The Multiversity

La situation était préoccupante, inhabituelle, et dangereuse. Depuis l’Olympomachie, Papua était en situation critique. De nombreux soldats papuans avaient été tués, mais les récoltes avaient étyé dévastées. Pour ne rien arranger, une tempête magique avait récemment dévasté les oasis centraux de Papua, aggravant la situation. Et, enfin, à l’est, les forces rebelles de l’Affiliation continuaient à déferler, multipliant les exactions, les tueries, les rapts. La situation était donc grave, et des manifestations avaient lieu tous les jours, ainsi que des marches pour la faim. Au sein de la capitale, la situation était tendue à hauteur du Grand Souk.

En temps normal, c’était un marché très agréable, accueillant les bateaux venant des autres provinces impériales entourant le Lac de Papua. La Couronne avait beaucoup compté sur des navires marchands ramenant des denrées, mais, quand les navires arrivèrent, les denrées étaient bien moins importantes que ce qui était annoncé. Le Tao-Bong avait aussi connu ses soucis, et le stock de riz n’était pas très important, tout comme la viande et la volaille.

« La situation gronde…
-  C’est à vous de diriger, Majesté. »

Son frère était parti à l’est affronter les barbares de l’Affiliation, son père avait rejoint la capitale impériale pour tenter de préserver l’Empire. Sa mère, quant à elle, était en train de négocier avec les autres provinces de la mer intérieure pour trouver une solution. En leur absence, Rhian assurait donc la gestion, et était confrontée à un choix cornélien : déployer ses gardes pour mettre fin aux émeutes, ou laisser la situation empirer et risquer des échauffourées. Nasser al-Asri, respectable vizir de la Cour royale, tâchait de la conseiller au mieux.

« Vous devez bien comprendre qu’il n’y a aucune bonne solution… Les gens sont surtout inquiets. Les attaques dans la ville, les vagues d’ennemis à l’est… Déployer les troupes montrerait que l’ordre est encore présent.
-  Ou transformerait les manifestations en émeutes… »

Ayant besoin d’y réfléchir, Rhian quitta la salle de réunion. Elle avait un autre problème à gérer, beaucoup plus significatif.

Il y a quelques jours, elle avait reçu un message émanant d’une femme dont elle n’avait jamais entendu parler, une certaine Phasmaria. Elle lui indiquait être une ancienne prêtresse papuanne, et qu’elle était visiblement sa demi-sœur lointaine. Surprise, Rhian avait un moment cru à un canular, mais Nasser lui avait certifié que le sceau était bien celui de Phasmaria, une sorte de fugitive rebelle qui voulait libérer les Furrys. Elle vivait dans son refuge au milieu des terres abandonnées du nord, « l’Oasis ». Rhian, qui avait récemment rencontré le peuple des Gerudos dans cette région, et qui bénéficiait d’ailleurs de l’aide de leurs guerrières (Urbosa était après tout celle qui l’avait mise enceinte), avait appris d’Urbosa que Phasmaria existait bien, et qu’elle était « aussi bandante qu’intelligente », comme elle le disait si bien.

Phasmaria avait des nouvelles à lui dire, et souhaitait venir avec une femme, Shad, qui l’avait aidé à retrouver leur ancêtre commun, Fulron.

Rhian avait autorisé leur venue, mais, comme celle-ci avait coïncidé avec les troubles au port, elle n’avait pas encore eu le temps de les voir. Elle alla donc les rejoindre dans un salon. Elles avaient reçu des fruits exotiques, des boissons et de l’eau, tandis que l’homme, Fulron, était profondément endormi, et avait été conduit à l’infirmerie. Rhian vint donc les voir.

« Bonjour, Mesdames. Navrée pour le retard, je… »

Rhian s’interrompit brusquement. Ce n’était pas tant la beauté fascinante de Phasmaria qui la surprenait, mais ses bijoux dorés s’illuminèrent en croisant Phasmaria. Ces bijoux s’illuminèrent également, vibrant chaudement.

« Oh… Alors, ça, c’est… Inattendu.
-  Comme vous dites, Majesté… »

La Louve avait pu faire la connaissance de Phasmaria à l’Oasis, là les deux femmes après plusieurs péripéties avaient pu retrouver le fameux tombeau où était enfermé le corps de Fulron. Ce dernier avait pu ainsi lié de nouveau son âme à son apparence physique et pu leur délivrer quelques mots : Notamment à Phasmaria et du fait qu’elle était bien la demi-sœur de Rhian Thoris, dirigeante de Papua. Il l’avait enclin à la retrouver avant de sombrer dans l’inconscience.

