CHAPITRE III
LA CHUTE DE L’ELD
Je suis heureux de voir que vous êtes toujours là, Voyageur. Après m’avoir lu pendant si longtemps, il était à craindre que vous vous soyez lassé... Mais, ce faisant, vous auriez manqué la dernière partie de mon histoire. Tout ce que j’ai dit, Voyageur, était nécessaire pour en arriver là, au point culminant et fondateur de notre histoire : la Chute de l’Eld.
Car c’est bien cet évènement, Voyageur, qui façonna tout le reste, qui ouvrit la voie à la Convergence, et qui fait actuellement vibrer les Rayons. La Chute de l’Eld, Voyageur, c’est tout ce dont vous avez désormais besoin de savoir avant de passer à la suite.
PARTIE 1 – Présentation du Triumvirat
1°) Le royaume luxuriant et fédérateur de Lumen
Lumen était à l’origine un royaume elfique, l’un des plus gros qui soit. Un très beau royaume installé sur des terres fertiles, vivant de ses champs agricoles, de la pêche, et souvent en conflit avec des voisins au nord, les Nains des montagnes de Kovar. Après les conflits majeurs qui ravagèrent Terra et l’avènement de Gilead, Lumen passa sous contrôle humain. Arthur le Jeune envoya l’un de ses fidèles lieutenants pour exercer la royauté, ce que ce dernier fit en bonne intelligence, avec les elfes et les Kovariites. Les Nains de Kovar avaient en effet rejoint Lumen, et le Conseil luméen, pendant plusieurs siècles, gouverna le royaume.
Le Conseil luméen se devait représentatif de la population luméenne, et était présidé par un Roi. Le premier Roi de Lumen fut
Philippe Ivory, et, jusqu’à aujourd’hui, les Ivory ont toujours su rester la dynastie royale de Lumen. Le Conseil royal a également toujours existé.
Lumen est devenue en quelques années un royaume très apprécié, réputé dans tout Terra. Les différents Ivory qui ont dirigé Lumen sont très appréciés, et le royaume est aujourd’hui très grand. Il se dote d’une capitale,
Lumen, qui est une vaste cité portuaire, avec de multiples quais, et dispose de nombreuses ressources économiques, ce qui en fait une puissance économique considérable. La doctrine politique de Lumen repose sur le contrôle des mers.
En matière de géopolitique, si on adhère à la théorie de l’
Heartland, on peut dire que Lumen a toujours cherché à contrôler le cœur du monde par la mer, par les échanges maritimes. Le royaume de Lumen exerce avant tout son pouvoir par la
soft power : échanges économiques, rayonnement culturel... Lumen a su fédérer autour de lui une véritable alliance, une fédération de royaumes qui se sont rapprochés de Lumen, formant ensemble une alliance majeure.
Aujourd’hui encore, cette alliance tient debout, mais le royaume de Lumen n’est pas aussi idyllique que ce qu’on pourrait croire.
Outre l’affaiblissement progressif des Anges, la guerre contre Mijak a déstabilisé l’économie luméenne. Les énormes fonds investis dans le développement d’une ligne défensive contre Mijak ont eu de grosses conséquences, ainsi que l’afflux massifs de réfugiés dans la capitale. Aujourd’hui, Lumen étouffe sous cette masse de réfugiés, et sous le poids de plus en plus fort des grandes guildes marchandes qui contrôlent et gangrènent l’économie. Ces guildes concentrent entre leurs mains énormément de capitaux, ainsi que du terrain foncier, et de l’argent. Elles exercent un poids majeur sur le Conseil, à tel point que la population accuse régulièrement celui-ci d’être corrompu.
Parallèlement, le développement de l’esclavage et ses abus conduisent à des situations de tension dans le royaume luméen et ses alliés. Des rivalités raciales existent également entre les humains et les autres espèces, principalement les elfes et le snains. Difficile de dire qui est à l’origine de ce phénomène, mais il est bien palpable. Les elfes reprochent aux humains d’avoir volé leurs terres, de les avoir parqués dans des quartiers mal famés, de les déshonorer, tandis que les humains rétorquent que les elfes et les autres peuples n’admettent juste pas l’évolution des choses.
Ce contexte de tensions socioéconomique est très dangereux pour la pérennité du royaume.
Lumen, enfin, est sur le plan spirituel le cœur de la principale religion monothéiste de Terra, l’
Ordre Divin. Cette religion est très proche du christianisme, et est également très présente à Lumen, où elle a établi ses principales terres d’influence. Autant dire que le passé de Lumen a souvent été marqué par des confrontations entre le pouvoir royal et le pouvoir religieux.
2°) L’Empire de Mijak
Mijak fut fondée sur les ruines de l’
Arcadia, cette ancestrale superforteresse gilloise qui tint bon pendant des années contre les Démons pendant le Grand Conflit. Après le Grand Conflit, les démons qui avaient choisi de venir sur Terra aidèrent les humains à reconstruire l’Arcadia. Une nouvelle ville fut construite sur les ruines de l’ancienne, et c’est ainsi que la glorieuse
Mijak vit le jour !
