Italie
L’impressionnante demeure se dressait à flanc de falaise, surplombant la Méditerranée et la plus proche ville de la région. Un ancien fort médiéval, qui était maintenant la propriété de la puissante famille des Rossi. Antonio Rossi, le Patriarche de la famille, était un individu très connu dans les hautes sphères italiennes, un proche de Silvio Berlusconi, et l’un des soutiens actifs de la Ligue du Nord, ce parti politique nationaliste voulant couper l’Italie en deux. Disposant de plusieurs vignobles, les Rossi produisaient leur propre vin, et, historiquement, étaient d’ailleurs connus pour leurs activités viticoles. Cependant, avec le temps, les Rossi avaient bien développé leur activité, incluant, entre autres choses, la prostitution de luxe, le trafic pédophile, et la vente aux esclaves. Leurs clients participaient aux soirées très privées que les Rossi organisaient dans leur somptueuse demeure, et enviaient ce caractère privé. Il était tout simplement impensable que la police vienne les voir. Narcotrafiquants sudaméricains, mafieux russes, hommes d’affaires américains véreux, émirs corrompus, les Rossi ne ciblaient définitivement pas la basse population dont ils se prétendaient être les défendeurs.
Proches de Cosa Nostra, la fameuse Mafia sicilienne, ces individus étaient tout, sauf des hommes respectables. Ils profitaient des crises de migrants pour se fournir en esclaves auprès des passeurs méditerranéens. Des Syriens, des Érythréens, des Turcs kurdes fuyant les tueurs d’Erdogan… La guerre et la dictature amenaient leur lot continuel de miséreux et de souffreteux, et, quand on leur proposait un repas chaud, en se faisant passer pour les membres d’ONG ou de mouvances extrémistes comme « No Borders », les gens ne se méfiaient pas. Il fallait bien les rendre un peu présentables avant de les vendre, et, en toute honnêteté, il n’était pas si difficile que ça de les convaincre. Quand ils venaient avec toute leur famille, il suffisait de pointer un pistolet sur la tempe de tel ou tel gosse pour que la mère, ou la grande sœur, finisse par consentir à l’irrémédiable. Les hommes, en revanche, se vendaient beaucoup moins bien. Qui viendrait les embêter ? Qui se soucierait de clandestins passant illégalement par la mer pour rejoindre des pays qui ne voulaient plus d’eux ? Autant rendre ces indésirables utiles, dans le fond.
« La zone est sous contrôle. Le Japonais arrive. »
Une véritable armée de tueurs en costumes et lunettes sombres protégeaient le manoir, ainsi que tout le domaine. Une protection maximale, tandis que les acheteurs potentiels s’amassaient dans le salon principal, sous d’immenses lustres magnifiques, et attendaient que la mise aux enchères ne commence. Il s’agissait, en l’occurrence, d’une mise aux enchères comprenant deux séries de lots : des esclaves, mais également des objets précieux, des trésors archéologiques que les Rossi avaient récupéré, et les vendaient aux plus offrants.
Et, parmi les clients potentiellement intéressés, il y avait un Yakuza, Akihiro Guramu, Oyabun du clan des Guramu, le plus puissant clan yakuza de Yoake, et l’un des plus influents au Japon. L’homme était arrivé à bord d’un hélicoptère qui s’était posé sur l’un des héliports de la résidence, et en sortit, entouré par des tueurs aux mâchoires carrées, arborant une série de tatouages sous leurs costumes serrés. Un homme en costume anthracite l’accueillit, vieux et ridé, lui faisant un sourire ravi.
« Guramu-san, c’est un honneur !
- Le plaisir est partagé, Monsieur Rossi. »
Les deux hommes filèrent à l’intérieur du manoir, sans savoir que, si la police ne viendrait pas ce soir, quelqu’un d’autre viendrait… Quelqu’un qui avait découvert l’existence de cette vente, grâce à l’invitation qu’Akihiro avait reçue, et qu’elle avait pu se procurer. Car, si la police ne comptait pas agir, ce n’était pas le cas de cette personne.
Et, tandis qu’Helena se déplaçait, bien loin de là, à l’autre bout de la planète, dans son île privée, Karen Starr était devant un écran géant, dans une pièce qui ressemblait à ces salles d’opérations militaires dans les films d’espionnage. Depuis un écran géant, elle voyait une vue du domaine, grâce à son satellite.
« Okay, Helena… N’oublie pas que je suis en soutien, si jamais les choses se compliquent. Notre priorité est de réunir des preuves pour forcer la police à agir contre les Rossi, mais aussi de récupérer cet artefact… »
Akihiro n’était pas venu sans raison, et il n’était pas intéressé par les formes des esclaves qu’on vendait comme des bouts de viande. En réalité, le Yakuza recherchait la même chose que Karen : un mystérieux artefact qui, d’après ce qu’elle savait, venait tout droit d’Earth-2…