The Multiversity

Alice se détendait. Elle en avait bien besoin. Les dernières semaines avaient été très compliquées. L’Empire était en deuil, Wismerhill était mort, et tout le monde s’attendait à ce qu’une nouvelle guerre civile vienne ravager le pays. Des jours sombres s’annonçaient, et Alice revenait d’un séjour très spécial à la capitale, où, outre prévoir les modalités de fonctionnement de l’Empire après le décès de l’Empereur, elle avait participé à une réunion très particulière avec Mélinda. Alice faisait désormais partie de la « nouvelle » confrérie de Maturin. Fondée sur les cendres de l’Olympomachie, la confrérie nouvelle devait réunir les Immortels. Alice était retournée chez elle, et attendait pour l’heure les instructions d’Emhyr. Elle avait remis à plus tard son couronnement compte tenu du contexte, et Emhyr, Empereur régent de l’Empire, devait lui parler ensuite. Pour l’heure, la priorité d’Emhyr était de sécuriser l’actuelle famille impériale avant que les assassins de Greldinard ne tentent de les tuer.

Près du Sanctuaire des Dragons, Alice baignait dans l’eau sacrée du Sanctuaire. Elle était toute nue, et les furolucioles dansaient autour d’elle. Ce lac était magique, sacré, on n’en voyait pas le fond, et Alice pouvait flotter dedans sans craindre de manquer d’oxygène. Depuis qu’elle avait failli mourir à Mijak, elle rêvait. Des rêves curieux, où elle voyait le Patriarche, et d’autres personnes. Alice avait pris conscience qu’elle était une Immortelle, et que des jours sombres venaient. Elle se ressourçait ici, sentant l’empreinte du Patriarche autour d’elle.

« Les sceaux se sont débloqués en toi, Alice… »

Elle savait qu’elle le devait aussi à la présence de la Déesse Scarifa. Sur elle, de curieux glyphes blancs s’étaient formés, immaculés. Elle regardait ses mains, son corps, constatant que les ailes noires de Scarifa avaient jailli dans son dos. Alice sentait la magie exploser en elle. On avait toujours cru qu’elle était faible. Incapable de manier une épée, ou d’utiliser la magie. Un pouvoir colossal sommeillait en elle, et ne demandait qu’à sortir.

Alice remonta finalement en sentant sa concentration partir. Sa tête émergea hors de l’eau. Éclipse, son cheval, était à proximité, et elle se releva sur le sol, le dos tourné au Sanctuaire. Elle se retourna alors, prête à retourner prier à l’intérieur du Sanctuaire… Et sursauta en voyant un homme et une femme en armures sur le chemin menant du Sanctuaire au rivage.

« Hîî ! »

Surprise, Alice bondit en arrière, protégeant instinctivement ses seins et sa chatte.

Un rugissement se fit alors entendre, et, dans le dos de Pyrrha et Patroklos, un dragon doré massif se posa sur le toit du Sanctuaire, rugissant vers eux.

« Qui êtes-vous ?! » demanda Alice, nerveuse.

Le dragon était tombé pour la protéger, elle…

Une passerelle en pierre permettait de rejoindre le Sanctuaire avec le rivage. Alice se trouvait à l’extrémité de cette passerelle, et le dragon venait de se poser. Comme toujours, les dragons veillaient sur les Korvander, sur les héritiers d’Erwan Korvander, le Premier Roi. Nerveuse, Alice s’enroula dans une serviette qui se trouvait sur le bord, tout en se demandant comment ces deux-là avaient pu rejoindre le Sanctuaire. Qu’elle ne les ait pas entendus n’était pas surprenant, car elle était plongée dans le lac, dans sa transe. Mais il n’y avait que deux façons de rejoindre le Sanctuaire :

• Soit par Sylvandell, et, dans ce cas, on devait obligatoirement passer par le poste-frontière de La Griffe, qui n’aurait jamais laissé passer deux inconnus,
• Soit en contournant par les montagnes, mais ceci amenait à traverser le Territoire des Dragons, outre à affronter d’autres monstres, ainsi que des clans de montagnards assez hostiles aux étrangers.

