A moitié écartée de celui à qui elle devait obéissance, Shabel Sealgïr cligna des yeux.
- Non ?
Il ne pouvait pas lui faire ça, qu'il disait. L'attente d'un nouvel ordre généra comme un trouble dans l'esprit de la séduisante jeune femme. Elle le regardait sans trop comprendre où il voulait en venir.
S'il ne pouvait pas lui faire ça, que pouvait-elle lui faire entre-temps ?
L'homme à qui elle avait été sur le point de donner son corps baissa les yeux dessus. Il vit alors ce qui l'avait transformée. Ce qui l'avait fait changer d'état d'esprit de façon aussi chaude que fulgurante. Oui : Benjamin avait vue sur l'inmon que l'affligée, dans son état de soumise, ne percevait absolument pas comme une gêne.
- Comment ça "qui" ?
Nouveau moment d'incompréhension alors que le regard de son centre d'attention analysait ce qui se tramait du côté des drows.
Il ne sait pas ce qu'il veut mais toi, oui. Alors qu'attends-tu pour le mettre sur la bonne voie ? Tu ne dois pas le laisser s'échapper.
Cédant à cette poussée mentale, Shabel glissa une de ses mains tout contre le renflement de son pantalon. Elle captait sa chaleur malgré le vêtement. Feu qui, d'une certaine manière, la rassurait.
- Votre pantalon ne me facilite pas les choses non plus, répondit-elle avec un sourire gourmand tout en se pressant contre lui.
C'est alors qu'un des nains excité revint à la charge, exprimant son mécontentement quant à la passivité du "long-sur-pattes".
Pour désamorcer ce conflit qui menaçait d'en arriver aux mains, l'ex-mercenaire referma ses doigts sur son paquet enfermé. Son épaisseur tout contre la paume de sa main ne fit qu'accentuer son désir, dont celui de répondre au premier ordre qu'il lui avait été donné d'exécuter en tant que "putain guerrière".
Ordre que le bel homme barbu répéta en continuant de se prendre le bec avec son concurrent.
- Je ne vous appartiens pas, lâcha Shabel en repoussant la grosse main du troglodyte. C'est à lui que je me consacre, alors je vous demanderai d-... Hey ?!
Comme il tirait sur sa laisse, la Vierge de Bronze fut contrainte de le suivre. Son donneur d'ordres s'était dirigé vers un Vortek qui ne se souciait presque plus d'eux. Le Nécromancien ayant, pour cause, rivé une bonne partie de son attention sur Odogara sur le dos de laquelle déjà les nains festoyaient. La Sauvageonne, les traits de son visage contractés dans l'effort, prodiguait une gorge profonde à son premier partenaire qui avait refermé ses grosses paluches de chaque côté de sa tête tandis que le second tamponnait son derrière à grand renfort de coups de reins. En plus de se rincer l'œil, le vicieux drow veillait à ce qu'elle n'entame pas une transformation malvenue en lycanthrope écorchée.
La réclamation de l'humain lui arracha un bien modeste haussement de sourcil.
- Plaît-il ?
Avec un brin de condescendance, il regarda Shabel, à nouveau celui qui tenait sa laisse, puis encore la Vierge de Bronze hagarde et enfin la magie qui battait au niveau de son aine.
- Oh ! Je vois...
Avec un rictus pour le moins détestable, Vortek se tourna vers Véfa.
- Notre... "ami" s'est vraisemblablement gourré de destinataire, très chère. Je l'aurais bien volontiers laissé se leurrer plus longtemps sur la cruelle minceur de ses charmes masculins, mais je préfère remettre son destin puéril entre tes mains sages.
- Quelle remarquable bonté d'âme ! Tu ne cesses me faire honneur, Vortek. (Ses yeux carmins revinrent se poser sur le visage contrarié de l'humain.) Me mettre en relation avec un garçon aussi vigoureux que celui-ci ? Tu devrais songer à te reconvertir en tant qu'entremetteur~
- Vous me le dites si jamais je vous gêne, grommela Shabel, que les mots de la Ritualiste rendaient jalouse.
