The Multiversity

La lumière du matin filtrait à peine à travers les rideaux de sa chambre, dessinant des ombres longues et déformées sur les murs. L’air était frais, encore imprégné de la froideur de la nuit, et le silence qui régnait dans la maison était presque palpable. Nowe ouvrit les yeux lentement, un léger grognement échappant de ses lèvres lorsqu’il se redressa dans le lit. Son corps était endolori, les muscles tendus, comme à chaque réveil après une nuit de sommeil agité par des cauchemars de combats passés.

Il passa une main sur son visage, les pensées floues au début, mais bientôt, l’urgence de la journée le rattrapa. Il avait été convoqué par Yehael, son mentor. Cela signifiait une journée d’entraînement, un entraînement exigeant comme le voulait la coutume avec Yehael. Il n’y avait pas de place pour la procrastination. Le temps des rêveries était révolu. Il se leva rapidement, balayant la pièce du regard. Le froid du sol le ramena à la réalité, et il se hâte de s’habiller pour la journée.

Après une toilette rapide, Nowe se dirigea vers la petite cuisine de la maisonnete et avala quelques morceaux de pain dur et une tasse de thé. Une fois son repas terminé, Nowe prit son équipement, sa lame bien fixée à son côté, et quitta la maisonnette en direction de la forêt. Le trajet vers la clairière isolée de Yehael n’était pas long, mais il n’était pas facile. Il fallait traverser un sentier étroit qui serpentait à travers les bois, longeant des ruisseaux qui chantaient doucement sous l'effet du vent, leurs eaux claires se glissant entre les pierres comme des murmures secrets.
Le sol était humide sous ses bottes, et l’air frais s’engouffrait dans ses poumons avec une force vivifiante. Il s’arrêta un instant, observant les arbres autour de lui. Ce lieu… il le connaissait bien. Ces bois étaient son terrain de jeu depuis son enfance.

Enfin, après ce qui lui sembla une éternité de marche, Nowe arriva à la lisière de la forêt. La lumière s’adoucissait, les rayons du soleil perçant à peine à travers les épais feuillages des arbres qui s’élevaient en hauteur, créant une atmosphère presque magique, presque irréelle. L’air ici était différent. Chargé de mystère. Comme si la forêt elle-même le testait.

Yehael était déjà présente, mais elle ne se tournait pas vers lui. Elle attendait, immobile, en silence, ses yeux perçant le lointain comme si elle était en pleine méditation. Son armure dorée brillait légèrement sous la lumière tamisée du matin. Ses ailes blanches étaient repliées dans son dos, et ses cheveux blonds flottaient légèrement dans la brise, lui donnant un air presque irréel. Elle était la perfection incarnée, la guerrière divine que Nowe cherchait à imiter, à égaler. L’instant sembla suspendu dans le temps. Nowe s’approcha lentement, le sol écrasant les feuilles mortes sous ses pas. Il s’arrêta à quelques mètres d’elle et attendit, les mains crispées sur la garde de son épée. Yehael ne bougea pas.

« Bonjour, Yehael »

Nowe savait qu’il était en retard ; avec un peu de chance, Yehael n’allait peut-être pas l’engeuler !

Nowe fut accueilli par le sourire rassurant de Yehaël, une expression qui, à première vue, semblait presque irréelle dans ce décor de forêt paisible. Vêtue d'une splendide armure argentée qui capturait la lumière du matin, elle brillait sous les rayons du soleil comme une étoile, renforçant l’aura presque divine qui l’entourait. Sa posture droite et majestueuse ne laissait aucun doute : Yehaël était une figure d'autorité et de sagesse, mais aussi de pureté et de lumière. Elle était l'incarnation d'une guerrière divine, sans faille.

Elle prit la parole d’une voix calme et claire, tout en laissant la tension s'accumuler lentement. La quête qu’elle avait en tête semblait d'une importance capitale, et ce qu'elle annonça fit immédiatement réagir Nowe.

