The Multiversity

Il y a des choses que l'on ne pense pas voir arriver. La fin du monde, par exemple, ou des choses très rares mais pas impossibles, comme une catastrophe naturelle. Et pourtant, ce matin, le silence fut vite brisé dans le manoir Warren. Des cris, c'était monnaie courante, mais de plaisir, même au petit matin, au grand damn de celles qui voulaient se réveiller plus tard. Mais une dispute ? Forcément, dans une si grande maison avec tant de personnes, la vie toute rose n'était pas là tous les jours. Il y a des hauts et des bas, rien de bien méchant. Même les couples très soudés et très amoureux se font parfois la tête, plus ou moins longtemps, pour des broutilles ou des choses sérieuses. Mais la colère venait cette fois de la chambre d'Ai, qui était logiquement en compagnie de Shii. Autant dire que c'était une situation inédite ici.

Cela aurait dû être de plaisantes retrouvailles qui annonçaient une très bonne soirée, suite au retour de Shii et de sa mission que leur maîtresse lui avait donnée. On n'était pas très poil ici, mais Ai avait fait exprès de laisser pousser sa petite toison pour la tailler en cœur. Elle aurait ainsi une belle vision de son petit pelage vert taillé en cœur pendant qu'elle la sucerait. Ce serait mignon... même romantique, diront certains. Mais non, ce ne s'est pas passé comme ça. Pourtant, ça avait si bien commencé. Mais Shii lui a annoncé une bonne nouvelle, qui n'en était pas une aux yeux de la petite tornade verte. Elle était enceinte, c'est ce qu'elle avait entendu. D'elle ? Impossible, vu le temps passé loin de l'autre. De Maîtresse ? Ça, elle pouvait comprendre. Mélinda en parlait si souvent, avec pratiquement tout le monde : le jour où elle sera capable d'enfanter, toutes les filles ici auront au moins un bébé d'elle. Même Ai. Elle ne courait pas après ça, mère si jeune déjà. Elle n'avait pas spécialement envie, préférant s'amuser avec ses amies plutôt que devoir donner le biberon. Elle ne détestait pas les enfants. Un jour, sûrement, elle en aura, mais pas alors qu'elle était encore au lycée.

Mais non, ce n'était ni elle, ni Maîtresse. Alors qui ? Déjà, si ce n'était pas une de ces deux options, la réponse pouvait difficilement lui plaire. La réponse : d'un homme. Pas le genre « un coup d'un soir » qui laisse un souvenir. Non, il y a des chances, si ça fonctionne, que monsieur – même s'il aime s'habiller comme madame – assume. Plus il y avait de précision, plus elle détestait ça ! Ai n'avait rien contre les garçons, ce n'était juste pas sa came. Alors oui, coucher avec une fille devant un homme, qui pourrait les regarder, elle ne pouvait pas. C'était comme le faire devant des enfants : c'est dérangeant. Alors, Shii enceinte d'un homme androgyne ? Non, non et re-non ! Car ça voulait dire déjà LA partager, risquer de devoir le supporter de plus en plus, ne pas pouvoir jouer avec elle quand l'envie lui prenait, comme très souvent ce fut le cas. Non, trop c'est trop.

Ai s'emportait en vidant son sac, hurlant de colère face à cette « bonne nouvelle ». Elle lui jeta ses oreillers en s'emportant, elle enfila son peignoir, elle qui était si joyeuse. Elle n'était qu'une boule de nerfs qui attira bien des curieuses. Ce n'était pas son genre, pourtant. Surtout envers Shii. Même quand une des gamines d'une des servantes avait joué avec sa lingerie et déchiré quelques pièces très rares et très sexy, elle n'était pas contente mais elle a passé l'éponge ; ce n'était pas volontaire. Mais là, non. Elle quitta la chambre, lâchant quelques horreurs sur son chemin. À en croire les mots, c'était fini... Même si la Main débarquait, car c'était leur rôle que tout fonctionne ici, c'était après la tempête. Itsuki s'occupait de chasser les curieuses, Yotsuba et Ichika restaient avec Shii pour savoir quel était le souci, Nino et Miku allaient devoir chercher Ai...