Mijak est une très grande cité, très impériale, bâtie sur des terres aides, qui a rapidement dû s’étendre pour conserver sa puissance. Si les Démons furent mal vus au début, ils se montrèrent rapidement très efficaces, car Mijak était dans une région sinistrée, peuplée d’Orcs, de Barbares, de monstres... Les Démons et les humains s’allièrent pour pacifier les régions environnantes, et, dès le début, Mijak s’avéra être une
hard power, là où Lumen régnait sous la
soft power. Mijak développa rapidement une puissante armée, et l’Empire partit à l’assaut du reste du monde. Planté dans les terres terranes, Mijak était une puissance continentale, là où Lumen était une puissance océanique.
Avec le développement des siècles, Mijak grandit et prospéra. Sa capitale est très particulière, car elle dispose d’une série de ponts de surveillance jalonnant la ville, menant tous au
Palais Impérial, une solide forteresse plantée au cœur de la ville. Plus précisément, Mijak présente une forme sphérique, et est structurée autour de plusieurs grands boulevards qui partent des corps de garde de la ville jusqu’aux corps de garde intérieurs. Le périmètre extérieur est lourdement défendu, tout comme le périmètre inférieur.
Mijak a connu une histoire tumultueuse, mais le principal évènement qui heurta le développement du royaume fut une guerre civile. L’un des premiers démons de Mijak,
Ram Aballah, fut nommé Empereur de Mijak il y a quelques siècles. Surnommé « Le Roi Cramoisi », le Seigneur des Araignées avait établi ses terres à l’est de Mijak, près de Can-‘Ka No Rey, et avait bâti une solide forteresse,
Discordia. Mais l’Aballah était un dément, et, sous son règne, il plongea l’Empire dans le chaos. Il entreprit d’immenses excavations archéologiques qui ruinèrent l’Empire, régnant par la force et par la sauvagerie, pendant ses détracteurs avec leurs tripes, les égorgeant, et inonda Mijak de sang, surveillant la ville par ses sinistres araignées. La ville se remplissait des hurlements des victimes de l’Aballah, que le Roi Cramoisi dévorait vivant sur son trône, tout en continuant ses recherches archéologiques.
Une telle situation conduisit finalement à une situation de guerre civile, et aboutit à la destitution du Roi Cramoisi. Ce dernier se réfugia dans ses terres, qui devinrent les
Malterres de la Discorde, un endroit particulièrement dangereux.
Mijak, de son côté, continua à s’étendre, de plus en plus, tout en entrant en guerre avec Lumen.
3°) Le Royaume de Gilead
Après la mort d’Arthur L’Aîné, Arthur Le Jeune, son fils, s’efforça de reconstruire Terra, et de stabiliser le Triumvirat. Profitant de la popularité de son père, ce fut Le Jeune qui développa la religion monothéiste, s’appuyant sur celle-ci pour développer un culte autour de son père, faisant de lui un véritable héros mythologique... Rendant également de ce fait plus compliqué d’avoir un travail d’historien objectif sur les apports de l’Aîné.
Le Jeune était bien plus cartésien que son père, et s’agaçait des vieilles lunes tournant autour de la Tour Sombre, des mirages en résultant. Chaque année, il se rendait pourtant au Sanctuaire, en pèlerinage, mais en constatant que la Tour n’émettait plus rien. Elle était hermétiquement fermée, inaccessible, tant et si bien que, peu à peu, les Gillois oublièrent la Tour, en faisant, au cours des siècles, une antique légende.
On dut également au Jeune le développement des légendaires
pistoleros. Gilead, avec l’aide des nains, développa en un temps très avancé le secret de la poudre à canon, et parvint ainsi à doter ses chevaliers de
pistolets. Les pistoleros étaient les héritiers des Chevaliers d’Arthur, des guerriers valeureux et chevaleresques suivant un
mantra, un code d’honneur résumé en ces quelques lignes, formant la
Litanie du Pistolero :
Évidemment, la référence paternelle était particulièrement marquante pour Le Jeune.
On dut beaucoup à Gilead, qui construisit des routes, et assura le développement de l’Ordre Divin pendant des années. Arthur Le Jeune s’évertua de maintenir l’héritage de son père, et, surtout, le Triumvirat. Régulièrement, il organisa des
conclaves à Gilead, l’occasion pour les Gillois de réunir sous le même toit Mijakiens et Luméens, afin de discuter d’une politique commune. Terra n’était pas un monde sûr, car, régulièrement, il fallait affronter des monstres.
Le Triumvirat fonctionna bien au début, avant de progressivement s’estomper, au fur et à mesure que les royaumes prirent leur indépendance. Les Conclaves ne devinrent ensuite plus qu’épisodiques, et, peu à peu, Gilead, le premier royaume humain, commença à perdre de son influence. Ses pistoleros restaient craints et redoutés, mais trop peu nombreux pour pouvoir impressionner qui que ce soit.
Enfin, c’est Le Jeune qui consolida la
Salle-Cœur. Cette salle se trouve sous le Fort royal, et abrite une multitude de Portails permettant d’accéder aux Mondes-Cœurs. Car il incombait aussi aux pistoleros de stabiliser l’Arc-En-Ciel, de s’assurer que les Rayons soient séparés les uns des autres, et ne se chevauchent pas. La Salle-Cœur permettait ainsi aux pistoleros d’agir dans d’autres mondes, et d’assurer la séparation des Rayons.
Le temps est assassin, voyez-vous, et il a emporté avec lui les souvenirs vibrants des grandes guerres qui ravagèrent Terra, n’en faisant plus que des contes mythologiques.
