The Multiversity

La petite famille Reid s'était installé au Japon, pour tourner la page, faire en sorte qu'Alissa, surtout, puisse avoir une vraie vie ici, loin de tout danger, de toute pollution des USA. Pollution dans le sens où Eva commençait à avoir une sacrée réputation dans le milieu underground des combats et, non pas qu'elle manquait d'adversaire, mais lors des combats, il y a avait des paris et certains étaient très mauvais perdant. Zéro danger donc, un retour à la ligne, nouvelle page, nouvelle vie ! Elle a dû apprendre le Japonais – comme ses petites sœurs, mais c'était plus simple pour elles qui aimaient ce pays que pour Eva qui n'avait rien contre, mais n'y était pas plus intéressée que ça. Enfin bref, depuis quelques semaines, elles étaient arrivées, tout se passait bien, Alissa se faisait à sa nouvelle école, Kate était à mi-temps comme prof de fitness/musculation dans une salle de gym pour femme et elle « streamais » un peu le soir, ce qui lui rapportait de l'argent. Eva était un peu entre deux chaises. Elle avait assez d'argent pour continuer de subvenir aux besoins, mais elle n'avait pas assez pour se la couler douce à vie donc elle cherchait des jobs, mais, étant non-Japonaise et avec un tel look, trouver une place n'était pas si simple. Comme garde du corps ou videur, sûrement, qu'il y avait un moyen, mais ce n'était pas encore gagné.

Elle a pensé à reprendre ici, une carrière où son talent serait fait pour gagner de l'argent. Légalement, il y avait moyen de viser un club de MMA, voire de jouer en pro ? Elle a le niveau pour ça puis ça rapporte sûrement, gros. Après, dans les clubs plus louche et secret, la mise était bien plus grosse, elle le savait, mais le risque l'était tout autant. Son envie de rester dans la lumière et son envie de gagner beaucoup facilement la titillait, mais elle savait éviter cette voie, pour que ses petites sœurs puissent avoir une belle vie, sans ombre dans leur dos. Eva trainait quand même le soir, à la quête d'un job ou mieux connaître la ville. Les endroits qui avaient besoin de gros bras ouvraient de nuit, pas au petit matin comme les supérettes. Même en restant discrète, elle en imposait. Sa taille, sa carrure, son apparence, à côté des petites Japonaises, elle sortait du lot. Pourtant, elle était habillée simplement, jeans, un débardeur qui ne faisait pas trop décolleter et une veste en cuir sur le dos, mais bon, comme ses tatouages remontaient jusqu'au cou, ça impressionnait bon nombre de passants, qui aimaient un peu trop rester dans le droit chemin. Grand bien leur fasse, elle n'a jamais eu la vie simple alors elle ne pouvait pas savoir ce qu'était que ce genre de normalité. Mais à force de s'enfoncer dans la ville, elle croisait des yakuzas, elle savait que c'était la mafia locale, elle n'allait pas leur chercher des noises, mais forcément, une grande femme plus musclée que la majorité d'entre eux, il fallait qu'ils jouent les gros durs !

Eva répondait pas ou peu, évitant les ennuis, mais quand l'un d'eux sortit un couteau, pas question de rester les bras croisés. Elle était forte, mais elle restait une simple humaine, sa peau pouvait être transpercée ! Elle attendait le premier coup, que ce soit de la légitime défense au moins ! Elle tentait de dire quelques mots pour dénouer tout cela, mais leur égo était en jeu alors ils passèrent à l'attaque ! Eva en avait vu d'autres dans ses combats clandestins, elle dévia l'arme du premier, une seule droite suffit à le mette hors-jeu. Le second tenta une ruade avec son couteau, mais Eva esquiva facilement et deux coups dans le centre suffit à lui faire regretter son geste. Mais les trois restant étaient plus intelligent, sortant une arme à feu de leur veste. Autant elle pouvait en désarmer un avec de la chance, autant elle n'était pas John Wick... Elle allait devoir jouer avec la chance pour réussir ce coup-là. La chance ou le talent...

