Malédiction ou magie rose ? • Rosie
Posté : 09 oct. 2025 01:55
La brume s’accrochait encore aux collines quand Caelan Vaereth fit halte devant les grilles du domaine. Les lourdes ferronneries, ouvragées de symboles anciens à demi effacés, grinçaient sous la main du garde venu lui ouvrir. Le mage ne dit rien, se contentant d’un bref signe de tête avant de s’avancer sur l’allée pavée. Son manteau sombre, alourdi par le voyage, traînait légèrement dans la rosée. Le vent soulevait parfois ses mèches argentées, révélant les pointes fines de ses oreilles — marques discrètes de son ascendance elfique, qu’il ne s’évertuait plus à dissimuler.
La demeure du seigneur se dessinait au loin, silhouette massive de pierre grise aux toits d’ardoise, isolée dans le repli d’une vallée oubliée. L’endroit avait cette atmosphère figée, comme si le temps s’y tenait à distance. On aurait dit que la lumière elle-même hésitait à y pénétrer.
Caelan n’était pas homme à prêter foi aux superstitions rurales, mais il savait reconnaître l’empreinte d’un mal subtil. Depuis quelques lieues déjà, l’air lui semblait trop lourd, chargé d’une tension invisible. Les oiseaux se taisaient dès qu’il approchait. Et derrière les volets clos, il avait senti les regards craintifs des villageois suivre sa monture.
Le seigneur avait adressé à la couronne une requête pressante : des récoltes flétries en une nuit, des bêtes retrouvées vidées de leur sang, et un sommeil troublé de murmures qui volaient d’une aile à l’autre du manoir. Ce n’était pas une simple malédiction, pensait Caelan. Quelque chose de plus ancien rôdait ici — quelque chose lié aux racines du lieu, peut-être au sol même.
Lorsqu’il mit pied à terre, un domestique vint à lui, raide, timoré, et lui indiqua qu’on préparait ses appartements. L’homme évitait soigneusement son regard, comme tous ceux qui craignent la magie sans la comprendre. Caelan le suivit à l’intérieur, ses bottes résonnant dans le couloir pavé de marbre. L’air y était plus froid encore qu’au dehors, saturé d’une odeur de cire et de pierre humide.
Ce fut en franchissant le vestibule qu’il la vit.
Une jeune femme, penchée sur un plateau d’argent, arrangeait des coupes de vin et des fruits secs. Ses cheveux blancs, presque luminescents sous la flamme des chandeliers, s’échappaient de la coiffe qu’elle portait maladroitement. Lorsqu’elle releva la tête, il aperçut ses yeux — d’un bleu clair, limpide, à la manière des lacs du Nord. Et les longues oreilles effilées, qu’elle ne cherchait pas à cacher, disaient son origine elfique.
Leurs regards se croisèrent une seconde de trop. Il sentit aussitôt le flux se troubler autour d’elle : une vibration ténue, comme une corde d’énergie accordée à une fréquence qu’il reconnaissait sans pouvoir la nommer. Pas une magicienne — non. Mais un être éveillé à quelque chose d’autre.
— Je suis Caelan Vaereth, dit-il enfin, sa voix grave résonnant doucement dans le grand hall. On m’attendait, je crois.
Elle s’inclina, un geste fluide et gracieux malgré la servitude que suggérait sa tenue.
— Oui, messire… le seigneur a ordonné qu’on vous mène à lui dès votre arrivée.
Caelan esquissa un mince sourire.
— Alors, menez-moi.
Et tandis qu’elle s’éloignait devant lui, il sentit de nouveau cette étrange vibration, un frémissement dans l’air — comme si le mal qu’il était venu chasser avait déjà trouvé, en cette demeure, un témoin silencieux.
La demeure du seigneur se dessinait au loin, silhouette massive de pierre grise aux toits d’ardoise, isolée dans le repli d’une vallée oubliée. L’endroit avait cette atmosphère figée, comme si le temps s’y tenait à distance. On aurait dit que la lumière elle-même hésitait à y pénétrer.
Caelan n’était pas homme à prêter foi aux superstitions rurales, mais il savait reconnaître l’empreinte d’un mal subtil. Depuis quelques lieues déjà, l’air lui semblait trop lourd, chargé d’une tension invisible. Les oiseaux se taisaient dès qu’il approchait. Et derrière les volets clos, il avait senti les regards craintifs des villageois suivre sa monture.
Le seigneur avait adressé à la couronne une requête pressante : des récoltes flétries en une nuit, des bêtes retrouvées vidées de leur sang, et un sommeil troublé de murmures qui volaient d’une aile à l’autre du manoir. Ce n’était pas une simple malédiction, pensait Caelan. Quelque chose de plus ancien rôdait ici — quelque chose lié aux racines du lieu, peut-être au sol même.
Lorsqu’il mit pied à terre, un domestique vint à lui, raide, timoré, et lui indiqua qu’on préparait ses appartements. L’homme évitait soigneusement son regard, comme tous ceux qui craignent la magie sans la comprendre. Caelan le suivit à l’intérieur, ses bottes résonnant dans le couloir pavé de marbre. L’air y était plus froid encore qu’au dehors, saturé d’une odeur de cire et de pierre humide.
Ce fut en franchissant le vestibule qu’il la vit.
Une jeune femme, penchée sur un plateau d’argent, arrangeait des coupes de vin et des fruits secs. Ses cheveux blancs, presque luminescents sous la flamme des chandeliers, s’échappaient de la coiffe qu’elle portait maladroitement. Lorsqu’elle releva la tête, il aperçut ses yeux — d’un bleu clair, limpide, à la manière des lacs du Nord. Et les longues oreilles effilées, qu’elle ne cherchait pas à cacher, disaient son origine elfique.
Leurs regards se croisèrent une seconde de trop. Il sentit aussitôt le flux se troubler autour d’elle : une vibration ténue, comme une corde d’énergie accordée à une fréquence qu’il reconnaissait sans pouvoir la nommer. Pas une magicienne — non. Mais un être éveillé à quelque chose d’autre.
— Je suis Caelan Vaereth, dit-il enfin, sa voix grave résonnant doucement dans le grand hall. On m’attendait, je crois.
Elle s’inclina, un geste fluide et gracieux malgré la servitude que suggérait sa tenue.
— Oui, messire… le seigneur a ordonné qu’on vous mène à lui dès votre arrivée.
Caelan esquissa un mince sourire.
— Alors, menez-moi.
Et tandis qu’elle s’éloignait devant lui, il sentit de nouveau cette étrange vibration, un frémissement dans l’air — comme si le mal qu’il était venu chasser avait déjà trouvé, en cette demeure, un témoin silencieux.