Les préparatifs pour la grande cité de Papua furent assez rapides et Shad fut conviée à accompagner Phasmaria ainsi que Fulron qui était profondément endormi. Le trajet se fit sans réel accident mais l’Okami nota néanmoins une certaine tension au sein de la cité, quelque chose clochait. Et l’Olympomachie qui avait fait des ravages quelques temps plus tôt n’y était peut-être pas étrangère. Elles arrivèrent au palais et furent amené dans une pièce où quelques victuailles leur furent proposés en attendant. Quand Rhian arriva, elle inclina la tête en guise de salutation mais la lumière que diffusèrent les bijoux des deux femmes lui firent rapidement relever la tête. C’est sûr : Cela n’était pas banal.

« Si nous avions besoin d’une preuve Majesté, je pense que nous la tenons devant nous. »

Leurs bijoux respectifs brillaient en harmonie, et quelle intensité ! La lumière qu’ils dégageaient étaient chaude, apaisante ! La Lycane se mis un peu en retrait afin de laisser les deux femmes faire plus ample connaissance. Quant on vent toquer à la personne. Une personne entra, s’inclinant avant de prendre la parole, on pouvait noter qu’il avait couru, de la sueur perlant le long de sa nuque.

« Je vous présente mes excuses Majesté ! Mais j’ai une missive importante à transmettre ! »

A la surprise générale et surtout de la concernée, la missive fut donnée non pas à Rhian mais à l’Hybride en personne ! Cette dernière regarda le messager d’un air un peu dubitatif avant d’ouvrir la lettre et de parcourir rapidement les lignes qui la composait.

« NON MAIS C’EST PAS VRAI IL VA JAMAIS CREVER CE CON ? »

Elle pesta avant de prendre une inspiration et d’expiré doucement.

« Mes excuses. Les nouvelles sont alarmantes Majesté. – elle lui tendit la lettre – un adversaire redoutable, nommé William Hamleigh est au cœur des conflits et des attaques armées mené à Papua. Son objectif étant de réveillé les Djinns noirs. Je ne sais exactement ce qu’ils sont mais si Hamleigh cherche à les réveiller, cela n’est pas un bon présage. Croyez-moi, il ne faut pas sous-estimé cet homme… »

Tout cela n’envisageait rien de bon….

C’était inattendu, en effet. Rhian observa sa tenue dorée qui luisait, qui vibrait chaudement. Une lueur très intense, qui résonnait avec celle de Phasmaria. Rhian n’aurait su le décrire autrement. Elle savait que cette tenue dorée très sensuelle était un trésor familial, une tenue aussi vieille que ce Palais, si ce n’est plus, et que les Princesses héritières portaient traditionnellement. Phasmaria semblait aussi perplexe qu’elle, mais, avant que les deux femmes ne puissent converser à ce sujet, la porte s’ouvrit à nouveau.

Un page remit une lettre à Shad, qui bondit sur place, et fulmina, surprenant Rhian. Devant le regard surpris de Rhian, Shad lui remit la lettre, tout en lui expliquant qu’un certain William Hamleigh était en vie. Rhian détailla la lettre. C’était un papier solide, avec une écriture fine et élégante, dotée d’un tampon impérial :

Chère Shad,

J’espère que cette lettre saura te trouver. J’ai entendu dire que tu avais séjourné à l’Oasis de Phasmaria, confirmant ainsi l’existence de ce lieu. J’ai aussi entendu dire que tu avais retrouvé un homme piégé dans un sarcophage, un Dieu. Tu es v raiment incroyable.

Je tenais néanmoins à te prévenir. Alexandre Dowell, comme tu le sais, a réussi à pacifier la forêt de la Calla. Le Conseil Impérial doit examiner la proposition d’alliance qu’il a fait à cette dame venant de l’autre côté de la forêt, Bowsette. Mais, surtout, nos espions nous ont fait savoir que la personne qui menait les troupes de l’Affiliation dans la Calla, William Hamleigh, était toujours en vie.

Nous avons aussi appris que le Baron Rouge se trouve du côté de Papua, et poursuit de toute évidence ses sinistres recherches. Nos inspecteurs ont trouvé des cartes de Papua dans son château, des cartes anciennes, ainsi que des éléments concernant une Reine légendaire originaire de la Terre, Tin Hinan.

Je te demande d’être prudente, même si je commence de moins en moins à croire aux coïncidences. C’était sans doute la volonté de la Tortue que tu te trouves ici, et que ton chemin croise à nouveau la route de Hamleigh.

Prends soin de toi, ma chérie.

Mélinda Warren,
Première Dame de Mijak
Impératrice consort

Rhian fixa la lettre à plusieurs reprises.

