Terry & Merveil
Assis sur cette foutue paille, les poignets enchaînés, j’avais tout le loisir d’observer la scène. L’ambiance était pesante, entre la pierre glaciale des cachots, l’odeur d’humidité et de sueur rance, et les outils de torture méticuleusement rangés sur la table. Un vrai décor de cauchemar. Pourtant, j’étais plus amusé qu’inquiet. J’avais déjà vu pire, et franchement, pour l’instant, ces types ne m’impressionnaient pas. Le roi, bien droit sur son siège improvisé, m’observait avec un mélange de curiosité et d’agacement. Son regard me passait au crible, cherchant sans doute à percer mes intentions. Derrière lui, les gardes attendaient, raides comme des piquets, prêts à me tomber dessus au moindre faux pas. Mais franchement, ce n’était pas eux qui retenaient mon attention.
Elle. La prêtresse en blanc.
Son visage était impassible, mais ses yeux me scrutaient d’une manière bien différente de celle du roi. Il y avait un éclat d’amusement, un soupçon d’intérêt. Et vu la façon dont elle s’était interposée plus tôt, je pouvais parier qu’elle n’avait pas encore décidé si j’étais un ennemi ou un simple imprévu… Et ça, c’était peut-être ma meilleure chance de me tirer d’ici. Le roi ouvrit la bouche pour parler, mais c’est un autre type qui attira mon attention. Un colosse en tablier de cuir, le torse bombé, un air satisfait sur la tronche. Il devait être persuadé que cette salle était son royaume. Et visiblement, il était fier de son boulot, vu la façon dont il se présenta à moi. "Boris." Boris… le bourreau ?
« Attends… Ton nom, c’est vraiment Boris ? Boris le bourreau ? Sérieusement ?! » J’eus un éclat de rire avant même de pouvoir m’en empêcher. Un rire franc, qui résonna dans la cellule. Bordel, c’était trop beau pour être vrai.
« J’veux pas manquer de respect, mon pote, mais on dirait le méchant d’un mauvais conte pour enfants. Genre "Méfiez-vous de Boris, sinon il viendra vous pincer les doigts !" »
Le sourire du type s’effaça aussitôt. Je pouvais voir ses énormes mains se crisper sur son outil de torture. Apparemment, il n’avait pas l’habitude qu’on se marre en entendant son nom. Le roi fronça les sourcils. Il devait être du genre à ne pas apprécier qu’on se moque de son personnel. Tant pis. Je relevai les yeux vers lui, toujours amusé.
« Et vous, Majesté, vous êtes sûr que vous régnez sur un vrai royaume ? Parce que jusqu’ici, ça ressemble plus à une mauvaise pièce de théâtre. Entre Boris, les gardes qui ont la vivacité d’un escargot sous opium, et votre fascination évidente pour cette charmante demoiselle à votre droite… »
Et là, je le fis exprès. Je laissai mon regard glisser lentement vers la prêtresse. J’en profitai pour détailler encore une fois ses traits fins, sa robe qui lui allait trop bien, son port altier qui contrastait avec l’environnement miteux des cachots. Elle, au moins, était un spectacle agréable.
« Sérieusement, vous êtes bien la seule chose intéressante à regarder ici. Dites-moi, vous êtes venue parce que vous êtes intriguée… ou parce que vous espériez que je vous remarquerais ? »
Les gardes tressaillirent, jetant des regards nerveux au roi. Boris laissa échapper un grognement. Mais la prêtresse, elle, ne détourna pas le regard. Pas immédiatement, en tout cas. J’aurais parié qu’elle hésitait. Peut-être même un soupçon d’amusement. Ça, c’était bon signe. Les chaînes tintèrent légèrement quand je me redressai un peu, comme si je voulais mieux la voir.
« Bon, pour répondre à votre question, Majesté, j’suis pas un assassin, pas un espion, et encore moins un foutu magicien. J’sais pas comment j’ai atterri ici, mais je vous garantis que c’était pas prévu. Un vieux savant fou jouait avec des trucs qu’il comprenait pas, et BAM, me voilà, en train de partager un moment d’intimité avec Boris et sa pince. »
Je ponctuai ma phrase d’un sourire en coin, avant de retourner mon attention vers la prêtresse.
« Vous avez pas envie de me sortir de là, par hasard ? J’vous promets qu’on s’amuserait beaucoup plus ailleurs. »
Et cette fois, j’eus l’impression que mon petit jeu commençait à l’intéresser.