Pestant dans le couloir, sa haine lui montait aux yeux, elle pleurait de colère. Shii, enceinte d'un homme ! Même d'une autre, elle n'aurait pas accepté ! En dehors de Mélinda, dont elle aurait accepté, c'était sûrement un rare point commun à tout le monde ici ça... Peut-être pas Tomoko ou Harmony, il fallait bien des exceptions... Mais justement, ses deux-là étaient du genre à croire à l'amour unique. Si elles doivent donner la vie, c'est avec leur amour. Et quand bien même elles aimaient Mélinda, cette dernière était déjà mariée et maman. Mais pourquoi tant de haine donc ? Shii était libre, elles n'ont pas passé de pacte ou de promesse ? Elles ne sortaient pas ensemble malgré les apparences. Elle était en chemin. En absence de Mélinda, il n'y avait qu'une personne vers qui se tourner.

Fubuki et Mitsuki avaient emménagé au manoir, de façon temporaire, le temps de trouver leur petit nid douillet. Fubuki était chez ses parents et l'appartement de Mitsuki était assez petit. C'était à peine plus grand ici, mais avec toutes ses voisines, c'était bien plus agréable. La belle blonde était amoureuse de sa petite chérie, elle qui pensait trouver son bonheur vers les jeunes adultes, c'était finalement une jeune femme qui la rendait heureuse. Les Aihara étaient douées quand elles bandaient et, avec un petit coup de pouce de Mélinda, l'impossible était en marche. Elle était enceinte, de sa petite Fubuki. Mais ce serait peut-être sa seule fois, vu son âge. Donc, elle restait très superstitieuse. C'était encore un secret ; en dehors des concernées et Mélinda, personne ne savait ici. Ce matin, dans le lit, c'était calme et doux. Elles se caressaient, elles se bécotaient, en imaginant leur futur quotidien loin de cette chambre, à deux puis à trois. Leur chambre était assez éloignée pour avoir été épargnée par la petite crise matinale au manoir, mais quand on frappa à la porte avec insistance, elles se doutaient bien que ce n'était pas les maids qui étaient remontées. Mitsuki partit ouvrir et Ai passa en courant d'air près d'elle, se jetant dans le lit du couple, sa tête plongeant dans la poitrine de sa sœur, pour y pleurer à chaudes larmes.

C'était presque inédit comme situation. La dernière fois que c'était arrivé, c'était face à « l'abandon » de sa maîtresse, mais ce jour-là, ce fut surtout de la tristesse plutôt que de la colère. Quoi qu'à force, la colère a dû devenir de la tristesse ? En tout cas, à ce moment-là, Fubuki n'était pas encore revenue à la maison. Difficile de savoir ce qui se passait pour le moment. Elle ne faisait que pleurer et, même si elle était en petite tenue et que la lingerie de sa grande sœur aurait pu l'inspirer – elle avait été excitée pour moins que ça – elle ne sentait rien entre ses cuisses, aucune émotion. Mitsuki était assise sur le lit, près des sœurs, caressant Ai dans le dos, ignorant tout de ses larmes qui coulaient à flots... La secrètement future maman se leva pour préparer le café ou le thé en attendant d'obtenir des réponses, mais il ne fallait pas brusquer les choses.

Quand enfin, elle se calma un peu, elle accepta de donner la raison de tout cela.

« Shii... Shii est enceinte... Et d'un autre en plus ! Nee-chan... Je la déteste... Comment... Comment elle peut me faire ça !!! Sniff... Je dois faire quoi, moi ? Hein ?! Accepter ce mioche et son père ici ! Ne plus jouer avec elle... co-comme depuis toujours ?! Je veux pas ! Je veux pas de tout ça !!! »

Ai et Shii, ce n'était pas forcément compliqué, mais c'était presque si évident que poser la question était presque idiot. Si Ai était ici, auprès de sa maîtresse et des autres, c'était grâce à elle. Et au hasard, Ai s'était branlée sur sa culotte pendant le cours de natation. Elles ont évité les autres et, de fil en aiguille, elle a rencontré Mélinda. Par la suite, elle a vite accroché avec elle, lui offrant sa culotte le temps de rentrer, puis même aujourd'hui encore, sa petite culotte prêtée à Shii était l'un de ses petits trésors ! Dans cette même soirée, quand Mélinda testait les limites de son nouveau jouet, ce fut avec Shii qu'elle craquait et que faire l'amour était délicieux. C'était elle encore qui subissait son réveil gonflé d'amour, et aujourd'hui encore, si elle le peut, c'est Shii qui en subit les frais. Avec le temps, elle était devenue sa meilleure amie ici, mais à y voir de plus près, elle était pratiquement sa petite amie. Toujours avec elle ou presque. Dès qu'elle devait essayer de nouvelles choses, elle appelait Shii. Si Maîtresse voulait inviter du monde, Shii devait être de la partie. Même quand elle avait pu devenir une vraie femme et non une futa, elle était là ! Elle est passée après Mélinda, certes, mais c'était elle la première !