A dessein ?
Véfa émit une sorte de gloussement charmeur.
- Tu n'y es pas du tout, ma belle, soupira-t-elle en se pourléchant les lèvres.
Ni une ni deux, la demi-drow se débarrassa de son manteau. Ce dernier, comme enchanté et animé d'une volonté propre, s'envola de ses épaules. Le reste de ses vêtements suivit le pas alors que la beauté à la peau grise se rapprochait du couple. Sa démarche était celle d'une aguicheuse - et pas des moindres. Parmi toutes les femmes de l'équipage, Véfa était la seule qui choisissait ses coïts.
Elle leva les mains, ses doigts d'ensorceleuse venant caresser les joues opposées des deux mercenaires.
- Je m'attendais à vous voir réagir ainsi, tous les deux, leur glissa-t-elle suavement à l'oreille. Un pas à franchir pour réveiller ce qui doit l'être, ici même. Quant au suivant...
Sans qu'il ne puisse l'en empêcher, la Ritualiste prit la main droite de Benjamin et l'appliqua sur le bas ventre de la Vierge de Bronze. Celle-ci accusa une décharge de plaisir qui manqua la déséquilibrer. Un bref frémissement ayant pour conséquence de relancer la machine : Shabel s'activa de plus belle, enroulant ses bras autour du cou de Benjamin pour lui dévorer la bouche.
- Il ne se fera point sous le coup de la raison. Plutôt sur une brûlante impulsion, dictée par le magnétisme entre deux corps débordant de vitalité, termina la Sensorielle.
Alors qu'ils s'embrassaient avec ardeur, Véfa ne resta pas inactive. Elle s'était glissée dans le dos de Benjamin pour mieux se presser contre lui, de sorte à pouvoir jeter son dévolu au niveau de son cou. Zone sensible sur laquelle elle déposa de mystifiants baisers avant d'y déposer ses dents pointues. La drow mordilla son cuir tendre mais sans jamais le faire saigner. Ses "morsures" n'ayant que pour but d'éveiller un désir irrépressible cher son sujet humain.
Au final, ce ne fut pas une paire de mains mais bien deux qui s'affairèrent sur la ceinture de Benjamin.
Quel était le projet de la Ritualiste ? Pourquoi réagissait-elle ainsi, au point de se découvrir entièrement sous le regard envieux des nains ?
Et que voyait-elle du côté de son capitaine ?
Devenue muette, Nérénie réfléchissait. Dans son esprit, la Voix de l'Or bataillait contre celle de l'Orc Noir. La Lumière comprenait sa faiblesse ; la noble déchue y avait succombé beaucoup trop longtemps. Le Brise-Monts en avait bien profité, mais il n'était jamais rassasié. D'où son besoin de s'entourer d'une bonne poignée d'esclaves - souvent les plus endurantes. Ensemble, la Poupée d'Or et son puissant maître avaient donné du leur. Un départ compliqué pour la première, en cours de rodage à cette douloureuse époque. La magnifique blonde était bien incapable de se mentir à elle-même : malgré sa condition d'esclave, tout dans cette expérience qu'elle avait accumulée n'était pas bon à jeter.
Il n'a pourtant jamais été question d'amour véritable.
Souillée comme elle était, la noble déchue ne croyait plus en cette absurdité. Dans son ancien milieu de vie aussi, ce sentiment n'était qu'une illusion. Des mariages arrangés entre héritiers de grandes maisons. Des promesses insipides dont l'objectif n'est autre que de devenir toujours plus riche et plus puissant.
Concevoir un enfant avec lui ne fera jamais voler mes chaînes en éclats.
En revanche, elle en porterait de nouvelles sur les épaules - plus lourdes encore que son bracelet-traceur.