Alice ne voyait aucune explication logique. Ils étaient trop propres et trop calmes pour avoir traversé le massif montagneux. L’homme se montra de plus assez surpris en voyant le dragon. Celui-ci était toujours positionné, prêt à attaquer… Et Alice siffla alors. Le dragon grogna alors, et bondit en hauteur, voletant légèrement pour se poser derrière Alice, soulevant des mottes de poussière lorsqu’il se posa. L’image était claire ; elle avait beau être frêle, Alice avait sous ses ordres un dragon. Même avant l’Olympomachie, elle était proche des dragons, mais, après avoir communié avec le Patriarche, elle leur donnait des ordres encore plus facilement.

Pyrrha et Patroklos, les fils de Rothion et Sophitia Alexandra…

*Sophitia Alexandra…*

La surprise commença à se dessiner dans les yeux d’Alice. Pouvait-il vraiment s’agir d’une simple coïncidence ? Après avoir croisé le Patriarche et Scarifa, et avoir découvert que Lust était sa mère, on aurait pu dire, sans trop se tromper, qu’Alice était devenue beaucoup plus superstitieuse et mystique. Les Dieux avaient décidé de faire d’elle une Immortelle, et elle se souvenait très bien de Cahir mentionnant Sophitia. L’une des premières décisions de la Nouvelle-Confrérie avait été de retrouver cette femme, qui avait participé à l’Olympomachie.

« Je connais une Sophitia… Mais vous m’avez l’air un peu trop âgés pour être ses enfants. D’où venez-vous ? Vous êtes dans une terre sacrée, interdite aux étrangers. Si je n’étais pas là, Grünndenn vous aurait attaqué sans concession ! »

Grünndenn, son dragon, grogna encore, comme pour rappeler à tout le monde son imposante carrure.

Le Multivers, donc… Pyrrha et Patroklos expliquèrent à Alice qu’ils venaient d’une réalité alternative, un monde parallèle où Sophitia était plus âgée, et où ses enfants avaient grandi. Alice pouvait accepter cette explication, puisqu’elle justifiait très bien l’apparition des deux personnes au sein du Sanctuaire. Ce n’était pas qu’un simple monument, mais un lieu magique très puissant. Et, après l’Olympomachie, ce sanctuaire endormi semblait s’être réveillé. Alice ne s’y baignait pas que pour le plaisir du naturisme, elle communiait aussi avec les forces qui communiquaient à travers ce Sanctuaire. Se pouvait-il qu’ils aient été envoyés par le Patriarche ? La jeune femme, qui devenait de plus en plus superstitieuse, ne pouvait tout simplement négliger aucune piste !

Tandis que Patroklos, le garçon, restait plutôt discret, Pyrrha, elle, demanda ce qu’ils pouvaient faire pour réparer « l’affront » qu’ils venaient de commettre.

« Et bien… Pas grand-chose, vous n’êtes pas responsables de votre arrivée ici. En revanche, je suis curieuse d’en savoir plus sur vous. J’ignore où se trouve la Sophitia de ma réalité, en revanche. Quelqu’un est chargé de la retrouver, mais je n’ai aucune nouvelle. »

Alice savait que Cahir était parti vers les terres du nord pour ça, vers les Royaumes Nordiques qui étaient en pleine ébullition. La campagne du Nord représentait une campagne mijakienne assez massive, mais, suite à l’Olympomachie, cette campagne était suspendue en raison des troubles qui parcouraient l’Empire. Alice se déplaça alors, rejoignant ses affaires.

« Vous allez me suivre au Château, je vais vous offrir un repas et une chambre, et vous m’expliquerez pourquoi vous êtes venus ici, et ce que vous cherchez. »

Mais, avant ça, Alice devait quand même se changer ! Elle se dissimula derrière son cheval, et se changea rapidement. Alice avait emporté des tenues légères. Son corset princier avait été remplacé par un soutien-gorge noir avec une culotte noire, et elle enfila ensuite une chemise blanche en lin avec un pantalon noir en cuir. Ainsi habillée, Alice grimpa sur Éclipse, et constata vite que Pyrrha et Patroklos allaient sans doute avoir du mal à la suivre. Son cheval ne pouvait pas porter trois personnes à la fois !