Quand Le Jeune mourut, Can-Ka ‘No Rey n’était déjà plus une grande source de préoccupations pour les Gillois. Il fut remplacé par
Eldred Deschain, le premier des pistoleros, un homme âgé qui avait connu l’Aîné. Et, ainsi, les siècles, puis les millénaires, s’écoulèrent...
Jusqu’à la Chute.
PARTIE 2 – La Chute de l’Eld
1°) La guerre entre Lumen et Mijak
Impossible d’aborder l’évènement fondateur de notre présence ici – la Chute de l’Eld – sans aborder les évènements qui y conduisirent.
Le principal évènement qui conduisit à la Chute fut le lancement d’une guerre de grande envergure, opposant l’Empire de Mijak au royaume de Lumen. D’aucuns pourraient dire que cette guerre était inévitable, puisqu’elle opposait deux nations peuplées en partie d’Anges et de Démons... Mais, en réalité, ces origines n’eurent que peu à jouer dans le déclenchement du conflit. Principalement, la guerre avait pour raison l’affrontement entre deux nations hégémoniques fondamentalement opposées, et désireuses de contrôler le supercontinent central de Terra, cette zone que, les géopoliticiens appellent
Heartland. C’était avant tout une guerre idéologique, une guerre étatique pour le contrôle du monde, et pour assurer la prédominance et la survie d’un État par rapport à l’autre. Peu importe les autres motifs avancés, les raisons religieuses, morales... Le cœur du conflit est là. Deux superpuissances médiévales qui se faisaient face.
Quid du Triumvirat, dans tout cela ? En réalité, cela faisait déjà des siècles que le Triumvirat n’était plus qu’une vieille lune gilloise, une ancestrale alliance remontant à des temps anciens, et que plus personne ne respectait vraiment. Après des millénaires, qui se souvenait encore des Grands Anciens ? Qui croyait encore aux vieux démons prophétisés par certains ? La Tour elle-même n’était plus qu’une comptine gilloise, à laquelle plus grand-monde ne croyait. Le temps avait fait son œuvre, sans que cela ne puisse vraiment surprendre qui que ce soit.
Dans ces conditions, la guerre entre ces deux nations était inévitable. Mijak n’avait connu que la force pour s’imposer, et Lumen, sous ses dehors plus attrayants, fonctionnait après tout sous la même logique, celle d’un État désireux de se développer. Peu importe alors de connaître le fait qui déclencha le début de la guerre, d’autant que les historiens ne s’accordent pas. Selon qu’on tombe sur un historien mijakien ou luméen, vous aurez droit à une version différente. Finalement, seul compte le fait de savoir que ces deux nations étaient appelées à se heurter.
La guerre éclata il y a de cela plus d’un siècle, et s’avéra rapidement sans issue. Les Mijakiens disposaient d’une immense armée, mais les Luméens aussi, et, surtout, une grande distance séparait les deux nations. Cette distance amenait les Mijakiens à devoir faire de longues traversées, se heurtant régulièrement à des attaques de monstres, aux aléas du voyage... Mais leur puissance était réellement impressionnante, et contraignit les Luméens à devoir consolider leur défense. Le concept ancestral de l’Arcadia, celui d’une superforteresse servant à protéger une région, fut renouvelée par les Luméens, et élargie à toute une frontière. Des dépenses pharaoniques permirent l’adoption d’une ligne de défense meurtrière, fonctionnant par le biais de superforteresses reliées entre elles par un ensemble de camps militaires d’approvisionnement et de forts secondaires, permettant ainsi aux différentes garnisons de se protéger mutuellement en cas d’invasion mijakienne.
La situation semblait insoluble, car Mijak ne parvenait pas à percer les forts luméens, et Lumen n’avait pas les capacités d’envahir Mijak. Mais, plus le temps passait, et plus la guerre avait des conséquences sur le reste du monde. Elle ravageait les pays, appauvrissait les autres, et, sans soldats pour sécuriser les routes, les monstres commençaient à se multiplier dans les terres centrales de Terra.
C’est ce qui amena Gilead à tenter de mettre fin à cette guerre. Sous la férule du Roi
Steven Deschain, un ultime conclave fut organisé pour mettre fin à la guerre.
2°) Prélude au Conclave pour la paix
Steven Deschain était loin d’être le plus mauvais des monarques pour l’Eld. Roi de fer, partisan d’une politique rigoriste à l’époque des pistoleros, il prit ses fonctions après une période de décadence et de laisser-aller. Le choix du Conseil de nommer Steven Roi fut choisi en fonction de ses talents martiaux, du profond respect que les barons gillois lui vouaient, et de la volonté de Steven de faire de l’Eld un nouveau royaume central.
La guerre entre Mijak et les royaumes luméens avait en effet isolé l’Eld du pouvoir, faisant apparaître les pistoleros comme une caste dépassée, incapable de pouvoir faire quoi que ce soit. Steven Deschain fut l’homme de la situation. Sous sa direction, les pistoleros revinrent à leurs fondamentaux, à des entraînements exigeants, et Steven fut tout aussi sévère envers son propre fils,
Roland, qu’envers les autres. La seule faille de Steven Deschain, et qui lui serait fatale par la suite, fut sa femme,
Gabrielle Veriss Deschain, une femme que Steven ne sut jamais comment aimer, et qui reporta son amour meurtri pour le peuple de Gilead. Amatrice d’arts, grande diplomate, Gabrielle appartenait à la famille Veriss, une noble famille gilloise connue pour leur charité aux pauvres. Gabrielle se consacra ainsi à la protection des orphelinats, au mécénat, et resta très appréciée de son peuple.