Shii était là pour de nombreuses premières fois. Ai a voulu faire l'intéressante et la grande à une soirée de Mélinda en goûtant l'alcool. Ce fut amusant, ça oui... Mais la gueule de bois, sachant qu'elle ne tient pas un dé à coudre, et être malade en plus le lendemain. C'est Shii qui était restée toute la journée à ses côtés ! Une des rares journées sans sexe pour Ai. Pour son anniversaire, de sa part, elle a eu un petit nounours, en lingerie. Un cadeau débile mais mignon, la seule peluche qui trônait sur sa table de nuit dans sa chambre. Enfin, plutôt son dressing. Ai avait un lit et le reste n'était que placard et commode pour toutes ses petites culottes. Ses DVD à la maison que Fubuki a trouvés, Shii était sur au moins 90 % des films. Parfois, il y avait Mélinda, rarement une autre en dehors de ces deux-là, et même son portable. Si on jette un coup d'œil à ses photos, c'était certes beaucoup de filles du manoir dans différentes petites tenues et poses, mais si on met ça de côté, ce n'étaient que des photos de Shii, ou d'elles ensemble. Tant entre copines que sur des photos que l'on jugerait dignes d'un couple. Et à Noël ! Elle avait bien préparé son coup en se renseignant plusieurs mois avant, ce que Shii aimait dans ses tenues, dans ses positions favorites, bref, elle avait mené son enquête pour lui faire plaisir sans que ça ait l'air louche pour qu'au grand soir, elle lui offre une nuit de rêve rien que toutes les deux !

Ça crevait les yeux et pourtant, ça n'a jamais été clairement dit. Elles étaient ensemble ou non ? Même Mitsuki se disait que c'était le cas, mais elle n'avait jamais posé la question tant ça semblait évident. Donc, Shii semblait enceinte d'un homme – même enceinte tout court – et Ai n'était pas contente. C'était typique d'une dispute de couple ça aussi ? Qui irait se mettre en colère qu'une amie tombe enceinte si ce n'est une des deux personnes concernées dans cette histoire ? Mitsuki ne préférait rien dire. C'est vers sa sœur qu'elle s'était tournée. Même si Nino et Miku arrivèrent à la bonne porte, Mitsuki les mit rapidement au parfum. Elles pouvaient attendre que les choses se calment pour ensuite en parler. Ai n'allait pas s'enfuir, c'était dans leur habitude de gérer des petites crises de jalousie, dans un endroit avec autant de monde et de « couple » – même la Main ignorait vraiment ce qu'il en était de leur relation – ça arrivait. Généralement, c'était une dispute qui part d'une mauvaise journée riche en mauvaises nouvelles, et le moindre prétexte devenait la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Mais une histoire d'enfants à venir, c'était plus rare à gérer pour la Main...

La question que beaucoup se posaient, c'était de savoir si elles étaient au final ensemble ou non ? Eh bien, comme le dit le proverbe, c'est souvent les concernées les dernières au courant. Elle ne pouvait pas dire pour Shii, même si ce qu'elle pense avoir entendu l'a mise hors d'elle. Ce n'est pas juste l'idée de perdre une amie qui l'a mise dans cet état... C'est de perdre l'amour. Elle qui se dit célibataire pour ne pas avoir à parler bébé ou autres, finalement, quand on regarde leur lien, ce qu'elles ont vécu, ça avait pourtant l'air de déjà être un petit couple, non ?

Mélinda était absente du manoir pour plusieurs jours. Elle devait focaliser ses forces à Mijak dans le cadre d’un conflit militaire. Pendant ce temps, elle avait confié aux sœurs Nakano le soin de diriger et d’administrer le manoir. La Main de Mélinda était influente au sein du manoir. Elle avait vampirisé les cinq Nakano, et les mettait ensuite enceintes, l’une après l’autre. Les sœurs dirigeaient un conseil en compagnie d’autres personnalités influentes du manoir, comme Misaki. Celle-ci prenait très à cœur la gestion de l’empire terrestre du clan Warren, incluant aussi bien le manoir que les propriétés et fonds de commerce du clan sur Terre.

