The Multiversity

Beaucoup de choses avaient changé à Arendell.

La Reine Elsa était enfin revenue, et avait accepté son héritage. Elle avait été intronisée Reine d’Arendell, et avait utilisé ses pouvoirs pour mettre fin à la malédiction qui pesait sur le royaume. La neige éternelle qui s’était abattue était partie, et Arendell prospérait à nouveau. Au bord de la mer, le royaume était idéalement situé pour permettre aux navires marchands de rejoindre Lumen. Elsa avait également annoncé son mariage avec sa sœur, Anna. On aurait pu craindre des réactions très hostiles, au vu de ce mariage incestueux, mais il avait fait suite à la tentative du Prince Hans de s’emparer d’Arendell. La Reine avait révélé au public que le Prince Hans avait ourdi un coup d’État, souhaitant épouser Anna pour s’emparer d’Arendell, et l’annexer à l’Empire de Mijak. Le Prince Hans appartenait à une famille qui régnait sur un archipel, la Principauté de Waselton, et son père avait conclu un pacte avec Mijak. Cette nouvelle avait donc légitimé la volonté d’Elsa de se marier avec sa sœur, même si, malgré cet état de fait, il y avait des voix dissidentes à Arendell pour contester ce mariage, ou pour assimiler la tempête de neige qui avait frappé Arendell à une punition divine liée à cette relation incestueuse.

Toutefois, la paix était de courte durée. Hans était revenu bredouille auprès de son père, et ce dernier avait alors opté pour une nouvelle approche. Son pacte avec Mijak s’était conclu, offrant à ce dernier beaucoup d’or, tandis qu’une flotte militaire avait commencé à mener un blocus maritime autour d’Arendell. Une force d’attaque mijakienne menée par un redoutable Maréchal, Ketheric Thorm. Un guerrier âgé, expérimenté, sur qui Elsa avait peu d’informations, si ce n’est qu’il était très dangereux, et à qui on prêtait une maîtrise accrue de la magie noire. Elsa avait sollicité de l’aide auprès de Lumen, mais les forces luméennes étaient assez éloignées, et la flotte luméenne avait été fortement endommagée par Poséidon.

« Thorm et les Waseltoniens comptent très certainement sur cela pour nous assiéger. »

Cette voix appartenait au chambellan du Palais, et au plus proche conseiller d’Elsa, Kai. Les navires mijakiens étaient dans la baie, et avaient envoyé un message. Ils estimaient que le mariage entre Hans et Anna devait être célébré car ils s’étaient épousés, ils considéraient que Elsa n’était pas la souveraine légitime d’Arendell, qu’elle avait maudit son propre royaume, et réclamaient son arrestation pour la juger pour sorcellerie. Des propositions évidemment inacceptables. Elsa, de son côté, hésitait à utiliser ses pouvoirs. Elle pouvait geler l’eau et attaquer les navires, mais elle n’était pas sûre d’y arriver. Elle avait encore peur d’utiliser trop de ses pouvoirs. De plus, il fallait sûrement s’attendre à ce que les Mijakiens ne se contentent pas que d’un simple blocus.

Tandis qu’Elsa menait ce conseil, on toqua soudain à la porte. Des gardes entrèrent, surprenant Elsa et ses conseillers.

« Mais enfin, que signifie cette intrusion ? Nous sommes en plein conseil de guerre !
- Majesté, Majesté, une magicienne demande à vous voir ! s’exclama l’un des gardes. Elle venait depuis la Forêt Enchantée, Sa Majesté avait expressément demandé à ce qu’on l’informe de tout mouvement venant de cette forêt… »

Elsa rebondit sur cette phrase.

« C’est exact, faites-là entrer ! »

Située à la frontière d’Arendell, la Forêt Enchantée était une forêt magique. Elle était relativement grande, mystérieuse, et Elsa s’y intéressait, car on disait qu’un peuple antique s’y trouvait, proche de la magie, et qui aurait été en mesure de l’aider à maîtriser ses pouvoirs.

Elsa avait entendu parler de cette sorcière, et, quand elle se présenta, on murmura autour d’elle. La Sorcière-Pourpre, Merlin… Une légende, un folklore local ! Les parents disaient à leurs enfants que, s’ils n’étaient pas sages, la Sorcière-Pourpre viendrait les chercher pour les transformer en cochons, ou en hommes-pierres ! On disait qu’elle régnait sur la Forêt Enchantée, et qu’elle était proche de la tribu des Northuldras. Elsa tâcha de garder contenance. La Forêt Enchantée faisait partie des pistes qu’elle souhaitait explorer pour maîtriser au mieux ses pouvoirs, même si elle pouvait toujours compter sur l’aide de la sorceleuse Cirilla, qui était également une magicienne, et une Source.

