La capitale impériale est une cité circulaire située au centre d'un vaste désert !
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Une invitée inattendue [Ranni]

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Éléonore Elden
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« La situation politique actuelle ne nous permet malheureusement pas d’envisager en l’état d’envoyer des troupes vers Elden. »

Éléonore tâcha de retenir sa déception, le Conseiller Impérial Emhyr var Emreis, que certains considéraient comme étant le plus proche de l’Empereur, lui avait dit qu’il serait franc. Éléonore avait réussi à obtenir une discussion avec lui. Elle rongeait son frein, même si les raisons invoquées par Emhyr étaient tout à fait compréhensibles. Quand les Olympiens avaient perdu l’esprit en succombant aux Maux de Pandore, ils avaient envahi Terra. Si leur croisade folle avait été terminée, elle n’était pas sans conséquences. Affaibli, l’Empire de Mijak, sur lequel Éléonore comptait pour sauver son pays natal, était aux portes d’une guerre civile. L’Empereur de Mijak, Wismerhill, avait connu la mort sur l’Olympe, et était revenu à la vie. De ce fait, son ancien commandant militaire, Greldinard, le baron de Moork, estimait qu’il n’était plus l’Empereur, et s’était lui-même qualifié comme nouvel Empereur de Mijak. Il pouvait compter sur l’appui politique et militaire de l’ancien conseiller magique de l’Empereur, Haazhel Thorn, dont l’influence n’était pas à négliger.

« Je comprends cela, Conseiller, mais vous devez savoir que ce qui se passe à Elden affectera également votre pays.
- C’est déjà le cas, nous avons recensé plusieurs cas de malepeste dans des mines. Mais, de ce que nos agents nous ont dit concernant Elden, il faudrait déployer beaucoup d’hommes, et nous ne pouvons pas nous le permettre en ce moment. Cependant, vous n’êtes pas venue au Palais totalement pour rien. L’Académie impériale étudie la malepeste, je vous ai autorisé un accès complet à nos recherches.
- Comme je vous l’ai dit, ce dont j’ai besoin est…
- Le sang des héritiers d’Arthur Eld, je le sais. Seulement, la lignée des Eld s’est perdue dans le temps, donc nous n’avons pas ce genre de ressources en stock. Nous menons des recherches pour retrouver ses héritiers. Vous pourrez en savoir davantage à l’Académie. »

La Comtesse déchue d’Elden comprit que l’entrevue était terminée. Elle prit donc congé, et sortit du Palais Impérial, emportant avec elle le second original du décret impérial qui l’autorisait à accéder aux ressources de l’académie. Ce n’était pas grand-chose, mais c’était en réalité tout ce qu’elle avait espéré de cette entrevue. Elle ne s’était pas attendue à ce que l’Empire accepte de mener une guerre en se fiant seulement à sa bonne parole. Elle était officiellement une réfugiée politique ici. L’Empire lui accordait sa protection et un appartement. En d’autres circonstances, il était probable que l’Empire aurait envisagé plus sérieusement de mener une campagne sur Elden, mais, au vu des circonstances actuelles, Éléonore n’y croyait pas une seconde.

Avant de rejoindre l’académie, elle rentra chez elle. Elle disposait d’un appartement dans un élégant immeuble situé dans les quartiers luxueux de l’Empire. Des dignitaires et des diplomates y disposaient d’appartements dans des bâtiments imposants à l’architecture haussmannienne. Cela lui rappelait parfois Leyndell et ses magnifiques immeubles. Éléonore retourna chez elle en passant par un parvis. L’immeuble formait un grand quadrilatère avec un jardin en son centre. Une fois chez elle, au troisième étage, elle exa mina ses notes dans son bureau. Elle finit par se rapprocher de son palantír, une orbe magique qu’elle utilisait pour communiquer avec Ranni. Elle souhaitait l’informer de ses avancées. Ranni ne lui répondait pas toujours, mais Éléonore avait aussi envie de prendre des nouvelles d’Elden. La jeune femme posa donc l’orbe sur son bureau, et commença à penser à Ranni. L’orbe s’illumina alors. L’orbe qu’elle avait permettait de communiquer, mais aussi d’ouvrir un Portail… Et elle vit d’ailleurs un Portail se former.