*Tin Hinan ?*

Phasmaria s’empara à son tour de la missive, et la consulta, tandis que Rhian s’assit.

« Bon… Essayons de raisonner par étapes. Pour commencer… Qui êtes-vous ? Comment se fait-il que l’épouse de l’Empereur en personne t’écrive, Shad ? Et toi, Phasmaria, d’où tiens-tu ces bijoux dorés ?
-  On les porte de mère en fille dans ma famille depuis toujours. Tout porte à croire qu’ils constituent un seul et même ensemble… »

L’ordre de Maturin… Rhian fronça lentement les sourcils. Ce nom ne lui était pas inconnu, et elle dut faire un bref effort de mémoire pour se rappeler de ce nom.

« Maturin… Comme dans la comptine ? La Tortue qui veille sur les enfants ? »

Sa question n’appelait pas vraiment de réponses. Elle avait entendu parler de Maturin, une figure de l’Ordre Divin, la religion monothéiste de Terra. Cette religion n’était pas majoritaire à Papua, mais Rhian, qui était curieuse et aimait lire, se rappelait d’un vieux livre de comptines et de contes. Certaines de ces histoires évoquaient la Tortue qui aimait les rires des enfants, une figure protectrice qui veillait sur le sommeil des enfants.

La louve évoqua également la Monarchie de la Rose et le Roi Cramoisi. Ça, en revanche, elle savait de quoi elle parlait : une organisation criminelle terroriste internationale, qui disposait d’un bras armé, l’Affiliation, laquelle était accusée de sévir à Papua. Le nom de William Hamleigh ne lui était pas non plus inconnu. C’était un ancien noble, dont la famille avait perdu ses terres et titres de noblesse. Il était à ce jour un criminel recherché par les autorités impériales. Autant dire que les informations données par Shad étaient très sérieuses, même s’il restait aussi à gérer le cas de Phasmaria, de la manière dont leurs tenues résonnaient entre elles, et de cet homme qu’elles avaient amené.

« Tes propos sont cohérents, mais il va falloir m’en dire plus. Cependant, je crains que cette discussion ne soit longue. Aussi, je vous propose de vous reposer, puis de m’expliquer votre histoire dans le détail ce soir, lors du repas. »

Rhian leur proposa de reporter cette conversation. Elle offrit une chambre pour chacune des deux femmes, ainsi que la possibilité de prendre un bain. Des pages les guidèrent donc vers leurs chambres. Shad avait droit à une chambre en hauteur, avec un grand lit, et une terrasse accessible en écartant un rideau. Dehors, on pouvait voir la capitale qui s’étirait au loin.

Le soir venu, Shad et Phasmaria furent invitées à la table de Rhian, dans un salon agréable. Rhian leur proposa un apéritif avec du vin, tout en proposant des fruits, ou des jus de fruits à défaut de vin. Phasmaria et Shad lui parlèrent ensuite de leur périple, de l’Oasis, et de l’homme qu’elles avaient retrouvé, le dieu Fulron, qui leur avait expliqué avoir eu des enfants il y a longtemps, et qui avaient rejoint Papua.

« Ces éléments de notre tenue étaient a priori une seule et même tenue jadis, celle que Fulron enchanta pour sa femme, Néfertiti. »

Rhian commençait lentement à envisager les conséquences des explications de Phasmaria. Elle avala encore un peu de son vin, puis se retourna vers Shad.

« Et toi, donc… Tu m’as parlé de la confrérie de Maturin tout à l’heure, mais… Ce… Ce Fulron n’en fait pas partie. Pourquoi s’est-il adressé spécifiquement à toi ? En as-tu une idée ? »

Rhian avait écouté avec intention et semblait ne pas être totalement indifférente quant aux différents éléments donnés par Shad. Cependant elle avait raison sur un point, la discussion qui en découlerait risquait de prendre du temps et mieux valait la reporter à un moment plus propice. Elle proposa donc à Phasmaria et Shad des chambres individuelles où elles pourront se reposer un peu et prendre un bain si l’envie leur prenait. La Louve fut guidée jusque dans sa chambre et en sortant sur un balcon annexé à cette dernière, elle put poser son regard sur la capitale de Papua. Elle observa les différents bâtiments ainsi que les passants pendant quelques minutes avant de retourner à l’intérieur pour prendre un bain.

Le soir venu, elle rejoignit Phasmaria et Rhian dans un grand salon où elles partagèrent une table et surtout où les explications concernant leurs venues furent expliquées avec plus de détails. L’Okami répondit sans peine aux diverses questions de Rhian, notamment celles qui demanderaient plus d’explications. Et petit à petit le lien familial liant les deux femmes et donc son implication se fit donc ressentir. Un sujet qui fut quelque peu contourné quand Rhian s’adressa à Shad concernant le fait que Fulron, qui n’était pas lié à l’Ordre de Maturin l’aurait contacté.

