DEUXIÈME ARC
LE NOUVEL ORDRE DU PHÉNIX
Assemblée Générale des Nations Unies,
Deux semaines plus tard
«
…Il règne ici une certaine excitation, annonça le journaliste de CNN à l’antenne.
Vous l’avez rappelé sur votre plateau, l’actualité internationale est particulièrement tendue, et beaucoup de pays dénoncent ce qu’ils qualifient d’un raisonnement hypocrite chez les pays occidentaux, prompts à demander des sanctions à l’encontre de Vladimir Poutine, mais qui refusent d’appliquer le même traitement à l’encontre de Benjamin Netanyahou. L’annonce par la Latvérie d’une nouvelle demande de vote d’une résolution demandant une stricte application du droit international aurait pu paraître anecdotique, si ce n’est qu’a été annoncé la présence de Victor von Fatalis… »
«
…N’exerçant plus aucune fonction politique officielle, Victor von Fatalis est l’objet de nombreuses controverses. Sa venue sur le sol américain a suscité de vives critiques. Pour rappel, dans le cadre d’accords diplomatiques, le gouvernement des États-Unis a mis un coup d’arrêt aux enquêtes judiciaires qui le visaient suite à de graves accusations d’avoir commandité ou organisé des actes terroristes. Dans les faits, le docteur Fatalis reste une éminence grise de la Première Ministre Lucia von Bardas… »
«
…Cela faisait deux semaines que la Latvérie avait fait l’objet d’une explosion d’une énorme intensité, qui avait provoqué un black-out mondial momentané. L’ambassadeur de la Latvérie a annoncé l’avènement d’un nouvel ordre mondial, et l’agitation palpable à l’intérieur de l’Assemblée l’est ici dehors. Voyez cet important dispositif policier, des manifestations très importantes réclamant un sommet mondial de la paix, la fin des massacres à Gaza ont lieu en ce moment… »
Peu de gens savaient alors à quel point ce jour allait être historique. L’Assemblée Générale des Nations Unies était comble. Il y avait énormément de diplomates, des agents de sécurité, des journalistes en masse, s’agglutinant dans les alcôves qui leur étaient réservés. L’ambassadeur de la Latvérie résumait doctement la situation internationale, égrenant les uns après les autres les situations de défaillance de l’ONU, toutes les fois où elle aurait dû intervenir, mais où elle ne l’avait pas. Outre l’Ukraine et Israël, l’ambassadeur évoquait d’autres pays en plein chaos, comme le Soudan, le Congo, le Liban… Il ménageait son effet, et, quand la foule fut suffisamment nombreuse, l’ambassadeur annonça laisser la parole.
Cinq silhouettes entrèrent alors sur la tribune, leurs corps nimbés d’halos d’énergie. Ensemble, ils faisaient corps, et purent sentir le monde qui les regardait. Au centre, Cyclope. À sa droite, Emma Frost. À sa gauche, La Sorcière-Rouge. Et, enfin, Mystique et Marishka, cette dernière étant sans doute la plus méconnue du grand public.
L’humanité face à ses Nouveaux Dieux.
Puis, Scott prit la parole.
Zone bleue de la lune
Une semaine avant
«
Je suis ravi de voir que tu vas bien, Cyclope. »
La silhouette de Superman rejoignit cette bulle d’atmosphère au sein de la Lune. Les Cinq s’étaient réfugiés ici quand le Phénix avait explosé en Latvérie, et avaient médité, s’enfermant pendant une semaine, jaugeant la Terre, l’analysant. Superman avait ensuite reçu un appel de la part de Scott, un message télépathique venant d’Emma, lui demandant de venir.
«
Plus bien que je ne l’ai jamais été, Superman.
-
À quoi rime tout ceci ? Vous isoler pendant une semaine, refuser notre venue…
-
Nous devions réfléchir, nous synchroniser, comprendre l’étendue de nos pouvoirs… Et de notre mission. »
Superman fronça les sourcils. De tous les super-héros, il était le plus populaire de la Terre. Celui qui l’avait sauvé maintes et maintes fois d’envahisseurs, de monstres cosmiques. Son appui était indispensable.