« Une quête qui me concerne ? », pensa-t-il, fronçant les sourcils, intrigué et soudainement sur ses gardes. L’idée qu’il puisse être impliqué personnellement dans cette mission, le perturbait.
Une idée plus sombre se faufila dans son esprit. Est-ce qu'elle a enfin des informations sur le culte de la Monarchie de la Rose ? L’évocation d’un tel culte avait toujours été pour Nowe un sujet tabou et dangereux. Le sang de Nowe ne fit qu'un tour face à cette possibilité. L’inquiétude s'infiltra lentement en lui, jusqu’à ce que, sans le vouloir, il s’exclame, presque sur un ton de défi :

« De quoi s’agit-il exactement ?! »

Yehaël, immobile, le regarda avec une douce sérénité, comme si elle attendait cette réaction. Elle ne s’empressa pas de répondre, prenant d’abord un moment pour observer son élève. Puis, elle entama son explication, détaillant avec une aisance impressionnante les événements qui avaient conduit à sa décision. Selon elle, après l’attaque de Poséidon sur Lumen, une des cryptes scellées par les anges semblait être en péril. Les sceaux, qui maintenaient cette crypte scellée, risquaient de faiblir. Yehaël souhaitait s’assurer de leur intégrité et de leur efficacité, avant qu’un danger ne surgisse de cette brèche.

Et puis, la grande révélation tomba. La crypte en question avait été utilisée par un culte ancien, un culte lié à Ifrit.
À cet instant, Nowe sentit un frisson glacé lui parcourir la colonne vertébrale. Ses yeux s'écarquillèrent sous le choc de la révélation, et son rythme cardiaque s’emballa, frappant son thorax comme un tambour de guerre.

« Ifrit, vous dites ?! » Sa voix trembla légèrement, mais son esprit se rattrapa rapidement, l'adrénaline envahissant chaque fibre de son être.
Puis, sans crier gare, Nowe relâcha son poing, et la douleur, le ramena à la realité. Il prononça une simple phrase, ferme et tranchante, qui laissait présager l’inéluctable :

« D’accord, je vois… »

Il haussait la tête, son regard perçant se fixant sur Yehaël avec une intensité nouvelle, comme si une résolution nouvelle venait d’émerger en lui. Ses yeux, d'un bleu profond, brillaient d’une détermination inflexible.

« Très bien, allons-y. »

La quête n’était plus qu’une question de temps, et Nowe avait désormais la certitude que cette mission marquerait un tournant dans sa propre existence.

Nowe se rappelait encore la nuit fatidique où son village fut massacré. C’était une nuit d’une lourdeur anormale, où l’air semblait si épais qu’il en devenait difficile de respirer. Le cri des habitants, la terre qui tremblait sous les pas d'Ifrit, tout cela était gravé dans sa mémoire comme une scène d’un cauchemar dont il ne pouvait se réveiller. Cette nuit-là, il perdit ses parents, broyés par la puissance incommensurable du grand ancien, Ifrit. Celui-ci, un être primordial de feu et de destruction, était apparu de nulle part et s’était attaqué à Lumen, brûlant tout sur son passage. Le souvenir des flammes dévorantes, la chaleur écrasante qui l’avait fait suffoquer… C’était un souvenir qu'il n’arrivait pas à effacer.

Si la douleur de cette perte n’avait cessé de le hanter, ce qui l'effrayait plus encore, c’était l’idée qu’Ifrit puisse revenir. Selon les dires des anges, Ifrit avait été scellé dans un artefact magique, un puissant artefact qui avait été soigneusement gardé au paradis, à l'abri de toute malveillance. Mais rien ne semblait être à l'abri de ces cultistes fanatiques qui souhaitaient de tout cœur libérer la créature infernale. Et la pensée que cette créature, ce monstre qui avait ravagé sa vie, soit encore vivante, faite bouillonner le sang de Nowe. Il sentait une colère sourde, une rage qui ne demandait qu’à se libérer.

Se tenant devant Yehaël, l’archange guerrier qui guidait leur périple, Nowe n'arrivait à calmer l’énervement qui grandissait en lui. Yehaël, d’un calme impressionnant, tenait les rênes du cheval, tandis que Nowe fixait l’horizon, son esprit tourmenté par son passé tragique.

Ces cultistes, ils ne paieront rien pour attendre… je les massacrerai jusqu’au dernier quand je les trouverai. Les mots résonnaient dans sa tête, l’enflammaient d’une rage incontrôlable.