« Disons plutôt qu’il en fait partie. Fulron est un des treize gardiens de la Tour, et je suis une Immortelle, celle du Loup. J’ai appris ce fait lors de l’Olympomachie. Lors de mon séjour à Sylvandell je fus contacté par Fulron et pour faire simple la présence de la Reine de Sylvandell et la mienne lui permirent de se réincarner sur le plan mortel, mais seulement sous son apparence draconnique. C’est là où mon périple à Papua pris son sens, celui de retrouver son corps enfermé. C’est aussi à cet instant à Sylvandell que j’ ai appris que j’étais son Immortelle. Il semblerait donc que les Gardiens et Immortels ne sont pas obligés d’être de la même famille. »

Car oui, cette infornation avait aussi surprise la Louve ! Elle qui pensait qu’elle serait plus lié au Gardien du Loup. Elle but une gorgée de jus de fruit avant de reprendre.

« Je ne peux prédire ce qu’il dira à son réveil, ni les informations qu’il donnera mais…Je note que tout cela vous travaille. Cependant, nous ne devons surtout pas oublier la menace de William Hamleigh qui plane sur votre royaume. »

Et ce fait précis était imminent comparé au réveil de Fulron.

Rhian les écouta sagement, tandis que des serviteurs apportaient des plats. Il y avait aussi des boissons. Rhian constata avec amusement que Phasmaria semblait aimer le même vin qu’elle : le vin d’épines. Un vin cuit, léger et sucré. Shad lui parla de son périple à Sylvandell, et que l’homme endormi s’appelait « Fulron ». Ce nom ne lui disait rien, mais Fulron avait parlé à Shad dans ses rêves. Il lui avait demandé de la retrouver, qu’il était le Patriarche de Sylvandell, mais aussi l’un des Treize Gardiens de la Tour. Shad elle-même était une Immortelle. Rhian fronça les sourcils en entendant cela. Ces termes ne lui étaient pas inconnus.

« Je vois… Et toi, Phasmaria, tu es aussi une Immortelle ?
- Non… Enfin, je ne pense pas. J’ai secondé Shad pour l’aider à retrouver cet homme dont elle parlait. J’ai aussi senti sa présence, et il m’a indiqué… Que je serais sa fille. »

Rhian resta silencieuse quelques instants, et reprit :

« Je sais qui tu es, Phasmaria… Nos services de renseignement parlent de toi comme une fanatique qui dirige un mouvement terroriste. »

Elle sentit Phasmaria frémir sur place.

« Curieuse manière de définir une résistante…
- Détends-toi ; si je souhaitais t’arrêter, tu ne serais pas à ma table. Je sais que tu es une ancienne prêtresse de Bastet, et que tu t’es rebellée contre ta condition. Je ne suis pas idiote ni raciste, j’invite à ma table deux hybrides. Je partage donc ta cause, Phasmaria. »

Phasmaria sembla se radoucir un peu.

« Tu cherches à me provoquer, alors ?
- Je cherche à voir si la colère te rend plus belle ou non… »

La Déesse-neko secoua la tête, visiblement surprise par cette réflexion. Rhian fit ensuite un signe à l’un de ses pages, qui lui remit un livre.

« Tout à l’heure, tu as parlé de Maturin, Shad… Je me suis rappelée cet après-midi de ce nom. Il était mentionné dans un livre d’aventures et de contes de fées eldois que je lisais petite, mais un scribe m’a dit que l’Ordre Divin évoquait également Maturin. »

Elle posa le livre au milieu de la table, permettant aux deux femmes de lire son nom : « Étude de la Cosmogonie : mythologie eldrichtienne ».

« Ce livre a été rédigé par des érudits ordéens. Il évoque certains aspects de la Cosmogonie. Maturin, la Tour, les Gardiens… Les Eldois croyaient en la bénédiction de la Tortue, et c’est aussi un symbole de protection dans la religion ordéenne. La Tortue est l’une des figures majeures de l’Ordre Divin, le premier des Gardiens, le Guide et le Protecteur… Une silhouette invisible qui veille sur le bon ordre du cosmos, et qui lutte pour la préservation du cycle de la vie et de la mort. »

Phasmaria haussa les épaules.

