Eddie se laissa porter par Félicia, ses pensées embrouillées par la douleur, le sang qui battait dans ses tempes et l'incertitude qui le rongeait. Il savait qu'il était en train de mourir. La chaleur de son corps semblait se dissiper à chaque seconde, chaque souffle lui coûtait plus cher que le précédent. Mais il n'était pas du genre à se laisser abattre, même face à l'imminence de la fin. Pas quand elle était là.
Félicia, toute en audacieuse, n’hésita pas une seconde avant de monter dans la voiture. Eddie, les yeux à moitié fermés, se laissa guider, appréciant, malgré tout, son sens du contrôle. Il ne comprenait pas comment elle faisait, mais il savait qu’il n’avait pas d’autre choix que de lui faire confiance. Quand elle parla de "se risquer dans la merde", il n'eut même pas la force de répondre par une moquerie. De toute façon, tout ça semblait absurde, mais Félicia n'avait pas tort. Si quelqu’un pouvait les sortir de ce merdier, c'était bien elle. Du moins, tant qu'ils avaient un peu de chance.
Au fil de la route, Eddie tenta de rester conscient, de lutter contre l'épuisement, contre la douleur qui lui tiraillait chaque fibre de son être. Le chaos de la ville défilait autour d'eux, mais il n'y prêtait plus vraiment attention. Ce qui le préoccupait, c'était l’absence du symbiote. Le lien entre eux semblait faiblir, comme si la créature se retirait, abandonnant son hôte à son sort. Il pouvait presque sentir l’absence de cette chaleur familière, cette sensation étrange de puissance qui l’accompagnait. Il savait que si le symbiote ne réagissait pas bientôt, il serait trop tard.
Puis, l'ambulance arriva comme une vision de la fatalité.
BAANG !
Le choc le propulsa dans un autre monde, ou du moins, il aurait aimé. La voiture se mit à tournoyer dans les airs, les airbags se déployèrent, et il sentit le corps de Félicia se faire écraser contre son propre fauteuil. Mais il ne pouvait même pas crier, trop faible, trop épuisé.
Les voix autour de lui étaient lointaines, déformées, mais les mots qu'il entendait percèrent son esprit comme une lame.
“On les embarque, et on les tue après...”.
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Eddie se battit pour garder les yeux ouverts, tout ce qu’il voyait devenait flou, puis il se retrouva face à une noirceur abyssale, un vide total.
Le souffle d’Eddie se coinça dans sa gorge lorsqu’il rouvrit les yeux. Le monde avait changé. Il n’était plus dans la voiture. Fini l’odeur du cuir, le ronronnement du moteur, la voix rassurante de Félicia. Il était allongé dans un lit médicalisé, sanglé, piqué, branché.
Des formes se dessinaient autour de lui. Un plafond luxueux. Des colonnes. Du marbre ? Une villa… Non, un manoir. Trop propre. Trop silencieux.
Puis la silhouette apparut.
Costume sur mesure. Cheveux longs. Regard de reptile.
Angelo Fortunato.
« Réveillé, le débris ? » lança-t-il, hilare.
« Ça m’aurait fait chier que tu crèves, si proche du but. »
Eddie voulut parler, mais sa gorge était sèche comme le désert. Il sentit une aiguille être retirée de son bras. Un médecin, stoïque, penché sur lui. Et derrière lui, des hommes armés.
Angelo approcha, jubilant comme un gosse devant son jouet préféré.
« On t’a réveillé, parce qu’on a capturé ton copain le symbiote… »
Un écran plat s’illumina devant Eddie. Une cuve. Un liquide noir, vibrant. Le symbiote. Prisonnier. Isolé. Mais… pas mort.
Eddie ne ressentait plus son contact, mais il savait. Il était là. Silencieux. Patient.
Angelo ricana :
« Putain, ça me fait tellement bander, ce truc. Je prends le symbiote, je deviens Venom, et je bute tout ce qui bouge. Fisk, Spider-Man, et même toi. »
Il s’approcha du lit, tout près.
« Je veux que tu regardes. Je veux que tu voies à quoi ressemble ta fin. »
Eddie fixa la cuve. Il ne dit rien.
Un technicien, nerveux, était entrain sur son clavier. Des chiffres rouges s’affichaient. Il fronça les sourcils.
« Les constantes… elles fluctuent. »
Angelo, penché contre la vitre du laboratoire, mâchonnait un chewing-gum avec nonchalance. Il ricana.
« T’inquiète. C’est normal. Il doit sentir que son ancien copain est réveillé. Hein, Eddie ? »
Eddie, toujours sanglé dans son fauteuil, leva à peine les yeux. Mais il le savait. Il le sentait. Une vibration sourde dans l’air. Un appel.