Mais, aujourd’hui, c’était une toute autre crise qui avait éclaté au sein du manoir. Shii était revenue ! Elle avait mené depuis quinze jours une mission liée à une nuit très spéciale au sein du manoir, une nuit où le clan avait accueilli plusieurs personnalités excentriques : les Verrières*, ainsi que Shaïra la Lamia, en compagnie de son amant, Camille Marquise**. Deux visites pour des motifs différents, mais qui avaient donné lieu à une nuit très intense. Shii était alors de garde, et avait rencontré le jeune Camille Marquise. Le courant était bien passé entre eux après de premières rencontres tumultueuses. Shaïra était venue pour demander à Mélinda une propriété. Mélinda leur avait loué un manoir un peu abandonné sur Terra, que Shaïra avait pacifié, et Mélinda avait ensuite déployé un bataillon de ses servantes pour aider à réaménager les lieux. Shii s’y était rendue.

Et, quand elle était revenue, elle avait signalé à Ai qu’elle était enceinte. Cela avait déclenché une véritable tempête au sein du manoir ! Ai avait hurlé, furieuse de voir que Shii était tombée enceinte d’une autre personne qu’elle. Shii s’était énervée à son tour.

« Tu es sérieuse ?! Tu as baisé avec toutes les personnes de ce manoir, avec toutes les lycéennes, et que sais-je encore ! »

Au sein du manoir, les crises étaient classiques. Jalousie, envie, tristesse… Dans un manoir qui prônait l’hédonisme et l’épicuréisme, il fallait parfois gérer cela. Shii et Ai se connaissaient depuis longtemps, c’était même grâce à Shii que Ai avait rejoint le manoir Warren***. Suite à cela, la grande-sœur de Ai, Fubuki Aihara, était revenue à Atarashï Yoake, avait rejoint le lycée Jinmu, et avait avoué à Ai qu’elle l’aimait depuis toujours. Fubuki était aussi tombée amoureuse d’une professeure du lycée, également esclave de Mélinda, Mitsuki Bakugo. Ensemble, elles avaient commencé à fonder une famille, et envisageaient de s’installer dans une maison. Fubuki avait mis Mitsuki enceinte, et, en attendant leur emménagement, elles vivaient au sein du manoir.

Ce fut donc dans leur chambre que Ai se réfugia. Pleurant toutes les larmes de son corps, Ai n’arrivait pas à se faire à l’idée que Shii puisse être enceinte de Camille. Si Mélinda était bisexuelle, et encourageait la bisexualité, Ai était plutôt lesbienne, mais Fubuki ne l’imaginait pas misandre. Elle caressait les cheveux de sa petite-sœur.

« Hum… Vous n’avez jamais été déclarées ensemble officiellement, tu sais. Sur le Registre d’Amour, en tout cas, ce n’est pas mentionné. »

Le Registre était une idée des sœurs Nakano. Le manoir vivant en microsociété, elles avaient décidé d’imposer un livre où les pensionnaires du manoir devaient indiquer leurs relations amoureuses. L’objectif était de lutter contre le célibat, en parvenant à unir des couples, et ainsi à avoir des bébés.

« Je pense que tu devrais en parler à Shii, tu sais… Elle s’est enfermée avec une Nakano, et je me demande laquelle des deux pleure le plus fort… »

Évidemment, Ai n’aurait sûrement pas envie de ça. Pour le coup, les Nakano avaient confirmé que Shii était enceinte. Fubuki connaissait bien sa petite-sœur, alors elle savait que cette crise n’allait pas être simple à résoudre…

---

* : Cf. RP « Entretien avec une vampire »,
** : Cf. RP Recherche maison pour fonder famille monstrueuse »,
*** : Cf. RP De fil en aiguille ».