« J’ai été prêtresse, je connais ça… Mais quel rapport avec nous ? Ce Fulron pensait que j’étais sa fille… Et que j’avais une sœur. Ce temple où nous l’avons trouvé… Il n’y avait pas que le sarcophage, mais aussi des traces d’un antique Portail dimensionnel, ainsi que de vieux ouvrages poussiéreux et rapiécés. Des carnets, des notes, des parchemins… Fulron venait d’une autre dimension, et essayait de retrouver sa famille quand il a été enfermé dans ce sarcophage. Et ces morceaux d’armure que nous portons, toi et moi, ont été bénis par lui, et donnés à sa femme pour la protéger… »

Rhian la regarda lentement, consciente de la suite de son raisonnement.

« La généalogie des Thoris remonte officiellement jusqu’au roi Nomeydas, celui qui parvint à vaincre les Djinns Noirs à l’aide des Géants de Lumière. On sait assez peu de choses sur Nomeydas, et la plupart des faits le concernant ne sont pas historiquement vérifiés. On dit cependant que sa mère était d’une beauté sans pareille, et les récits de sa lutte contre les Djinns Noirs indiquent que son armure dorée aurait explosé lors du combat final. Sa mère… »

Rhian se pinça les lèvres, et regarda alors Shad.

« Est-ce qu’il t’en a parlé, Shad ? Ce Fulron ? La mère de Nomeydas, la mère de mon aïeul, était connue pour sa beauté unique, une beauté dont les Thoris ont souvent été héritières, et qui transfigure sur Papua… Elle s’appellerait Néfertiti. »

Aïcha ? La surprise put se lire sur les yeux de Rhian. Cela laissa le temps à Phasmaria de préciser les choses :

« Ma mère m’a toujours dit que nous descendions de Bastet, la Déesse des chats. Je n’y ai jamais cru, mais je me suis fait passer pour une Déesse. C’est amusant… Finalement, je descends bien d’un dieu. Aïcha… Ce nom ne me dit rien.
- Moi non plus… Mais nos tenues ne mentent pas. Et ce que dit Shad me semble exact. »

Rhian réfléchissait à un test sanguin. Les alchimistes pouvaient examiner des prélèvements sanguins pour déterminer s’ils étaient similaires ou non. Cependant, Rhian n’était pas convaincue de l’utilité d’un tel test, car leur ancêtre commun était de toute évidence très éloigné. Elle pensait donc que le test ne serait pas parlant. De plus, elle n’en avait pas besoin. Outre la manière dont leurs tenues avaient vibré, Rhian le sentait. Elle secoua alors la tête, et ferma les yeux, sentant une vague d’émotion la saisir. Elle se devait de rester calme et maîtresse de ses émotions, mais Rhian sentit malgré tout un reflux. Elle essuya brièvement ses yeux embués, et fixa encore Phasmaria.

« Alors… Comment on doit s’appeler, toi et moi ? Sœur ? Demi-sœur ?
- J’ai essayé de retracer mes origines, tu sais… Il y a des siècles que Nomeydas a vaincu les Djinns Noirs, au moins. On peut même parler sur un millénaire. Je crois qu’il n’y a aucun terme officiel qui nous définisse. Aïcha n’a jamais été la dirigeante de Papua, et elle a dû avoir d’autres enfants que moi, qui ont eux aussi eu d’autres enfants, et ainsi de suite. Cependant, pour une raison inconnue, nous nous retrouvons ensemble, et je dispose de pouvoirs magiques qui m’ont permis de faire jaillir l’eau des profondeurs. »

Ce n’était pas une coïncidence, Rhian en était persuadée. D’une manière ou d’une autre, la Tortue avait choisi de les rapprocher. Elles en sauraient bien sûr davantage avec le réveil de Fulron, mais, pour l’heure, Rhian sentait en sa chair que, malgré les dizaines de générations successives, Phasmaria était ce qui se rapprochait le plus d’une sœur. Rhian reprit donc contenance, puis se tourna vers Shad.

« Bon, alors… William Hamleigh… J’ai regardé ce que nos renseignements avaient sur lui et sur ses troupes. Des rapports font état d’attaques de caravanes et de greniers à Al-Ehim. Cette province est très riche en terres fertiles, on l’appelle ‘‘Le Grenier de Papua’’. William Hamleigh aurait fourni des armes et des ressources à un cheikh rebelle… »

Elle expliqua à Shad que ce cheik s’appelait « Bana Hossum », et dirigeait des rebelles surnommés « Les Lions du Panshra », en référence à la vallée de la Panshra où ils avaient choisi de fonder leur mouvement.