Il est d’ailleurs acquis que ce fut elle qui suggéra à son époux d’organiser le Conclave pour la Paix... Ou encore le «
Grand Conclave », comme on l’appelait à l’époque. Mais l’idée avait germé depuis quelques temps dans l’esprit de Steven... Depuis qu’il avait eu vent de rumeurs.
Steven, contrairement à bien de ses prédécesseurs, avait su retrouver en lui ce qui avait fait la force de l’Aîné, ce mélange de cartésianisme et de spiritualité. Ainsi, Steven croyait dans les vieilles légendes eldoises, dans la puissance de la Tour, et dans les fables sur l’Ennemi. Il était secondé par son plus fidèle conseiller,
Marten Largecape, un magicien redoutable qui partageait sa position. Steven envoyait ses pistoleros enquêter à droite et à gauche, et nota ainsi, en consultant de multiples rapports, que, pendant que Mijakiens et Luméens se faisaient la guerre, les milices se multipliaient... Et qu’un homme était en train de sortir, un nom qui revenait régulièrement, et qui fédérait les milices, les clans, les bandes...
John Farson.
C’est pour enquêter sur Farson que Steven confia à Roland la mission difficile de se renseigner sur Farson et sur sa mystérieuse organisation, l’
Affiliation. Roland était alors le plus jeune pistolero connu, ayant brillamment réussi les épreuves avec l’aide de son corbeau, et était parti en mission avec la même fierté et le même sens du devoir que son père. Il partit d’ailleurs en mission sans guère saluer sa mère, ne s’appesantissant pas sur ce genre de choses, et se fâcha surtout avec elle, car Gabrielle le trouvait trop jeune pour porter une arme, et pour aller si loin des baronnies.
La quête de Roland permit de révéler bien des informations, et notamment que les Rayons avaient commencé à vibrer. Une chose impossible, car Gilead détenait soigneusement la
Clef-Monde dans la Salle-Cœur, cet artefact qui permettait de s’assurer que les Rayons ne convergent pas entre eux. Mais comment expliquer autrement les terribles machines de guerre que l’Affiliation était en train de fabriquer ? Le raffinement du pétrole dans certains lieux reculés ? L’exploitation de l’essence pour alimenter d’horribles robots tueurs ? Il devint très vite évident aux yeux de Roland et de sa bête que Farson n’était pas qu’un simple bandit, un mercenaire cherchant à profiter de la guerre pour se faire un nom, mais qu’il partageait de plus vastes ambitions.
Après cette première rencontre, Roland retrouva les traces de l’Affiliation à
Hambry, une ville des baronnies fournissant en chevaux l’Eld. Il voyageait en compagnie de plusieurs compagnons d’armes, des amis d’enfance, incluant
Cuthbert Allgood, et le ventripotent
Alain Johns. Johns, du fait de son surpoids, fut régulièrement l’objet de brimades et de moqueries, y compris du jeune Roland, mais Alain avait pour lui un pouvoir très particulier. Il était doté de capacités extrasensorielles, un don très rare chez les Gillois, faisant de lui, selon certaines dénominations ancestrales, un «
zoman ». Ceux-ci sont capables de communier avec la Nature, de disposer d’étranges pouvoirs magiques, et de pouvoir également lire l’avenir. Les Gillois disaient d’eux qu’ils avaient une marque spéciale leur permettant de se transcender, le
Shining.
Des sources plus contemporaines disent d’eux qu’ils sont des
Sources.
L’attitude de Roland envers Alain changea à tout jamais quand, plus jeune, ce fut lui qui lui expliqua comment entrer en symbiose avec son corbeau, afin de lui permettre de remporter l’épreuve finale des pistoleros, consistant à défier son tuteur dans un combat sanglant et violent.
Ensemble, les trois se rendirent à Hambry, et Roland y fit une découverte à laquelle il ne s’attendait pas : il rencontra la ravissante
Susan Delgado, promise à un mariage de force, et dont il tomba rapidement amoureux. Roland et les siens constatèrent rapidement qu’Hambry était corrompue, infestée par les hommes de Farson, et que le baron local était un corrompu aux ordres de Farson. Les preuves étaient toutefois difficiles à réunir, et Roland et ses amis enquêtèrent sur place, cherchant à réunir des informations.
Farson était un homme se faisant surnommer «
L’Homme-De-Bien ». Un homme revendiquant agir au nom d’une utopie idéaliste et souverainiste, éloignée des grandes puissances, et amassant en secret une grande puissance. À Hambry, Roland et ses amis apprirent que des évènements très importants se préparaient, et rencontrèrent une antique sorcière, qui assura à Roland que le temps lui était compté.
Finalement, tout partit du cœur d’une femme. Roland ne pouvait légalement s’opposer au mariage de Susan avec le baron, car les lois étaient ainsi faites. Mais, quand il entendit Susan hurler dans la chambre de noces, et que le baron s’apprêtait à la violer, il oublia les lois. Il laissa sans doute pour la première fois de sa vie parler son cœur, et abattit le baron. Le reste fut ensuite un déchaînement de violence entre les pistoleros et les hommes du baron. Les choses ne se passèrent pas aussi bien que Roland l’avait escompté, car, alors qu’il était en train de fuir, il rencontra l’homme qui allait à jamais jalonner sa route.