Valeria sortait d’un rendez-vous avec le Clan Shimizu, l’un de ses nouveaux assujettis. Cela faisait quelques mois désormais qu’ils travaillaient pour elle et leur réputation n’avait pas encore atteint celle des autres clans. En tout cas pas suffisamment aux yeux du succube qui désirait que son territoire soit régi d’une main de fer. Agir autrement dans ce milieu était synonyme de faiblesse et elle ne pouvait se le permettre. Gagner en crédibilité prenait des années, alors que la perdre pouvait prendre quelques jours…

Alors qu’elle sortait de l’immeuble où avait eu lieu le rendez-vous, elle remarqua une grande femme qui descendait la rue. A première vue, elle en imposait. Val regarda un peu mieux, intriguée par cette vision finalement peu commune par ici. Cheveux courts, épaules larges, jeans, baskets et veste en cuir… Une occidentale à première vue.

Les yakuzas la saluèrent alors qu’elle s’apprêtait à partir. Son chauffeur garait la voiture devant l’établissement. Son garde du corps lui ouvrit la portière, mais des cris attirèrent leur attention.

Cinq jeunes hommes s’en prenaient verbalement à la femme. Val tourna la tête vers les yakuzas.

« Qui sont ces hommes ?
- Je ne sais pas Aijin.
- Amenez-les-moi ! »

Les sept hommes se lancèrent en avant. La dispute venait de dégénérer et en était venue aux mains. Manifestement, la femme savait se défendre, car elle prit rapidement deux de ses agresseurs hors de combat, malgré qu’ils utilisaient des couteaux.

Malgré leur nombre, les autres sortirent des flingues !

Non mais je rêve !

La femme semblait prête à faire front malgré tout.

Quel cran !

Evidemment, elle n’avait aucune chance face à trois flingues, mais les yakuzas arrivèrent juste à temps. Un coup de feu retentit, mais personne ne parut touché : un couteau de lancer venait de transpercer le poignet du tireur, déviant le tir !

Surpris, les hommes se réorganisèrent pour faire face à la nouvelle menace. L’un d’entre eux voulut s’enfuir mais fut rapidement rattrapé : même un excellent démarrage ne faisait pas le poids face à deux gars déjà lancés au sprint…

Ce fut bref et violent, les cinq hommes finirent au sol sous une pluie de coups durs et vicieux.

La menace écartée, Valeria et son garde du corps traversèrent la rue jusqu’au lieu de l’agression, les hauts talons du succube tapant sur l’asphalte comme un glas tandis qu’un silence de mort s’était abattu sur le rue.

De nombreux yakuzas ne tardèrent pas à débouler de l’immeuble où elle avait rencontré leur chef, alertés par le coup de feu et les bruits de rixe.

Valeria arriva alors, se présenta devant celui qui avait tiré, écrasa sa main sous son talon aiguille. L’homme hurla. Il aurait voulu ne pas le faire, mais la pression était trop forte.

« C’est comme ça qu’on traite les femmes par ici ?
- Ggg… Aaaa !
- C’est pas une réponse !
- … »

Elle se tourna vers l’un des yakuzas.

« Ce sont vos hommes ?
- Non, Aijin.
- Qui sont-ils ?
- Nous le découvrirons et vous le dirons, Aijin ! »

Il s’inclina en une révérence pleine de respect.

« Parfait. »

Bien sûr, une fois les informations obtenues, Valeria pourrait agir. Pas avant. Les yakuzas seraient rigoureux, comme toujours.

Sans une once d’émotion sur le visage, elle transperça la main de ruffian, tourna le talon en faisant demi-tour, massacrant ossement, muscles et cartilages et l’estropiant à vie, puis se dirigea vers la femme. C’était une jolie occidentale. Deux hommes l’avaient empêchée de s’éclipser. Sans aucune violence, mais il était clair que si elle n’obtempérait pas, ils en useraient, et autrement que ceux qui gisaient au sol. Elle n’avait pas vraiment eu le choix, mais après tout, ils venaient de lui sauver la vie.