Ai vivait cela comme une trahison, une perte. Elle n'avait pas connu telle détresse depuis que Mélinda l'avait rejeté. Elle ne voulait plus se souvenir de cet épisode, mais ce qu'elle vivait là lui faisait remonté les mauvais souvenirs en surface. Dans les seins de sa grande sœur, elle n'avait aucun désir sexuel, pourtant, Fubuki était bien habillée, c'est ce qu'elle aurait pu dire en temps normal, mais pas aujourd’hui, en tout cas pas maintenant. Pour elle, c'était impossible que Shii ait pu lui faire une telle chose ! Elle n'était pas misandre, pas au même titre que Sya en tout cas, mais, le faire devant des hommes, non, c'était comme le faire devant des enfants, ça la bloquait. Pour le coup, elle aurait même pu être enceinte d'une autre, à ses yeux, ce n'était qu'une trahison, une des pires choses qu'elle aurait pu lui faire. Les deux seules réponses à « qui ta mise enceinte » qu'elle aurait pu accepter, c'était elle ou Mélinda, là, l'un comme l'autre, elle aurait été un peu perdue, pas forcément la plus heureuse, mais elle s'y serait faite puis, il n'y aurait pas eu toute cette crise.

Du coup, savoir cela, c'était comme si Shii quittait le manoir pour vivre ailleurs. Pas juste être indépendante, mais fermer cette page liée à Mélinda et vivre sa vie ailleurs en coupant les ponts avec toutes les filles ici. C'était inacceptable pour Ai ! Elle, enceinte, ça voulait dire qu'elle va limiter ses jeux avec elle de plus en plus et que par-dessus le marché, elle allait devoir faire attention à ce qu'elle dit ou fait en présence du père du gamin. Car ça aussi, c'était un problème. Que ce dernier soit androgyne ne changeait rien au fait que ce soit un homme pour elle, ça la coince ! Même si encore une fois, elle aurait pu être enceinte d'une Nakano ou de Tomoko, le problème aurait été le même à ses yeux.

Fubuki tentait tant bien que mal de la rassurer, de la réconforter, mentionnant le Registre d'Amour, une idée des Nakano, et même si Nino et Miku étaient ici, elle s'en fichait, d'elles et de ce qu'elle allait dire.

« Je m'en fout de ce bouquin à la con ! Shii n'avait pas le droit de faire ça ! Y a qu'à elle que je faisais des cadeaux dans ce putain de manoir ! »

Si on oublie Mélinda et les diverses culottes ou ensemble qu'elle offrait aux autres, oui, Shii était la seule à avoir des gestes plus personnels et intimes. Les Nakano ne prenaient pas mal le commentaire de la petite futa, dans cet état, et face à ce « drame », la colère prenait le dessus sur la raison, pour l'instant, il serait difficile de lui faire entendre raison autrement qu'en allant dans son sens.

« Je m'en fous d'elle ! Qu'elle aille vivre avec son mec et son gosse, c'est fini, je veux plus jamais la revoir ! »

Des paroles qu'elle ne pensait pas, mais la peine était forte et la sortir l'aidait un peu, même si ce n'était pas la vérité. Mitsuki lui caressait le dos, c'était inédit pour elle de la voir ainsi, elle qui débordait de joie et de rire, la voir ainsi, c'était triste.

« Ne dis pas ça, Ai... Si elle te l'a dit, c'est qu'elle ne pensait pas à mal, c'était censé être une bonne nouvelle. »
« Une bonne nouvelle ?! Engrosser par un mec, si j'accepte ça, je vais devoir accepter de la partager, et de la voir vivre avec, en étant HEUREUSE ?! Jamais !!! »

Pour Miku comme pour Nino, c'était assez inédit. Les scènes de ménage, ce n'était pas rare. Qu'on reproche à A de coucher avec une autre que B, c'était commun ici. En général, c'était juste une mauvaise journée de subit pour l'une des deux personnes et en fin de journée, une mauvaise nouvelle quelconque venait faire déborder le vase. Depuis qu'elles sont la Main, c'était arrivé bien des fois. Dans le pire des cas, quelques jours loin de l'autre à parler de tout aidaient à les faire de nouveau s'attirer comme deux aimants et on en parle plus. Mais une histoire de bébé, c'était inédit pour le coup. Le Registre d'Amour était fait pour ça, pour savoir qui était plus ou moins en couple avec qui et si cela devenait sérieux. Un côté pratique de devoir réunir deux personnes en cas d'invitée ou de nouvelles ici aussi, mais aussi pour régler différents conflits ou en éviter. On ne met pas ensemble deux personnes à côté de la chambre de l'une des ex des nouvelles arrivantes.