« Eh bien, sorcière Merlin, je vous souhaite la bienvenue. »

Merlin lui expliqua avoir surpris des espions et des assassins dans sa vallée, et lui lança une lettre cachetée. Quand un soldat tenta de s’en emparer, il fut projeté contre un mur, ce qui déclencha l’hostilité des autres soldats.

« Soldats, repos ! Ne froissez pas notre invitée ! »

Ceux-ci restèrent sur la défensive. Elsa observa l’enveloppe, et fronça les sourcils en reconnaissant le sceau doré de Sylvandell.

*Voilà qui est curieux, on dit que la Reine de Sylvandell est plutôt pacifiste…*

Elsa envisageait même de se rapprocher d’elle. Elle ouvrit donc l’enveloppe, et vit le cachet royal de Sylvandell dessus, puis en fit un résumé à voix haute :

« Nous,

Alice Korvander,

Reine de Sylvandell,
Impératrice consort par alliance,

Vu la lettre de réclamation de la Principauté de Waselton concernant la rupture des fiançailles entre le Prince Hans et la Princesse Anna,

MOTIFS :

Considérant que la Princesse Anna a librement consenti à une union avec le Prince Hans,
Considérant que le Prince Hans a librement consenti à une union avec le Prince Hans,

Étant rappelé que dot a été proposé par la proposition d’acquisition d’un galion dénommé « Neptune »,

Dit que c’est sans motif légitime que les fiançailles ont été rompues,

EN CONSÉQUENCE,

DÉCIDE QUE :

Rejette la légitimité de Dame Elsa en qualité de souveraine du royaume d’Arendell,

Ordonne l’élimination de la dénommée Elsa,

Dit que l’Empire de Mijak apportera son soutien aux revendications du Prince Hans, Roi légitime d’Arendell,

Mande et ordonne à cet effet au Maréchal Ketheric Thorm de déployer sa flotte en vue de parvenir à la neutralisation de l’usurpatrice Elsa,


Reine Alice Korvander »

La lettre circula entre les mains des conseillers, qui étaient occis.

« Mais c’est une déclaration de guerre, c’est un scandale !
- Nous devons immédiatement transmettre cette missive aux Luméens, qu’ils nous viennent en aide ! »

Elsa les laissa s’égosiller pendant un temps, avant de tendre la main. Sa paume s’illumina, et généra des poussières de glace cristallines, amenant les conseillers à se taire.

« Je souhaite procéder à des investigations complémentaires. Notre royaume se remet d’une longue période de glaciation. Si ce que vous dites est vrai, magicienne, vous devez savoir que nous avons reçu une proposition de pourparlers du Maréchal Thorm. Celui-ci souhaite une rencontre en un lieu neutre, sur l’île sacrée d’Ahtohallan.
- C’est un piège, Majesté !
- C’est précisément la raison pour laquelle je souhaite m’adjoindre les services de la Sorcière-Pourpre. Les Mijakiens s’empareront de la Forêt Enchantée et de votre vallée s’ils viennent ici, et nous ne pouvons pas courir ce risque. Et, si vous êtes venue jusqu’ici, sorcière Merlin, c’est parce que vous en avez très certainement conscience. Sachez toutefois que j’ai d’importantes prédispositions à la magie, qui me valent la réputation d’être maudite… Et cela, je pense aussi que vous le saviez… »

L’orgueil de cette magicienne n’échappa pas à Elsa. La jeune Reine avait tendance à être plus humble, a fortiori face aux Mijakiens. Croire qu’elle serait capable de repousser leurs mages et leurs armées, c’était faire preuve d’une présomption à laquelle Elsa se refusait. Elle se montra en revancher agacée, voire franchement irritée, quand Merlin la remit publiquement en place, et la traita comme si elle était une bleusaille. Elsa s’efforça de rester calme. Lui dire qu’elle n’avait aucune prédisposition importante à la magie, c’était tout de même un peu osé. Avec ses pouvoirs, elle avait pu générer des golems de glace, geler une mer, concevoir un Palais de glace… Et plonger Arendell dans un enfer de glace.

