The Multiversity

Cette nuit de pleine lune, la kunoichi traquait non pas des démons mais des sous-fifres qu'elle soupçonnait désireux de s'en constituer des maîtres, sinon des alliés à court terme. Des individus louches, guère aussi discrets que la chasseuse nocturne. Ces marionnettes en devenir portaient toutes - pour la plupart - un manteau noir et ample sur le dos, décoré d'un ostensible symbole cabalistique.
Nuisibles ! En aucun cas les ténèbres ambiantes ne vous gardent du danger que je représente.
Sans jamais se laisser contaminer par ses vices, Hosoo Ienaga avait appris à évoluer, au sein de cet environnement lugubre, aussi silencieusement qu'une chatte. Ses déplacements furtifs ne produisaient que très peu de bruit. L'homme qu'elle avait filé, même s'il s'était avéré paranoïaque au point de jeter de fréquents coups d'œil autour de lui, n'avait pas eu la moindre chance de la remarquer.
Cela m'aurait ennuyé d'être dans l'obligation de m'en trouver un autre.
Son client du jour allait la mener à bon port - ce n'était qu'une question de temps, pour ne pas dire de minutes. Ce "bon port" n'avait rien, en revanche, de séduisant. Le lieu de réunion paraissait délabré. Non, il ne le paraissait pas : il l'était bel et bien ! Une immeuble abandonné dont le ravalement de façade aurait coûté une petite fortune. Entouré de mauvaises herbes, il se dressait un peu à l'écart de la ville...
Comme la tour d'un vieux sorcier.
Sous son masque jaune, Hosoo se permit un petit sourire en coin.
Le genre d'édifice malfamé et stéréotypé que l'on retrouve dans les RPGs.
Sauf qu'ici, la bâtiment était plus carré, rectangulaire. Et que ses étages supérieurs ne payaient pas de mine...
M'est avis qu'il doit y avoir un sous-sol caché.
Elle ne ressentit pas le besoin de surprendre en flagrant délit ce type qu'elle filait. Comme pour pimenter le "jeu", Hosoo, camouflée dans l'obscurité la plus noire, lui accorda une légère longueur d'avance avant de se glisser telle une ombre mouvante près de l'endroit où il s'était "volatilisé".
Attendons encore un chouïa...
Elle eut bien fait : d'autres membres du culte firent leur apparition. Tout comme le premier, ils arrivaient au compte goutte - jamais par paire. Elle en surprit plusieurs en train de soulever une trappe caché. Toujours la même, donc une seule issue qui menait à un point de rassemblement souterrain.
Allons bon ! Cette aventure du soir prend soudainement des allures d'exploration de donjon.
Une virée qui ne la dérangeait pas en soi. Hosoo trouvait simplement dommage le fait que ces trous du cul d'imprudents aient eu la "bonté" de lui dévoiler cette entrée secrète...
Roulant des yeux au plafond, la kunoichi s'assura de la fin de ce paresseux défilé avant de pénétrer à son tour dans le sous-sol.

Portant un léger voile noir, Miriam préparait avec soin ce rituel, ce sabbat. Ce n’était pas tous les jours qu’elle pouvait invoquer sa Maîtresse, et Miriam prenait cela avec soin. Elle avait réuni ses différents fidèles, des cultistes, qui préparaient eux aussi le rituel pour permettre d’invoquer Purgatori. La puissante démone-vampire était celle que Miriam vénérait. Elle était une sorcière, une femme qui avait depuis longtemps choisi de se lier avec des démons, et qui faisait partie de la secte de Purgatori. Pour réaliser ce rituel, il fallait un sacrifice, et ce sacrifice était en ce moment attaché à une table. Il était nu comme un ver, et s’agitait nerveusement. C’était un homme gros et gras, quelqu’un qui ne manquerait à personne. Un pédocriminel, un violeur d’enfants. Sa secte l’avait capturé. Son corps était tracé de glyphes et de runes qui se reliaient au pentacle étalé sur le sol. Tout était prêt.

Miriam défit son voile, finissant dans d’élégants sous-vêtements en lingerie fine. Elle rejoignit lentement l’homme, tandis que les incantations se multipliaient. Ils utilisaient la langue énochienne, la langue des démons, celle aussi des sorcières. Elle leva ses deux mains en tenant le couteau sacrificiel, et répandit sur lui le sang d’une brebis.

« Libérez-moi, bande de dingues ! Vous avez pas idée de ce qui va vous tomber dessus, putain ! Laissez-moi partir !!
- Tu es un criminel, et ta vie trouvera enfin une utilité. Grâce à toi, notre Reine va pouvoir venir ! »

Miriam se mit à califourchon sur l’homme, et brandit le couteau. Elle allait l’abattre… Quand la double porte du sous-sol s’ouvrit alors. Surprise, Miriam releva la tête. Un escalier depuis une double trappe menait à cette cave, et elle fronça les sourcils en voyant une intruse.

« Hey ! Vous ! Appelez les flics, sortez-moi d’ici ! »

Surprise, Miriam mit quelques instants avant de réagir… Et ses cultistes s’élancèrent alors vers l’intruse. Miriam, de son côté, planta alors le couteau dans la gorge de l’homme, et le retira ensuite. Le sang fusa de partout, et le pentacle au sol se mit à luire, vibrant d’une forte énergie rouge qui se mettait à illuminer dangereusement la cave.

Le rituel venait de commencer !

Personne dans le couloir souterrain. Hosoo poursuivit donc sur sa lancée, glissant silencieusement dans la pénombre aussi sûrement qu'un spectre. A l'autre bout de ce boyau, elle entendit des cris, capta la peur qui en suintait...
Un "donjon" plus court que je le pensais ?
Ce repaire malfamé ne devait pas compter plus de deux pièces. La kunoichi n'était pas rassurée pour autant car, par-dessous les hurlement d'un homme vulgaire, elle percevait des paroles mystiques prononcées en chœur. Signe que les cultistes avaient déjà commencé leur travail.
Peu importe de qui il s'agit : hors de question de laisser le gibier entre les mains de cette meute de dégénérés !
Renonçant à la discrétion, la chasseuse de nuit enfonça la double porte d'un formidable coup de pied. Dans cette grande pièce préparée spécifiquement pour un rituel de nature démoniaque, Hosoo arrêta son regard sur le captif que l'on avait dépouillé de ses vêtements. Le gros bonhomme, allongé au centre d'un pentacle géant, était nu et couvert de symboles cabalistiques. Une femme aux longs cheveux noir à moitié dévêtue lui avait monté dessus ; elle tenait un couteau entre ses mains levées.

- Oh, bah merde alors !

Plutôt que d'opter pour un fumigène ou une bombe, la kunoichi décrocha son kusarigama de sa ceinture et en fit tourner la chaîne lestée d'un poids. Elle s'apprêta à le projeter sur la sorcière quand les hommes mauvais qui l'entouraient se précipitèrent à sa rencontre, l'obligeant à réviser ses priorités.

- Dégagez de mon chemin, tas de vermines !

La masse de fer trouva plus d'une mâchoire, renversant les obstacles "humains" qui, hélas, purent tout de même remplir leur fonction de bouclier de chair. Derrière ces brutes imbéciles, la maîtresse de cérémonie avait bel et bien planté son couteau dans le cou du malheureux, le tuant sur le coup. Son sang aspergea le motif géométrique, l'allumant aussi efficacement qu'une lampe.
Fait chier !
Trop tard pour le sacrifié. Hosoo recentra son attention sur ses adversaires les plus proches. Plusieurs d'entre-eux avaient échappé à son outil de travail, menaçant de l'engloutir dans un corps à corps groupé. La kunoichi esquiva les griffes d'un de ces fous avant de bondir et de lui administrer un coup de pied sous la pointe du menton. Il tomba immédiatement dans les vapes, ouvrant la voie à un autre malade mental qu'Hosoo frappa au visage de son poing armé. Des éclats de dents volèrent. Un troisième assaillant se joignit à la fête. La lycéenne costumée se baissa, évitant un coup en corde à linge, avant de lui planter sa faucille dans la cuisse et de tourner d'un coup sec ! L'homme hurla à la mort. Hosoo le fit taire d'un coup de pied frontal. Sa chute renversa un de ses camarades qui fut à moitié piétiné par ceux lui ayant stupidement collé aux basques.

- Ne poussez pas : il y en aura pour tout le monde !

Fauchant les appuis du prochain challenger, la kunoichi tira sur l'extrémité de sa chaîne enroulée pour le traîner dans la trajectoire de ses voisins. Satisfaite de les voir choir comme des dominos, elle ramena sa chaîne dans sa main gantée qui en tenait également le manche.

- Couché, pas bouger !

De sa main libre, elle ne lésina point, piochant quelques kunaïs qu'elle avait aussitôt balancé dans les membres inférieurs des rabroués. Plusieurs exclamations de douleur acclamèrent son geste. Hosoo s'en imprégna vicieusement avant de projeter son regard sur l'éminence grise de cet odieux bordel.
Avec la tête de sa faucille ensanglantée, elle pointa l'intéressée.

- Toi aussi, tu vas saigner, ma grande !