*Oh ? Elle tient à me voir ?*

Éléonore se redressa, un peu surprise… Sans se douter que la Ranni qui allait venir n’était pas forcément celle à qui elle pensait…
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Ranni
Ranni
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Un frisson d’air glacial parcourut la pièce lorsque le portail s’ouvrit en silence, comme si l’espace lui-même avait retenu son souffle.

D’abord, rien ne traversa. Juste ce vide ondulant, étoilé, où s’échappaient des lueurs d’argent et de ténèbres. Puis, une silhouette apparut dans la brume astrale. Elle ne marchait pas, ne flottait pas vraiment non plus. Elle était. Une robe d’un bleu de nuit, semée de constellations mouvantes. Des mains fines aux doigts trop nombreux, croisés dans un geste presque rituel. Et ce chapeau immense, aux bords effilés, dissimulant un visage pâle comme la lune, nimbé d’une douce mélancolie.

La voix de la sorcière fendit le silence sans le troubler.

« Je crains, chère Éléonore… que je ne sois pas celle que tu attendais. »

La femme aux multiples mains releva légèrement le menton. Ses yeux, d’un bleu d’outre-ciel, se posèrent sur la comtesse avec une curiosité non feinte, presque amusée.

« Mais tu m’as appelée. Et les voix des astres ont ceci d’amusant : elles résonnent à travers bien des mondes, bien des soi. »

Elle avança d’un pas, effleurant le parquet de l’appartement impérial comme un souvenir qu’on peine à retenir. Chaque mouvement semblait danser avec une gravité étrangère, éthérée et souveraine.

« Voilà donc l’exilée d’Elden. La princesse sans royaume, traquant le sang des rois pour sauver une terre que d’autres ont souillée. Ton obstination est presque touchante… »

Un bref silence. Puis un sourire. Froid, mais pas cruel.

« Ou peut-être simplement familière. »

Elle se détourna, s’approchant d’une étagère sans vraiment la voir, l’air songeuse. Une main caressa les courbes d’un globe, un éclat lunaire jouant entre ses doigts.

« Les lignées se fanent. Les empires se fracturent. Les étoiles tombent et renaissent ailleurs. Cela, je le sais mieux que quiconque. Alors dis-moi… »

Elle pivota vers Éléonore, un éclat plus vif traversant ses prunelles stellaires.

« Qu’attendais-tu de moi ? Celle qui ne vient pas de ton monde. Celle qui ne connaît pas tes serments, ni tes douleurs, ni tes défaites. Pourquoi m’as-tu appelée, petite vampire d’un trône brisé ? Était-ce l’espoir ? L’habitude ? Ou cette chose plus dangereuse encore : le besoin ? »

Et sans lui laisser le temps de répondre, elle leva une main et ajouta, plus douce :

« Rassure-toi. Je ne suis pas ton ennemie. Je suis… une variante. Un écho de celle que tu connais, ou crois connaître. Mon trône n’est pas celui d’Elden, et mes ennemis ont bien des visages — mais je connais la maladie des mondes. Cette peste qui rampe, s’insinue, déforme jusqu’à la volonté des vivants. Elle ne vient pas seule. Elle suit des ordres, des destins imposés. Je les traque. Je les brise. »

Elle s’approcha alors, à portée de voix intime, et pour la première fois, son regard se fit grave.

« Dis-moi, Éléonore. Est-ce vraiment le sang des Eld qui te sauvera ? Ou n’est-ce là qu’un écho du vieux mensonge, celui des lignées sacrées, des élus, des rois-nés ? »

Un long silence, presque pesant, s’étira. Puis Ranni fit un geste de la main, et le portail derrière elle vacilla doucement, comme un cœur cosmique prêt à battre.

« J’irai voir, si tu veux. Ce qu’est devenu Elden. Ce qu’on en a fait. Peut-être y trouverai-je une cause. Ou une autre guerre. Peut-être même… un reflet de moi-même. »

Elle esquissa une dernière inclinaison de tête, aussi solennelle qu’un adieu — ou une promesse.