- La surface n'a que faire de nos noms.
Eviscéran eut un mouvement d'humeur.
- Que me dis-tu là ?
Il avait très bien entendu. Aussi Nérénie, le menton relevé, continua sur sa lancée :
- Au cours de son histoire, Terra a connu plus d'un conquérant. Aucun d'entre-eux n'est jamais parvenu à la faire sienne. Vous ne ferez pas exception à la règle, Brise-Monts. Vous n'êtes rien de plus qu'une goutte de ténèbres dans un océan où elles n'ont de cesse de se diluer.
- Tu oses remettre ma parole en doute ?!
Sa posture agressive incita les gardiens de pierre et d'or à se rapprocher. De façon alarmante, les petits yeux porcins du capitaine passèrent de l'un à l'autre. Il était sur le point de les intercepter tous les deux quand leur maîtresse, d'un mouvement de main apaisant, les invita à se détendre. Sa voix claire retentit à nouveau :
- Non, puisque vous êtes un homme d'honneur qui ne se détourne jamais de son objectif. Votre parole, je la sais et la sens authentique. L'ennui, c'est qu'elle a beaucoup trop tardé...
- Tardé ? répéta le capitaine, incrédule.
- L'Or m'a touchée, continua Nérénie. Par sa Voix, il a fait de ma personne sa plus pure représentante. J'incarne désormais son vecteur, et sa puissance lumineuse coule en moi.
Sur ces mots, la Messagère s'éleva lentement du sol. Une énergie dorée la soulevait de terre avec toute l'élégance d'un ange. Cette même magie qui se mit à l'envelopper, à grignoter la moindre parcelle de sa peau blanche pour la transformer en or scintillant ! Nérénie Anthelme, en tant qu'Emissaire de l'Or consentant, brillait autrement plus fort que le peuple nain qu'elle avait investi de son propre pouvoir. Les troglodytes les plus proches en furent éblouis, si bien que même ceux qui besognaient les esclaves du Barbarium durent interrompre leur transpirant plaisir.
- L'avènement du Faiseur d'Or n'a jamais été aussi proche que maintenant, déclara-t-elle d'une voix double, transformée, tandis que même le blanc de ses yeux avait commencé à s'illuminer. Vous n'êtes pas l'Elu, capitaine. Et je suis au regret de vous annoncer que jamais vous ne pourrez le devenir.
Elle ne croyait pas si bien dire. Parce que là où il y a la lumière, l'ombre ne se trouve jamais loin. Cette ombre, qui n'appartenait pas à ce plan, s'était mise à chuchoter à l'oreille de son élu. Elle avait eu le temps de gagner en puissance pendant que les nains d'or et les esclaves du Brise-Monts s'adonnaient dans le stupre à cette glorieuse cérémonie. Sauf qu'ils ne fêtaient point une victoire, ni même un avènement ; il était plutpot question d'un double couronnement. Car au cœur de ce sanctuaire secret, deux forces contraires se gargarisaient de leurs ébats. L'Or s'était amouraché à Nérénie là où l'Obsidienne, plus discrète mais malsaine, se frayait un chemin dans le cœur blessé du tyran noir. Une énergie lugubre irradiait de sa personne, modifiant peu à peu son enveloppe charnelle rongée par la rancœur, la jalousie et la possessivité.
- Ce titre, articula Eviscéran, sa gueule vomissant entre ses crocs proéminents une inquiétante vapeur rouge, n'est que peu de chose à côté de la colère qu'il m'inspire !
De son dos hypertrophié émergea un anneau enflammé. S'écartant sur la façade d'un crâne squelettique aux orbites rougeoyants, la peau de son visage fondit sur un hurlement à en faire trembler le sol ! Son bras droit musculeux, lui, fut avalé par une pelletée d'autres membres moins épais, mais émergeants et colonisateurs, tous habités par une puissance impie.
