Tandis que le démoniste et son laquais à la face carbonisée se faisaient plaisir avec le malheur des paysans, la Wyvérienne succubisée et le ténébreux rônin s'échangeaient des coups spectaculaires. La première goûta plus d'une fois au tranchant aiguisé d'une lame fine faite pour punir les engeances vertes ; cette récolte de petites entailles ajoutait à son excitation grandissante, à son besoin lancinant de planter ses crocs dans son cou de manière aussi sensuelle que mauvaise. L'épéiste, lui, n'éprouvait aucune joie à taillader le cuir de cette créature corrompue ; plus l'affrontement s'étirait dans le temps, plus la frustration montait en lui.
En considérant ces deux états d'esprit diamétralement opposés, l'avantage revenait à la putain ailée.
Pourtant, les combattants furent tous les deux repoussés en même temps, le choc de leur dernier échange du moment les ayant forcé à prendre un peu de distance. Telle une chatte occupée à faire sa toilette, la Génytrix passa sa langue gourmande sur son avant-bras droit blessé.
- Je te sens impatient, vilain garçon, roucoula Rëko en réprimant un tremblement de plaisir. Moi, je préfère te prévenir : je prends mon pied rien qu'à te voir te débattre~
Son adversaire, qui s'était remis en garde malgré ses multiples plaies aux épaules et aux flancs, grogna sa réponse :
- Tu me dégoûtes, démone. Mais je dois bien admettre une chose : tu es quelqu'un de coriace...
A ce compliment, l'intéressée sourit de toutes ses dents pointues.
- "Coriace" ? releva-t-elle avec un amusement de plus en plus marqué. "Quelqu'un" ? Cela signifie que tu me considères comme une personne à part entière malgré mes attributs supérieurs. Quelle charmante nouvelle !
- Non, trancha-t-il. Ne te méprends pas, engeance maléfique. Tu n'es rien de plus qu'une diablerie un peu plus évoluée que tes laquais verdâtres. (Une lueur rouge traversa son regard de vengeur.) Et je compte bien tous vous occire - quel qu'en soit le prix à payer.
Ses pulsions meurtrières, le chasseur de démons les transféra dans sa lame. L'acier souillé de sang se para d'un filet de lumière pourpre. De ses dix doigts, le rônin raffermit sa prise sur son manche. Les jambes fléchies et le buste perpendiculaire par rapport à la succube qui se tenait parfaitement droite, il s'était complètement immobilisé.
Depuis sa position en retrait, Amanita Anthelme comprit la stratégie employée par le sabreur avant même de voir son nouveau pouvoir à l'œuvre. Il attendait que la Wyvérienne succubisée vienne à lui. Une contre-attaque fulgurante, sans doute, qui ne laisserait aucune chance à la grande joueuse. De cette façon, sa fâcheuse tendance à jouir de sa proche souffrance autant que celle des autres se retournerait contre elle...
En une seule attaque, il pourrait bien me débarrasser d'elle une bonne fois pour toutes, cogita la prêtresse.
Une pensée égoïste qui manqua la faire sourire. Sauf qu'une autre, bien moins personnelle, se hâta d'occuper une place beaucoup plus importante dans sa psyché : si Rëko venait à pêcher par sa défaite en la présence de sa supérieure, leur maître ne manquerait pas de punir la survivante pour avoir elle-même fauté.
Le front de la blonde pervertie se rida d'inquiétude.
Mon incantation est prête. Je n'ai d'autre choix que d'agir.
Elle attendit donc le bon moment.
Celui où Rëko déploya ses ailes membraneuses avant de... décocher des Epines de nuit sur leur proie ?
Pas encore.
La prêtresse souillée retint son sort in extremis.
Avant même d'effleurer le cuir du rônin, les noirs projectiles de la succube s'effritèrent à ses pieds. Personne ne l'avait vu bouger. En revanche, les yeux sensibles à la magie d'Amanita Anthelme, eux, avaient su suivre le mouvement de la magie que sa lame maudite avait véhiculé dans l'air. Les reliquats demeuraient, flottants sans bruit...
Rëko fit la moue.