Sarcastique, Elsa répondit rapidement sur ce point :

« Il est regrettable que vous n’étiez pas là pour convaincre mes parents de la futilité de circonscrire mes pouvoirs, ou pour mettre fin à la tempête hivernale qui a ravagé le royaume pendant si longtemps. Sans doute étiez-vous très occupée dans votre vallée… »

Elsa ignorait tout de cette femme, mais elle était vantarde… Un peu trop à ses yeux.

« Je ne désire par ailleurs aucun artefact quelconque susceptible de contrôler, de tempérer, ou de cacher mes pouvoirs. Mes parents avaient confectionné des gants magiques, sans doute sur les conseils d’une autre personne très érudite, qui pensaient que ces gants me permettraient de mieux contrôler mes pouvoirs. Le résultat a été que mes pouvoirs ont échappé à mon contrôle, et ont endommagé mon royaume. Mais, pour vous répondre clairement, Madame Merlin, je n’ai jamais vu mes pouvoirs comme une malédiction, contrairement à mes parents. »

Pour Elsa, ces pouvoirs faisaient partie de son identité. Les conseillers royaux, quant à eux, se raclaient la gorge. Ils savaient combien le sujet des pouvoirs de la Reine étaient glissants. Kai intervint alors :

« Ceci étant dit, Majesté, Dame Merlin a raison, cette lettre ne ressemble pas à ce qu’on dit de la Reine de Sylvandell.
- Mais c’est bien le sceau de Sylvandell… Si on peut utiliser son sceau, c’est qu’elle n’est pas fiable.
- Il y a une confusion, le Maréchal Thorm est un vétéran endurci, je suis sûr que nous pourrons envisager des pourparlers. Il faudrait écrire à la Reine de Sylvandell.
- Comment nous assurer qu’elle recevra notre message ? Ceux qui subtilisent son sceau peuvent aussi subtiliser ces lettres. »

Un autre conseiller intervint :

« Nous pourrions demander à cette sorceleuse, celle qui vous a ramené auprès de nous, Majesté. »

Elsa acquiesça.

« C’est une bonne idée. Pendant ce temps, nous demanderons au Maréchal Thorm un moratoire. »

Elle se retourna ensuite vers Merlin, qui, dans ses conseils avisés, l’avait comparé à une fourmi… Elsa serra sa main sur son accoudoir, qui se cristallisa le long de ses doigts, signe évident d’une colère contenue.

« Quant à vous, Dame Merlin, je vous remercie de votre déplacement, mais j’ai passé l’âge de me faire materner. Si vous envisagez de me parler comme si j’étais une novice, vous pouvez retourner dans votre précieuse vallée, Arendell n’a pas eu besoin de vous et de vos talents si uniques pour repousser les prétentions du Prince Hans, et, toute aussi incompétente et médiocre que je sois, je n’ai pas non plus eu besoin de vos artefacts ou de vos conseils pour reprendre le contrôle sur mes pouvoirs. »

Le ton était clairement cassant. L’honneur d’une Reine, voilà une chose qu’il ne fallait pas sous-estimer !

Merlin avait sans doute du mal à discuter avec des nobles. C’était somme tout un art de pouvoir converser avec des personnes comme Elsa. Les dirigeants étaient souvent assez susceptibles, et cela était en tout cas particulièrement vrai pour Elsa. Remettre en cause ses capacités, et aller jusqu’à insinuer que, si Merlin le voulait, elle pourrait défaire une armée entière…

« Hmmm… En tout cas, vous n’avez pas appris l’humilité, magicienne. Il est dommage que vous ne vous soyez pas manifestée plus tôt, par exemple quand mes regrettés parents ont tenté de restreindre mes pouvoirs à l’aide de gants. Je dois vous admettre que, suite à cela, j’ai développé une certaine allergie à l’idée de porter le moindre artefact supposé canaliser mes pouvoirs. »

Cache tes pouvoirs, n’en parle pas… Elle se souvenait encore de la maxime utilisée par son père pour justifier le fait qu’Elsa tente de refréner ses pouvoirs. Évidemment, cela avait été une catastrophe.

Kai intervint alors :

« Ceci étant dit, Majesté, si notre invitée est à la hauteur de ce qu’elle prétend, on ne peut pas non plus négliger son aide. »

Une petite moue traversa les lèvres d’Elsa. Elle laissa planer quelques secondes, avant de poursuivre :

« Quand je me suis réfugiée dans mon Palais de Glace, et que ma sœur Anna m’a retrouvé, nous avons été attaquées par un mage noir… »

Sleoghorn… Le mage noir avait détruit le Palais, et Elsa l’avait encore affronté à Arendell, avant de réussir à le vaincre. Un mage noir qui était toutefois le disciple de Haazhel Thorn.