La victoire, sans prévenir, semblait avoir tourné au cauchemar.

- Non ?
Il ne pouvait pas lui faire ça, qu'il disait. L'attente d'un nouvel ordre généra comme un trouble dans l'esprit de la séduisante jeune femme. Elle le regardait sans trop comprendre où il voulait en venir.
S'il ne pouvait pas lui faire ça, que pouvait-elle lui faire entre-temps ?
L'homme à qui elle avait été sur le point de donner son corps baissa les yeux dessus. Il vit alors ce qui l'avait transformée. Ce qui l'avait fait changer d'état d'esprit de façon aussi chaude que fulgurante. Oui : Benjamin avait vue sur l'inmon que l'affligée, dans son état de soumise, ne percevait absolument pas comme une gêne.
- Comment ça "qui" ?
Nouveau moment d'incompréhension alors que le regard de son centre d'attention analysait ce qui se tramait du côté des drows.
Il ne sait pas ce qu'il veut mais toi, oui. Alors qu'attends-tu pour le mettre sur la bonne voie ? Tu ne dois pas le laisser s'échapper.
Cédant à cette poussée mentale, Shabel glissa une de ses mains tout contre le renflement de son pantalon. Elle captait sa chaleur malgré le vêtement. Feu qui, d'une certaine manière, la rassurait.
- Votre pantalon ne me facilite pas les choses non plus, répondit-elle avec un sourire gourmand tout en se pressant contre lui.
C'est alors qu'un des nains excité revint à la charge, exprimant son mécontentement quant à la passivité du "long-sur-pattes".
Pour désamorcer ce conflit qui menaçait d'en arriver aux mains, l'ex-mercenaire referma ses doigts sur son paquet enfermé. Son épaisseur tout contre la paume de sa main ne fit qu'accentuer son désir, dont celui de répondre au premier ordre qu'il lui avait été donné d'exécuter en tant que "putain guerrière".
Ordre que le bel homme barbu répéta en continuant de se prendre le bec avec son concurrent.
- Je ne vous appartiens pas, lâcha Shabel en repoussant la grosse main du troglodyte. C'est à lui que je me consacre, alors je vous demanderai d-... Hey ?!
Comme il tirait sur sa laisse, la Vierge de Bronze fut contrainte de le suivre. Son donneur d'ordres s'était dirigé vers un Vortek qui ne se souciait presque plus d'eux. Le Nécromancien ayant, pour cause, rivé une bonne partie de son attention sur Odogara sur le dos de laquelle déjà les nains festoyaient. La Sauvageonne, les traits de son visage contractés dans l'effort, prodiguait une gorge profonde à son premier partenaire qui avait refermé ses grosses paluches de chaque côté de sa tête tandis que le second tamponnait son derrière à grand renfort de coups de reins. En plus de se rincer l'œil, le vicieux drow veillait à ce qu'elle n'entame pas une transformation malvenue en lycanthrope écorchée.
La réclamation de l'humain lui arracha un bien modeste haussement de sourcil.
- Plaît-il ?
Avec un brin de condescendance, il regarda Shabel, à nouveau celui qui tenait sa laisse, puis encore la Vierge de Bronze hagarde et enfin la magie qui battait au niveau de son aine.
- Oh ! Je vois...
Avec un rictus pour le moins détestable, Vortek se tourna vers Véfa.
- Notre... "ami" s'est vraisemblablement gourré de destinataire, très chère. Je l'aurais bien volontiers laissé se leurrer plus longtemps sur la cruelle minceur de ses charmes masculins, mais je préfère remettre son destin puéril entre tes mains sages.
- Quelle remarquable bonté d'âme ! Tu ne cesses me faire honneur, Vortek. (Ses yeux carmins revinrent se poser sur le visage contrarié de l'humain.) Me mettre en relation avec un garçon aussi vigoureux que celui-ci ? Tu devrais songer à te reconvertir en tant qu'entremetteur~
- Vous me le dites si jamais je vous gêne, grommela Shabel, que les mots de la Ritualiste rendaient jalouse.