«
Et quelle est cette mission ?
-
Je vais t’exposer notre plan, Superman, et tu en seras le seul juge… »
Assemblée Générale des Nations Unies,
Deux semaines plus tard
«
Je suis né mutant, je suis né paria. Les gens ont toujours eu peur de moi, de nous… Et ils avaient raison. On ne compte plus le nombre d’incidents impliquant des drames, des morts, même. Nos pouvoirs nous échappaient, et je dois personnellement beaucoup à mon mentor, Charles Xavier, de m’avoir formé. Il nous a enseigné la discipline, l’importance de la communauté, l’importance d’oublier nos discriminations… Il nous a partagé son rêve, celui d’une société qui serait affranchie du fléau de la peur, de la discrimination, des préjugés racistes. Aujourd’hui, nous venons accomplir ce rêve. Pendant une semaine, nous avons observé ce monde depuis la Lune, et nous avons constaté, avec effroi, que vous avez failli à votre serment. Permettez-moi de vous rappeler l’article 1 de votre Charte fondatrice… »
Scott sortit alors un petit carnet, et le brandit. C’était un petit carnet, abritant la Charte des Nations Unies, son préambule, et ses 111 articles.
«
Les buts des Nations Unies sont les suivants… Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix… »
Après avoir fait lecture de ce long article, il reposa son carnet, et les observa encore. L’agitation était palpable. Un silence absolu régnait dans la foule, uniquement rompu par les crépitements frénétiques de claviers et de SMS retranscrivant le contenu du discours. Ils étaient en direct mondial. On estimait que l’évènement le plus vu au monde fut l’enterrement de la reine Elizabeth II, suivi par environ 4 milliards d’habitants. Ce record risquait d’être battu.
«
Pendant une semaine, nous avons regardé tous ces pays dont l’honorable ambassadeur de Latvérie vous a parlé. Tous ces meurtres, ces exactions, ces violations continues au droit international, ces crimes que votre assemblée n’a pas su résoudre… »
Il se tourna alors vers Emma. Les pouvoirs télépathiques amplifiés d’Emma fusèrent alors dans la pièce, et les ambassadeurs et diplomates commencèrent à gesticuler et à gémir, en voyant les images terribles de villes réduites en poussière, de corps ensevelis sous les décombres, de mers de cadavres, de suppliciés, de femmes violées et massacrées.
«
Assez ! hurla un diplomate.
Sortez de ma tête ! »
Un léger sourire orna les lèvres de Scott :
«
La réalité n’est pas facile à voir, Monsieur l’ambassadeur, n’est-ce pas ? Cependant, je ne voudrais pas que vous vous mépreniez sur notre message. Nous comprenons les raisons qui vous rendent inactifs. Comment s’en prendre à des dictateurs possédant l’arme atomique ? Comment intervenir dans des pays où la situation est complexe ? Aussi, je ne souhaite pas sombrer dans un discours populiste qui consisterait à vous reprocher vos lacunes. Ce serait injuste et puéril. Je ne peux que constater que vous faites de votre mieux… Mais que ce mieux ne suffit pas. »
Scott ménagea une courte pause, laissant le temps aux diplomates de reprendre leurs esprits.
«
L’ordre international juridique est défaillant parce qu’il n’existe aucune force qui s’impose sur chaque État… Aucun État ne peut s’imposer sur un autre État sans déclencher une guerre. Le raisonnement est finalement assez simple, quand on y pense. Les États-Unis d’Amérique ont essayé de jouer le rôle de gendarmes du monde, mais leurs guerres ont surtout été pour eux le moyen de s’enrichir, ou de déstabiliser davantage des situations déjà fragiles. La conclusion de cette dernière décennie est limpide : les États sont insuffisants, et il faut poursuivre la réflexion qui vous a conduit à signer la Charte de San Francisco : proclamer un véritable ordre mondial. »
Il les regarda ensuite, lentement, comme pour leur laisser aussi l’occasion de digérer ce qu’il venait de dire.