Alice soupira donc, puis désigna Patroklos.

« Toi… Patroklos, c’est ça ? Tu sais monter à cheval ? Je vais prendre le dragon, vous n’aurez qu’à me suivre. Ne vous inquiétez pas, Éclipse est un bon cheval, il est très gentil ! »

La Princesse redescendit donc au sol.

« Enfin… Après, l’un de vous deux peut grimper avec moi sur Grünndenn… »

Alors qu’ils cherchaient comment rejoindre le Palais, Alice réalisa qu’elle ne leur avait pas donné son nom. Patroklos lui indiqua qu’il pourrait chevaucher Éclipse en compagnie de Pyrrha, et Alice descendit donc de son cheval, non sans caresser brièvement sa crinière, et en lui demandant d’être gentil avec Patroklos et Pyrrha. Son cheval hennit doucement. Éclipse était un fier destrier mijakien, un cheval de guerre qui avait participé aux campagnes militaires contre Lumen. C’était donc un cheval habitué à avoir différents cavaliers, et également habitué aux évènements surprenants. Alice descendit donc d’Éclipse, et se présenta alors.

« Ah, au fait… Je m’appelle Alice… Alice Korvander, je suis la Princesse héritière de Sylvandell. »

Théoriquement, elle aurait déjà dû être une Reine, mais son couronnement avait été reporté. Alice était toutefois déjà la dirigeante de Sylvandell, puisque son père était à la capitale pour traiter des conséquences de l’Olympomachie. Alice se rapprocha donc de Grünndenn, et caressa son museau. Le dragon gronda lentement, puis déplaça son aile pour que la pointe touche le sol. Ceci permit à Alice de grimper dessus. Normalement, on affrétait une selle pour s’agripper sur le dos d’un dragon, mais Alice n’en avait pas besoin. Elle chevauchait sur le dos des dragons depuis tellement longtemps qu’elle savait où s’appuyer. Grünndenn avait de plus des cornes frontales qu’elle utilisa pour caler ses jambes, les faisant pendouiller à droite et à gauche de sa tête, s’appuyant sur ses cornes.

Grünndenn souffla lentement en se redressant, et déploya ses ailes. Il s’avança ensuite, puis donna un coup d’ailes, et s’éleva dans les airs. Alice bascula en arrière, et s’agrippa aux cornes, avant que le dragon ne se rétablisse. Jouant encore de ses ailes, Grünndenn continua à virevolter dans les airs, laissant Éclipse les suivre. Alice avait une sorte de lien psychique, télépathique, avec les dragons. Elle ne pouvait pas leur parler, mais elle se faisait obéir sans difficulté.

Humant l’air frais, Alice vit les hautes tours du nouveau Palais. Il était massif, et bien plus grand que l’ancien. Avec l’argent obtenu des mines, les Sylvandins avaient pu bénéficier d’investissements importants pour construire le Palais. Alice se rapprocha donc, et se posa sur la grande cour centrale. On y avait installé du gazon, des fontaines, un parc avec des jeux pour enfants… L’idée était de créer une sorte de place publique centrale, et des étals de marchands avaient aussi été installés, vendant des fruits, des baguettes, ou des vêtements.

Évidemment, l’arrivée d’Alice était toujours un évènement, alors, quand elle descendit de Grünndenn, les badauds se précipitèrent autour d’elle. La jeune Princesse avait pris un peu d’avance sur Pyrrha et Patroklos, ce qui fit que, quand Éclipse franchit le corps de garde, ils purent voir qu’Alice avait reçu plusieurs fleurs dans ses cheveux, et qu’elle souriait en tenant un enfant dans ses bras.

En les voyant arriver, Alice leva la main pour les saluer, et donna un baiser sur la joue du petit garçon, puis le reposa au sol.