« Ca va ? Vous n’êtes pas blessée ? Je suis Valeria Nantoni. Que s'est-il passé ? »

Elle lui tendit la main, une expression inquiète sur le visage.

Eva n'avait pas peur de ses types, des machos, elle en avait connue, elle en avait même défoncé quelques-uns, mais aussi fortes soit-elle, elle ne pouvait rien face à une arme à feu. Elle pourrait sûrement encaisser quelques coups si ce n'était pas en visant ses points vitaux, mais elle n'allait pas tenter le diable, elle n'était pas folle non plus. Au corps-à-corps, elle avait ses chances, mais c'est justement pour cela que ses mafieux locaux voulait sortir de quoi sortir gagnant. Par chance – ou non, car elle connaît comment agisse ce genre de mafieux – d'autres yakuzas venaient l'aider pour empêcher toute blessure. Ils se battaient entre eux, l'empêchant aussi de fuir, évidemment. Elle ne cherchait pas à fuir, elle n'avait pas peur même si elle redoutait ce qu'on pourrait lui demander en échange de cette aide. À sa grande surprise, ce fut une femme qui semblait diriger le groupe. Pas la femme d'un chef, une vraie cheffe de groupe ? Elle ignorait si les yakuzas étaient assez ouverts d'esprits pour avoir des femmes dans leur clan, voir même à leur tête ? Oui, les bosozokus féminins – ces fameux loubards à moto – existait, et le Japon était loin d'être tout rose, même pour une femme, mais si haut ? En-tout-cas, après que les sbires aient reçu l'ordre de tirer les vers du nez de ces personnes, la femme se tournait vers elle, se présentant avec un prénom plutôt européen, mais un nom très japonais. Mariée donc ? Peu importe.

« Rien, ils m'ont bousculé en essayant de m'intimider, mais ça a foiré pour eux. Et quand ils ont vue qu'ils ne faisaient pas le poids, ils ont sorti leur arme. Merci de l'aide en tout cas. »

Elle n'était pas impressionnée, mais elle restait polie, la politesse étant très importante ici, elle ne voulait pas non plus avoir l'air hautaine. Même si cette femme l'intriguait sous bien des choses – tant son identité que son vrai rôle dans ce clan – elle se privait de poser les questions, car avec toutes les mafias, c'est pareil. Moins on en sait, mieux c'est. Elle n'a jamais vraiment fricoté avec la mafia, peu importe leur origine, mais certains avaient déjà parié sur elle, ou contre elle, dans les matches clandestins de sa jeunesse, mais elle n'avait plus peur à force. À arme égale, elle leur faisait la peau. Elle avait un doute sur la possible suite, car, même si des yakuzas un minimum galant, ça existe, il y a le risque de devoir remboursé cette aide.

« Merci de votre aide, mais je ne voudrais pas abuser de votre temps. »

Ce n'était pas son habitude de faire des courbettes et d'être si polie, mais malgré les apparences, elle ne voudrait pas attirer les ennuis sur elle. Comme les Japonais sont très à cheval sur la politesse, elle s'inclinait, prête à partir si on ne la retenait pas.

La jeune femme n’avait pas l’air particulièrement choquée par ce qui venait de se passer. Comme si de telles agressions faisaient partie de son quotidien. Elle répondit d’ailleurs assez sobrement, avec cette sérénité qui se retrouvait généralement chez les gens vraiment compétente.

« Rien, ils m'ont bousculé en essayant de m'intimider, mais ça a foiré pour eux. Et quand ils ont vue qu'ils ne faisaient pas le poids, ils ont sorti leur arme. Merci de l'aide en tout cas. »

Elle ne prit pas sa main tendue, ne se présenta pas. Valeria se renfrogna devant cette insulte. Ne pas être une native ne l’empêchait pas de respecter les coutumes et les règles élémentaires de politesse, que la femme soit impressionnée ou non.

Elle semblait par contre intriguée, mais ne posa aucune question.