L’Homme en noir. Le Magicien.
Et, quand il attaqua, Roland s’effondra. Il se réveilla ensuite pour constater que Susan n’était plus là, et que l’Affiliation avait frappé. Les chevaux d’Hambry avaient été empoisonnés. La ville entière avait été massacrée. Le Magicien aurait sans aucun doute pu le tuer à ce moment-là, mais il préféra laisser sa victime souffrir. En remontant un sentier surplombant Hambry, Roland sentit pour la première fois son cœur se noircir au point qu’il en oublia tous les sermons de son père, lorsqu’il vit le cadavre calciné de Susan.
Las, le temps pressait. Cuthbert et Alain réussirent à convaincre Roland de retourner à Gilead, afin d’informer le Roi de ce qui se tramait... Car une guerre couvait. L’Affiliation était en train de réunir une immense armée pour marcher sur Gilead.
Roland et les siens retournèrent donc à Gilead, et, après avoir informés son père de ce qui se passait, Roland retourna voir sa mère. Épuisé, meurtri, Roland était en proie à des visions récurrentes depuis sa rencontre avec la sorcière de Hambry, où il voyait quelqu’un le narguer, un
Roi arachnéen nimbé de rouge, tandis que le Magicien continuait à le narguer. Mû d’un mauvais pressentiment, Roland se précipita vers la chambre de sa mère, où il eut une nouvelle vision. Convaincu que le Magicien était là, il fit feu, sans réaliser qu’il ne faisait que jouer le rôle que le Magicien lui avait donné... Et abattit sa mère.
Le jour où Roland perdit son âme...
Le meurtre de Gabrielle par son propre fils, bien qu’involontaire, eut de graves répercussions. Car le peuple appréciait Gabrielle. De plus, Marten Largecape était parti. Toutefois, les investigations dans la chambre de Gabrielle affaiblirent encore Steven Deschain, car les lettres d’amour confirmaient une liaison entre Marten, le fidèle conseiller du Roi, et sa femme. Tandis que Roland fut mis aux arrêts, Steven, constatant que les évènements se précipitaient, ordonna la réunion du Conclave, en honneur à sa femme, qui fut inhumée selon les rites gillois.
C’est ainsi que le Conclave eut lieu.
3°) Le génocide
Steven Deschain organisa le Conclave pour mettre fin à la guerre, mais aussi parce qu’il était intimement convaincu qu’il existait un adversaire très dangereux, une menace que les humains avaient oublié, un ennemi bien trop dangereux qui profitait de la guerre entre Mijak et Lumen. Steven avait l’intime conviction que Farson n’était que le pantin d’une force encore plus puissante, et que sa femme avait fini par découvrir la vérité. Les visions de Roland autour du Roi rouge et de la Tour amenèrent également Steven à rechercher dans les archives de Gilead, à la recherche d’informations sur ces antiques légendes.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Conclave fut donc organisé. De hautes personnalités y vinrent, car, même avec le déclin, Gilead n’était pas une force à ignorer. Citons ainsi le frère du Roi de Lumen, le Haut-Duc
Théodore Ivory, ou encore le Grand-Maréchal
Ashaard Krospell, un guerrier hautement réputé, qui était véritablement la main de l’Empereur. Des dignitaires elfiques et nains arrivèrent également, témoignant de l’importance historique de ce moment.
Le Conclave s’ouvrit par la cérémonie d’inhumation officielle de Gabrielle, puis Steven présenta ensuite ses premières preuves aux délégués. Des armes venus d’autres mondes, des lance-flammes, des fusils-mitrailleurs, des grenades, ainsi que des plans tactiques, des schémas évoquant d’immenses armures ressemblant aux golems des nains, mais en bien plus sophistiqués... Ainsi que des sortes de super-béliers crachant la poudre, des chars d’assaut blindés. Les révélations de Steven avaient de quoi impressionner, et laissaient entendre qu’il y avait, derrière tout cela, une sombre force à l’œuvre.
Ces éléments furent corroborés par la délégation elfique, qui amenèrent avec eux un elfe très âgé, qui indiqua qu’il avait jadis porté un autre nom...
Myriil ! Il était l’elfe qui avait accompagné Arthur Eld, l’elfe qui avait vu les Grands Anciens, l’elfe qui n’avait jamais cessé d’observer le Sanctuaire, et qui expliqua aux humains que leur guerre avait été amplifiée par un seul homme, celui-là même qui était devenu Empereur de Mijak... Le Roi Cramoisi ! S’appelant jadis Azathoth, puis Nahash, ou encore Satan, il était revenu sous une nouvelle forme, celle du Roi Rouge, Ram Aballah... Il s’était installé dans les Malterres de la Discorde, face à la Tour, dans l’espoir de réussir un jour à la briser. Myriil leur expliqua qu’il était la véritable menace, et qu’il était plus que temps d’agir.