Le voyage, bien qu’éprouvant, les mena finalement à destination : Lumen, la capitale. Mais cette ville, jadis majestueuse, semblait aujourd’hui bien différente. Les murs autrefois resplendissants étaient ternis, et l’air portait une lourdeur sinistre, comme si la ville elle-même était consciente du danger imminent. Nowe observa les rues familières, qui pourtant lui paraissaient étrangères, comme un miroir brisé du passé. En tant qu’introverti, il n’avait jamais aimé les grandes villes. Elles l’étouffaient. Le bruit incessant des foules, les regards curieux des inconnus, tout cela le mettait mal à l’aise.

« Ça va, j’ai connu pire… », murmura-t-il, d’un ton presque détaché, tout en serrant les poings. Ces mots ne faisaient qu’effleurer la vérité de ce qu’il ressentait. L'angoisse et la colère tourbillonnaient dans son esprit, mais il n'osait l'exprimer.

Il tourna finalement son regard vers Yehaël, qui était occupé à ajuster les sacs sur le cheval. L’archange ne montrait aucun signe d’émotion, comme d’habitude, et Nowe se demandait parfois si elle était capable de ressentir quelque chose d’aussi humain que la peur ou la colère. Nowe s’adressa ensuite à Yehaël :

« Ou allons-nous maintenant ? »

Cela signifiait qu’une chose : que Nowe était pressé d’affronter ces cultistes. Cela faisait des années que Yehaël l’entrainait en vue de devenir un grand guerrier, mais jamais il n’avait pu tester ses capacités sur le terrain. En d’autres termes, Nowe était… affamé d’action !

Nowe suivait Yehaël en silence, les mâchoires serrées, les yeux rivés droit devant lui. Il n’était pas à l’aise dans cette ville trop grande, trop peuplée, trop bruyante. Chaque visage croisé lui rappelait ce qu’il avait perdu. Lumen, malgré sa grandeur, ne brillait plus comme dans ses souvenirs d’enfant. La capitale portait les stigmates de la guerre, de la peur… et de l’abandon.
Des réfugiés s’entassaient sous des tentes déchirées. Des enfants pieds nus jouaient dans la boue. Des prêtres en transe hurlaient à la foule leurs sermons apocalyptiques.

« …Repentez-vous, ou nous subirons à nouveau la colère des Dieux ! »

Nowe fronça les sourcils, les poings serrés.
Vous n’avez rien compris… Ce ne sont pas les péchés qui attirent les monstres. C’est votre faiblesse. Votre inaction.

Lorsque Yehaël évoqua la crypte, l’ancien manoir Braithwhite, et ses liens avec le culte eldrichtien, son cœur se mit à battre plus vite. Les mots « culte », « invocation » et « Ifrit » résonnaient dans son crâne comme des tambours de guerre.
« Un manoir hanté dans un quartier inondé… » murmura-t-il, plus pour lui-même que pour Yehaël.
Il détestait les grandes villes, encore plus quand elles puaient la moisissure, la magie noire… et la peur.
À l’auberge, il se sentit vaguement agacé par l’attitude de l’aubergiste.
Un peu timide ? Vraiment ? pensa-t-il en fusillant du regard le tenancier, comme pour lui prouver le contraire.

Quand Yehaël paya pour la barque, Nowe observa les rues submergées à travers les vitres sales de l’auberge. L’eau stagnante reflétait un ciel gris, et il sentait le chaos ramper juste sous la surface.
Il posa une main sur la garde de son épée.

« Je suis prêt. On y va. »

Nowe et Yehaël quittèrent ensuite l’auberge, glissant dans les ruelles humides de la capitale. Le pavé était glissant, trempé par les eaux montantes, et l’odeur salée de la crue se mêlait à celle des détritus abandonnés. Au loin, le port improvisé apparaissait : un vieux quai de pierre, à moitié submergé, où quelques barques fatiguées tanguaient doucement. Ils repérèrent la leur, amarrée à un pieu de bois. Nowe s’agenouilla, détacha la corde nouée en hâte, et la barque grinça en se libérant. Il jeta un regard à Yehaël. Elle hocha la tête, silencieuse, et ils prirent place à bord, laissant le quai disparaître lentement derrière eux.