« Merci de votre aide, mais je ne voudrais pas abuser de votre temps.
- Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas le cas. Votre… mésaventure va me permettre de remettre certaines choses au point. »

Ah ça oui alors. Car même si cette attaque n’avait pas eu lieu sur son propre territoire, il avait été perpétré par une bande non accréditée – au mieux – ou rivale – au pire – sur celui d’un de ses vassaux. Et ça, c’était impardonnable. Il allait falloir obtenir les informations au plus vite afin de traiter avec les chefs de l’organisation adverse le cas échéant.

Cela pourrait avoir deux issues : un dédommagement ou une guerre ouverte. Etant donné les yakuzas en présence, Valeria penchait plutôt pour la première option.

La femme s’inclinait pour partir, mais Valeria la retint en levant la main.

« Vous n’allez pas déjà nous quitter ? Je ne sais même pas qui je viens d’aider, Mademoiselle… ? »

Les cris étouffés de l’homme ainsi que les chocs sourds des poings s’écrasant sur la chair, fracassant les os, se faisaient entendre non loin, même si les yakuzas avaient sorti leur victime du champ de vision.

« D’ici peu de temps je l’espère, nous saurons pourquoi ces hommes vous ont agressée. Je vous en informerai bien entendu. Ensuite, mes hommes vous raccompagneront. Je ne voudrais pas qu’il puisse y avoir une seconde mésaventure à votre encontre. »

Eva avait beau ne pas être du coin, il y a certaines choses qu'elle savait bien, les yakuzas, la mafia locale, ils pouvaient être vue selon certaines époques comme une police qui se fichait bien des liens du sang ou du rang, faisant juste régner l'ordre, comme une bande de voyous qui allaient tout faire pour extorquer autant d'argent que possible. Elle ne préférait pas trop savoir dans quel plat elle allait mettre le pied, elle cherchait à faire court, moins elle en savait, mieux elle se portait. C'est pourquoi elle restait polie en évitant de donner son opinion ou autre, elle ne faisait que le minimum. Mais la jeune femme qui gérait ce petit monde semblait vouloir connaître son nom. Chose qui était à la fois logique et inquiétante, elle pourrait bien tôt ou tard vouloir être dédommager de cette aide inattendue. Dans un combat à la loyal, elle ne craignait pas grand monde, mais s'il fallait sortir les armes, là, c'était une autre chanson... Elle n'allait pas mentir, pour ne pas risquer pire si jamais la vérité allait se faire savoir.

« Je suis Reid. »

Il était coutume au Japon de se présenter par son nom de famille, appelé une personne par son prénom, c'était pour les gens vraiment intimes, là où chez elle, on donnait le prénom pour se présenter en premier. Mais soit, elle jouait le jeu, après tout, elle ne voulait pas sortir du lot ici, déjà qu'elle était bien assez voyante comme ça. En soit, elle ne s'en cachait pas, mais face à une yakuza, elle ne voulait pas non plus tenter le diable et risquer les problèmes. Entendre ses hommes ramollir ses potentiels agresseurs à coup-de-poing, elle savait ce que ça faisait, elle a déjà donné dans ce genre de rôle.

« C'est gentil de votre part, mais je pense que ce sont juste des imbéciles qui ont pensé avoir une chance à la loyale contre moi. Enfin, oui, je suppose que c'est plus prudent. »

Elle pensait que les yakuzas qui s'en étaient pris à elle auraient plus les boules contre cette autre famille que contre elle, après, elle ne pouvait pas deviner la suite des événements dans le futur. Même si elle ne voulait pas froisser cette femme qui venait de l'aider, elle ne voulait pas non plus paraître vouloir la fuir donc, autant jouer les cartes sur table avec elle plutôt que trouver une excuse pour partir de suite.

« Dites, est-ce je vais vous devoir quelque chose ? J'apprécie l'aide, mais même sans vous connaître, j'ai entendue bien des choses sur les yakuzas, du bon comme du moins bon. Donc, je voudrais pas vous manquer de respect, mais si vous avez un truc à me dire, allez y de suite. »

Un « service » comme on dirait dans certains films, elle peux au moins écouter et voir pour s'arranger ensuite, mais Eva ne voulait plus traîner dans les trucs louches, elle cherchait un boulot stable et légal pour ne pas mettre ses deux petites sœurs en danger. Qu'elle lui dise donc comment rembourser sa dette si besoin, mais ne faisons pas traîner les choses.