Il y avait sans aucun doute de bonnes chances pour que le Conclave aboutisse à une solution idéale... Mais il était déjà trop tard. Bien trop tard. Le marricide de Roland avait précipité les plans de Farson, qui avait réussi à obtenir la complicité interne de Gillois, et, grâce aux plans de Gilead dérobés par Marten, put infiltrer parmi la garde locale quelques hommes. Parallèlement, l’Affiliation commença à attaquer les baronnies de Gilead, contraignant rapidement l’Eld à déployer son plan de contingence, en faisant allumer les feux d’alarme. Les Gillois désertèrent alors les campagnes, se regroupant massivement à Gilead, tandis que le programme du Conclave se retrouva bousculé par cette attaque. Les miroirs magiques se retrouvèrent perturbés par des sortilèges magiques, et quelques rares pigeons voyageurs parvinrent à passer, allant avertir les Luméens qu’une force d’invasion massive assiégeait l’Eld.
Farson et son armée remontèrent les baronnies, et, après quelques escarmouches, se retrouvèrent aux portes de la ville.
John Farson et ses séides face aux portes de Gilead
Gilead, fort heureusement, n’était pas facile à prendre. Le Jeune avait considérablement amélioré les défenses de la ville, en y installant d’immenses fosses piégées, ainsi que de très hauts remparts. Mais l’armée de Farson était impressionnante, digne d’une armée étatique. Hélas, ce n’était là que le premier des atouts de l’Homme-De-Bien. Les hommes de Farson se déployèrent, et la première vague commença. Il sacrifia ses plus faibles troupes sur les fosses piégées, s’amusant à éprouver les défenses de Gilead, et, à la nuit tombée, abattit sa première carte.
Depuis le donjon de commandement, Steven Deschain, se sermonnant sur lui-même, inspectait les cartes ancestrales de Gilead, recherchant les autres moyens de défense mis en place par ses aînés... Sans se douter à un seul instant que l’ennemi s’était déjà infiltré chez lui. Ils attaquèrent dans son bureau, et pourfendirent Steven à l’aide d’une lame empoisonnée. Si Steven sut tuer les malandrins, il succomba à ses blessures.
Dans sa prison, Roland, lui, revit alors le Magicien, venant le narguer, tandis que Farson déployait l’attaque finale. Ses agents infiltrés tuèrent le Roi, et ouvrirent un corps de garde, tout en se déployant dans les Fosses de Gilead, ces grandes salles où toute la population gilloise s’était réfugiée. Ils avaient emmené avec eux les terribles lance-flammes récupérés par Steven Deschain, ceux-là même qu’il avait brandi comme preuves... Et que les tueurs de Farson utilisèrent pour enflammer les Fosses.
Et, tandis que le peuple gillois hurlait dans les flammes et dans le renflement des bombes toxiques, en hauteur, les hordes de Farson déferlèrent par les portes ouvertes, ravageant la ville, massacrant, pillant, éviscérant, et tuant tout ce qui leur passait sous le nez. Et, tandis que Farson s’avançait vers les hauteurs de la ville, le Magicien, lui, s’enfonça dans les profondeurs, vers la Salle-Cœur.
Roland fut libéré par ses vieux amis, Cuthbert et Alain, et apprit la mort de son père, ainsi que le sac de Gilead. Il ordonna à tous les Gillois restants de se replier dans les Fosses, et descendit lui-même dans la Salle-Cœur, où il retrouva le Magicien. Celui-ci avait posé ses mains sur la Clef-Monde.
«
Qui es-tu, Marten ? lui demanda-t-il.
-
Personne, lui répondit-il d’une voix calme.
Absolument personne... Et, pourtant, je viens de détruire un royaume à l’instant. Que dis-tu de ça, Dernier-de-l’Eld ?
-
Que tu es responsable de tout ça. C’est à cause de toi que les Rayons ont commencé à converger.
-
Je n’ai jamais pu m’emparer aussi longtemps de la Clef-Monde que je le voulais... Une erreur que je compte rectifier.
-
Pour qui travailles-tu ? Farson n’est qu’un prête-noms. Et ce Roi rouge... »
Marten se contenta d’un léger sourire.
«
C’est l’histoire d’un monstre et d’un démon, Roland. Le monstre, vois-tu, est une immonde bête invincible qui dévore systématiquement tout individu passant près de sa gueule. Mais le monstre est idiot, l’intuites-tu, car il ne fait que dévorer, sans réfléchir à ce qu’il fait, ou à qui il mange. Mais les individus qu’il dévore sont guidés par le démon, sournois, mais moins fort que lui. »
Roland resta silencieux.
«
Alors, dis-moi... Qui dirige des deux ? Le monstre ou le démon ?
-
Tu as tué mon père, et tu m’as forcé à tuer ma mère. C’est fini, Marten. »
Le tir fusa, et la Clef-Monde explosa, se dispersant en de multiples morceaux. Les Miroirs-Mondes, ces portails renvoyant aux différents Mondes-Cœurs, vibrèrent alors, tandis que la Salle-Cœur se mit à trembler.
«
ROLAND !! »
Dans l’éboulement de la Salle-Cœur, Roland réussit à repartir, et retrouva Cuthbert et Alain, ainsi que les autres Gillois. Ensemble, ils partirent par les Fosses, et, interdits, contemplèrent le carnage.
Beaucoup de corps étaient encore en train de brûler, se calcinant sur place. Il n’y avait plus aucun survivant. Hommes, femmes, vieillards, enfants, nouveau-nés... La main de l’Affiliation s’était abattue sur Gilead, et avait écrasé le royaume. Les survivants s’enfuirent par des grottes souterraines, tandis que, dans la ville, Farson et les siens achevaient les survivants, y compris les dignitaires luméens et mijakiens.
