- Ah ! C'est vraiment pas le moment de s'extasier !
Secouant la tête, la semi-dragonne se remit en mouvement. Si Titan-Marmelade venait à la choper, elle la broierait entre ses mains ou, pire encore, en ferait son quatre heures !
- Marmelade peut toujours courir parce que moi, je vole !
Jamais ses ailes membraneuses ne lui avaient paru aussi légères qu'en cet instant. La colosse gélatineuse n'était pas le seul danger : le régiment de soldats enragés que l'on piétinait en toute impunité aussi en avait après elle.
Marmelade n'a pas l'air stressée pour un sou !
Tous ces insectes sucrés ne semblaient pas la déranger, non. Aynaëth, depuis les airs, n'avait qu'à esquiver les javelots et autre projectiles longilignes qui menaçaient de la clouer au sol une bonne fois pour toute.
Ça, c'est plus ou moins facile.
Mais il y avait un "mais". Marmelade, en l'occurrence, avait toujours grand faim. Sûrement à cause de ses proportions exagérées ! Pour tenir le coup, elle était donc obligée de se requinquer. Ce qu'elle fit en rampant comme un escargot avant de... manger un escarglacegot.
Aynaëth se crispa de dégoût.
- Beurk ! Pour un peu et on croirait assister à du cannibalisme...
Marmelade aspira deux de ces monstres collants avant de planter ses crocs dans une coquille-gaufrette. Le tout disparut en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
Quel appétit effroyable !
Aynaëth n'était pas la seule à éprouver de la crainte. Les soldats envoyés par le lointain château aussi. Leur peur ne fit que s'accentuer lorsqu'un escarglacegot géant se glissa sur la route. Ils étaient ainsi pris entre deux feux !
- Boooon beeen... moi, je vais faire un petit tour dans votre château ! Essayez de tenir le coup, braves soldats ! Pour votre roi, termina-t-elle en leur adressant une parodie de salut militaire.
Puis, tandis qu'elle volait à toute vitesse dans la direction énoncée, la Gardienne songea à voix haute :
- Je me demande s'ils ont aussi une reine ?
Elle n'allait pas tarder à le découvrir ; quand elle contourna l'escarglacegot gargantuesque, la voie lui était toute ouverte.
Je pense qu'il serait bien vu que je frappe à la porte avant d'entrer.
En guise de bonne foi, l'Héroïne en herbe atterrit devant la première grande arcade rose avant de s'avancer tranquillement. Elle s'arrêta devant les larges doubles portes et frappa du dos des phalanges.
Pas de réponse.
C'est pas grave ! Réessayons - ils n'ont peut-être pas entendu.
Elle récidiva.
Toujours pas de réponse...
Là, ça devient agaçant.
Aynaëth prit une grande inspiration et gueula :
- COUCOU ! JE ME PRESENTE : AYNAËTH SPIRABILIS ! JE DEMANDE l'ASILE POLITIQUE ! AYEZ AU MOINS LA POLITESSE DE ME REPONDRE, MERCI !
Toujours que dalle.
Fulminante, l'hybride elfique leva le poing et maugréa :
- Vous l'aurez cherché...
Sa main gagna considérablement en volume. Elle l'abattit contre les portes avec force ; arrachées à leurs gongs, elles s'effondrèrent sur les grouillons qui s'étaient retranchés derrière.
La main en porte-voix, Aynaëth cria niaisement :
- SALUT, LA COMPAGNIE !
D'autres malabars armurés patientaient un peu plus loin. Ils étaient bien entendu armés - des hallebardes et des lances pour l'essentiel. Et ils n'avaient pas l'air contents du tout.
Aynaëth baissa sa main qui avait récupéré des dimensions humaines.
Elle rentra la tête dans les épaules, ourla un petit sourire guindé et dit :
- Vous allez bien ?
Vraisemblablement, non ; les armes de jet fusèrent avec colère. N'ayant pas la place pour toutes les éviter, Aynaëth jugea beaucoup plus prudent de faire demi-tour en courant en zigzag !
Javelots, flèches, couteaux et haches de jet sillonnaient le sol derrière elle.
- Waaaaaaah ! Mais arrêteeeeez ! Vous êtes complètement malades, ma parole !
Peut-être pas autant qu'elle, non ?
En courant comme une folle, Aynaëth Spirabilis se dirigeait droit sur l'affrontement entre les deux titans.