La femme semblait nerveuse et ne désirait pas s’éterniser. C’était sage de sa part. Cependant, les événements qui venaient de se dérouler laissaient entendre qu’elle n’était pas n’importe qui. Même ces petites frappes savaient sur quel territoire ils se trouvaient. Ils n’auraient jamais dû intervenir de la sorte. Au pire, ils auraient pu le faire discrètement, dans un coin sombre ou un terrain vague. Mais là ? Ca ne tenait pas la route.

« Je suis Reid.
- Enchantée, Reid. »

Valeria sourit et s’inclina pour la saluer. Elle s’était déjà présentée, aussi ne recommença-t-elle pas. Elle proposa juste de la faire raccompagner par ses hommes et la tenir au courant des raisons pour lesquelles elle avait été agressée.

« C'est gentil de votre part, mais je pense que ce sont juste des imbéciles qui ont pensé avoir une chance à la loyale contre moi. Enfin, oui, je suppose que c'est plus prudent. »

La succube sourit, déployant alors légèrement son aura de charme afin de mettre la jeune femme plus à son aise. Elle la détailla quelque peu. Elle était grande, musclée et dégageait une impression de force sereine. Elle était aussi plutôt jolie, même avec tous ces tatouages.

J’en ferais bien mon quatre heures…

« Dites, est-ce je vais vous devoir quelque chose ? J'apprécie l'aide, mais même sans vous connaître, j'ai entendue bien des choses sur les yakuzas, du bon comme du moins bon. Donc, je voudrais pas vous manquer de respect, mais si vous avez un truc à me dire, allez-y de suite. »

Directe la gamine !

Valeria sourit à nouveau, enveloppa Reid de plus de charme et y instilla une pointe de désir.

« Vous êtes directe. J’aime ça. Je serai toute aussi directe alors. Je ne sais pas. Je ne dispose pas de suffisamment d’informations pour le moment. Je ne sais pas qui vous êtes, ni la raison de votre agression. Tout au plus puis-je déduire de votre maîtrise de la langue que vous n’êtes pas ici depuis très longtemps, je me trompe ? »

Elle attendit un peu, laissant agir ses effets magiques tandis qu’un petit vent se levait et emportait aux narines de Reid son parfum doux et entêtant.

« Je vous propose de vous ramener. Nul besoin de continuer à attendre ici. Il fait froid, c’est la nuit. Les hommes feront le nécessaire et vous serez tenue informée des avancées. Peut-être puis-je vous amener là où vous alliez ? Ou vous ramener chez vous ? »

Bien sûr, sous couvert de questions aimables, il n’était aucunement question d’essuyer un refus de la part de Reid et Valeria savait que la jeune femme en était parfaitement consciente.

« Hijo ! La voiture !
Tout de suite Aijin ! »

Le dénommé Hijo s’inclina puis s’en fut prestement chercher le véhicule. Valeria se rapprocha de Reid.

« Si vous me pardonnez cette indiscrétion, d’où venez-vous ma chère ? »

Eva ne la sentait pas trop, elle avait passé sa vie à côtoyer ce genre de personnalité, cette femme avait beau avoir l'air propre sur elle, elle sentait que ça puait un peu... Elle devait avoir des affaires louches dans le dos, gérer des yakuzas, c'est rarement une bonne chose. Depuis qu'elle était libérée de ses parents, elle s'était promis une vie plus saine, sans vague pour protéger ses petites sœurs alors si elle pouvait se tenir loin de tout cela, elle le ferait. Mais quitter cette dernière sans rien dire, peu de chance que ce soit possible donc, elle préférait être directe plutôt que de trouver une excuse. Elle ne prenait pas la mouche face à son comportement, avouant juste ne pas savoir quoi demander, car elle ignorait tout d'elle ? C'est vrai que vu son look, on l'imagine mal vendre des fleurs au coin de la rue et pourtant, elle faisait tout pour rester droite. Elle savait bien que vu son apparence et sa maîtrise de la langue, plutôt basique, on n'allait pas lui donner n'importe quoi comme job, mais elle bossait actuellement dans un club de strip-tease, jouant les vigiles, faut pas déconner non plus. Donc elle avait l'habitude des personnes croyant qu'elle était « juste » une femme.

