Comme toujours avant chacune de ses sorties, Shabel Sealgïr effectuait l'inventaire de sa sacoche. Elle n'oubliait quasiment jamais rien, mais cela ne l'empêchait pas de rester sérieuse de bout en bout en évitant de braver cette étape cruciale. Les articulations de son armure, fabriquée à partir des composants d'un Anjanath, avait été soigneusement huilées. Son épée (courte) avait bénéficié du même traitement. La sangle de son bouclier, un peu trop usée, avait été changée à cette occasion.

C'est donc l'esprit tranquille que la chasseuse se rendit à la Cantine pour y avaler un copieux repas. Cette fois-là, elle ne regarda point à la dépense, commandant la viande la plus savoureuse qu'elle ingurgita comme une gloutonne ! Le ventre bien chargé et le moral à son point culminant, elle siffla entre ses doigts, attirant de ce fait l'attention d'un drake ailé. Elle s'accrocha à lui à l'aide de son grappin ; il l'emmena à tire-d'aile jusqu'aux confins du Nouveau Monde, à savoir : les fascinantes Terres Anciennes !

Une fois à hauteur raisonnable du sol poussiéreux, Shabel replia son grappin. Le Mernos, qui l'avait conduite jusqu'à ces terres partiellement volcaniques, émit un petit cri avant de rejoindre les cieux. La chasseuse se rétablit d'une roulade. Tout en se redressant d'un bond, elle examina les environs. Là où elle se tenait, la jeune femme ne voyait rien d'autre que des piliers de pierre qui s'étiraient vers le firmament étoilé. Au loin, quelques colonnes de fumée noire, crachées par les petits volcans en activité, se joignaient à ce spectacle. Elle n'entendait aucun rugissement du côté des tunnels en descente et des gorges adjacentes. La zone paraissait calme dans son ensemble.
Et ce silence, les drakes ailés et les bestioles du coin ne cherchaient point à le perturber...
A en croire le peu d'informations que j'ai pu récolter auprès des chercheurs de la Commission, les dodogamas s'agitent dans les parages. Quelque chose d'inédit semble avoir perturbé leurs petites habitudes.
Elle était là pour mener son enquête et, si possible, résoudre ce problème avant qu'il ne prenne de l'ampleur. L'anomalie restait donc à définir. Dans le doute, Shabel Sealgïr avait emporté un arme affublée d'une affliction. Plutôt que d'envisager de tuer le possible trublion avec l'injection d'un poison puissant, la chasseuse avait pris une lame paralysante, boostée au maximum à partir des composants d'un Grand Girros. Capturer au lieu d'occire, c'était un peu son crédo. Tant que la chasseuse n'était pas amenée à se confronter directement à un dragon ancien, elle s'imaginait pouvoir s'en tirer à bon compte.
Et ne parlons même pas du Béhémoth ! J'ai entendu parler d'une histoire abracadabrante à son sujet. On dit que cette créature titanesque, capable d'utiliser les éléments à son avantage à l'aide de la "magie", n'appartient pas à notre monde. Qu'elle avait émergé d'une brèche à travers le temps et l'espace, et s'était retrouvée piégée ici, naguère, au beau milieu de la Terre des Anciens.
Shabel n'y croyait qu'à moitié, à cette légende. Les chasseurs ayant réussi à vaincre ce phénomène n'étaient plus dans le Nouveau Monde pour en témoigner. Beaucoup s'en étaient allés, d'ailleurs, direction les terres interdites. Shabel en ignorait la localisation exacte, mais cet endroit entouré de mystères appartenait très probablement au Vieux Monde...
Qu'importe ! Aujourd'hui, ma mission et ma vie se trouvent ici - et nulle part ailleurs.
Bien décidée à empocher la récompense, la chasseuse sauta souplement par-dessus un rebord rocailleux et se laissa glisser à travers une descente. La première zone à inspecter se trouvant juste en bas de cette dernière.