L’aventure venait de commencer…

Nowe bondit par-dessus la palissade sans hésitation, suivant Yehaël dans la zone corrompue. Dès qu’il atterrit dans la boue collante, une odeur pestilentielle lui saisit la gorge. Son regard se posa aussitôt sur la maison étrange, cette excroissance cauchemardesque couverte d’algues et de chitine. L’air semblait vibrer d’une magie impie.
Soudain des Stygiens apparurent sur les toits, sifflant dans l’air lourd. Nowe esquissa un sourire, on aurait presque dit qu’il était content de voir des monstres.

*Enfin un peu d’action…*

Il dégaîna son épée, la lame tremblante d’une fièvre guerrière. Sur les toits, les Stygiens s’agitaient, mécontents. L’un d’eux sauta dans leur direction, ses membres démesurés fendant l’air comme les ailes d’un oiseau funeste. D’un mouvement fluide, Nowe le trancha en deux. Le monstre s’écrasa contre le sol, coupé net en deux.

Au sol, les mimics commençaient a faire leur apparition. Le premier Mimic bondit hors de l’ombre comme un ressort maudit, la gueule déformée grande ouverte, prête à mordre. Nowe pivota sur le côté avec une aisance instinctive, glissa dans sur le sol en profita pour planter sa lame droit dans le flanc visqueux de la créature. Un cri guttural s’échappa du monstre, suivi d’un jet noirâtre.
Nowe n’eut pas le temps de reprendre son souffle qu’un Stygien l’attaque par derriére, Nowe évita le coup de justesse. Les griffes monstrueuses passèrent à quelques centimètres de son visage, déchirant l’air dans un sifflement glaçant. Il roula sur le côté, et brandit son epée. Il s’élança en direction du monstre, puis bondit de maniére spectaculaire a la derniére seconde, flottant dans les airs, son epée reflétant la lumiére du soleil, ce qui eut pour effet d’aveugler momentanément le monstre.


Quand Nowe tomba, il s’écrasa avec tout son poids contre le monstre, epée a l’avant, sa lame transperçant la gueule de l’engance. Le souffle court, Nowe s’appretait a récupérer sa lame avant que des tentacules noirâtres ne jaillissent de nulle part, et saisissent sa jambe.

*Merde !*

Il tomba lourdement au sol, tiré en arrière. Son épée glissa hors de portée dans la boue.
Il grogna, planta ses mains dans la terre pour résister à la traction, mais le sol glissant l’empêchait de prendre appui. Il donna un violent coup de talon contre une des vrilles, qui se rétracta dans un bruit de succion, mais une seconde vint remplacer la première.

Il se retrouva nez à nez avec le monstre, qui grognait comme une bête sauvage, la gueule tordue par une haine viscérale, prêt à dévorer le jeune Luméen. Ses yeux luisants reflétaient la peur et la rage entremêlées, comme s’il sentait dans Nowe quelque chose qu’il devait détruire à tout prix.
Nowe, toujours au sol, glissa discrètement sa main vers sa poche arrière. Ses doigts effleurèrent la petite dague que Yehaël lui avait confiée, un simple couteau de survie au manche usé, mais qui portait le poids de son entraînement et de sa détermination. Il serra les dents, prêt à frapper. Il attendait. Attendre l’ouverture. Le moment opportun pour…


Une lame d’un blanc éblouissant surgit comme un éclair, transperçant l’abdomen du monstre de part en part. Le cri guttural de la bête résonna comme un râle déchirant. Du sang noirâtre gicla dans un arc visqueux, éclaboussant le visage de Nowe qui ferma les yeux juste à temps.
Le monstre convulsa, ses membres tordus grattant frénétiquement la boue, avant de se désintégrer dans un souffle sec, comme réduit en poussière par une lumière divine.
Nowe resta un instant figé, les cheveux collés au front, le souffle court, le visage couvert de ce liquide poisseux à l’odeur infâme. Il fronça les sourcils, écœuré, grimaça… et explosa :

— Ton intervention n’était pas nécessaire, je m’en sortais très bien tout seul ! J’attendais juste qu’il attaque pour contre-attaquer avec ma dague, je n’avais pas besoin de ton aide !