« Allez, les enfants, voici les chevaliers Pyrrha et Patroklos ! Montrez-leur que vous êtes bien éduqués ! »

Les enfants jouaient surtout avec Grünndenn, nullement inquiets d’être face à une créature qui aurait pu les avaler tout cru en une fois. Ils grimpaient sur son dos, ou se suspendaient à son cou. En guise de protestation, Grünndenn soufflait avec ses narines. Parfois, Alice s’amusait à le faire cracher du feu en l’air pour égayer les enfants… Mais, là, elle pensait surtout à Pyrrha et à Patroklos, ses mystérieux invités surprises !

Qu’allait-elle bien pouvoir faire d’eux ?

Alice était toujours en bonne compagnie au sein de sa population. La Princesse restait une souveraine populaire dans un pays très nationaliste. Les Sylvandins savaient qu’ils ne pourraient exister sans les Korvander, qui exerçaient au sens le plus littéral du terme une monarchie de droit divin. Tous les Sylvandins connaissaient l’intrépide Alice, la blondinette qui aimait traverser le pays à dos de cheval depuis qu’elle était petite. Sylvandell avait aussi pour elle d’être un micro-royaume, et la petite population permettait naturellement d’entretenir les liens. Pyrrha et Patroklos pouvaient le sentir. Alice s’accorda un peu de temps, tout en constatant que Patroklos se prit au jeu, saluant les jeunes qui se tenaient là, et commença à leur raconter ses aventures de guerrier, en jouant de l’épée, faisant de grands cris, racontant comment il avait pourfendu tel ou tel monstre. Pyrrha, elle, attira rapidement d’autres enfants. Elle avait des cheveux blonds comme ceux de la Princesse, et, comme ils étaient venus ensemble, ils pensaient avoir affaire à une proche… Voire à de nouveaux Commandeurs !

La Princesse, elle, remercia Grünndenn, qui finit par décoller à nouveau, faisant virevolter les cheveux des gens alentour, avant de revenir vers le Territoire. Alice se pinça les lèvres, et vit plusieurs pages se rapprocher avec des gardes.

« Nous avons des invités, préparez-leur une chambre, ils mangeront avec moi ce midi. Savez-vous où est mon époux ? »

Mineko, sa fidèle servante, lui indiqua que le Prince se trouvait en ce moment dans la partie basse de la ville, et reviendrait sûrement pour le déjeuner. Alice se rappela qu’il avait des négociations à faire avec les syndicats et les guildes minières de Sylvandell. Un rendez-vous pénible qu’Alice avait joyeusement choisi d’écarter, envoyant Melendil à sa place, non sans que ce dernier lui fasse observer que les guildes préféreraient sans aucun doute la Princesse… Mais Melendil devait après tout se faire les dents, et cela offrait à Alice une justification toute trouvée pour ne pas y aller !

Elle se retourna vers Pyrrha et Patroklos, puis haussa les épaules.

« Je vais rentrer me changer… Laissez-les profiter un peu, et conduisez-les à l’une de nos chambres quand ils seront prêts. »

Mineko acquiesça encore, puis Alice se déplaça ensuite, et rejoignit l’intérieur du donjon, filant vers ses appartements.

Mineko Azumi était la fidèle servante d’Alice, une esclave élevée par Mélinda et offerte à Alice, qui en avait fait sa suivante. Elle la laissait donc gérer les invités, qui poursuivirent leurs histoires envers la populace. Les Sylvandins étaient friands de ce genre de récit héroïque, qu’ils réadaptaient ensuite à leur sauce. Le récit improvisé de Pyrrha susciterait sûrement des émules. Qui sait ? Les enfants s’amusaient à l’entendre, et Mineko attendit sagement que la jeune femme termine, avant de l’inviter, elle et Patroklos, à rejoindre le château.

Le nouveau château était nettement plus grand que l’ancien, et Mineko les guida jusqu’à une chambre de l’aile diplomatique. Ils avaient une chambre pour deux pour l’heure, avec deux lits. Elle les salua en leur indiquant qu’on viendrait les chercher pour le repas du soir, mais leur laissaient le temps de se reposer. Après tout, ils venaient d’une autre dimension, et avaient débarqué ici en tombant sur un dragon. C’était une rencontre atypique, et Alice ne voulait pas les harceler. Mineko alla lui dire que les invités étaient dans une chambre, et elle la remercia.