A dessein ?
Véfa émit une sorte de gloussement charmeur.
- Tu n'y es pas du tout, ma belle, soupira-t-elle en se pourléchant les lèvres.
Ni une ni deux, la demi-drow se débarrassa de son manteau. Ce dernier, comme enchanté et animé d'une volonté propre, s'envola de ses épaules. Le reste de ses vêtements suivit le pas alors que la beauté à la peau grise se rapprochait du couple. Sa démarche était celle d'une aguicheuse - et pas des moindres. Parmi toutes les femmes de l'équipage, Véfa était la seule qui choisissait ses coïts.
Elle leva les mains, ses doigts d'ensorceleuse venant caresser les joues opposées des deux mercenaires.
- Je m'attendais à vous voir réagir ainsi, tous les deux, leur glissa-t-elle suavement à l'oreille. Un pas à franchir pour réveiller ce qui doit l'être, ici même. Quant au suivant...
Sans qu'il ne puisse l'en empêcher, la Ritualiste prit la main droite de Benjamin et l'appliqua sur le bas ventre de la Vierge de Bronze. Celle-ci accusa une décharge de plaisir qui manqua la déséquilibrer. Un bref frémissement ayant pour conséquence de relancer la machine : Shabel s'activa de plus belle, enroulant ses bras autour du cou de Benjamin pour lui dévorer la bouche.
- Il ne se fera point sous le coup de la raison. Plutôt sur une brûlante impulsion, dictée par le magnétisme entre deux corps débordant de vitalité, termina la Sensorielle.
Alors qu'ils s'embrassaient avec ardeur, Véfa ne resta pas inactive. Elle s'était glissée dans le dos de Benjamin pour mieux se presser contre lui, de sorte à pouvoir jeter son dévolu au niveau de son cou. Zone sensible sur laquelle elle déposa de mystifiants baisers avant d'y déposer ses dents pointues. La drow mordilla son cuir tendre mais sans jamais le faire saigner. Ses "morsures" n'ayant que pour but d'éveiller un désir irrépressible cher son sujet humain.
Au final, ce ne fut pas une paire de mains mais bien deux qui s'affairèrent sur la ceinture de Benjamin.
Quel était le projet de la Ritualiste ? Pourquoi réagissait-elle ainsi, au point de se découvrir entièrement sous le regard envieux des nains ?
Et que voyait-elle du côté de son capitaine ?
Devenue muette, Nérénie réfléchissait. Dans son esprit, la Voix de l'Or bataillait contre celle de l'Orc Noir. La Lumière comprenait sa faiblesse ; la noble déchue y avait succombé beaucoup trop longtemps. Le Brise-Monts en avait bien profité, mais il n'était jamais rassasié. D'où son besoin de s'entourer d'une bonne poignée d'esclaves - souvent les plus endurantes. Ensemble, la Poupée d'Or et son puissant maître avaient donné du leur. Un départ compliqué pour la première, en cours de rodage à cette douloureuse époque. La magnifique blonde était bien incapable de se mentir à elle-même : malgré sa condition d'esclave, tout dans cette expérience qu'elle avait accumulée n'était pas bon à jeter.
Il n'a pourtant jamais été question d'amour véritable.
Souillée comme elle était, la noble déchue ne croyait plus en cette absurdité. Dans son ancien milieu de vie aussi, ce sentiment n'était qu'une illusion. Des mariages arrangés entre héritiers de grandes maisons. Des promesses insipides dont l'objectif n'est autre que de devenir toujours plus riche et plus puissant.
Concevoir un enfant avec lui ne fera jamais voler mes chaînes en éclats.
En revanche, elle en porterait de nouvelles sur les épaules - plus lourdes encore que son bracelet-traceur.
- La surface n'a que faire de nos noms.