Tout en s'avançant de quelques pas, la kunoichi fit tournoyer sa chaîne. Cette fois-ci, le leste traversa comme une balle la poignée d'hommes et de femmes encapuchonnés qui s'étaient dressés entre la maîtresse de cérémonie et sa propriétaire. Avec un peu de chance, Hosoo arriverait au moins à la faire sauter sa maudite lame des mains ; en jouant sur sa bonne fortune, elle parviendrait peut-être à lui casser le poignet.

L’intruse déploya un kusarigama, une arme très spécifique au Japon, une faucille équipée d’une chaîne. L’arme des pauvres qui, à l’époque du Japon médiéval, ne pouvaient pas porter d’épées. Les paysans avaient donc développé cette arme pour se défendre. Cependant, son utilisation à distance nécessitait un certain talent. Miriam vit l’intruse manipuler cette arme avec aisance. Une véritable kunoichi ! Sa venue était presque trop belle pour être vraie. Nul doute que sa Maîtresse allait beaucoup l’apprécier ! Elle était seule contre les fanatiques de Miriam, et réussit à les repousser, les blessant fortement avec son arme. Elle s’amusait à frapper leurs jambes, optant pour des attaques puissantes, mais non-létales. Optant aussi pour des armes à distance, l’intruse jeta des kunaïs, fauchant les jambes ou les bras, cherchant à immobiliser plutôt qu’à tuer. Cela lui offrit en tout cas une ouverture pour projeter sa faucille vers Miriam. Surprise, Miriam vit la faucille taper ses mains, et elle hurla en lâchant son arme. Miriam tomba sur le sol, glissant en arrière, et, furieuse, ne tarda pas à réagir. Sa main se tendit, et elle envoya une onde d’Air qui frappa la kunoichi, la jetant au sol.

« Qu’est-ce que vous foutez, bande d’amateurs ? Arrêtez-là, mais ne la tuez pas ! Notre Maîtresse voudra se charger d’elle ! »

Hosoo put constater que, même blessés ou estropiés, les fanatiques se redressaient, faisant fi de la douleur. Miriam se redressa, tandis que sa victime était en train de se vider de son sang. Hosoo était néanmoins très réactive, et continua à se défendre. Elle devait cependant constater une chose : les fanatiques qu’elle affrontait étaient prêts à mourir ! Tandis que Hosoo se battait, Miriam utilisait encore sa magie. Des tentacules noirs jaillirent autour d’elle, et fusèrent vers Hosoo pour l’attraper. Cependant, celle-ci les esquiva, et répliqua en jetant un kunai vers Miriam. Celle-ci avait néanmoins paré cette attaque, et avait généré un bouclier magique. Elle grimaça tout de même en sentant le kunai heurter sa peau, avant de tomber au sol, laissant une traînée de sang sur elle.

Sur le corps de la victime sacrificielle, des glyphes démoniaques se mirent à rougeoyer. N’ayant plus son couteau, Miriam s’empara du kunai, et le planta dans le torse de l’homme, puis le fit glisser sur une ligne magique. Ce fut son dernier acte avant que Hosoo ne bondisse sur elle. Son pied heurta Miriam au torse, et elle retomba au sol, voyant la kunoichi sur elle…

« Tu arrives trop tard, ma jolie… Tu n’étais pas prévue au programme, mais ma Maîtresse appréciera autant ta fougue que ta beauté… »

Sur le sol de la cave, le pentacle s’illuminait alors, et le corps du sacrifié se tordit alors de douleur. Il était pourtant mort, mais son corps s’agitait. La plaie tracée par Miriam s’élargit, et un geyser de sang jaillit alors. Le corps de la victime implosa alors de l’intérieur, projetant boyaux, os, et gerbes de sang dans tous les sens… Et, au milieu de cette fontaine gore et sanguinolente, une silhouette émergea alors.

Ce qu’il restait du sacrifié n’était plus qu’une carcasse visqueuse et puante. Il restait ses membres, sa tête, mais l’intérieur de son corps avait éclaté, libérant une puissante démone à la peau rouge.

« Haaaaa… ! »

Purgatori venait d’arriver !

L’un après l’autre, ses fidèles se mirent à genoux, péniblement, en gémissant de douleur. Le regard de Purgatori se posa alors sur Hosoo, et elle fronça les sourcils.

« Hmm… Miriam avait réuni tous ses minables pour que je les tue, mais toi… Tu les vaux tous ! Je m’appelle Purgatori, ma jolie. Et toi… Sois heureuse, tu tueras pour moi ! » s’exclama Purgatori, joviale.

La putain de maîtresse de cérémonie utilisait la magie ! Après l'avoir blessée, Hosoo fut repoussée en arrière par un mur d'air vomi par la paume de sa main. Cette dégénérée n'avait de toute évidence pas usurper sa position. Heureusement que la kunoichi avait rappelé sa chaîne à elle et retrouvé ses appuis.

- Vous n'en avez pas eu assez, bande de tarés ?

Non : même écorchés, les fanatiques se relevaient et combattaient comme des possédés ! C'était comme si leur esprit ne leur appartenait plus, qu'il était devenu indépendant de leur corps. Hosoo comprit alors qu'elle ne pourrait malheureusement plus se permettre de simplement les entraver ; c'était un coup à se retrouver submerger par les représailles. Elle n'eut néanmoins pas le temps d'occire qui que ce fût car la tueuse avait invoqué des tentacules pour l'attraper.

- Tu peux te les foutre où je pense !

Fléchissant sur ses jambes, elle poussa fort dessus et se retrouva dans les airs, un nouveau kunai au poing. Le projectile vengeur, ralenti par la protection magique de la sorcière, parvint tout de même à l'atteindre. Par deux fois déjà, Hosoo avait tenu sa promesse : celle de la faire saigner.

- Alors ? C'est tout de suite moins agréable, hein ? piailla la kunoichi...

...avant de voir sa cible récupérer son kunai et planter derechef son sacrifice humain !
De nouveau au sol, Hosoo s'en indigna très vite.

- Immonde suceuse de démons ! cracha-t-elle. Tu oses te servir de mon armement pour massacrer ce type ?!

Dégageant des fanatiques de son chemin, la kunoichi brisa la distance qui la séparait de cette maudite cinglée et lui décocha un grand coup de pied sauté. Son adversaire chut au sol et Hosoo resta sur elle, la lame de son kusarigama posée tout contre sa carotide.

- Tu t'excuseras auprès de lui en enfer, grogna-t-elle.

L'impossible se produisit alors. Le sacrifié, pourtant mort, s'agita au beau milieu du pentacle gorgé de son sang. Le motif impie s'était illuminé comme un néon ! Puis ce fut au tour du cadavre animé d'imploser comme une pastèque. Seuls ses membres et sa tête restèrent en place alors que de son tronc, devenu fontaine de sang, d'os et de boyaux, émergeait une sombre entité.
Figée par cette apparition démoniaque, Hosoo sentit un frisson glacé lui traverser l'échine.
Même si elle ne connaissait pas l'identité du monstre, elle savait ce qu'il en était...

- Foutredieu, souffla-t-elle, sa main crispée sur son arme.

Autour d'elle, les fidèles s'étaient agenouillés comme un seul homme. La kunoichi capta le regard dénué de pupille de la démone. Un blanc-jaune contre nature qui soulignait bien son appartenance au large cercle démoniaque. Sans compter bien sûr sa peau rouge et ses cornes qui piquaient vers le plafond. De ses lèvres noires et pulpeuses, Hosoo apprit et son nom et celui de sa plus fidèle servante : Miriam, la maîtresse de cérémonie, qui s'était arrangée pour livrer à la démone Purgatori l'ensemble de ses sujets imbéciles. Déclaration macabre qui acheva d'enflammer la juste colère de la chasseuse de démons !
Soulevant la dénommée Miriam par la peau du cou, Hosoo se positionna derrière elle non sans lui enrouler sa chaîne autour du cou.

- Espèce de malade, grinça-t-elle à son oreille. Tu étais prête à sacrifier tous ces inconscients sur l'autel de cette diablesse ?! Ta mort seule ne saurait rattraper l'ampleur de ta bêtise !

La peau rouge, fraîchement arrachée à sa dimension satanique, sifflait son désir de l'utiliser, elle, la chasseuse de démons, comme vulgaire instrument de mort.
Hosoo raffermit tout de suite son étreinte sur son bouclier humain.

- Tu délires complètement, abomination ! Je ne tuerai personne pour ton compte, tout comme je t'empêcherai de te nourrir du malheur des autres.

D'un coup derrière les genoux, elle força Miriam à s'agenouiller. La kunoichi s'accroupit contre son dos nu.

- Pas un geste ! la prévint-elle. Si toi ou un seul de tes sales fanatiques fait mine de bouger le petit doigt, je tords illico le cou de ton invocatrice, est-ce que c'est clair ?!

Peut-être que la démone avait vu à moitié juste : que Hosoo tuerait, non pas pour elle mais contre elle. Son regard noir ne laissait planer aucun doute quant à ses intentions meurtrières. Même si son projet le plus urgent relevait de sa propre échappatoire en cet endroit clos qui, malheureusement, ne possédait qu'une seule issue...

- Je vous déconseille fortement de nous suivre.