Ce ne fut que quelques heures après que Mineko retourna voir Pyrrha et Patroklos, alors que le soleil commençait à se coucher. Alice les invitait à sa table. Pendant ce temps, les deux pouvaient sortir de la chambre, se rendre à la bibliothèque, ou consulter les quelques livres présentes dans leur chambre. Il fallait après tout qu’ils s’immergent dans leur nouvel environnement !

Pyrrha et Patroklos rejoignirent donc la salle à manger. Contrairement à l’ancien château, où il n’y avait qu’une salle de banquet, grande et intense, le nouveau château abritait plusieurs salles différentes. Alice n’était pas obligée de dîner avec tous ses bannerets, et, ce soir, elle avait choisi de manger dans un salon plus petit. Habituellement, elle mangeait ici uniquement avec Melendil et leurs enfants. Quand Pyrrha et Patroklos arrivèrent, ils purent ainsi voir le couple royal. Alice était là, portant une robe chinoise moulante, et son époux, Melendil, était également là.

« Bonsoir, Pyrrha, et bonsoir, Patroklos. Je vous présente mon mari, le Prince Melendil, futur Roi de Sylvandell.
-  Bonsoir. Je vous souhaite la bienvenue à Sylvandell. Navré de ne pas être venu vous voir plus tôt, j’ai été occupé cette journée.
-  Et je vous présente nos enfants, Erwan et Aerin. »

Les deux jumeaux ayant quelques mois d’existence, ils ne risquaient pas de saluer qui que ce soit. Alice leur avait donné à manger, et elle demanda à Mineko de les amener dans leur chambre. La douce servante s’exécuta en attrapant la poussette. Pour l’heure, Aerin et Erwan partageaient la même poussette, et le même lit. Cela changerait avec le temps, mais ils étaient suffisamment petits pour le moment.

Alice invita ensuite Pyrrha et Patroklos à s’asseoir autour de la table ronde. Mineko, qui commençait à bien connaître sa Princesse, aurait pu dire, en croisant brièvement son regard lorsqu’elle s’assit, que, juste avant qu’ils n’arrivent, elle avait été intimement occupée avec son époux. En cela, elle n’aurait pas tort, car Melendil avait utilisé une ouverture située dans le dos de la robe pour sodomiser sa femme sur la table après s’être assuré que les enfants dormaient bien. Un quickie efficace et rapide, qu’Alice se garda évidemment bien de dire à leurs invités.

« Votre première journée s’est bien passée ? On m’a rapporté les récits que vous avez raconté tantôt aux enfants.. Cela m’a rappelé… Je n’ai jamais vu votre mère, mais j’ai entendu parler d’une certaine Sophitia, qui serait une grande guerrière blonde. J’ai relu mes notes cet après-midi, et j’y ai vu que celle-ci servait auparavant les Olympiens, notamment Héphaïstos. Est-ce que cela vous dit quelque chose ? »

Ils étaient donc les enfants de Sophitia… D’une autre Sophitia que celle dont Alice avait entendu parler. Les joies du Multivers, c’était à vous en donner le tournis ! Mais Alice était maintenant calée sur le sujet. Si on en croyait la Cosmogonie, ouvrage religieux centré sur le Multivers, Terra était au centre de la Création, le « Monde Ultime », car siège du Dieu Unique. Alice n’avait jamais vraiment adhéré à cette théorie, mais, pour autant, elle savait que les Dieux existaient. De là à admettre l’existence d’une divinité supérieure aux autres Dieux, elle n’avait pas encore franchi le pas. Ceci étant dit, les enfants de Sophitia souhaitaient en savoir bien davantage.

