L’inconnu aux longs cheveux gris, qui n’avait toujours pas daigné décliner son identité, semblait en revanche connaître beaucoup de choses sur Babil. Plus qu’une tour magique, elle ressemblait plutôt à une sorte de base militaire uatane, avec ses couloirs métalliques, ses laboratoires, ses portes hermétiques, ses longs tuyaux qui pompaient la mana de Terra pour quelque obscure raison que ce soit. Kiriko, elle, avait fini par peu à peu se radoucir. Malgré ses préjugés envers les hommes, la Celkhane semblait comprendre qu’elle avait besoin d’aide pour se repérer dans ce labyrinthe. Et, même au-delà de ça, apprendre que cet homme pouvait servir Sha était aussi un moyen de la radoucir… Ou peut-être était-ce la présence inconsciente de Misha, qui venait temporiser la mauvaise humeur de Kiriko ?
En tout cas, l’homme marchait, et continuait à distribuer ses explications sur cette tour.
« Uatos a bâti cette tour dans un ancien volcan le long de Wallündrill. Leurs études géologiques ont permis de voir que le cratère du volcan permettait de s’enfoncer très profondément dans Terra. Leur objectif était de rejoindre la mana, car l’éruption volcanique qui avait eu lieu ici n’avait pas expulsé que de la lave, mais aussi cette mana pure que tu as vu. Pour le dire autrement, au fond de ce cratère, il n’y avait pas que du magma en fusion, mais aussi de la mana. »
Une mine avait été construite, pour permettre de construire la présente tour.
« Tu es tombée depuis la partie supérieure de la Tour, et tu es maintenant dans ses fondations, à l’intérieur du cratère. Cette tour a été construite pendant la guerre entre Uatis et Lumen. Les Luméens, avec la maîtrise de la magie, parvenaient à repousser les cohortes de soldats uatéens. La mana, peu présente à Uatis, intriguait beaucoup les contemporains de l’époque, et c’est pour ça qu’ils ont fait cette tour. Ils ont entendu parler de ce volcan en te consultant, Kiriko… Ou, du moins, Misha, à l’époque. »
Les propos de l’homme devaient résonner dans l’esprit de Kiriko, et lui faire voir ce passé lointain. Elle se retrouvait dans le manoir de Misha, cette structure bâtie dans les montagnes séparant uatéens et Lumen, et plusieurs militaires uatéens étaient devant elle. Misha leur expliquait alors que la magie était puissante, et qu’elle se cristallisait parfois. Cette cristallisation prenait la forme de petites sphères magiques que les Lumeniens appelaient des « Materias », mais, parfois, la magie se concentrait aussi sous forme liquide et brutale, dans les tréfonds de la terre.
Misha leur avait parlé d’un ancien volcan endormi sur une île au large de l’archipel de Wallündrill, où elle s’y était déjà rendue. Quand ce volcan entrait en éruption, ce n’était pas de la lave qui en sortait, ou, du moins, pas que de la lave. Kiriko put alors voir le spectacle fascinant de Misha, en pleine nuit, sur un bateau se rapprochant du volcan. Quand ce dernier entrait en éruption, des volutes d’énergie mystique filaient du cratère, illuminant le ciel, formant un spectacle indescriptible et enchanteur.
Depuis le navire, Misha observait donc la scène, et voyait des formes spectrales se former autour d’elle.
« On dirait…
- C’est la meme manifestation que quand des furolucioles apparaissent. »
Sha se tenait à côté d’elle, et les deux femmes se sourirent. La main de Sha se posa sur le ventre arrondi de Misha, et elles purent voir, devant elles, une silhouette floue apparaître, avant de prendre, peu à peu, l’apparence de leur fille. Nausicaa les regardait, et était telle que les deux femmes se l’imaginaient.
« C’est notre fille… »
« Hey ! »
L’homme claqua des doigts, faisant sortir Kiriko de sa transe. Il la contempla silencieusement pendant quelques secondes, avant de poursuivre :
« La magie est très puissante ici, méfie-toi. Elle nous montre des souvenirs passés, parfois des illusions ou des mirages. Et toi, qui es très sensible à la magie, tu as intérêt à te concentrer. »
Ils remontaient le long du couloir, jusqu’à approcher d’une solide porte blindée. L’homme s’approcha d’un interrupteur sur la droite, et appuya sur plusieurs boutons. La porte s’ouvrit dans un antique grincement… Pour laisser voir, derrière elle, une quinzaine de goules qui tournèrent la tête vers le duo en grognant.
« Et merde… En garde ! »
Après tout, il aurait été illusoire de croire que le duo aurait pu traverser toute cette zone sans rencontrer quelques difficultés…