Est-ce que ça allait suffire ?
Hosoo ne pouvait pas se défaire de son bagage dérangé pour la simple et bonne raison qu'elle se savait incapable de tenir tête à cette horde de fêlés en même temps que leur dominatrice.
En définitive : elle avait foutu les pieds dans un sacré merdier !

Hosoo se réfugia derrière Miriam, tandis que les fanatiques psalmodiaient le nom de Purgatori.

« PURGATORI, PURGATORI ! Louée soit notre Maîtresse ! PURGATORI ! PURGATORI ! Adoramus diabolum !! »

Hosoo n’avait aucune échappatoire, si ce n’est une porte de service latérale qui lui permettrait de rejoindre des tunnels de maintenance. Purgatori suivit lentement la kunoichi. Même si elle avait été invoquée ici, la Princesse Infernale ne pouvait déployer toute l’étendue de sa puissance sans prendre le risque d’attirer à elle les Anges.

Elle s’amusa des contradictions de la jeune femme.

« Tu ne tueras personne pour mon compte, alors que tu t’apprêtes à tuer ma sorcière ? Vous, les humains, êtes si amusants ! Tue-là, elle n’attend que ça… »

Miriam souriait joyeusement. Elle frotta alors sa nuque contre le kunai de Hosoo, et saigna dessus.

« Oui, tue-moi, et je renaîtrai auprès de ma Maîtresse ! Vas-y, espèce de sale pute, fais-le, FAIS-LE, putain !! »

Hosoo était piégée, face à une otage qui cherchait à s’égorger sur sa lame. Cela la surprit assez pour que Miriam finisse au sol. S’étant rapprochée de la double porte, Hosoo fila par celle-ci. Les deux portes s’ouvrirent, et elle se mit à courir dans un couloir de maintenance. Celui-ci se terminait par un angle sur la droite.

Elle rejoignit un escalier qui montait, mais, à son sommet, un halo de feu l’accueillit, puis elle sentit son corps se soulever du sol, comme si ses membres étaient soulevés par des fils invisibles. Face à elle, Purgatori émergea, un sourire amusé sur les lèvres.

« Tu cours bien vite, petite souris… »

Purgatori projeta alors Hosoo au plafond, la plaquant sur le dos, puis la regarde ensuite en levant la tête, mains sur ses hanches. Le centre de gravité du couloir s’inversa alors, et Purgatori se retrouva ensuite à marcher au plafond, tandis que le sol et le plafond s’étaient inversés. Hosoo retrouva l’usage de son corps, mais en adhérant au plafond.

« Voyons voir un peu qui tu es… »

Hosoo sentit encore la force terrible de Purgatori. Son corps fut attiré par elle, et elle perdit à nouveau l’usage de ses membres, tandis que la main de Purgatori l’attrapa au cou.

Le décor s’évapora alors autour des deux femmes, et Hosoo put voir autour d’elle une scène qu’elle ne devait sans doute que connaître trop bien : son village natal, la nuit où les démons avaient envahi ce dernier.

« Oh… Voilà donc ton traumatisme, mon cœur. »

Purgatori relâcha encore Hosoo, et étudia ce souvenir, les maisons en flammes, les ninjas du clan se faisant impitoyablement massacrer par des hordes de yokai, tandis que les civils et les enfants comme Hosoo se réfugiaient vers le temple central, tombant dans le plus atroce des pièges…

Les fanatiques hurlaient le nom de leur sanguinolente déesse. Hosoo eut la trompeuse impression que ces malades aveuglés par le Mal ne la voyaient plus. Mais en réalité, c'était sa menace envers eux qui avait drastiquement décliné.
En restant plantée là, je creuse ma propre tombe.
Elle avait réagi trop tardivement. Le sacrifié était mort, le démon libéré. Cette bataille était sur le point de virer en combat à sens unique...

La kunoichi fut profondément écœurée par les provocations de la Purgatori. Cette dernière n'avait absolument pas volé ses attributs démoniaques ! Il s'avérait également que sa plus haute subordonnée lui appartenait corps et âme. Myriam, en bonne folle à lier, lui intimait de lui trancher la gorge.
Hosoo fit la grimace.

- Allez vous faire foutre !

La maîtresse de cérémonie eut simplement droit à un grand coup de manche sur le crâne ! La chaîne se dénoua de sa silhouette qui rejoignait lourdement le sol. La kunoichi battit alors en retraite, poussant seule les deux portes vers la sortie qui menait dans un couloir. Au bout de celui-ci se formait un coude. Au bout de ce virage cassé, un escalier. Au-delà de cet escalier ? La liberté d'une nuit fraîche, sans doute !
Malheureusement, elle n'était point à portée de main.
Hosoo fut avalée par un halo de lumière rouge avant qu'une force incompréhensible vienne la maintenir au-dessus du sol.

- Hé ?! N-non !

Comme si les lois de la physiques ne s'appliquaient pas à elle, Purgatori sortit de nulle part, armée de son sourire à glacer les sangs.
La kunoichi n'eut rien le temps d'ajouter : une force incompréhensible la cloua au plafond !

- Urgh !... Merde... de chez merde...

Mais bizarrement, cette même force s'atténua au point de lui permettre de se redresser... sans qu'elle puisse toutefois jouir du privilège de décrocher ses pieds de son support inversé.

- A quoi tu joues, espèce de con-...ourgh ?!

Le pouvoir attractif de la démone l'avait arrachée à sa position précaire. Hosoo termina sa couse au bout de son bras tendu, son cou prisonnier de sa main de diablesse. Mais ce n'est pas tout car, à cet instant précis, le monde autour d'elle changea, devant un sinistre reflet de son passé tragique. En même temps que sa tortionnaire, la lycéenne revit la pire scène de sa jeune vie : celle où ses proches mourraient entre les griffes des démons incendiaires !
Pas ça !
Paniquée, elle se débattit en vain, ses jambes remuant dans le vide. La funeste vision s'interrompit sur la dernière image qu'elle avait de ses parents combatifs. Les héros de son existence, aujourd'hui éteints. Un drame auquel seul son grand-père avait survécu. L'homme à qui on l'avait confiée étant petite. Il avait fini par mourir lui aussi. Pas de la griffe d'un démon, cela dit.
Un bien maigre lot de consolation...
Toujours au plafond, Hosoo était tombée à genoux, la tête tenue entre ses mains crispées.
Ce cauchemar... cet odieux cauchemar !
Serrant les mâchoires de douleur comme de colère, elle finit par relever la tête. Ses yeux brillaient de larmes, qu'elle s'efforçait malgré tout de retenir. La démone, elle le savait, comptait se faire les dents sur sa faiblesse. Hosoo avait donc pour obligation de se montrer plus forte qu'elle ne l'était en réalité.
En mémoire des siens !

- Maudite voyeuse, souffla-t-elle entre ses dents. Ces souvenirs... mes souvenirs... ne t'appartiennent pas !

Dans un élan de rage, Hosoo tira plusieurs kunais de sa combinaison et les lança sur la démone. Une salve à laquelle se succéda le déploiement de la chaîne de son kusarigama - vive et souple comme un serpent ! - qu'elle espérât enrouler autour des bras et du buste de cette infâme monstruosité. Ensuite, dans le plus beau de ses rêves, elle s'emploierait à lui dessiner un grand sourire au cou à l'aide de la faucille assortie.
La kunoichi, dans son état illusoire, s'en sentait capable.
Mais pour combien de temps ?

Les visions de Purgatori étaient très intéressantes. Cependant, Hosoo était tellement agitée que la démone ne put maintenir très longtemps la vision. Cela lui permit néanmoins de voir des yokai. Elle les observa, et la vision s’estompa ensuite. Perturbée, Hosoo échappa au contrôle de Purgatori, et, les yeux embués, contre-attaqua. Elle bloqua les kunais de l’intéressée avec un bouclier, mais la chaîne de son kusarigama surprit Purgatori en s’enroulant autour de son bras. Purgatori perdit son équilibre, ce qui permit à Hosoo de bondir sur elle avec l’autre extrémité de la chaîne, qui abritait une faucille. Hosoo toucha au but. La faucille égorgea Purgatori, et Hosoo retomba au sol, tandis que le sang jaillit de la plaie de Purgatori.

Celle-ci posa sa main sur sa gorge, et grogna, avant de se retourner vers Hosoo. Avec sa main libre, Purgatori tendit sa paume vers Hosoo, et projeta une langue de feu qui emplit tout le couloir. L’intéressée dut se résoudre à fuir, et ouvrit une nouvelle porte… Qui la ramena alors dans son cauchemar. Elle retourna à son village natal, dans le temple. Les gens hurlaient, tandis que le feu gagnait le toit, et qu’une poutre tombait violemment devant elle.

« Le wanyūdō est rentré ! »

Le long des poutres, une roue de feu enflammée répandait des flammes. Le wanyūdō était là, mortel et dangereux. La main de la mère d’Hosoo attrapa alors le poignet de celle-ci, et elles se mirent à courir…

…Puis la vision se déchira en deux. Hosoo se retrouva à nouveau face à Purgatori.