« Il existe à Papua des rigoristes, des zélotes et des fanatiques. Ils n’apprécient pas notre liberté, notre mode de vie, et se revendiquent de traditions extrêmes. Ils estiment que nos péchés sont à l’origine de l’Olympomachie. Personnellement, je pense que Hossum utilise surtout cela comme prétexte pour s’emparer du pouvoir. J’avais prévu de me rendre à Al-Ehim, car il est surprenant que Hossum se soit enhardi à ce point. Que peux-tu me dire sur William Hamleigh, Shad ? Tu as l’air de bien le connaître… »

Une sœur… Certes ? Phasmaria n’était pas à proprement parler sa sœur, mais Rhian ne pouvait aller contre l’idée qu’elle était bien ce qui se rapprochait le plus d’une sœur. Elle n’aurait su dire pourquoi, mais elle le sentait au plus profond d’elle. En ces temps troublés, Rhian mesurait à peine les conséquences d’une telle information. Que faire de l’Oasis de Phasmaria ? Fallait-il le rattacher à Papua, ou en faire une principauté ? Et ce alors que l’Oasis souhaitait libérer les esclaves, et que Papua avait recours aux esclaves… Rhian imaginait déjà les critiques, les protestations, les accusations. Mais, au-delà de ça, Rhian avait le sentiment que quelque chose de bien plus important que le domaine de Phasmaria se jouait en ce moment. Comment expliquer toutes ces coïncidences autrement ? Phasmaria, Shad, et ce qu’elle indiquait… William Hamleigh, la Monarchie de la Rose. Rhian l’écoutait silencieusement. Tout ce que la louve lui disait ne lui était pas totalement inconnu. Et, tandis que Shad parlait, Rhian repensait à ces rapports des Renseignements Extérieurs sur un attentat survenu en plein cœur de Lumen avant l’Olympomachie, un attentat qui avait déclenché une sorte de secousse magique ressentie à l’échelle du globe. Les rapports des espions mentionnaient une « hybride de type lupus ».

Les propos de Shad étaient sincères, mais guère rassurants. Phasmaria abonda ensuite dans son sens :

« Mes hommes ont déjà affronté certains de ces bandits. Ce Hamleigh n’est pas tout seul, il agit à travers le bras armé de la Monarchie…
- …L’Affiliation » la coupa Rhian, comme une manière de leur montrer qu’elle n’était pas totalement ignorante.

Un léger moment de silence s’installa, pendant lequel Rhian but un peu de son vin.

« Ces nouvelles sont… Assurément préoccupantes et plus désagréables que le fait de savoir que j’ai une sœur cachée. Car tu le ressens toi aussi comme ça, n’est-ce pas, Phasmaria ? Malgré les générations qui séparent nos ancêtres, j’ai le sentiment que tu m’es proche, alors que je ne t’avais jamais vu jusqu’à présent. »

Ce fut au tour de Phasmaria de répondre après quelques instants de réflexion.

« Je le sens aussi… Et le fait que nos armatures entrent en résonance… Je me suis fait passer pour une Déesse, mais j’ai toujours su au fond de moi que j’étais spéciale, que je n’étais pas comme les autres. Maintenant, j’en viens à douter de tout. Pourquoi me suis-je rendue dans un désert perdu, proche de la pyramide où se trouvait mon aïeul ? Tu vois, j’ai l’intime conviction qu’une force supérieure a guidé mes décisions…
- Possible… Comme le fait de rencontrer une femme qui combat depuis tant de temps la Monarchie et les Grands Anciens. J’ai déjà entendu parler de toi, Shad. Les espions de l’Empire nous ont fait part de sinistres évènements survenus à Lumen il y a plusieurs années, des évènements impliquant un abattoir, et un certain… Oswald Mandus. »

Le regard que fit Shad à l’évocation de ce nom confirma ce que Rhian disait.

« Mon frère, Herebos, est parti à la frontière occidentale pour combattre les pillards de l’Affiliation. Je crains que ce Hamleigh ne cherche à ouvrir un autre front. Depuis l’Olympomachie, nos réserves de nourriture se sont fortement amenuisées. Nos récoltes n’ont pas été trop atteintes, mais nous avons dû puiser dans nos réserves pour envoyer de la nourriture et des vivres aux quatre coins de l’Empire. »

Rhian réfléchit encore.