"Tu n’es pas seul."
Un autre technicien paniqua. Il recula de son bureau.
« Monsieur… Les sécurités cèdent. Il manipule l’interface biologique de la cuve. De l’intérieur. C’est impossible. »
CLAC.
Une fissure apparut. Invisible d’abord. Puis un mince filet noir coula le long de la paroi.
Angelo s’avança, ricanant.
« Hé ! T’es pas censé pouvoir sortir, saleté ! Tu m’as entendu ? Tu m’appartiens maintenant ! »
Le symbiote répondit par un hurlement mental. Pas un son… mais une onde. Viscérale. Sauvage.
La cuve explosa.
Une gerbe de verre et de liquide visqueux éclata dans toute la pièce. Le technicien le plus proche hurla à la mort, alors que le symbiote bondissait sur lui. Il fut avalé en une fraction de seconde, son corps entièrement englouti.
Le liquide noir se mua en serpent vivant. Une créature sans forme, glissant sur le sol, escaladant les murs, cognant contre les vitres. Les gardes tirèrent. Les balles passèrent à travers. Inutiles.
« MERDE ! ABATTEZ-LE !! »
C’était trop tard, le symbiote s’élança sur Eddie. Venom s’enroula autour de lui, comme un serpent vorace, ses tentacules de nuit se collant à sa peau. Le venin s’insinua sous sa chair, effaçant instantanément la douleur, apaisant ses blessures. Ses liens cédèrent. Le fauteuil fut projeté contre un mur. L’instant d’après, la masse noire avait englouti le corps d’Eddie comme un amant retrouvé.
« TIREZ BORDEL !!! »
Angelo et ses hommes vidérent leur chargeur sur Eddie, ou plutôt, ce qu’il en restait. Les balles fusérenet par centaines, et un épais nuage de fumée recouvrit la piéce. On ne voyait plus le corps d’Eddie.
« C’est bon, il est mort ?! »
Les gardes n’eurent pas le temps de réagir.
Une forme noire jaillit de l’ombre, projetée à toute vitesse comme un boulet de canon vivant. Elle percuta le premier soldat avec une violence inouïe, le soulevant du sol avant de le fracasser contre le plafond. Son corps retomba comme une poupée désarticulée. Le deuxième n’eut même pas le temps de hurler : une tentacule jaillit du corps de Venom, transperçant son gilet pare-balles comme du papier. Son arme tomba au sol dans un clac ridicule.
Le monstre noir se redressa alors, imposant, colossal, des crocs dégoulinants de bave acide, des griffes comme des lames, le torse gonflé par une rage insondable. Ses yeux blancs brillaient comme deux lunes déformées, figés sur leur proie principale.
Angelo.
« On n’est pas content. » grogna Venom, sa voix profonde résonnant comme un écho caverneux.
« Tu as essayé de nous enfermer… de nous séparer… »
Il avança d’un pas, lourd, implacable. Chaque pas faisait trembler les dalles du laboratoire. Angelo recula, arme en main, mais la peur le paralysait.
« Reculez ! Tirez-lui dessus ! TIREZ-LUI DESSUS !! » hurla-t-il.
Une pluie de balles s’abattit sur Venom. Les impacts ricochèrent contre sa peau comme des gouttes de pluie sur une cuirasse vivante. Il se contenta de pencher légèrement la tête, puis bondit en avant.
Ce fut une boucherie.
Venom traversa la salle comme un fauve enragé, brisant des côtes, des nuques, des crânes. Les tentacules s’enroulaient autour des armes, les arrachant des mains avant de les broyer. L’une des scientifiques tenta de fuir. Une langue noire la happa à la cheville et la fit tomber, avant qu’une griffe ne la projette contre un mur. Un autre garde fut broyé contre une armoire en métal, dont la porte se referma violemment sur son crâne.
Dans un nuage de fumée, de sang et d’éclats de verre, Venom s’approcha lentement d’Angelo, qui rampait désormais à reculons.
« Pitié… attends… on peut négocier… »
« On n’est plus à vendre. » cracha la voix d’Eddie, mêlée à celle du symbiote.
Il saisit Angelo d’une main massive et le souleva, le visage à quelques centimètres des crocs béants de la créature.
« Mais toi… tu vas payer. »
Et il hurla.
Un rugissement infernal, primal, qui fit trembler les murs du laboratoire. Les lampes éclatèrent. L’air devint suffocant, saturé de rage et d’acide. Puis, dans un fracas d’ombre et de chair, Venom ouvrit grand la mâchoire.
« WE ARE VENOM »
*CRRRRUUUUUUUSSSSHHHHHHHHHHHHH !*
Un rugissement bestial secoua le manoir alors que la tete d’angelo roula sur le sol.
VENOM était de retour.