« Hum, tu es douée, ma chérie, tu as réussi à me faire saigner ! »

La main de Purgatori malaxait toujours son cou, et, quand elle s’écarta, Hosoo put voir que la plaie de la démone cicatrisait. Purgatori déploya alors ses ailes, et fusa sur Hosoo. Son genou la frappa au ventre, lui coupant sa respiration, puis Purgatori la projeta contre une porte. Hosoo retourna dans la salle du rituel, et roula au milieu des cultistes, qui gémissaient et psalmodiaient le nom de Purgatori. Des tentacules rouges aussi aiguisés que des fouets jaillirent alors, et s’enroulèrent autour des poignets et des chevilles de Hosoo, avant de la redresser. Elle finit ainsi suspendue en l’air, maintenue par les liens. Purgatori apparut ensuite, et sourit doucement devant l’intéressée. Sa main caressa alors la joue de Hosoo, tandis qu’elle lui ôtait son kusarigama.

« Tu chasses les démons pour venger la mort de tes parents, n’est-ce pas ? Voilà qui est assez raciste, ma belle… Je n’ai rien à voir avec leur mort. Mais j’ai reconnu les tatouages des (i]yokai[/i] de ton cauchemar. Je pourrais t’aider à cibler ta vengeance vers ceux qui ont tué tes parents. N’est-ce pas une perspective alléchante ? »

Purgatori croisa les bras, et les liens défirent les membres d’Hosoo. L’un de ses kunais tomba alors devant elle.

« Mais tu dois être prête à tuer… Ce que tu es prête à faire, puisque tu as tenté de m’égorger. »

D’autres de ses kunais tombèrent également, près de cultistes.

« Ils vont te tuer… Sauf si tu les tues. N’aie pas pitié d’eux, ces fanatiques sont des damnés qui ont déjà tué des innocents. »

Purgatori s’écarta ensuite, et laissa Hosoo s’emparer de son kunai pour défendre sa vie…

Si Hosoo fut soulagée de trancher la gorge de cette monstruosité ? Et comment ! Sa faucille tachée de son sang, elle en oublia presque ses larmes.

- Tu as obtenu ce que tu méritais, grogna la kunoichi.

Une "vie" de démon en plus de prise ?
Non, pas tout à fait.
Purgatori, qui n'était pas humaine, trouva la force de se tourner vers sa soi-disant tueuse et de lui lancer un sort de feu !

- C-c'est du putain de délire !

Sa pseudo victoire fut très vite oubliée ; Hosoo s'était mis à foncer en catastrophe. Elle poussa une porte et...
BAM ! Nouvelle vision. La lycéenne redevenue gamine posa des yeux horrifiés sur un décor qu'elle ne connaissait que trop bien, dans un moment qu'elle n'avait eu de cesse de déplorer. Le temple de sa ville natale souffrait d'un incendie gargantuesque et les pauvres gens hurlaient partout autour d'elle. Des cris de dêtresse et de mort auxquels s'ajoutaient le crépitement intense du bois dévoré par les flammes.
J'ai peur !
Elle avait entendu sa propre voix résonner dans son esprit. Celle d'une gamine effectivement paniquée malgré sa formation continue de ninja. Non loin, le démon, responsable de cette profanation, le wanyūdō répandait son vice flamboyant le long des poutres du bâtiment. Son visage grimaçant était imprimé sur la rétine de la jeune femme replongée dans sa jeunesse. Portrait abject auquel la main de sa mère partiellement brûlée l'arracha dans une fuite désespérée. L'écho du rire de la roue macabre emplissait encore le couloir quand la vision s'ouvrit sur la réalité.
Sur Purgatori en personne !

- Urkh !

Hosoo freina de toute urgence. Ses yeux rivés sur la peau carmine, la kunoichi vit que la blessure qu'elle lui avait infligée s'était refermée.
Elle est capable de se régénérer, en plus ?!
Le combat s'annonçait affreusement difficile... pour une simple humaine.
Raison pour laquelle la chasseuse de démons porta une main à son catalyseur suspendu à sa ceinture. L'ongle de son pouce s'approcha du sceau mais... trop tard ! le genou de la démone ailée, qui s'était projetée sur elle comme une balle, s'enfonça dans son ventre et l'envoya s'écraser contre une autre foutue porte. Hosoo valdingua dans la salle des cultistes, ces derniers n'ayant pas bougé. Elle n'eut pas le temps de s'en soucier ; de douloureux tentacules s'emparèrent de ses poignets et de ses chevilles pour la crucifier dans les airs. La poitrine en feu à cause du manque d'air, elle ne trouva pas encore la force de se débattre.
Avec sa démarche aussi élégante qu'obscène, Purgatori vint la retrouver. Ses doigts gantés effleurèrent une de ses joues. Une désagréable distraction tandis que la seconde main diabolique la débarrassait de son kusarigama.
Hosoo parvint à éructer un rire en toux à la mention du mot "raciste". Puis elle décocha un regard noir à sa tourmenteuse.

- M'associer à une prédatrice de ton acabit ? Moi ? (elle "rit" à nouveau.) Je me fous de ce que tu sais où de ce que tu crois savoir.

Oui, elle avait récupéré un peu de son souffle, cette insolente.

- Vous, les démons, vous êtes tous les mêmes ! De sales monstres incapables de faire autre chose que de détruire ou de sacrifier ce qui les entoure sur l'autel de leur soi-disant grandeur. Je vous vomis du plus profond de mon être !

Malgré ses insultes, Purgatori la libéra de ses entraves. Hosoo retomba sur ses pieds. Ses yeux basculèrent sur ce kunai que la démone lui avait jeté comme on balance un nonos à son chienchien. Bien trop têtue pour se laisser tenter si facilement, elle ne le ramassa pas tout de suite.

- ...Où veux-tu en venir ?!

La réponse lui apparut à travers plusieurs tintement métalliques. Plusieurs de ses kunais furent ramassés, sans hésitation aucune, par les adeptes de Purgatori. Et Hosoo lut effectivement dans leur regard cette intention qu'ils avaient de la hacher menu. Ils s'approchaient déjà à pas lourds...
Tout en ramassant le kunai qui lui était réservé, la chasseuse de démons leva ses yeux sombres sur la démone.

- Même ces aliénés ne peuvent pas être pire que toi.

Son arme de jet, elle la lui lança au visage !
Purgatori n'était pas au bout de ses surprises. Grossière erreur : elle avait omis de la débarrasser de son ninjato. Hosoo le tira de derrière son dos, à l'horizontal, tout en portant de son autre main le catalyseur d'essence démoniaque qu'elle avait tenté d'ouvrir tout à l'heure. Cette fois-ci, elle entrouvrit le sceau et respira une bouffée de ce produit maudit. Un spasme la saisit. Ses yeux s'écarquillèrent d'un seul coup ! Un éclair d'acier les traversa.

- Pff ! Tes pantins peuvent toujours essayer de me buter.

Les cultistes fondirent alors sur elle. Hosoo s'accroupit, posant sur le sol de pierre une main chargée de pouvoir. L'énergie s'y propagea dans un grondement révolté. L'élément élu se déforma comme s'il était devenu malléable, ondulant de façon plus qu'improbable sous les pieds des assaillants. La matière autrefois solide grimpa sur leurs corps déséquilibrés, les couvrant jusqu'au menton, avant de se durcir pour les contraindre à une immobilité parfaite par pétrification.
La kunoichi se releva au milieu de ces statues improvisées, son sabre au poing. Du coin de ses yeux gris s'élevaient des volutes d'une vapeur mystique de la même teinte.

- Tu me prends pour plus faible que je ne le suis, engeance des enfers, soupira-t-elle. Tu as su me déstabiliser en piochant dans mes souvenirs, il est vrai. Je tiens toujours ce fâcheux épisode de ma vie en horreur... ce n'est que trop vrai, ça aussi. Là est la preuve indéfectible de mon humanité. (Son regard se durcit, se faisant aussi tranchant que sa lame.) Mais la pathétique gamine impuissante que j'étais est morte ce jour-là. Elle a été remplacée par une Chasseuse de saletés dans ton genre qui ne méritent que de cramer pour l'éternité !

A défaut de pouvoir la noyer dans une mer de flammes, la kunoichi, qui avait opté pour la maîtrise de la pierre, généra d'une foulée sauvage une grande stalagmite. En poussant à l'oblique à moins d'un pas de Purgatori, la pointe lui traversa le ventre avec une telle force qu'elle la souleva de terre !

- Retourne fondre dans ton brasier, sale putain ailée !

Hosoo, qui savait qu'un empalement ne serait pas suffisant pour occire la démone, bondit dans l'espoir de lui décrocher la tête des épaules à l'aide de son ninjato.
Une autre question se superposait désormais à la dernière : combien de temps avant que cette puissance malsaine, empruntée par la kunoichi, ne vienne en retour lui provoquer des effets secondaires ?
La réponse dépendait principalement du degré d'utilisation de cette capacité surnaturelle. Et au rythme où allaient les choses...