Lorsque l’aube se leva, Gilead était devenu un mausolée, un immense cimetière. Le premier génocide de l’histoire de Terra y fut réalisée, et, tandis qu’Arthur et les survivants fuyaient dans la forêt, Marten les nargua une ultime fois. Se juchant au sommet de la plus haute tour de Gilead, il arracha le drapeau doré de l’Eld, et le remplaça provisoirement par celui de son Maître : le
Roi Cramoisi.
Et ainsi s’acheva la Chute de l’Eld
Le temps que les Luméens arrivent en renforts, les forces de l’Affiliation avaient disparu, laissant une marée de cadavres. Il n’y avait aucun prisonnier. Les corps des dignitaires luméens et elfiques pendaient aux murs.
Mais, outre cette mise en scène macabre, il y a un corps que les Luméens ne retrouvèrent pas : celui du Grand-Maréchal Krospell. Et, de la même manière, les forces de l’Affiliation avaient remplacé le drapeau du Roi Cramoisi par le drapeau impérial de Mijak.
Le Conclave se termina par la fin définitive du Triumvirat, et les hostilités entre Mijak et Lumen décuplèrent totalement. La guerre atteignit un point de non-retour, chacun des deux camps accusant l’autre d’être à l’origine de ce crime abominable, de la Chute de l’Eld.
Au plan multiversel, la destruction de la Clef-Monde, seul moyen pour Roland d’empêcher le Magicien de contrôler les Rayons, déstabilisa profondément l’équilibre structurel des Rayons, et amena ces derniers à converger, multipliant considérablement l’apparition des Failles et des Portails entre les Rayons et entre les mondes.
Mais ce récit n’est pas encore terminé.
Pas totalement.
Car, quand Roland et les siens se replièrent, Roland détenait encore avec lui un morceau de la Clef-Monde, et se dressa devant les Gillois survivants. Ceux-ci avaient deux solutions : soit se replier dans la nature, soit le suivre, et venger Gilead. Il leur assura que nul grief ne serait fait à ceux qui choisiraient de partir. Car il leur indiqua qu’Arthur Eld devait être honoré, que la guerre ne se terminerait que quand un seul Gillois ne serait plus debout. Mais, que ceux qui étaient trop tristes ou trop déprimés, trop esseulés par les pertes, pouvaient s’en aller. Il demanda alors à ceux voulant le suivre de lever la main.
Et tous la levèrent. Roland n’en espérait pas autant, mais, à la vérité, il n’en attendait pas moins.
Et le dernier acte put donc commencer.
4°) Les Fantômes de l’Eld, et la bataille de Jericho Hill[/size][/font]
Ce n’est pas à Terra que Roland et les siens, traqués par l’Affiliation, auraient pu faire quelque chose. Usant de leur morceau de la Clef-Monde, ils partirent sur un autre monde, et se retrouvèrent principalement sur le
Rustworld. C’est là qu’ils purent voir que la destruction de la Clef-Monde avait entraîné d’importantes conséquences sur d’autres mondes, comme l’expliqua Alain à Roland.
«
Tu ne peux t’en vouloir pour cela, Roland, le Magicien ne devait pas récupérer la Clef-Monde. »
Ils virent la marque du Roi s’étendre malgré tout à travers les Mondes-Cœurs. L’Affiliation elle-même n’était que le bras armé d’une plus vaste organisation, dépendant directement du Roi Cramoisi : la
Monarchie de la Rose. Triomphante, la Monarchie étendait son influence partout, et, sur le
Rustworld, disposait d’une influence de plus en plus grande. Peu à peu, les Fantômes de l’Eld agirent partout. Ils firent sauter des entrepôts d’armements du
Rustworld, des usines de Tekworld, ou encore des laboratoires à Megapolis.
Pendant quelques années, les Fantômes agirent, et peut-être crurent-ils même pouvoir renverser la vapeur, et pouvoir porter un coup fatal à la Monarchie... Mais ils ne firent finalement que prolonger leur supplice, car la Monarchie finit par retrouver la trace de leur campement, à
Jericho Hill. Et c’est ici, dans ces montagnes austères du
Rustworld, que l’acte final de l’Eld se joua.
Roland et les siens se retrouvèrent face à une horde interminable, qui les encerclait littéralement. Ils goûtèrent alors à ce vieux proverbe gillois, en vertu duquel une bataille de plusieurs milliers d’hommes pouvait disparaître dans les limbes de l’Histoire, alors qu’une bataille de cinq minutes pouvait entrer dans la légende... Si tant est qu’il y est encore des gens pour la raconter. Le Magicien en personne se tenait sur le devant, tandis que des cohortes entiers l’entouraient. Le campement de Roland, quant à lui, se trouvait dans une petite crique, sous un monolithe en forme de visage grimaçant.
Il n’y aurait pas de reddition, ni de prisonniers. La Monarchie venait pour en finir avec la lignée de l’Eld, car le fils d’Eldred Deschain, le tout-premier des Deschain, était aussi le fils de la sœur d’Arthur Le Jeune. Ensemble, les derniers des pistoleros se dressèrent face à la Horde, et le dernier ballet des coups de feu eut lieu.