Ce fut Melendil qui répondit :

« Il y a eu une guerre… Une guerre entre les habitants de Terra et les Olympiens. D’après ce que nous avons compris, les Dieux étaient… Maudits. Touchés par un mal ancestral remontant aux fondations de Terra, au moins.
-  Les Maux de Pandore, compléta Alice. Sylvandell a été relativement épargnée. Mais Zeus est mort. Or, les Olympiens étaient chargés de protéger Terra. Sa mort a affaibli l’Olympe, et, suite à ça, les monstres se multiplient. Une nouvelle Olympe est en train de se reformer, désormais purgée de ce maléfice. Quant à Zeus… D’après la Déesse Aphrodite, un Dieu ne meurt pas comme les humains. Il se réincarnera et reviendra à la vie, mais, le temps que cela arrive, c’est sa femme, la Déesse Héra, qui préside un conseil divin administrant l’Olympe. »

Elle se retint pour l’heure d’ajouter qu’Aphrodite était sa mère. C’était une information qu’Alice avait appris récemment, lors de son mariage, juste avant l’Olympomachie.

« Je devais être couronnée, mais cela a été retardé… Les choses sont un petit peu compliquées ici.
-  Notre royaume fait partie d’un plus grand ensemble, l’Empire de Mijak. Lors de cette guerre, notre Empereur a sacrifié sa vie pour nous sauver tous. Depuis lors, sa succession est disputée. Une guerre civile couve.
-  C’est comme ça que j’ai entendu parler de votre mère. J’ai rejoint une espèce d’assemblée secrète. Pour combattre les Maux de Pandore, nous avons reçu l’aide de plusieurs êtres divins ou assimilés, comme… La Tortue. Je ne suis pas encore très sûre de la nature de la Tortue. Pour moi, c’était une sorte de mythe local, un conte pour enfants évoquant une tortue mystique ayant porté le monde, et qui veille sur les enfants, attirée par leurs rires et par leurs chants. »

Melendil enchaîna :

« La Tortue… Chez les elfes, on l’appelle aussi Maturin. Alors, ma femme a participé à une assemblée qui a décidé de ressusciter une ancienne assemblée, la Confrérie de Maturin… Ce qui fait de toi un membre de la Nouvelle-Confrérie de Maturin.
-  Le cas de Sophitia a été évoqué lors de cette réunion. Elle servait Hephaïstos avant de se détourner de la voie des Olympiens lors de l’Olympomachie. Elle a même participé au raid final contre Zeus lui-même ! L’un des nôtres devait justement la retrouver… Mais je n’ai pas encore reçu d’informations. Je demanderai à Mélinda, l’une de mes amies, qui organise cette confrérie. »

Cela devait faire beaucoup d’informations à avaler pour ses invités. Alice ignorait, à ce stade, que Sophitia était dans un cocon de cristal.

« En tout cas, votre arrivée ici, juste après ce conflit majeur, et à l’aube d’autres conflits de plus grande importance, ne peut être une coïncidence. Si la Tortue veille encore sur nous, tout porte à croire que c’est elle qui vous a amené ici. Notre rencontre n’est pas le fait du hasard. »

De cela, Alice était sûre !

Zasalamel… Ce nom n’évoquait rien à Alice, si ce n’est ce personnage de bande dessinée qu’elle avait lu sur Terre… Gargamel, le vilain sorcier au nez crochu ! Mais elle doutait que ce Zasalamel soit un ersatz du sorcier rabougri essayant désespérément de capturer les Schtroumpfs depuis sa maison décrépie. Visiblement, ce Zasalamel était responsable du transfert de Pyrrha et de Patroklos ici, dans cette dimension, mais ne les avait pas guidés une fois sur place, retournant vaquer à d’autres occupations. Alice les laissa donc parler, sans trop savoir quoi dire pour le coup.

« Je n’ai jamais entendu parler de lui, je ne pense pas qu’il fasse partie de la Confrérie… Enfin, je peux me renseigner. »

Elle pouvait en effet demander à Mélinda ce qu’il en était exactement, et si celle-ci avait effectivement recruté un mage mystique. Ceci étant dit, Alice en doutait. Elle connaissait aussi les noms des grands mages, et ce Zasalamel n’en faisait pas partie. Cela ne signifiait pas pour autant qu’il n’était pas puissant, mais juste que, à sa connaissance, il n’appartenait à aucun Cercle magique.