« Ici, je ne sers à rien… Je vais devoir me rendre là-bas.
- Il serait dangereux que je t’accompagne. Techniquement, je suis une criminelle.
- C’est un point qu’il faudra régler ultérieurement… Mais oui, il serait préférable que tu restes ici, ne serait-ce que pour veiller sur Fulron pendant qu’il se rétablit. Quant à toi, Shad, tu en as beaucoup fait, je n’ose te demander de me suivre… Mais je pense que tu t’en voudrais de rester ici. De plus, tu es celle qui connaît le mieux ce Hamleigh, et les méthodes des gens avec qui il travaille. Ton aide me serait donc très précieuse. »

Outre ses capacités personnelles, Hamleigh s’était entouré de magiciens, et avait réalisé de sinistres rituels à la Calla. Shad avait expliqué à Rhian que la bataille contre lui avait bien failli tourner au cauchemar quand il avait invoqué au sein de son château une Horreur Eldrichtienne. Cela ne manquait pas de surprendre. William Hamleigh n’avait pas de capacité magique, mais sa mère, Regan Hamleigh, était une sorcière redoutable. Cependant, elle était morte à Koldoue. Avait-elle secrètement formé son fils ? Lui avait-elle transmis son savoir lors de sa mort ? Rhian savait que la magie noire permettait bien des sortilèges sinistres. Elle allait devoir contacter la magicienne du palais, et faire le voyage avec elle. Shad proposa alors de se faire passer pour une esclave, dans l’idée d’obtenir de plus amples éléments. Phasmaria fronça les sourcils, avant d’abonder dans son sens :

« Ce n’est pas une mauvaise stratégie. Les forces de l’Affiliation côtoient les bas-fonds et les esclaves, proposant monts et merveilles.
- Certes, mais c’est tout de même risqué, et hasardeux. De plus, vu tes exploits, tu dois commencer à être bien connue de l’Affiliation, Shad. Je ne pense pas que l’Affiliation cherchera à te capturer spontanément…
- S’il s’agit de se renseigner auprès d’esclaves, tu n’as qu’à me laisser faire. Je dispose de contacts un peu partout, c’est comme ça que j’organise mes raids. »

Rhian la regarda brièvement, puis enchaîna :

« Je n’aime pas beaucoup les esclavagistes, tu sais. Je sais que les convois que tu attaques concernent des individus peu recommandables, c’est pour ça que j’accepte de collaborer avec toi. Cependant, Shad, il serait dangereux de trop t’impliquer. Les rituels menés par William Hamleigh nécessitent des sacrifices, et je crains que les esclaves qu’il libère ne servent de chair à canon.
- Donc, quelle est ta stratégie ?
- Pour commencer, je vais m’adresser dès demain à la magicienne du Palais. Ensuite, nous planifierons le voyage vers Al-Ehim, afin d’apporter notre aide. Si ce Hamleigh est lié à Bana Hossum, nous remonterons sa trace. Nous verrons alors comment t’impliquer, Shad. Je vais néanmoins garder ton idée de te faire passer pour l’une de mes esclaves. Le plus simple est de te dire que tu es l’une de mes concubines, et une sage-femme. Je suis enceinte, donc cela accréditera et confirmera l’idée que tu sois mon esclave. Si cela peut nous servir, autant conserver cet atout dans notre manche. »

D’ici là, il allait falloir manger, et faire en sorte que Shad devienne officiellement l’esclave de Rhian… Ce qui, comme Rhian l’expliqua ensuite, allait nécessiter qu’elle dorme dans le harem royal.

Évidemment, il allait falloir changer l’apparence de Shad ! Après le repas, Rhian laissa des servantes la préparer, et alla voir en compagnie de Phasmaria la Chamane du Palais, la sensuelle et puissante Kleeah. Son laboratoire se trouvait à côté du harem. Un simple sortilège ne suffirait pas, et serait de plus éventé. Fort heureusement, Kleeah disposait d’élixirs permettant de changer de forme, en prenant l’apparence d’une servante de Rhian. Du Polynectar concentré, qui durait assez longtemps, et nécessitait une autre absorption pour en prolonger les effets. Il existait des sortilèges de dissipation qui agissaient contre le Polynectar, mais il était peu probable qu’on en trouve le long du chemin mené par Rhian.

Chaque membre du harem disposait de sa propre élixir, car on prélevait toujours leur sang pour les examiner au moment de la procédure d’admission, afin de vérifier qu’on avait pas affaire à une vampire cachée, par exemple, ou à une femme atteinte d’une maladie incurable et contagieuse. On pouvait ensuite faire des doubles avec le Polynectar, notamment pour leurrer d’éventuels ennemis. Rhian mit un peu de temps à choisir, avant de trouver l’élixir qui conviendrait parfaitement à Shad : celle de la belle Noûr, une orpheline enfant des rues qui avait été ramassée par les Thoris. Difficile de se méprendre ou de suspecter une quelconque tricherie.

« Je dois admettre que je serai bien tentée par ton harem, moi aussi… Mais il faudra y rajouter des hommes, Shad est davantage hétérosexuelle que bisexuelle.
- Oh… Nous sommes plus civilisées que tu ne le penses, tu sais, cela devrait pouvoir se faire. Les concubines ont le droit d’avoir des amants. »

Phasmaria se tut quelques instants, puis reprit :

« Elle est amie avec des incubes, tu sais…
- Voilà qui est intéressant… » sourit Rhian.