Eviscéran eut un mouvement d'humeur.
- Que me dis-tu là ?
Il avait très bien entendu. Aussi Nérénie, le menton relevé, continua sur sa lancée :
- Au cours de son histoire, Terra a connu plus d'un conquérant. Aucun d'entre-eux n'est jamais parvenu à la faire sienne. Vous ne ferez pas exception à la règle, Brise-Monts. Vous n'êtes rien de plus qu'une goutte de ténèbres dans un océan où elles n'ont de cesse de se diluer.
- Tu oses remettre ma parole en doute ?!
Sa posture agressive incita les gardiens de pierre et d'or à se rapprocher. De façon alarmante, les petits yeux porcins du capitaine passèrent de l'un à l'autre. Il était sur le point de les intercepter tous les deux quand leur maîtresse, d'un mouvement de main apaisant, les invita à se détendre. Sa voix claire retentit à nouveau :
- Non, puisque vous êtes un homme d'honneur qui ne se détourne jamais de son objectif. Votre parole, je la sais et la sens authentique. L'ennui, c'est qu'elle a beaucoup trop tardé...
- Tardé ? répéta le capitaine, incrédule.
- L'Or m'a touchée, continua Nérénie. Par sa Voix, il a fait de ma personne sa plus pure représentante. J'incarne désormais son vecteur, et sa puissance lumineuse coule en moi.
Sur ces mots, la Messagère s'éleva lentement du sol. Une énergie dorée la soulevait de terre avec toute l'élégance d'un ange. Cette même magie qui se mit à l'envelopper, à grignoter la moindre parcelle de sa peau blanche pour la transformer en or scintillant ! Nérénie Anthelme, en tant qu'Emissaire de l'Or consentant, brillait autrement plus fort que le peuple nain qu'elle avait investi de son propre pouvoir. Les troglodytes les plus proches en furent éblouis, si bien que même ceux qui besognaient les esclaves du Barbarium durent interrompre leur transpirant plaisir.
- L'avènement du Faiseur d'Or n'a jamais été aussi proche que maintenant, déclara-t-elle d'une voix double, transformée, tandis que même le blanc de ses yeux avait commencé à s'illuminer. Vous n'êtes pas l'Elu, capitaine. Et je suis au regret de vous annoncer que jamais vous ne pourrez le devenir.
Elle ne croyait pas si bien dire. Parce que là où il y a la lumière, l'ombre ne se trouve jamais loin. Cette ombre, qui n'appartenait pas à ce plan, s'était mise à chuchoter à l'oreille de son élu. Elle avait eu le temps de gagner en puissance pendant que les nains d'or et les esclaves du Brise-Monts s'adonnaient dans le stupre à cette glorieuse cérémonie. Sauf qu'ils ne fêtaient point une victoire, ni même un avènement ; il était plutpot question d'un double couronnement. Car au cœur de ce sanctuaire secret, deux forces contraires se gargarisaient de leurs ébats. L'Or s'était amouraché à Nérénie là où l'Obsidienne, plus discrète mais malsaine, se frayait un chemin dans le cœur blessé du tyran noir. Une énergie lugubre irradiait de sa personne, modifiant peu à peu son enveloppe charnelle rongée par la rancœur, la jalousie et la possessivité.
- Ce titre, articula Eviscéran, sa gueule vomissant entre ses crocs proéminents une inquiétante vapeur rouge, n'est que peu de chose à côté de la colère qu'il m'inspire !
De son dos hypertrophié émergea un anneau enflammé. S'écartant sur la façade d'un crâne squelettique aux orbites rougeoyants, la peau de son visage fondit sur un hurlement à en faire trembler le sol ! Son bras droit musculeux, lui, fut avalé par une pelletée d'autres membres moins épais, mais émergeants et colonisateurs, tous habités par une puissance impie.
La victoire, sans prévenir, semblait avoir tourné au cauchemar.