« Hum... C’est gentil de vous proposer, mais je crois que c’est plutôt à moi de vous aider, non ? Que ce soit pour retrouver votre mère ici, ou même votre chemin… Enfin, le fait que vous vous soyez retrouvés proche du Sanctuaire n’est pas un hasard. »

On pouvait sentir chez Alice que, malgré son côté cartésien, elle restait très superstitieuse… Un côté mystique qui ne s’était que renforcé depuis l’Olympomachie, et cette séquence où elle avait appris qu’elle était élue, bénie de plusieurs Dieux. Elle ne pouvait dès lors que croire à une force sup^érieure, une puissance qui agissait pour les défendre… La Tortue. Un concept qui n’avait rien évoqué chez les frères et sœurs, ce qui amena naturellement Alice à faire des précisions utiles.

« Je ne vais pas vous enseigner le contenu de la Cosmogonie, mais, pour vous expliquer sommairement… Terra est au cœur du Multivers. Si on devait inverser le cours du temps, et remonter dsans le passé, l’Univers se rétracterait indiciblement… Et il se rétracterait vers son centre, son noyau, la planète Terra… Plus précisément, la Tour Sombre. C’est… En fait, je ne sais pas vraiment ce qu’est la Tour. D’après la religion dominante sur Terra, la religion des Eldois, l’Ordre Divin, la Tour abriterait la demeure du Créateur, le Dieu Unique dominant tous les autres… Celui que les religieux surnomment Dei, le Premier Dieu. »

Elle leur expliqua ensuite que Dei avait été blessé quand les Grands Anciens avaient envahi Terra, et que, suite à ça, la première Conjonction des Sphères avait eu lieu.

« Terra s’est… Comment dire… Séparée. Grâce à un artefact légendaire, l’Arc-En-Ciel, plusieurs doubles de Terra ont été constitués, des mondes-parallèles s’articulant autour de Terra, pour protéger et soutenir cette planète. Ces mondes-cœurs ont été reliées à Terra, et ont abrité, pour la plupart, les protecteurs de Dei… Les Gardiens-Totems. Des gardiens spirituels à l’effigie d’animaux. Parmi tous ces Gardiens, il y en a un qui supplante tous les autres… Maturin, celui qu’on appelle la Tortue. »

La jeune Princesse sentait qu’elle avait capté l’attention de ses interlocuteurs, ce qui l’amena à poursuivre :

« La tortue est un animal qui bénéficie d’une symbolique universelle dans toutes les civilisations… On représente cet animal comme une gardienne céleste, celle qui porte le monde et toute la Création. Un animal fabuleux aux propriétés fantastiques… Vous comprenez ? La Tortue est connue de nous tous, sa mémoire subsiste à travers les mythes… C’est elle qui nous a aidés lors de l’Olympomachie, et tout porte à croire que c’est grâce à elle que nous nous retrouvons. »

On aurait pu la croire pour une illuminée, mais Alice était pire que ça. Elle était pieuse, car elle avait la foi.

« Ce Zasalamel est peut-être un allié… Vous pensez qu’il chercherait à retrouver notre Sophitia ? Vous n’avez aucune idée de où il est susceptible de se trouver ? »

Alice était nécessairement intriguée… Qui ne le serait pas à sa place, après tout ?

Allah ? Alice dut réfléchir un peu, et se rappela de ce qu’elle savait sur la Terre… Où trois religions monothéistes priaient le même Dieu, mais de façon différente. Terra avait aussi une religion monothéiste, mais qui ne s’était pas divisée entre plusieurs prophètes. Elle soupçonnait donc que le culte de cet Allah pouvait être similaire au culte de l’Ordre Divin, la croyance en Dei, ce Dieu supérieur à tous les autres, le Dieu Unique… La Princesse réfléchissait silencieusement, tandis que Pyrrha et Patroklos indiquaient n’avoir aucun élément possible quant à ce Zasalamel. Il pouvait aussi bien se trouver dans leur Terre d’origine (inaccessible pour Alice) que sur Terra. Avec aussi peu d’indices, Alice n’allait pas aller bien loin ! En revanche, elle pouvait toujours interroger Mélinda et ses contacts quant à cette Sophitia… La tête blonde se rappelait encore la réunion à laquelle elle avait assisté. Aux dernières nouvelles, c’était Cahir qui était parti à la recherche de Sophitia. Mélinda faisant office de tour de contrôle, c’était logiquement elle qu’il allait falloir interroger.