«
À partir de maintenant, nous mettons en demeure tous les États de la planète de mettre fin à toute guerre, à tout conflit, à toute intervention militaire impliquant le meurtre de civils. En ce moment, ma voix porte auprès de la totalité des dirigeants du monde. Aussi, je vous encourage à écouter mon message. Vous disposez de vingt-quatre heures. »
Le calme olympien qui régnait à travers l’assemblée explosa brusquement. Les protestations fusèrent, ainsi que les insinuations. Scott les laissa parler. Même si on aurait voulu à ce moment couper son micro ou mettre fin à son intervention, la diffusion continuerait quand même. Quand le brouhaha commença à redescendre, Scott enchaîna :
«
Nous n’aspirons pas à devenir les maîtres du monde. Chaque État conservera sa souveraineté. L’un des principes fondateurs de votre Charte est la parfaite égalité de ses membres, et nous entendons tout simplement mettre en application ce principe. Quelle égalité y-a-t-il quand un pays comme la Russie martyrise son voisin ukrainien ? Quelle égalité y-a-t-il quand le Soudan s’enferme dans une guerre civile meurtrière sans fin ? Quelle égalité y-a-t-il quand l’État d’Israël poursuit sa colonisation, et bombarde toute une région sans laisser un seul espoir à ses habitants de choisir une autre voie ? Ces injustices, Messieurs et Mesdames, nous y répondrons. Nous agirons dans le strict respect des conventions internationales que vous avez signé, et que vous refusez pourtant d’appliquer. Nous serons la force de frappe dont cette assemblée a besoin pour parvenir à son but. Quiconque ne respectera pas notre avertissement en subira les conséquences. Nous appréhenderons n’importe quel dirigeant, militaire, Président, officier, qui considérerait avoir droit de vie et de mort sur son voisin. »
Scott poursuivit ensuite, tandis que les Phoenix Five luisaient furieusement.
«
Partout dans le monde, nous allons venir en aide aux populations défavorisées. Utopia sera la capitale de notre nouvel ordre mondial, fondé sur ce premier principe que je vous ai exposé… Nous aiderons dans la même idée à maintenir la paix en développant des sanctuaires, où n’importe quelle personne victime d’injustice sera victime. Nous espérons travailler en étroite collaboration avec les instances internationales, par l’intermédiaire de la Latvérie, pour remettre aux autorités internationales les autorités compétentes. Nos Sanctuaires seront des refuges pour ces paria que nous fûmes. Nous ne serons pas qu’une force de maintien de la paix, nous développerons aussi la paix et la prospérité à travers notre organisation.
-
Vous vous prenez pour Dieu ? »
Le regard de Cyclope se tourna sur l’ambassadeur qui venait de parler.
«
Nous avons été immergés par la puissance du Phénix, Monsieur l’ambassadeur. Nous ne sommes pas des Dieux, non, mais nous en avons l’apparence, et à tout le moins les facultés. Nous vous offrons un nouvel ordre mondial, celui du Phénix, un ordre fondé sur la paix et sur la prospérité. Cette perspective devrait vous réjouir. »
Scott se tut alors, et sonda l’esprit des quatre Phoenix. S’il s’était chargé du discours, c’était parce que Scott était considéré comme le leader le plus légitime, celui qui avait harmonisé les pensées des Cinq. La chose avait été un peu plus difficile avec Marishka, qui était pour eux une inconnue, ainsi que pour Wanda, mais ils y étaient parvenus. Ensemble, ils formaient une sorte de pensée collective où ils pouvaient librement discuter entre eux. Scott leur avait demandé de l’accompagner, avant que chacun ne fasse ce qu’il devait faire : Wanda souhaitait retrouver ses enfants, Mystique avait envie de retrouver Madelyne et d’envisager avec elle la suite… Et Marishka était la plus encline à aller se battre, même si elle souhaitait auparavant retrouver Lara.
*
Navré, j’ai été un peu long, vous souhaitez peut-être conclure ?*
Sinon, ils se contenteraient de disparaître dans une explosion lumineuse… Puis de mettre en application leurs projets.
Un nouvel ordre mondial était né aujourd’hui.