- Une défense imprenable, commenta-t-elle avec ennui. Aaaah... Tu n'as rien trouvé de mieux à faire que de te retrancher derrière ta garde ? Tu viens de descendre dans mon estime, guerrier.
Comme sous un état de transe, immobile à l'instar d'une statue, le rônin ne répondit rien. Il ne remuait pas un cil, prêt à en remettre une couche en cas d'agression.
- Et voilà qu'il me snobe, en plus ! Quel goujat...
Tout en le jaugeant du regard, elle se mit à taper impatiemment du pied.
- Rabat-joie. Il compte prendre racine ici, ou quoi ?
- Attaque-le, lâcha Amanita.
Rëko tourna ses yeux rouges vers elle.
- Qu'est-ce que tu viens de me demander ? Ai-je mal ouï ton insensée requête ?
- Je t'ai ordonné de l'attaquer.
- Pour qu'il me débite en petits morceaux sous tes yeux ravis ? (Croisant les bras sur sa poitrine, elle se détourna de sa camarade et jubila.) Hors de question ! Je ne peux pas me permettre de mourir maintenant alors qu'il me reste tant d'innocents à consommer~
- Tu n'en mourras pas, voulut la rassurer Amanita. Le Maître me punirait pour ma traîtrise, de toute manière. Il ne me pardonnerait jamais ta perte parce que tu lui es précieuse, et tu le sais. Alors fais-moi confiance et retourne au combat, Sœur de Pêché. (Tout en fixant le rônin, la jeune femme déclara.) Tu n'as rien à craindre de lui. Je détiens la clé pour venir à bout de sa défense.
- Tu m'as l'air bien confiante en tes pouvoirs, ma belle...
- Je ne l'ai jamais autant été qu'en cet instant, répliqua froidement la prêtresse tout en levant son sceptre. Vas-y, au nom du maître !
- Ah ! Si tu me prends par les sentiments...
Toutes griffes sorties, Rëko chargea le terrible défenseur !
En la voyant ainsi dévorer la distance qui la séparait du bretteur, Amanita recourut à son sortilège obscur. Un cercle de brume noirâtre se matérialisa autour des yeux du rônin. Par son biais, il ne fut pas que privé de sa vue : c'est l'ensemble de ses sens que cette prison focalisée plaça son entrave.
Le chasseur de démons contre-attaqua tout de même par instinct. Sa lame rougeoyante décrivit une large courbe que la succube, autant par chance que grâce à son agilité, évita d'un bond majestueux ! Derrière elle, juste au-dessus de la tête blonde d'Amanita, l'édifice en ruines fut tranché net. Une coupe légèrement oblique, qui fit s'effondrer de côté la moitié supérieure du bâtiment abandonné. La cime des arbres alentour connut le même sort. Un concert de craquements sylvestres ponctua la chute de la pierre antique.
La prêtresse cligna des yeux. Elle l'avait échappé belle.
Rëko retomba sur ses pieds. Elle avait atterri dans le dos du rônin, maintenant sans défense.
- Bon appétit ! s'écria la succube avant de lui plonger ses crocs dans le cou.
Considérablement affaibli, le guerrier gémit. A travers son Emprise venimeuse, Rëko lui avait injecté un poison paralysant. Tout juste de quoi le rendre sage en attendant le retour de son Maître ?
Pas forcément !
Avec un sourire aux lèvres, la wyvérienne succubisée l'accompagna dans sa chute contrôlée avant de lui grimper dessus.
Elle le contemplait de haut, s'amusant de voir cette couronne de brume tourner autour de ses yeux frappés de cécité. Avec sa queue de diablesse, Rëko lui piquait les joues.
- Hi hi ! Je t'avais bien dit que tu m'appartiendrais...
Naturellement, c'est tout de suite que la vile succube entreprit de le déshabiller. Sauf que la tête d'un sceptre apparut entre ses mains baladeuses et la veste écorchée du sabreur. L'outil de la prêtresse lui faisant barrage, Rëko leva les yeux sur celle qui prenait un petit peu trop à cœur son rôle de général.
- Calme tout de suite tes ardeurs, exigea Amanita Anthelme. Il pourrait nous être utile. Je tiens à ce que rien ne lui soit fait de mal avant que le maître ait posé son regard dessus.