« Bien… Je pense que nous n’en saurons guère plus, donc, je vais faire marcher mes contacts. Toutefois, j’ignore quand j’aurai des réponses… Si j’en ai à fournir. »

Elle se racla un peu la gorge, et croisa à nouveau les jambes. Un geste qui était toujours très sensuel pour elle, et qui faisait doucement se relever sa robe.

« D’ici là, je peux vous proposer l’hospitalité, mais il va falloir que vous songiez à quoi faire… Je peux voir avec Mélinda pour que vous rejoigniez sa guilde, et que vous puissiez ainsi contribuer à notre confrérie. Enfin, je ne vous oblige à rien, bien sûr, mais il va bien falloir trouver quoi faire de vous… Et puis, si vous souhaitez retrouver votre mère, c’est la meilleure chose à faire. »

La jeune Princesse réfléchissait à voix haute, mais elle ne voulait pas leur donner l’impression de les forcer outre mesure.

« Enfin… Sauf si vous avez déjà d’autres projets ? »

Visiblement, la perspective de rejoindre la Nouvelle-Confrérie de Maturin ne manqua pas d'enthousiasmer Pyrrha et Patroklos, quand bien même ils ne devaient pas trop savoir de quoi il s'agissait. Pyrrha se montra néanmoins un peu plus réservée que son frère, qui semblait trouver intéressant l'idée de rejoindre une guilde, et une confrérie.

Pyrrha s'interrogeait surtout sur le fait de savoir si cela allait pouvoir les aider à retrouver leur mère, mais lui posa quand même une question sur les lieux de réunion de la confrérie.

« Pour l'heure, il n'y a eu qu'une seule réunion, à la capitale... Mais tout laisse à penser que la prochaine réunion aura aussi lieu là-bas. Enfin, rien n'interdit qu'elle se tienne ailleurs non plus... Comme ici, à Sylvandell. Il n'y a pas vraiment de statuts qui prévoient cela. »

C'était une confrérie très particulière, fondée après l'Olympomachie, et dont la mission était de retrouver les Sphères de l'Arc-en-Ciel, ainsi que d'identifier les Immortels. Cette confrérie avait existé jadis, mais elle avait été décimée par les forces de la Monarchie de la Rose lorsque le royaume de l'Eld avait été attaqué par eux.

« Il n'y a pas encore de réunion fixée... Tout ça est encore assez embryonnaire, pour ne rien vous cacher. J'ignore si cela vous permettra de retrouver votre mère, mais cela vous permettra à tout le moins de rencontrer des gens, et de pouvoir les interroger. Terra abrite beaucoup de guerriers, alors, si je devais rechercher une guerrière, je rejoindrai sans doute des guildes. »

C'était à ses yeux le meilleur moyen de procéder. Alice n'aurait su vraiment dire pourquoi elle sympathisait à ce point avec de parfaits inconnus. Elle croyait à leur histoire, sans doute parce qu'elle les avait vus au Sanctuaire des Dragons, et qu'ils n'avaient pas été attaqués par les dragons peuplant cette région. C'était assurément le signe qu'ils n'étaient pas dotés de mauvaises intentions. Dans ces conditions, Alice pouvait évidemment leur prêter main-forte.

« Il existe d'ailleurs un comptoir commercial à Sylvandell, avec les différentes guildes. Vous pourriez peut-être y faire un tour ensuite ? Commencez à vous faire connaître, cela me semble être la meilleure option pour retrouver votre mère ensuite... »