rassemblé du bois mort et des pierres pour le feu, ainsi que d'épais rondins sur lesquels s'asseoir. Car même si le seuil de la grotte avait été assaini par le savon magique, il est toujours plus agréable de s'installer sur un support élevé par rapport au sol.
Le héros en armure d'or, qui avait loupé un sacré pan d'épisode, bondit sur ses pieds pour faire face à un danger passé, devenu tout à fait illusoire.

- Détendez-vous. C'est fini. Vous n'avez plus rien à craindre.

Quelques carcasses de scolopendromorphes avaient servi de combustible avec le vieux bois. Le reste, Korë s'en était débarrassé dans un trou qu'elle avait soigneusement rebouché.
Ses grands yeux rouges fixaient Ashka avec autant d'amusement que d'indulgence.

- J'espère que vous avez eu le temps de bien récupérer ?

Aucun reproche. Sécuriser et aménager les lieux faisaient partie de la routine d'un aventurier. En plus d'être une barde itinérante, la Wyvérienne occupait cette fonction à ses heures perdues. Parfois pour l'argent, parfois pour gagner en inspiration. Elle était d'une grande polyvalence.
Ashka la surprit alors en lui fonçant dessus ! Il faut dire qu'elle avait instauré peu de distance entre la couche en feuilles tressées du dragonnet et son siège de fortune.
En effet, Korë avait aussi eu le temps de construire un petit lit douillet à son compagnon d'aventure.
Ses paroles enfantines la faisaient doucement sourire.

- Là, là... ne pleurez pas, Ashka. Je n'étais pas seule ; Jordy aussi vous a protégé pendant que vous dormiez.

Elle ne pouvait pas s'attribuer tout le mérite de ce sauvetage. D'autant plus que c'était son sort qui avait plongé le dragonnet dans une drôle de léthargie. Korë s'en voulait un peu - même si elle l'avait prévenu de ne pas franchir la limite dessinée par ses cristaux-somnifères.
Ses bras graciles s'étaient refermés sur son compagnon câlin. Ce qui n'empêcha pas cette douce canaille de lui déposer des bisous sur les joues.

- L'essentiel, c'est que vous soyez toujours là, en un seul morceau, à mes côtés...

Korë ne s'en était peut-être pas rendu compte mais il y avait un peu de magie dans sa voix. Cette énergie tranquille, apaisante et insidieuse qui, à l'inverse, avait le pouvoir d'attiser le désir charnel de son auditoire. Pour Ashka qui se trouvait tout proche d'elle, l'effet serait immédiat et sans appel.
Elle lui caressa affectueusement les cheveux avant de le relâcher.

- Vous devriez retirer votre armure.

Puis, avec un énième petit sourire maternel, elle ajouta :

- Je me demande comment vous avez fait pour roupiller dans pareille conserve.

C'était du cinéma ; Korë en connaissait très bien la réponse, étant donné que sa magie avait joué un rôle prépondérant dans cette histoire rocambolesque.
Ses yeux carmins glissèrent sur la couche improvisée.
Il n'y en avait qu'une seule.
Négligence de la part de notre bonne bardesse ?
Que nenni.
Comme pour faire passer une message, elle entreprit de se déshabiller sous le regard azuré du jeune guerrier.

- J'imagine que vous n'êtes pas près de vous rendormir de si tôt ?

Toujours cette voix délicatement envoûtante, douce et accueillante...
Très vite, la nymphe à la peau de perle avait laissé choir ses habits à même le sol de pierre.
Tandis qu'elle se redressait, Ashka pouvait la contempler dans sa parfaite nudité.
En se dirigeant vers la paillasse, la bardesse le dépassa avec une certaine sensualité. Son parfum résiduel lui caressant les narines.

- Venez donc séchez vos larmes à mes côtés~

Elle attendit avant de s'allonger. Qu'il se défeuille lui aussi, pour commencer. Dès lors, la bardesse lui tendrait la main en vue de partager, avec lui, une vigoureuse danse nocturne.