« Tu peux choisir de me suivre. Ou de m’observer. Mais souviens-toi de ceci : je ne suis pas là pour restaurer un trône. Je suis là pour offrir un choix. »

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Éléonore Elden
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Ranni arriva… Mais pas sa Ranni. Éléonore connaissait naturellement le Multivers, et sa Ranni lui avait déjà dit qu’il existait d’autres elle, des variantes, comme on les appelait. La Comtesse resta donc silencieuse. Une fois passée la surprise, elle vit que cette Ranni était aussi cryptique que la sienne, mais semblait visiblement en savoir beaucoup sur elle. Lisait-elle dans ses pensées ? Éléonore tiqua quand Ranni la qualifia de « petite vampire ». Elle lui indiqua qu’elle pouvait la ramener à Elden si Éléonore le souhaitait, mais qu’elle n’était pas là pour restaurer le trône d’Elden.

« Hum… Je vais finir par croire que parler de manière cryptique est un trait commun aux Ranni. »

Éléonore savait que sa Ranni était la fille de Radagon, ce qui établissait entre elles un lien de filiation. Elle était pour ainsi dire sa tante.

« Je sais ce qu’est Elden, Ranni. Y retourner équivaudrait à un suicide. Radagon sentirait ma présence. Tu as entendu parler de lui, non ? Il est ton père… Enfin, le père de ma Ranni. Il est le Prince-Ange d’Elden, le Roi déchu d’Elden. Lui et les autres ont succombé, et ont perdu la raison. Il convoite mon Anneau. »

La Comtesse ignorait ce que Ranni savait de son pays, alors elle fournit des explications complètes.

« Pendant des éons, mon royaume a prospéré grâce aux fruits de l’Arbre d’Or, un Arbre-Cœur… L’Eldtree. Ce que nous ignorions, c’est que les racines de l’arbre étaient contaminées… Par le sang de Magog, un dragon noir fossilisé dont la carcasse gît au centre de notre capitale, Leyndell. Magog… Est-ce que cela te parle, Ranni ? Gog et Magog, deux dragons noirs. Magog chercha à s’emparer de l’Eldtree lors de la Grande Guerre contre les Grands Anciens, et fut battu. Gog, quant à lui, aurait pris la forme d’un homme. »

Éléonore marcha un peu, et regarda par la fenêtre la ville de Mijak.

« J’ignore si le sang de l’Eld nous aidera, mais, si c’est un mensonge, il émane de tes belles lèvres, Ranni… Car c’est bien ma Ranni qui m’a dit de retrouver les héritiers de l’Aîné. Et je ne pense pas que ce soit un mensonge, les écrits sont formels. Malheureusement, la lignée principale des Eld s’est perdue, et les lignées secondaires… Les souverains du royaume de l’Eld, les Deschain, en faisaient partie, mais la lignée s’est éteinte avec la Chute de l’Eld. Suite à cela, Ranni m’a dit d’aller à Mijak, ce que j’ai fait. Mais je n’ai pas beaucoup de pistes, à vrai dire. »

Elle regarda à nouveau Ranni.

« Mais à toi de parler… J’ai demandé à Ranni de venir, oui, mais je ne t’ai pas forcé à venir. Es-tu venue ici pour te moquer de moi ? Tu me parles d’un choix, mais tu ne proposes rien. J’ai souhaité m’entretenir avec ma Ranni pour écouter ses conseils… Ou pour m’assurer qu’elle était toujours en vie, et que je n’étais pas toute seule. Mais c’est toi qui as répondu, alors, peut-être est-ce là la volonté de la Tortue. C’est ce que ma Ranni dirait, de croire en Maturin, et en la bénédiction de la Tortue. »
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Ranni
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Ranni demeura silencieuse un instant. Ses mains croisées devant elle, son regard perdu dans les reflets du verre de la fenêtre où s’étendait la ville étrangère de Mijak, palpitante, impersonnelle. Les mots d’Éléonore résonnaient encore dans l’éther de la pièce, avec cette sincérité acide propre à celles qui ont trop perdu pour se permettre le luxe du mensonge.