La petite kunoichi était pleine de surprises ! Elle jeta à Purgatori son kunai, et sortit ensuite de son dos une épée de combat, un ninjatō. Munie de cette arme, Hosoo sembla l’encenser avec un artefact magique qui exsudait la magie noire. Purgatori fronça les sourcils, ne s’attendant pas à ce qu’elle ait encore des jouets en stock. La jeune femme déploya ensuite son artefact, et fit se mouvoir le sol, rendant ce dernier plus flasque. Tout ondula autour d’elle, et les cultistes tombèrent au sol, perdant l’équilibre. Sans attendre, Hosoo harangua Purgatori, et généra une stalagmite géante avec son encensoir, qu’elle utilisa pour empaler Purgatori. Elle projeta ainsi Purgatori contre un mur, et se rua vers elle avec sa lame, bien décidée à en finir avec elle. Surprise, Sakkara la vit se ruer vers elle, semblant bien plus rapide qu’auparavant. Avec sa main libre, Purgatori tendit sa paume vers Hosoo. Sa paume s’ouvrit alors, comme si une bouche s’y trouvait, et généra une épaisse fumée noirâtre qui obstrua la vision de Hosoo. Avec son autre main, Purgatori la posa sur la stalagmite, et généra autour de cette construction magique de fins tentacules noirâtres, ressemblant à une sorte de cordage magique qui fissura la stalagmite, jusqu’à la faire exploser.

« Mes excuses, jeune femme, je t’ai sous-estimé. »

Hosoo, dans la brume noirâtre, put alors entendre des bruits de chair qu’on éclatait. Elle entendit les hurlements d’agonie des cultistes, et, quand Purgatori récupéra sa brume, Hosoo put la voir décapiter avec une lame rougeâtre la tête d’un cultiste. Ses tentacules en avaient soulevé un autre, le tenant par les bras et par les jambes. Les tentacules tirèrent alors chacun de leur côté, déchirant tendons, muscles et os. Le cultiste poussa d’horribles hurlements de douleur qu’on put entendre au milieu du son déchirant des craquements. Ses membres furent ensuite arrachés de son tronc, et des gerbes de sang jaillirent de partout. La scène avait viré à l’horreur la plus absolue, car Purgatori avait tué ses cultistes. Elle les avait massacrés. Elle planta sa main dans le ventre de l’un d’entre eux, et en arracha ses tripes, avec lesquelles elle étrangla l’homme, qui s’agita nerveusement, tout en vomissant du sang.

Quand Purgatori regarda Hosoo, elle souriait cruellement. Le sang se matérialisa autour de sa lame, une épée infernale dont la lame se recouvrit de runes démoniaques.

« Passons aux choses sérieuses, alors ! »

Les ailes de Purgatori se replièrent, puis se détendirent alors. Sakkara fonça ainsi sur Hosoo en retenant sa lame, qu’elle déploya dans son sa course. Les deux épées s’entrechoquèrent avec une force terrible, et Hosoo dut sentir l’impact sur tous ses membres. Elle eut toutefois à peine le temps de se remettre que Purgatori se téléporta derrière elle, son corps disparaissant dans des gerbes rougeâtres, avant d’apparaître derrière elle. Purgatori tendit alors sa main, et envoya une onde d’Air avec sa main qui projeta Hosoo au sol. Celle-ci eut à peine le temps de se retourner que la queue caudale de Purgatori fusa, et l’attrapa au cou, la balançant contre un mur. Purgatori bondit encore vers elle, et son genou rencontra à nouveau violemment le ventre de Hosoo. Un coup terrible, qui dut remplir de sang le masque de Hosoo.

Plus de provocation, plus d’insinuations. Purgatori retira son genou, et laissa la jeune femme tenter de se ressaisir. Cependant, Hosoo allait constater qu’elle avait du mal à respirer.

« Je suis une vampire à la base, le sang me nourrit et me renforce. »

Purgatori se déplaça lentement, semblant retrouver son calme.

« Tu es douée, ma petite. Mais je suis une Princesse Infernale, Archonte de la Colère. La bataille est dans mes veines. Plus tu me frappes, et plus mon sang bouillonne. Je dirais à vue de nez que mon coup de genou t’a brisé quelques os de ta cage thoracique, et que des éclats ont perforé tes poumons. Je suis curieuse de voir si ton grigri peut y faire quelque chose… »

En cherchant à lui décrocher la tête des épaules une bonne fois pour toutes, la kunoichi se fit surprendre par sa magie impie. Malgré sa vitesse amplifiée et sa précision exacerbée, Hosoo, plongée dans un sorte de nuage d'encre, manqua sa cible. La lame du Ninjato ripa contre la pierre - sans doute celle d'un mur. La voix de Purgatori perça le voile ténébreux dans laquelle elle l'avait enfoncée. Puis ce fut au tour des hurlements de souffrance et d'agonie des cultistes.
Soulagée de la brume vicieuse mais non moins désorientée par le contrecoup, la Chasseuse de démons vit sa pire ennemie s'en prendre à ses adorateurs !

- Mais qu'est-ce que... ?!

Un homme perdit la tête, son cou sectionné par une lame couleur sang. Un autre, tiré par des tentacules de chaque coté, mourut écartelé avant de se voir dépossédé de tous ses membres d'une aussi horrible manière ! Le dernier à avoir été exterminé par les griffes de la sanguinaire termina son existence les tripes autour du cou.
Même sous l'effet de sa drogue démoniaque, Hosoo en conçut de l'écœurement - et pas des moindres.
Sa lame toujours en main, elle croisa le regard maléfique de son adversaire...

- Comment ont-il pu avoir commis la bêtise de vous avoir donné accès à notre monde ?

Purgatori se munit d'une lame de sa propre confection. Le message était clair ; le combat reprit, ponctué par le fracas de l'acier contre l'acier. Si le fer de la kunoichi tenait bon, il en allait autrement des bras qui l'appuyaient. En plus d'être une excellente bretteuse, la démone ailée possédait une force prodigieuse ! Couplées à ses pouvoirs, ses capacités physiques faisaient d'elle la meilleure adversaire que Hosoo ait jamais affronté. Cela lui en coutait de le reconnaître mais elle était loin d'avoir le dessus.
Le monstre s'évapora dans une sorte de boule de vapeur rougeâtre pour mieux la surprendre par l'arrière. A cet instant, la kunoichi se sentit propulser en avant, son dos frappé par une pression invisible.

- Humpf !

Trop vive pour elle, Purgatori la surprit à nouveau avec sa queue caudale ! Saisie au cou, Hosoo vola pour la seconde fois de suite et heurta un mur. Elle ne savait déjà plus quelle zone de son corps lui faisait le plus mal avant que le genou de la démone vienne s'enfoncer dans son ventre. Et là, effectivement, le goût du sang inonda la bouche couverte de la jeune femme masquée.

- Bouarks...

Lorsque Purgatori s'eut reculé sur deux pas, la Chasseuse de démons trébucha à son premier. Tout en grimaçant de douleur, elle ferma un œil et tomba à quatre pattes. Il lui fallut faire glisser son masque sur son menton pour vomir ce trop plein de sang qui lui saturait la gorge.
Quelque chose en moi... vient de casser.
En portant une main hésitante à son ventre, elle s'aperçut que ses doigts tremblaient. Cette palpation malavisée lui arracha un grognement de douleur. La décharge fut telle qu'elle manqua l'expédier au sol. Seule sa volonté de fer lui permit de redresser la tête... à défaut de retrouver ses appuis sur autre chose que ses genoux.
Malgré son vœu de faire taire à jamais cette suceuse de sang glorifiée, Hosoo se sentit forcée de l'écouter. Purgatori se présenta alors à elle sous son titre de Princesse Infernale et d'Archonte de la Colère. Du sang plein les lèvres, la kunoichi souriait de mauvais cœur.
Super... j'ai touché le gros lot, on dirait.
Elle toussa un bon coup avant de se reprendre, l'un de ses poignets venant éponger la commissure de ses lèvres.

- Tout ce que... tu veux de me dire, croassa-t-elle avec peine, ça me fait... une belle jambe.

Bravache, la lycéenne !
Le ventre et les poumons en vrac, elle entreprit de se lever. Sa première tentative se solda par un lamentable échec. Heureusement que Purgatori avait cessé de la martyriser sans quoi... Tout en se morigénant, Hosoo poussa derechef sur ses jambes. Elle dut s'aider de son ninjato pour enfin parvenir à se remettre sur ses pieds.
Une éclair gris traversa son regard.

- Si je dois crever ici...

Renonçant à son arme, Hosoo joignit les mains devant son visage avant de se mettre à composer des signes complexes. Elle écarquilla les yeux, et le gris de ses iris s'étendit jusqu'au sclère. La lueur se fit plus intense, autant que les filets de vapeur mystique qui s'en échappaient. Le long des avant-bras de la kunoichi, qui avait été poussée dans ses derniers retranchement, affleurèrent de petites écailles. C'était là un des effets secondaires les plus frappants de l'utilisation de ce pouvoir. Purgatori ne fut pas la seule à sentir le sol trembler sous ses pieds. Malgré sa douleur, la Chasseuse de démons conservait son équilibre.

- Autant que je t'emmène avec moi !

Où avait-elle bien pu trouver ce second souffle ? Sa voix avait encore mué, devant plus résonnante et menaçante.
Très vite, comme animés d'une volonté propre, les murs aussi s'étaient mis à se secouer.
Hosoo, dont les tempes s'étaient couvertes de veinules, cracha du sang sans y prêter grande attention.

- Cet endroit... sera notre tombeau !