« Le Prince Hans n’est qu’un pantin, qui est manipulé par une force supérieure. Votre venue coïncide davantage avec l’attaque de ce mage qu’autre chose. Je pense que, si vous êtes aussi puissante que vous le dites, et que vous vous décidez à venir nous voir, c’est parce que vous avez senti en vous, peut-être inconsciemment, un danger majeur… Ketheric Thorm est un mage noir puissant, on dit que c’est le fils de Haazhel Thorn. Sleoghorn était l’un de leurs disciples, et tout porte à croire qu’il en a après moi. »

Elsa se tut pendant quelques instants, avant de le dire, curieuse de voir si Merlin savait ce que cela voudrait dire :

« Je suis une Immortelle. »

Cette femme était décidément bien mystérieuse ! En son for intérieur, Elsa se demandait s’il n’y avait pas un peu de sénilité à envisager… Mais, d’un autre côté, Merlin était bien conservée, et elle était suffisamment agaçante à entendre pour se dire qu’elle avait toutes ses facultés. La Reine l’écouta donc parler. Elle lui confirma avoir entendu parler de la légende des Immortels, et, si elle se refusa à expliciter ses intentions, elle signala malgré tout qu’elle était là pour l’aider, pour la former, tout en dédaignant aussi le reste de ses activités. Pour Elsa, qui venait de retrouver la liberté, le ton paternaliste et assez suffisant de cette femme était tout de même assez désagréable à entendre. Certes, Merlin disposait d’une très belle plastique, mais cela ne justifiait pas tout non plus.

« Alors, déjà, je n’ai pas précisé que je souhaitais vous avoir comme conseillère magique, et encore moins comme perceptrice. »

Une précision indispensable, Elsa ne comptait pas s’entourer de proches ou de conseillers à la loyauté douteuse. Anna en avait fait l’erreur avec Hans, et Elsa ne comptait donc pas réitérer cette erreur. Elle avait déjà eu des liens avec Cirillia, et elle avait davantage confiance en la sorceleuse qui l’avait aidé à retrouver sa sœur et à accepter ses pouvoirs, plutôt qu’en une magicienne hirsute qui la prenait de haut et qui la traitait comme une petite-fille à qui on devrait changer les couches. Merlin évoqua ensuite la stratégie de Thorn, et Elsa l’écouta donc. Merlin supposa que les assaillants risquaient de tenter une diversion par le sud pour forcer les forces d’Arendell à se regrouper au sud.

Elsa resta silencieuse pendant quelques instants, mais ce fut l’un de ses conseillers qui répondit :

« Nous avons déjà envisagé ce scénario. Arendell est entourée de montagnes, des sentiers impraticables pour une armée. Si une armée devait attaquer par le sud, elle devrait faire un détour considérable, et se retrouverait entre nos fortifications au sud et les renforts de la Confédération. »

Des éclaireurs, des assassins… Ils pouvaient contourner Arendell, ce qui expliquait sans doute qu’ils aient pu débarquer dans la vallée de Merlin.

« Mener un blocus est la meilleure manière de nous épuiser. Ils ne prennent aucun risque, et, comme nos réserves alimentaires sont faibles, ils veulent nous affamer. »

C’était la manière classique de mener un siège : isoler l’assiégé, le laisser s’affamer, puis pouvoir ainsi s’emparer de la cible. En disposant d’Arendell, les Mijakiens disposeraient d’une tête de pont avancée vers Lumen, mais cet intérêt stratégique était presque secondaire.

« Je ne suis pas encore disposée à vous faire totalement confiance, Merlin. J’ignore quelles sont vos intentions, mais il serait idiot de se priver de vos talents. Comme je vous l’ai indiqué, je compte rencontrer Ketheric Thorm pour discuter officiellement du retrait de ses troupes. Si vous arrivez à me convaincre que vous ne cherchez pas à me trahir, je souhaiterai votre compagnie lors de cette entrevue. »

De toute évidence, Elsa prenait un risque… Mais quelque chose lui disait qu’elle pouvait faire confiance à Merlin. C’était sans doute son instinct, et Elsa avait appris à s’y fier.