Dominant la scène, le Magicien était à l’heure de son ultime triomphe
Les pistoleros n’avaient évidemment aucune chance, mais aucun n’aurait cherché à fuir. Ils étaient une vingtaine au début... Puis le premier tomba. Et le second chuta. Et les autres tombèrent petit à petit, sans qu’aucun de leurs tirs ne semblent n’atteindre le Magicien. Flottant au-dessus de ses troupes, il observait, attentif, jubilant peut-être, si tant est que ce concept puisse exister dans ce cœur noirci. Trouvant un angle de tir, l’odieux Grissom, bras droit monstrueux et cruel de Farson, tira sur Roland, visant son crâne... Mais ce dernier fut sauvé par Cuthbert, qui s’interposa, et en perdit un poumon.
De vingt, ils passèrent à dix. De dix, à cinq. De cinq, à trois. Puis à deux, quand le cristal noir du Magicien transperça le second poumon de Cuthbert, l’amenant à vomir son sang sur le cor de guerre de Gilead. Alain et Roland se tinrent ensemble, le corps d’Alain luisant comme jamais, puisant dans ce fascinant pouvoir magique, qui se mit brusquement à irradier, dardant les collines sanglantes d’une ultime lueur d’espoir, comme si un sortilège magique allait en jaillir. Les Dieux auraient pu répondre. Les Anges auraient pu descendre de leurs tours célestes où ils s’étaient trop longtemps recroquevillés sous la peur. Oui,
quelqu’un aurait pu venir.
Mais personne ne vint.
Et la lumière d’Alain, aussi vive puisse-t-elle être, s’éteignit quand les lances noires du Magicien le transpercèrent. De deux, ils ne furent plus qu’un, et, seul, Roland fit feu, encore et encore, ignorant la douleur, ignorant les balles qui traversèrent son corps, ignorant le sang qui coulait abondamment de ses plaies. Il fit feu, encore et encore, et, à chacun de ses tirs, il lui semblait en faire tomber dix, ou peut-être cent... Mais peut-être délirait-il juste, et peut-être bien qu’il ne tirait plus, car ses doigts avaient été arrachés par les balles, ou parce qu’il n’avait plus de munitions. Ou peut-être bien qu’il tirait encore.
La seule certitude fut qu’il tomba comme les autres.
Et, qu’au milieu des cadavres ensanglantés, le Magicien s’avança vers celui qui, pendant tant d’années, l’avait tenu en échec. Il se pencha vers lui, fit preuve de ce silence respectueux que tout un chacun avait en contemplant la défaite de son ultime ennemi... Puis sa nature profonde reprit le dessus, et il lui cracha au visage, avant de conclure :
« C’est fini, Roland. La lignée de l’Eld est brisée. Ton royaume n’est plus. Terra va désormais s’enfoncer dans le chaos le plus complet. »
Son regard se porta ensuite sur le cor, et il sourit brièvement.
« Tu vois, ce cor était destiné à appeler les Dieux. Les Olympiens avaient juré de répondre à l’appel, ou les Anges... Mais aucun n’est venu. Oh, cela a mis du temps, Roland, tu n’imagines pas à quel point. Mais c’est désormais terminé. Notre petite aventure touche à sa fin. Tous les Dieux et les Anges sont tombés, et les humains vont s’entredéchirer. Les Rayons vont converger et vont se détruire mutuellement, et la Tour s’ouvrira enfin. Il y aura beaucoup à reconstruire, crois-moi, mais sache bien ceci, Roland... »
Il soupira lentement, guettant le moindre signe sur son ennemi, le moindre réflexe qui aurait pu le convaincre qu’il l’écoutait encore... Mais ne vit rien.
« C’est moi le démon de l’histoire... Ça a toujours été moi. »
ÉPILOGUE
Ainsi est-ce la fin, Voyageur. Je te félicite si tu as réussi à tenir jusque-là, et te prie de m’excuser pour ces quelques ultimes longueurs. Réciter les derniers évènements de la Chute de l’Eld provoquent toujours en moi un profond sentiment d’injustice et une colère certaine.
Est-ce donc désormais la fin ? N’y-a-t-il plus rien à faire pour empêcher la Convergence des Rayons ? Je ne le crois pas, Voyageur. Je n’y croirai jamais.
Car ce n’est pas censé finir ainsi. En réalité, je ne peux accepter un tel dénouement. Je ne peux accepter que la Monarchie l’emporte, et qu’il n’y ait plus aucun espoir. Je ne peux accepter que les Dieux aient détourné le regard, que les Anges soient restés silencieux... Et je ne peux accepter que Roland soit mort. Non, je ne le peux.
C’est ici que tu interviens, Voyageur. C’est ici que tu dois devenir un Membre, que tu dois participer à cette aventure. Explore la Multiversité, et, ensemble, nous arriverons peut-être à répondre aux questions qui me taraudent encore. Qui est donc le Magicien ? Comment empêcher la Convergence ? Pourquoi les Dieux ont-ils abandonné les hommes ? Et, surtout, où se trouve Roland ? Le temps nous manque, Voyageur, car, plus le temps passe, et plus les vibrations s’accentuent sur les Rayons, au risque de provoquer leur effondrement.
Je pressens, vois-tu, que nous partons au-devant de formidables épopées. Alors, il ne tient qu’à toi d’y participer, de nous rejoindre... Et, qui sait ? Ensemble, nous arriverons peut-être à empêcher l’inéluctable de se produire. Cela doit bien valoir le coût, non ?