« Quelques mois. »

C'était sa réponse, mais elle était vraie. Le temps d'avoir les papiers, de pouvoir trouver un appartement dans cette ville, de s'entraîner au Japonais avec ses petites sœurs, c'était compliqué, mais elles avaient réussi. Elle a payé plusieurs mois par avance dans un appartement plutôt sympa, loin d'être craignos, elle avait peur de faire face à une forme de racisme, d'autant plus qu'avec son apparence, elle pouvait intimider, mais le propriétaire était plus attiré par l'argent que les détails. Du moment que ses biens immobiliers étaient bien entrevu, et que le loyer était là, peu importe. Ça l'arrangeait bien. Elle touchait donc un salaire raisonnable, mais ce n'était pas la fortune, Alissa était encore au lycée et son autre petite sœur alternait entre un job de coach sportive dans un club de sport féminin et quelques stream comme on dit. Elle n'était pas trop branchée sur tout ça, mais elle avait compris qu'elle gagnait un peu plus grâce à ça, sans faire trop d'effort.

« Le prenez pas mal, mais j'aime pas donner mon adresse à une inconnue, comme ça... Allons ailleurs si vous tenez à bavarder un peu. »

La magie faisait son petit effet, mais Eva restait prudente, elle avait raison. Elle ne voulait pas que quoi que ce soit n'arrivé à ses petites sœurs. Si cette femme dirigeait un quelconque clan, elle ne voudrait pas que son adresse soit ensuite dans ses petits papiers. Sans la magie, elle aurait pu être capable de l'envoyer chier.

« Je viens des Etats-Unis. Ma famille voulait venir ici alors on a fait en sorte que ce soit possible. »

Elle s'ouvrait un peu, mais un minimum. Sa famille, elle ne précisait pas qui, vu son âge, cela pourrait bien être ses parents âgées ou autres, bien qu'en vérité, elle voulait faire en sorte qu'Alissa soit plus à l'aise et ait une vie agréable, pas comme ce qu'elle a vécu à son âge donc, même si cela l'avait un peu fait chier de faire autant d'effort – ce n'est pas rien d'apprendre une langue qu'on a pas forcément envie d'apprendre – elle l'avait quand même fait pour changer d'air, même de pays, pour elle. On ne dirait pas, mais elle prenait soin de sa famille.

« Croyez pas que je suis ingrate, c'est juste que comme vous, je vous connais pas, je veux pas prendre de risque à trop en dire sur ma vie personnelle, mais si ça peut vous rassurer, j'ai un travail honnête et j'évite autant que possibles les trucs... louche. »

Elle n'a jamais touché à la drogue, aux armes ou autres mais pour avoir participer à des match underground où tout était permis, elle savait bien que les combats n'étaient pas la seule distraction de ce genre d'endroit, donc, au cas où on viendrait à elle, elle avait quelques anecdotes sur tel ou telle personne, pour qu'on lui foute la paix. Mais des Japonais, yakuzas qui plus est, non, ce n'était pas dans ses souvenirs... Elle n'avait donc rien à craindre de prime abord. Elle se sentait légèrement à l'aise, mais méfiante quand même en grimpant dans la voiture.

Malgré l’aura de charme et de désir, Reid restait terriblement méfiante. Valeria sourit à sa nouvelle rebuffade.

« Le prenez pas mal, mais j'aime pas donner mon adresse à une inconnue, comme ça... Allons ailleurs si vous tenez à bavarder un peu. »

C’était amusant. Pour une fois que quelqu’un ne lui tombait pas tout cuit dans le bec ! Bon, il fallait avouer que si elle mettait la dose, ce serait le cas, mais là, la magie se contentait de faire insidieusement son chemin dans l’esprit et les sens de la jeune femme et l’amadouait petit à petit.