Elle frappa dans ses mains. Le bruit, amplifié par sa magie obscure, résonna dans la pièce haute de plafond. Ce fut le signal : d'innombrables pointes de pierre jaillirent de toutes les parois, se rejoignant en un point précis qu'incarnait la trop dangereuse Purgatori!
En plus de l'empaler et risquer elle-même de s'infliger ce sort-là, Hosoo, la Chasseuse de démons, envisageait de la broyer dans le souterrain.
En surface, l'on perçut aussi les tremblements provoqués par cette majestueuse folie !
De quelle magnitude ? Cela, peut-être que les informations seraient en mesure de le relayer.

La première chose que Hosoo put entendre, ce fut le son de la télévision :

« …L’effondrement partiel d’un immeuble qui serait lié d’après les premières déclarations du Procureur de la République à un explosif qui aurait fragilisé les fondations de l’immeuble. Des cadavres ont été retrouvés dans les débris. Les premiers examens confirment que des tatouages ont été relevés sur les corps, et renvoient à une secte sataniste. Ce tatouage avait été retrouvé sur des chevaux mutilés il y a des mois, une affaire qui avait fait grand bruit à l’époque. L’immeuble était désaffecté, et devait être démoli en raison de son état d’insalubrité avancé. De toute évidence, les sectaires se sont emparés des explosifs, et préparaient visiblement un attentat… »

Hosoo dut ensuite sentir la vision lui revenir. Elle n’avait pas rêvé, elle avait bien combattu Purgatori… Et elle était désormais dans un lit médical. Une intraveineuse était reliée à son poignet, et elle put voir une perche avec de l’eau, du sang, et un autre appareil médical relatant son activité cardiaque. Son électroencéphalogramme venait de s’affoler à l’annonce de son réveil. Elle était totalement désarmée, et totalement nue, à l’exception de pansements, de bandages. Sur sa bouche, elle portait un respirateur artificiel. Elle aurait pu se croire dans une clinique, mais ce n’était pas le cas. La porte s’ouvrit alors, non pas sur une infirmière, mais sur une jeune femme aux longs cheveux argentés portant une tenue assez érotique, Kayra. Elle se rapprocha d’Hosoo, et sourit en voyant ses yeux ouverts.

« Bien, tu es enfin réveillée. Je m’appelle Kayra, Maîtresse m’a demandé de veiller sur toi. Nous avons utilisé son sang pour te soigner. »

Kayra retira alors la couverture, et caressa le ventre de Hosoo. Celle-ci put constater qu’elle pouvait respirer sans mal, signe que ses os avaient, été réparés. Le sang qui filait en elle était celui de Purgatori. Des sangles empêchaient toutefois Hosoo de s’énerver, la bloquant sur place. Kayra l’examina lentement, avant qu’une personne supplémentaire n’entre.

« Tu es réveillée, ma belle ? Je crois que tu peux lui retirer son masque, j’ai hâte de voir avec quelle énergie notre petite kunoichi va me remercier de l’avoir sauvé… »

C’était bien elle, Purgatori ! Kayra acquiesça, et retira le masque de Hosoo.

« Il y a un philosophe humain qui a dit une chose très juste un jour… Quiconque lutte contre des monstres devrait prendre garde, dans le combat, à ne pas devenir monstre lui-même. Et quant à celui qui scrute le fond de l'abysse, l'abysse le scrute à son tour. C’est de Nietzsche. »

Purgatori tenait dans sa main un soda, qu’elle buvait à la paille.

« Je dois admettre que vos plats sont délicieux. Crois-moi si tu veux, mais l’une des principales raisons pour laquelle je viens dans votre plan, c’est pour manger ce que vous offrez. La gastronomie infernale n’est pas terrible… »

Elle souriait lentement, et posa le soda sur une table.

« Tu te demandes sans doute pourquoi nous sommes toujours en vie ? »

Purgatori lui expliqua que, quand Hosoo avait puisé ses dernières forces pour faire s’effondrer le plafond sur elle, et de transformer toutes les parois en piques, Purgatori avait bondi vers Hosoo, et s’était téléportée avec elle avant un effondrement qui aurait été mortel sur elle.

« La prochaine fois, avant de te sacrifier comme ça, pense à utiliser un sortilège de conjuration pour m’empêcher de partir… »

La main de Purgatori glissa sur le ventre nu de Hosoo.

« Mon sang vampirique n’a pas été rejeté par ton organisme… Cela signifie que ton âme est déjà noircie. Tu utilises la magie noire, ma chérie. Tu as laissé ta haine te consumer, et elle t’a détourné de ton objectif. En combattant les démons, tu es devenue comme ceux que tu combattais. Je n’ai rien à voir dans la mort de tes parents, et, pourtant, tu souhaitais me tuer. Diable, je ne suis même pas un yokai, ma petite choupette ! N’es-tu pas au courant qu’il existe plusieurs races de démons ? En quoi ma mort apporterait-elle la moindre justice à tes parents ? Tu crois qu’ils auraient envie que tu meures si jeune, sans même avoir eu d’enfants ? »

Une voix qu'elle ne connaissait pas, pré-enregistrée, qui donnait l'air de sortir d'un poste de télévision, pénétra le sommeil de la kunoichi alitée. Hosoo se réveilla en sursaut ! Comme à la suite d'un cauchemar surréaliste, elle avait les yeux ronds, les traits tendus, le cœur tambourinant et la respiration accélérée. Respiration qui générait de la buée dans son masque... qui n'avait rien à voir avec celui de son costume, parce qu'il était médical. A l'instar du lit dans lequel on l'avait installée et placée sous intraveineuse. Piqûre dans son poignet qui eut d'ailleurs vite fait de la rappeler à l'ordre.
La lycéenne n'eut pas le temps de se soucier de sa curieuse nudité - surmontée de quelques bandages et pansements parfaitement innocents - que la porte de sa chambre médicalisée s'ouvrit sur une magnifique femme aux cheveux d'un blond platine. Elle n'était point habillée comme une infirmière, avec son bustier noir et léger, aussi la Chasseuse de démons eut une pressentiment rien qu'en la voyant apparaître. La dénommée Kayra ne fit que confirmer sa perturbante impression en mentionnant le mot "Maîtresse".
Non, ce n'est tout de même pas... ?
Ce n'était pourtant pas le pire car si ce "Maîtresse" faisait bel et bien référence à une démone, le sang qu'on lui avait injecté dans les veines pour la maintenir en vie appartenait à sa redoutable ennemie : Purgatori, la foutue démone de haut vol !
Chez la kunoichi, son sang ne fit qu'un tour.
...C'est une blague ?!
Elle remarqua avec un train de retard les entraves qui la maintenaient attachée au lit. Des sangles assez discrètes, serrées autour de ses poignets et de ses chevilles de sorte à ce qu'elle puisse presque s'asseoir sans trop de gêne. Pas le genre d'accessoires susceptible de lui interdire le moindre mouvement de tête ou de bras.
En sentant les doigts de la grande femme effleurer son ventre après avoir ôté la couverture qui la recouvrait, Hosoo se tendit d'autant plus fort ! Son absence de douleur dans la cage thoracique lui était comme sorti de la tête. Pour elle, il y avait beaucoup plus alarmant que ça. Tel le fait que, malgré tous ses efforts, elle n'était pas venue à bout de...
D'un pas élégant, Purgatori dépassa l'encadrement de porte !
Les dents de la Chasseuse de démons claquèrent sous son masque oxygéné. Sous le commandement de la démone, Kayra le lui ôta. tandis que la première aménageait tranquillement sa mise en scène à travers un joli petit discours philosophique.

- SALOPE !!!

Dans cet éclat de voix, Hosoo reconnut à peine la sienne. Ce qui ne l'empêcha pas de rebondir :

- Tu ne peux pas avoir survécu ! C'est imposs- *tousse tousse*

A son grand dam. Elle cracha de la salive sur son menton. Le liquide gluant dégoulina juste entre ses seins nus soulignés par les quelques bandages. Ne se sentant pas tout de suite capable d'insulter cette monstruosité à la peau rouge, Hosoo dut se contenter de la fusiller du regard pendant qu'elle buvait un soda.
Comment oses-tu jouir ainsi de la vie ? Cette vie sur Terre, que tu dois à ceux que tu as occis de la plus vile des manières !
La kunoichi était déjà rouge de rage ! Malgré sa nudité, elle avait chaud. Et, commençait-elle tout juste à comprendre en réfléchissant à la déclaration de Kayra, la suppôt de l'Archonte de la Colère, cette chaleur qui l'envahissait n'était pas tout à fait due à l'émotion ; elle n'était... pas tout à fait humaine.
Son électroencéphalogramme refit aussitôt parler de lui !
A cause des sangles, la lycéenne ne parvint même pas à poser ses mains tremblantes de colère sur ses tempes où le sang cognait fort. En même temps que les explications de Purgatori, la patiente forcée revit la scène de leur affrontement chaotique. Après avoir été étiré dans tous les sens, le bâtiment abandonné s'était écroulé sur elles.
Hosoo ne devait donc sa survie qu'à sa pire ennemie !
Inconcevable ! Pas possible ! Je ne veux pas y croire ! Je ne...
Alors qu'elle s'était mise à transpirer à grosses gouttes, la kunoichi tourna très lentement son visage horrifié vers la démone qui, de par ses petites leçons de vie comme de mort, continuait à la narguer comme elle l'avait fait durant ce combat à sens unique.