Puis, la sorcière se retourna lentement.

« Te moquer ? Non. Je me serais contentée de ne pas venir. »

Une infime lueur d’ironie dansait au bord de ses lèvres. Pas un sourire — quelque chose de plus ancien, de plus distant.

« Et quant à parler de manière cryptique… C’est ce que l’on fait, quand on voit trop de futurs possibles pour croire encore aux vérités simples. »

Elle s’avança, et son pas ne laissait toujours pas d’ombre.

« Mais j’entends ta douleur. Je la respecte. Et je n’ignore rien du nom de Radagon. »

Un souffle. Le nom portait un poids. Un père, un dieu, un architecte de malédictions.

« Mon père, oui. Le leur, parfois. Une forge de chair, de lumière et de mensonges. Il change de masque selon le monde. Mais jamais d’ambition. »

Elle s’arrêta devant la table où reposait l’orbe palantír, l’effleura du bout des doigts, comme si elle pouvait encore en extraire des échos.

« Les arbres-cœurs, les Eldtree, les dragons fossiles… Voilà des mythes familiers. Des poisons récurrents. Il y a toujours un Arbre. Toujours un Sang. Toujours un Serment qu’on regrette trop tard. »

Elle tourna enfin son visage vers Éléonore. Son regard était plus doux, cette fois. Moins distant.

« Mais toi… Toi, tu ne fuis pas. Tu cherches. Même sans certitudes. Même sans promesse de salut. Tu crois encore qu’il y a quelque chose à sauver. Et pour cela, tu mérites mieux que mes énigmes. »

Un instant, un vent invisible passa dans la pièce, soulevant le bord de sa robe comme une marée silencieuse.

« Je suis venue parce que ton appel a traversé les brumes. Parce que ma sœur — ta Ranni — ne pouvait te répondre. Parce qu’il fallait que quelqu’un vienne. Est-ce là la volonté de ta Tortue ? Peut-être. »

Elle esquissa un geste de la main, comme pour dessiner un cercle invisible.

« Je ne suis pas venue proposer un trône. Ni une armée. Je suis venue t’offrir une vérité. Une que peu veulent entendre. »

Elle s’approcha, cette fois à portée de voix plus basse, presque intime.

« Ce sang que tu recherches… celui de l’Aîné, des Eld, des Deschain. Il existe, quelque part. Peut-être même ici, à Mijak. Mais ce n’est pas sa pureté qui sauvera ton monde. C’est la volonté qu’il portera. Son refus de se plier. Son choix. »

Elle leva lentement les yeux, comme si elle regardait à travers les murs, les mondes, les racines mêmes du destin.

« Tu dis que retourner à Elden serait un suicide. Tu as sans doute raison. Mais tu n’as jamais quitté ce monde, Éléonore. Il vit encore en toi. Il te mord chaque nuit. Il te parle à travers les souvenirs, les rêves, les orbes. Tu n’es pas hors de ton royaume. Tu es son dernier battement. »

Elle se redressa légèrement, plus formelle. Sa voix redevint claire, sans pour autant perdre sa chaleur nouvelle.

« Alors voilà mon offre. Je t’aide à retrouver les traces de cette lignée disparue. Je t’ouvre des portes que tu ne peux pas franchir seule. Je fouille les lignes de la Toile. Mais à une condition. »

Son regard s’ancra dans celui d’Éléonore, inflexible, presque dur.

« Lorsque tu devras choisir entre restaurer ce qui fut… ou créer ce qui n’a jamais été… tu ne devras pas hésiter. Car les rois tombés veulent toujours renaître. Et ce n’est pas ton royaume qui réclame leur retour. C’est leur faim. »

Un silence. Puis, elle ajouta doucement :

« Tu n’es pas seule. Pas tant que la volonté t’habite. Pas tant que quelqu’un peut encore répondre à ton appel. »

Et sur ces mots, elle posa une main légère sur l’orbe, l’y laissant comme une promesse, puis fit volte-face vers le balcon. Le voile entre les mondes frémissait déjà.
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