Elle se souvenait de tout à ses côtés. Leur rencontre, les premiers jours ensemble, la première et dernière fois qu'elle a bue de l'alcool, amusant la galerie le soir, mais passant la journée au lit, malade. Une des rares journées sans sexe d'Ai, avec Shii qui avait pris sa journée pour juste veiller sur elle, les soirs où ça n'allait pas, qu'elle restait juste dans le lit de Shii, dans ses bras à se sentir un peu mieux. Elle n'était pas égoïste, elle lui renvoyait la pareille pour elle dans ses moments-là. Pour son anniversaire, elle s'était souvenue de ce qu'était un agréable moment, alors elle avait fait l'effort de reproduire, le temps d'une soirée, ce que Shii lui avait décrit, leur sortie en ville, les endroits où passer, à quel moment de la soirée et une fois au manoir, elle avait mis l'ensemble, qui, parmi tout ce qu'elle a pu porter sous ses yeux, lui avait fait le plus d'effet. Oui, elle s'était souvenue de tout ça, du moindre détail, car elle tenait à elle. Énormément. Alors la voir débarquer avec ce sourire et cette « bonne nouvelle », ça lui a brisé le cœur.

« Ai, nous allons te laisser avec ta sœur et Mitsuki pour le moment, mais dès que tu iras mieux, tu viendras nous voir, d'accord ? »
« Nous serons dans notre bureau. »

Parmi les nombreuses pièces du manoir, la Main se devait d'avoir un bureau, professionnelle, bien entendu, où gérer les demandes sérieuses de leur Maîtresse pour le bon fonctionnement du manoir et du reste quand elle venait passer du temps ici. Elles espéraient que ses sœurs s'en sortaient avec Shii, gérer les curieuses, ça, c'était simple, mais pour le bon déroulement des choses, il faut aussi que Shii aille bien et veuille recoller les morceaux. Faut juste espérer que cette bonne nouvelle soit un simple mensonge.

« Nee-san... Pourquoi... pourquoi elle m'a fait ça... »

Une question innocente, mais à la réponse complexe...

Situation de crise, très clairement ! Fubuki connaissait bien sa petite Ai, elle savait qu’elle était d’un naturel jovial, énergique, mais qu’elle pouvait aussi vite bouder, ou être triste. Cependant, elle ne l’avait encore jamais vu dans un tel état ! Cela ne pouvait que peiner Fubuki. Elle était revenue à Atarashï Yoake pour elle. Elle avait toujours ressenti pour sa petite-sœur un amour très fort, qui l’avait d’ailleurs conduit à devenir l’esclave de Mélinda. Fubuki s’était épanouie en compagnie de Mitsuki, elles formaient un couple de « Mamans » au sein du manoir, mais Fubuki n’avait jamais oublié Ai. Et elle avait vite compris que Ai aimait beaucoup Shii. La preuve la plus flagrante était que les vidéos érotiques que Ai emmenait chez elle concernaient presque toutes Shii. Apprendre que Shii était enceinte d’un homme était donc vécu par Ai comme une trahison, un coup de poignard en plein cœur. Elle s’énerva quand on évoqua le Registre d’Amour des Nakano. Celles-ci quittèrent ensuite la chambre.

Il y avait beaucoup de bruits de couloir. Le manoir de Mélinda était un microcosme où tout pouvait se passer. Les disputes étaient fréquentes dans un environnement si intime, et où les relations sexuelles étaient normales. Ai était toutefois une figure qui apaisait les tensions plutôt que le reste. Fubuki était pour le coup assez déstabilisée. En fait, tout lui semblait évident. Elle se tut un peu pendant que Ai libérait sa colère, et la câlina encore.

« Je ne sais pas, ma chérie… Je ne suis pas dans sa tête, ni dans la tienne, mais tu as beau le nier, cela te peine. »

Elle lui caressait doucement les cheveux.

« Si tu ne veux pas lui en parler, est-ce que… Est-ce que tu voudrais que je le fasse, Ai-chan ? Que je lui demande… Si elle ressent ce que tu ressens pour elle ? »

Pour Fubuki, cela ne faisait aucun doute, Ai était amoureuse de Shii… Mais pourrait-elle l’admettre, elle qui était si volage ?