- Ce n'est pas vrai...

Un soupir qui s'apparentait presque à un gémissement de douleur. Tout comme ses doigts, ses yeux aussi s'étaient mis à vibrer. Yeux qui, impuissants, ne tardèrent pas à suivre le chemin qu'avait emprunté la main de Purgatori le long de son ventre nu. Seul un frisson désagréable traversa la chair de l'alitée alors que ses oreilles absorbées douloureusement les blessantes paroles.
Du sang vampirique dans son organisme. Aucune trace de rejet. Une âme déjà noircie par l'usage de la magie noire.
Elle eut comme une soudaine envie de se gratter les avant-bras jusqu'au sang. Pour s'arracher à ce mal qui, désormais, coulait naturellement dans ses veines. Les larmes menaçaient de poindre. Des fissures se dessinaient à travers le cœur de la guerrière de l'ombre.
Elle était devenue... comme ces monstres qu'elle combattait ?
Le regard tétanisé de la Chasseuse de démons s'alluma d'un feu particulièrement mauvais.
Feu qui ne fit que gagner en puissance au fur et à mesure que la diablesse, malgré ses exécutions spectaculaires et macabres, se posait en victime non sans avoir l'audace de parler de ses défunts parents qu'elle n'avait vus que dans sa tête !

- Ferme ton putain de CLAQUE-MERDE !

Sa main, hosoo l'avait chassée d'un revers !
Oui : c'était la goutte de trop dans un verre déjà plein à ras bord.
Mémoire ? Jeunesse ? Enfants ?!
De la colère, la kunoichi passa à la violente crise de rires. On eût dit alors une folle que l'on avait jetée en service de psychiatrie.
Lorsqu'elle se calma enfin, Hosoo, le regard froid, cracha à l'impétueuse créature :

- ...Tu oses sérieusement me parler de corruption, de justice, de monstre et de vie ? Hu hu hu hu...Tu me fais marrer, avec ces paroles toutes faites !

Bien sûr, elle ne lui accorda guère l'occasion de répliquer :

- Venant d'un monstre qui n'a pas hésité une seule seconde à tuer ses invocateurs et ses fidèles, c'est plus que gonflé !!!

Cette foutue démone n'était clairement pas en position de lui donner de leçon, et pourtant elle avait tenté sa chance. Elle avait osé, bordel ! OSE !!!
En cherchant à la pointer d'un doigt accusateur, Hosoo, interrompue dans son geste par les sangles, grimaça de haine. Elle riva finalement son doigt dessus.

- Et tout ça alors ? C'est pour faire joli, peut-être ?! Pour mon putain de bien, c'est ça que tu vas me dire ?!

Oh, bordel ! comme elle avait envie de lui sauter au visage pour lui arracher le nez avec les dents...
Toutes ces pulsions meurtrières bouillonnaient en elle à tel point qu'elles jugulaient complètement sa souffrance.

- Balivernes ! Balivernes, balivernes, BALIVERNES A LA CON !!!

Elle tira sur ses entraves, menaçant de les déchirer. Même si elles étaient prévues pour ça, les sangles craquèrent sous la tension. Hosoo, comme l'avait fait remarquer l'ancienne vampire, récupérait vite - bien trop vite pour une humaine ordinaire.
La concernée montra de nouveau les dents.
Au moins ses canines n'étaient pas pointues.

- Même si tu t'évertues à proclamer que tu n'y es pour rien dans leur fin précipitée, je t'interdis de parler de mes parents, tu m'entends ?!

La lycéenne respirait comme une bête furieuse !
Bon courage pour la calmer ?
Son regard s'exprimait de lui-même : "Et si jamais tu me touches encore, je te bouffe les doigts !"

Hosoo faisait preuve d’une vigueur à toute épreuve. Elle était particulièrement enragée, furieuse à l’idée d’avoir été sauvée par Purgatori. On ne pouvait pas non plus exclure qu’elle était sous l’influence du sang très énergique de Purgatori, qui bouillonnait dans ses veines. La démone la laissa vider son sac, tout en caressant toujours son ventre. Sa main glissa encore dessus, et elle tapota son pubis.

« Tu es très mignonne quand tu t’énerves. »

Purgatori se déplaça encore.

« Tu éprouves davantage de pitié pour les humains que pour les démons, hein ? En proie à ta colère, tu as foncé tout en haut de ta liste de suspects sans te poser les questions essentielles. »

Sakkara s’assit sur le rebord du lit, heurtant les jambes de la femme. Elle sentait l’envie de meurtre dans les yeux de Hosoo, et Purgatori en sourit. Oui, si elle approchait sa main de ses lèvres, il était probable qu’elle tente de la mordre ! Purgatori s’amusait de cette situation.

« Une telle horde de démons n’a pas pu venir d’elle-même attaquer ton village, ma petite boule de nerfs. S’ils étaient venus d’eux-mêmes, cela aurait constitué une violation du Pacte, et les Anges seraient venus les repousser. De ce que j’ai vu, les Anges ne sont pas venus. Cela signifie donc que ces démons que tu combats avec tant de hargne ont été invoqués, et que quelqu’un a donc sciemment invoqué ces démons pour exterminer ton village. »

Purgatori tapota encore le ventre de Hosoo.

« Ce quelqu’un ne peut être qu’un humain, comme ceux qui ont tenté de m’invoquer. D’ailleurs, mes invocateurs ne devraient guère susciter la moindre pitié chez toi. Ce sont de sales types, vraiment. »

Purgatori fit signe à Kayra. Celle-ci revint avec un ordinateur portable, et ne tarda pas à donner à Hosoo le compte-rendu de ses résultats :

« Officiellement, la destruction de ton village a été attribué à un feu de forêt dans le cadre d’un programme d’extension urbaine. La faute à pas-de-chance, officiellement. Vos terres ont ensuite été acquises par la société de construction qui a ensuite édifié un lotissement à proximité. En fouillant sur Internet, on trouve des articles d’une association écologiste qui a vivement contesté le projet de construction, en expliquant que, outre le village, le projet portait sur un ancien site sacré qui, selon la légende, abritait des tanukis. C’était l’association Pompoko. »

Kayra se rapprocha de Hosoo, et tourna alors son écran vers elle. Celle-ci put y voir le site Internet d’un parc d’attractions, « Wonderland ».

« Ce parc a été fondé sur les cendres de ton village. Les yokai qui ont attaqué ton village s’y trouvent toujours. Le parc propose des animations avec eux. Son directeur, Hayashi, présente chaque année la Parade des Yokai, où les yokai qui ont massacré ta famille paradent au milieu du parc. »

Purgatori observait attentivement les réactions de Hosoo. Kayra avait pu obtenir des informations assez poussées, signe qu’elle avait accès à des bases de données assez importantes.

« J’ignore si ce type est celui qui a invoqué la horde, mais il est celui qui en a récolté les fruits. »

Sur le site Internet, Kayra avait affiché une photographie montrant les deux fondateurs du parc : Hayashi, assez ventripotent, et un homme plus fin avec des lunettes, Ryutaro.

« Ces informations sont publiques. Tu aurais pu les trouver si tu n’avais pas cherché à éviter de repenser à ton traumatisme en traquant tous les démons possibles et inimaginables. Tu as laissé ta colère dicter tes pas. Nous étions donc faites pour nous rencontrer, ma petite boule de nerfs ! »

Mignonne quand elle s'énervait ? Etait-ce là tout ce que lui inspirait sa colère ?!
Hosoo se sentit d'autant plus insultée. Sous tension, elle jetait de méchants coups d'œil renfrognés à cette main rouge et baladeuse qui cherchait toujours à entrer en contact avec sa peau. La kunoichi se dandinait pour l'éviter au mieux, mais avec ces foutues entraves...

- Des questions essentielles comme QUOI ?!

Purgatori, particulièrement culottée, avait posé son cul sur son lit en prenant "soin" de pousser les jambes de l'alitée. Hosoo ne voulait pas lui faire de la place ni même toucher cette diablesse, pourtant elle se sentit obligée de s'en écarter. Cette conquête de territoire l'incommodait au plus haut point !
Elle grogna face à ces doigts qui menaçaient de lui effleurer les lèvres.

- Arrête ça tout de suite.

Hosoo pouvait certes résister mais sa marge de manœuvre ne se résumait pas à grand-chose. Bien malgré elle, les paroles de la démone parvenaient à ses oreilles, diffusant son poison dans son cerveau confus.
Un Pacte avec les Anges ? Des démons invoqués par des humains ?
La seule survivante du village caché secoua violemment la tête.

- N-non ! C'est n'importe quoi... Je refuse de te croire !

Réaction logique face à une créature de son acabit. Hosoo n'avait pas été élevée pour s'acoquiner à des monstres pareils ! On l'avait formée pour les tuer dans l'ombre, et non pas pour liquider des humains soi-disant coupables de... trahison démoniaque ?
La kunoichi détestait cette idée autant qu'elle peinait à supporter la fichue main de cette vipère !

- Je t'ai dit d'arrêter de me toucher ! rouspéta-t-elle en remuant hargneusement.