- J'ai grand faim, objecta la succube. Si faim que ça me brûle les entrailles ! Alors je veux que tu me laisses m'occuper de lui bien comme il faut.
La prêtresse la réprima du regard.
- Le maître a choisi qui de nous deux décide. Tu n'es donc pas en position de me donner des ordres !
Une lueur malsaine traversa les yeux carmins de la beauté ailée.
- Peut-être. Mais il n'est pas là pour te protéger.
- Qu'est-ce que tu... ?!
D'un coup de griffes, Rëko la désarma. Le sceptre de la prêtresse s'envola, terminant sa course dans un carré d'herbes grasses. La Wyvérienne succubisée attrapa sa Sœur de Pêché par les poignets et la ramena au sol. Finalement, c'est sur elle qu'elle s'installa à califourchon.
Amanita commença à paniquer.
- Non ! Descends de là ! A-arrête ça, tout de suite !
Dans un élan d'espoir et de lucidité, elle regarda ses gobelins qui approchaient. Cyclope, Sourire et Licorne ne savait plus trop où se mettre. Ils avaient peur de la succube mais, en même temps, semblaient très attirés par ses courbes féminines.
- Vous autres ! Aidez-moi ! Empêchez là de faire ses... bêtises !
Ses cris de détresse n'eurent que pour effet d'exciter leurs destinataires. En voyant leurs virilités s'élever, les yeux roses de la prêtresse s'arrondirent d'effroi.
Elle était en train de perdre le contrôle sur ses enfants !
Pire encore : le tout était en train de tomber entre les mains sales de sa Sœur de Pêché.
Rëko, qui s'était cambrée sur le ventre nu de prêtresse, poussa un petit rire coquet.
- Oh ! Je crois qu'ils ont surtout envie de te prendre, ma chère sœur. Et je les comprends très bien... (D'un index crochu, elle fit signe à Sourire de s'approcher.) Tu veux imprégner tes lèvres du goût de la vulve qui t'a fait naître ?
Après un court moment d'hésitation, le gobelin, tout salivant, hocha sa grosse tête.
- Quoi ?! Sourire, je t'interdis d-
D'une main vive, la succube l'empêcha de s'exprimer.
- Viens, joli Sourire. Maman se ment à elle-même ; elle a hâte que tu viennes fourrer ta langue baveuse dans son douillet petit minou~
Sourire finit par se laisser tenter. Sa langue râpeuse fit se crisper sa génitrice aux yeux embués de larmes. Charmée par ce portrait, Rëko se pencha sur son visage pour, de la pointe de sa langue, en récolter le sel.
- Toujours aussi délicieuse... mais ce ne sera jamais suffisant pour que tu puisses me dire ce que je dois faire, ma colombe~
Amanita secouait la tête. Rëko raffermit sa prise sur sa bouche de sorte à ce qu'elle ne puisse plus se soustraire à son regard de braise. D'un geste autoritaire, elle adressa un signe à Licorne. Ce dernier ne se fit pas prier pour la rejoindre - et au pas de course !
- C'est une belle trique que tu as là ! Que dirais-tu de l'enfouir dans l'insolente petite bouche de ta mère ?
Bien sûr, en entendant cela, la prêtresse s'agita plus fort encore ! Mais c'était inutile entre les mains de la succube qui eut vite fait de la forcer à gober le poireau puant de sa descendance. A compter de cet instant, Rëko n'avait donc plus besoin de condamner les lèvres de sa "supérieure". Toujours assise sur le ventre transpirant de Amanita Anthelme, elle siffla Cyclope qui ne savait pas quoi faire de sa douloureuse gaule.
- Tu veux que je te fasse plaisir, lui glissa la succube à l'oreille après qu'il l'eut approchée. Alors déniche toi de quoi ligoter ce gus... (Du pouce, elle lui indiqua le rônin.) Une fois que tu auras terminé ton travail, je te promets une extase telle que tu n'en as encore jamais connu~
Pour bien se faire comprendre, elle mima des coups de poignet à hauteur de sa bouche grande ouverte.
En revenant dans son QG, Maurice Malné ne s'attendait certainement à surprendre ses Pêchés colorés dans une telle phase de débauche !