« Ne vous en faites donc pas, je comprends.
- Je viens des Etats-Unis. Ma famille voulait venir ici alors on a fait en sorte que ce soit possible.
- Ah oui ? Et dans quel but ? »

La succube s’était à présent suffisamment approchée pour que Reid puisse inspirer son parfum suggestif. Discret et efficace, créé spécifiquement pour elle sur Terra, il avait un impact important sur les sens, empêchait les idées de se former aussi sereinement qu’elles l’auraient dû par le truchement de l’éveil de désirs inopportuns.

« Croyez pas que je suis ingrate, c'est juste que comme vous, je vous connais pas, je veux pas prendre de risque à trop en dire sur ma vie personnelle, mais si ça peut vous rassurer, j'ai un travail honnête et j'évite autant que possibles les trucs... louche.
- Hahahaha ! Des trucs louches ? »

Le rire de Valeria était franc et spontané, chaleureux et communicatif. Une réelle bonne humeur qui lui fit du bien après ces ennuyeuses mais importantes tractations dont elle venait de se débarrasser.

La voiture arriva sur ces entrefaites et le chauffeur sortit prestement pour venir leur ouvrir la portière.

« Après vous, Reid. »

Valeria laissa entrer la jeune femme et la suivit à l’intérieur d’une grande berline dont l’arrière avait été pourvu de tout le confort moderne. Tout de cuir sombre rehaussé de piquetages d’or, une chaleur agréable y régnait. Un espace plus que nécessaire avait été laissé pour les jambes des passagers, qui pouvaient même les étendre s’ils le voulaient. Un écran rétractable était rabattu au plafond, un clavier était rangé au dos du siège conducteur. Un petit espace avait été prévu pour contenir un téléphone et à côté se trouvait même un délicat petit coffret.

Valeria s’assit avec classe et croisa délicatement ses jambes. Après avoir donné consigne au chauffeur de rouler, elle ouvrit le coffret à la vue de Reid et dévoila deux verres ainsi qu’une bouteille de Hibiki.

« Je n’ai que du whisky à vous proposer, mais nous pouvons aller ailleurs si vous préférez. Où désirez-vous aller ? »

Valeria laissait le charme agir, la méfiance de Reid s’endormir petit à petit. L’amener à donner son adresse serait un très bon point. Mais de toute façon, elle l’apprendrait bien vite, tout comme son passé. Si les yakuzas ne parlaient pas, ses hommes feraient leur enquête et ce serait chose bouclée, probablement avant le lever du jour.

Eva n'était pas le genre de fille à tout dire à la première venue, surtout que cette femme semblait tremper dans des affaires louches, pile le genre de chose qu'elle voulait éviter pour elle comme pour ses sœurs. Même si une magie était en train de faire doucement son effet, ça n'allait pas la changer du tout au tout en trente secondes. C'est pourquoi à sa question de savoir ce qu'elles étaient venue chercher dans cette ville, ce nouveau départ, Eva répondit simplement un nouveau train de vie dans ce pays. Ça restait assez évasif sur la vraie raison et ça restait vrai surtout, sans dire précisément pourquoi. Même si Valéria avait sûrement vue ou vécu bien pire, parler de combat clandestin d'enfants, et même jeunes adultes, car à la fin, elle n'était plus si jeune que ça, ce n'était pas le genre de chose qui devrait arriver dans un pays aussi évolué que les USA et pourtant, toute lumière à sa part d'ombre. Doucement, sa méfiance diminuait sans qu'elle ne s'en rende compte, le temps pour elle de changer de voiture pour une plus classe et spécieuse, elle venait même de se faire offrir un verre ! Elle n'allait pas cracher dans la soupe, surtout que ça lui convenait comme type de boisson. Cependant, on lui proposait d'aller où elle voulait. Seul hic, elle ne voulait toujours pas donner son adresse et le seul autre endroit qu'elle connaissait, c'était son travail. Hors, elle était en repos et n'allait pas déranger Pepper pour rien.