Elles rejoignirent ensuite Shad, qui fut conduite par les servantes dans une antichambre longeant le harem. Le harem était en soi un grand espace concentrique, avec une entrée principale par un hall avec des escaliers. Des entrées latérales permettaient de rejoindre ce harem, qui comprenait donc en son centre un jardin avec une fontaine, et des chambres sur les côtés.

Rhian et Phasmaria arrivèrent dans le salon où Shad attendait, et sourirent en la voyant, elle-même se tenant la main. Elles étaient accompagnées par la fille de Kleeah, une résidente du harem, Kazima, qui était une hermaphrodite.

« Bonsoir, Shad. Mère a préparé cet élixir pour toi. Tu prendras la forme de mon amie Noûr. Cette soirée te sera utile pour t’habituer à son corps, car elle n’est pas une femme-okami comme toi, mais une femme-humaine.
- Phasmaria m’a dit que tu étais en contact avec des incubes… Je pense que nous pourrions les invoquer… Pour… Hum… Masquer ton odeur… Que personne ne te suspecte, quoi ! »

Souriant doucement, Kazima se rapprocha de Shad.

« J’ai une origine semi-démoniaque, et Noûr est mon amante… Mais je pense que tu préféreras coucher avec un démon qu’avec moi, donc, comme ça, mon odeur démoniaque se ressentira sur toi… »

Masquer l’odeur de Shad… Phasmaria avait regardé Rhian avec un léger sourire sur le coin des lèvres, comme si elle se doutait d’avance que cette raison n’était qu’une excuse. De fait, cela aurait été faire injure à Kleeah que de croire que son élixir de Polynectar ne serait pas efficace. La transformation était complète, ce que Shad constata bien vite. Plus de queue caudale ni d’oreilles pointues. Rhian sourit doucement en la voyant ainsi, tandis que Kazima se mordilla doucement les lèvres. Voir Noûr lui faisait toujours un petit effet. Shad l’embrassa doucement tout en lui rappelant qu’elle n’était pas sa Noûr. La verge de Kazima se redressa lentement à ce contact.

Elle répondit à son baiser, et enlaça ensuite Noûr, tandis que le pentacle s’illuminait, et que de la fumée envahissait la pièce. Rhian sentit la main de Phasmaria se crisper sur la sienne, puis une silhouette émergea ensuite.

« Ma chère Shad, il va falloir cesser nos… »

Tandis que la fumée se dissipait, Alastar Magoa, surnommé « Le Diablotin », regarda le spectacle de Kazima et de « Noûr » s’embrassant. Kazima rompit le contact, et sourit à Shad.

« Tes lèvres ont le même goût qu’elle… »

Alastar cligna des yeux, surpris, et regarda « Noûr » pendant quelques instants.

« Hum… Ma chère Shad, tu es décidément pleine de surprises… J’ai failli ne pas te reconnaître ! »

Alastar était seul. Phasmaria se rapprocha de lui, et Alastar lui sourit. Ils s’embrassèrent ensuite, puis il regarda Rhian. Celle-ci se mordilla les lèvres, et caressa le torse nu de l’homme.

« Un incube… Phasmaria m’a dit que tu étais… Charmant. »

L’incube sourit doucement, et posa ses mains sur les hanches de Rhian, puis alla l’embrasser à son tour. Rhian sentit son rythme cardiaque s’emballer en sentant ses muscles, en percevant la force de cet homme. Alastar sourit doucement.

« Namaah n’est pas là ?
- Je ne suis pas continuellement avec mon fils, vous savez. Shad ne peut que m’invoquer moi… Mais j’ai demandé à Namaah de nous rejoindre. Je pense qu’il doit être occupé, vous n’êtes pas les seules gourgandines que nous ayons à satisfaire. »

Tout en parlant, de sa voix chaude et sensuelle, il posa sa main sur la joue de Rhian, et glissa son pouce contre ses lèvres. Celle-ci le mordilla tendrement. Phasmaria se rapprocha à son tour, et expliqua à Alastar pourquoi Shad avait pris une autre apparence.

« Décidément, ma chère Shad, tu te retrouves toujours impliquée dans de sacrées histoires… La vie est pourtant tellement plus simple quand on se contente juste de faire l’amour. »

Rhian se pressait déjà contre lui, embrassant et mordillant le creux de son cou, et sursauta quand la main du Diablotin se posa sur ses fesses, pressant son délicieux cul. Phasmaria se lova également contre lui, et eut droit à un traitement similaire.

Une nuit de délice orgiaque se profilait au sein du harem…