« Peu importe, du moment que ça reste sans danger... »

Méfiante encore, mais moins qu'avant. Elle but une petite gorgée de son verre, c'était plutôt bon, pas un truc de bas étage, mais évidemment, elle n'allait pas en abuser. Déjà, c'était de l'alcool et un truc de ce calibre, ça se savoure, elle n'allait pas finir en verre en trente secondes.

« C'est une belle voiture, même dedans... ça doit coûter plutôt cher ? »

Une question un peu passe-partout, mais c'était la preuve qu'Eva abaissait doucement ses barrières au moins, elle n'était pas au point de se déshabiller facilement sur une simple demande, mais comparé à quand elles s'étaient rencontrées, il y avait du progrès. Doucement, elle prenait ses aises, loin d'être détendu, mais doucement, mais sûrement, la magie faisait effet.

Eva restait prudente et silencieuse, mais pas trop. Elle savait qu'elle ne devait pas bomber le torse et faire la fière, même si elle pourrait aisément maîtriser cette femme, c'est plutôt sa réputation qu'elle craignait. Sans se dire reine de la ville, en force, elle n'avait pas à avoir honte, mais qu'importe les muscles, face à une arme à feu ou un couteau, elle restait une simple humaine, sa peau n'était pas en acier, elle pouvait se blesser, saigner, et même pire... Sans surprise, la femme se voyait au-dessus du peuple, elle en a vu des personnes comme ça, mais le plus souvent, c'étaient des mecs en costards plutôt, même si elle a déjà aperçu des femmes, c'était plutôt des types peu recommandable. Elle a vu parfois ces gars l'approcher, lui offrant volontiers quelques billets face au pactole qu'ils venaient de gagner grâce à elle. Elle aurait pu y voir un maigre réconfort, mais à cette époque, même si elle touchait aux billets, une fois hors de leur vue, c'étaient ses parents qui prenaient les pourboires. Pas le genre de souvenir agréable, même s'il y a pire...

Au fil du voyage, elle venait à se demander quel genre de méthode de combat, elle utilisait ? Aucune en vérité, en tout cas, elle n'avait rien appris de concret, c'était peut-être des choses qu'elle a copier au fil des années, mais elle n'a jamais appris de style précis.

« Aucune idée, j'agis simplement pour me défendre. Y a peut-être une ou deux prise, d'ic et là, mais... J'ai aucune idée d'où ça provient... »

Cela pouvait faire sourire les amateurs, un style de combat qui n'en était pas un, copier des choses ici et là, c'était du grand amateurisme et pourtant, elle en a connu des champions de ceci ou de cela, mais elle a toujours gagné. Pas sans se faire amocher le plus souvent, mais Eva avait une belle réputation dans les combats underground pour ça, dans sa jeunesse, c'était une enfant des rues qui rétamait ses adversaires un à un. Elle a bien sûr perdue des matchs, mais ce fut surtout à ses débuts, par la suite, elle était redoutable.

Au fil de la promenade, Eva se sentait plus détendue, mais le genre de détente qui n'avait rien à voir avec une ambiance plus apaisante, elle sentait une sorte de tension sexuelle, une attirance. Elle a peut-être été drogué pour ça, si tel était le cas, elle voulait bien faire plaisir à cette femme mais elle devait garder la tête froide, rien dire, rien faire qui pourrait lui coûter cher.

« Z'avez foutue un truc dans mon verre ? »

Ce n'était pas une menace, une question, tandis que ses cuisses se frottaient ensemble, elle n'était pas une prude demoiselle, elle a fait bien des choses, et depuis qu'elle côtoie Pepper, elle sait ce que ça fait de bander et de jouir dans une femme, mais si elle pouvait accepter le changement de son corps via des petites pilules, elle n'a pas encore approcher la magie. Alors c'est pour ça qu'elle pouvait comprendre l'effet d'être droguée, pas envoûter.

« Je veux pas être insultante... Coucher avec vous, c'est ok... Mais me faites pas... pas perdre connaissance... »

Que ce soit dans le bon, comme le mauvais sens du terme...