Ses gesticulations inutiles ne s'étendirent point dans le temps. Kayra, la servante (humaine ?) de Purgatori, attira son attention. Avec son ordinateur portable, elle lui fit part du résultat de ses recherches au sujet de la destruction son village. Un soi-disant feu de forêt ayant permis, plus tard, l'appropriation des terres par une société de construction. Jusque là, rien de nouveau...

- Tsss ! Et alors ?! Qu'est-ce que ça prouve ?

Plus il y eut la contestation de l'association écologiste Pompoko qui prétendait défendre un site sacré, refuge pour tanukis. Hosoo pouffa d'un rire jaune avant de river ses yeux plissés d'une rage à peine contenue sur la page internet du parc d'attractions "Wonderland".

- ...C'est une mauvaise blague ?

Ce truc débile, bâti sur les cendres de son village ? Hosoo peinait à y croire et pourtant...
Elle déplaça son regard surpris sur le visage calme de son informatrice.

- Les gens assistent à cette farce chaque année ?

A ce festival de meurtriers !
Le sang de la lycéenne abasourdie se remit à bouillonner furieusement.

- C'est du délire !

La Parade des Yokai, le directeur Hayashi, son collaborateur Ryutaro, toute cette foutue histoire de complot commercial...
Hosoo en conçut une migraine qui la fit grimacer d'horreur.
Telle une gamine apeurée, elle poussa sur ses jambes de sorte à s'éloigner au maximum de ce qu'on lui montrait.

- Non... non, non, non !

Cherchant à se persuader que toutes ces informations n'étaient que des bobards inventés de toutes pièces, elle remuait négativement la tête.

- J-je... NON ! Vous essayez de me manipuler ! les accusa-t-elle en postillonnant comme une folle.

Elle darda son regard courroucé sur le visage détestablement ravi de sa tourmenteuse.

- Tu t'es introduite dans ma tête, tout à l'heure, et maintenant tu cherches à te servir de moi. (Nouveaux grognements.) C'est ce que font les tiens depuis la nuit des temps ! Je ne me laisserai pas prendre à ton putain de jeu...

Sa "petite boule de nerfs" refit des siennes, s'excitant sur le lit médical comme la pire des aliénées.

- Détache-moi tout de suite, que je te torde le cou avant d'aller tirer cette histoire de tarés au clair !

Oh ! Alors comme ça le besoin d'enquêter se faisait tout de même ressentir ?
Hosoo avait beau dire, la démone et sa sbire avaient instillé le doute dans son esprit blessé. Une graine noire susceptible de donner une pousse plus sombre encore...

- Et je ne veux pas de ton sang en moi !

Si seulement ses entraves avaient suffisamment de jeu pour lui permettre de se bouffer les poignets... la kunoichi tirait dessus avec acharnement pour un résultat qui la laissait sur sa faim ! Plus qu'insultée, elle se sentait souillée par ce fluide démoniaque qui avait sans doute déjà traversé tout son organisme, et surtout son cerveau en surchauffe.

Admettre la réalité était toujours difficile. Purgatori se releva en laissant Hosoo réagir aux informations que la démone lui avait donné. Elle se mit à nier, bien entendu, refusant de croire à l’évidence. Pourtant, les réponses étaient sous son nez. Bras croisés, Purgatori se retourna vers elle, et esquissa un léger sourire goguenard.

« Les démons ne sont pas des menteurs, Hosoo. Nous interprétons, nous déduisons, mais mentir, c’est l’apanage des humains. Pourquoi te mentirai-je, hum ? Tu ne t’es jamais posée les bonnes questions, aveuglée par ta haine, par ta rage. Les réponses étaient sous ton nez depuis le début. J’ignore ce qui se passe dans ce parc, mais je crains le pire. Je pense que les tiens ont été sacrifiés dans le cadre d’un rituel occulte particulièrement sinistre… La Cérémonie de l’Occultation. »

Purgatori se déplaça encore, consciente que Hosoo devait l’écouter. Sa queue caudale se déplaçait en chemin, et frôla à nouveau les jambes de Hosoo.

« On les appelle les God Hands. Des humains ordinaires, comme toi, qui sont devenus des entités démiurgiques, les Élus des Grands Anciens. Ces êtres porteraient sur eux un artefact eldrichtien qui les remarquerait comme étant destinés à devenir des God Hands, une béhélit. Je n’ai encore jamais eu l’occasion de les croiser. Pour que ces élus deviennent un God Hand, ils doivent pratiquer un rituel eldrichtien qui implique un très grand nombre de morts. La légende dit que l’un de ces God Hands serait Tamerlan. En 35 années, il provoqua la mort de 17 millions de personnes, soit 5% de la population mondiale de l’époque. On ignore les conditions précises de sa mort, mais la légennde dit que sa tombe est maudite… Lorsque je reviendrai à la lumière du jour, le monde tremblera. Figure-toi que, deux jours après que sa tombe fût ouverte, l’Allemagne nazie envahit l’URSS. Comme quoi, les coïncidences… »

Purgatori haussa les épaules, avant de retourner près de Hosoo.

« Cesse tes enfantillages, veux-tu ? Je t’ai généreusement offert mon sang, il t’a soigné et renforcé… Maintenant, je suis partagée. Logiquement, tu aurais dû mourir cette nuit-là pour que le rituel soit complet. Si je voulais assister à la naissance de ce God Hand, et bénéficier de son aide, je devrais donc t’offrir au directeur de son parc, qu’il finalise enfin son rituel occulte. »

Elle se rapprocha encore de Hosoo.

« Alors, puisque je suis si diabolique, dis-moi, pourquoi est-ce que je ne l’ai pas encore fait ? »

Hosoo n'était pas au bout de ses peines et moins encore de ses surprises, car plus la démone s'exprimait plus la kunoichi en apprenait de mauvaises sur les manigances entre les hommes et les yokais...

- Un rituel occulte ? La Cérémonie de... l'Occultation ?

Elle n'avait jamais entendu parler d'un truc pareil. Ce qui attisait naturellement sa curiosité malgré la haine - envahissante - qu'elle vouait à la malicieuse peau rouge. Celle-ci fit mention des God Hands, d'anciens humains devenus monstres par le biais d'une saloperie d'artefact diabolique. Elle ne connaissait aucun de ces "élus" mais ne manqua pas l'occasion de citer une hypothétique légende du nom de Tamerlan. Un conquérant historique, responsable de la mort d'un nombre aberrant de personnes.
Incapable de trouver une réplique acerbe, Hosoo se contenta de serrer les dents.
J'ai parfaitement conscience qu'il existe des monstres un peu partout - y compris chez les hommes.
Purgatori jouait là-dessus avec brio...
Toutefois, elle était loin d'être une sainte non plus !
La Chasseuse de démons n'était pas disposée à lui baiser les pieds de sitôt.
Elle eut un sourire ironique lorsque la diablesse, ressuscitée à travers un fichu rituel satanique, eut le culot de la considérer, elle, son ennemie naturelle qui l'avait combattue en mettant sa jeune vie en jeu, comme une personne qui devait lui être redevable pour sa survie.

- Oooh ! Vraiment trop aimable. (Son sourire disparut très vite.) Il ne fallait pas. (Elle grogna de plus belle.) Ça ne me touche pas du tout. Au contraire : ça me frustre jusque dans la moëlle de mes os !

Ce sang maudit dans ses veines... Brrr ! Hosoo n'aurait pas pu imaginer pire scénario. Entre ce fluide qui coulait en elle et le directeur corrompu d'un parc d'attractions prétendument promis à devenir un God Hand suite au massacre des siens, la kunoichi n'avait plus de que des idées noires dans sa pauvre tête.

- Des enfantillages ? rumina-t-elle, le regard bas et haineux. Tu trouves que mon attitude est celle d'une gamine ? Que je devrais plutôt m'adoucir en face de toi et, mieux encore, me montrer reconnaissante envers toi sous prétexte que tu m'as laissé la vie sauve ? Pfah ! Et ben sache que si tu avais eu les moyens de me le demander avant, j'aurais préféré crever en me vidant de mon sang humain !

Quitte à compléter ce rituel macabre ayant pour objectif de transformer le responsable de la mort de tous ses proches en démon supérieur ? Hosoo n'en était pas sûre. Et peut-être qu'elle aurait même préféré ne jamais l'obtenir, cette détestable information...
Son cœur flamboyait tant de haine que la kunoichi ressentait comme une piqûre en travers de sa poitrine bandée.
La petite devinette de Purgatori demeurait en suspens, Hosoo, capricieuse comme elle était, ne voulant pas y répondre tout de suite.

- Tu n'as pas l'air d'être très amie avec les yokais, monstre, finit-elle par soupirer. A partir de là, je suis tout à fait en droit de me dire que, plutôt que de me rendre service en me crachant la vérité à la face avant de me libérer bien gentiment, tu cherches à faire de moi ton instrument. (Son regard se fait encore plus tranchant, plus... accusateur ?) Les démons ne font jamais rien gratuitement. Ils avilissent leur entourage. Ils nouent des pactes avec les mortels quand ils ne peuvent tout simplement pas prendre possession de leurs proies. Pour cela, soit ils les appâtent soit il les effrayent. Parfois ils ne se privent pas pour employer ces deux méthodes, l'une à la suite de l'autre dans l'intention mesquine de les fragiliser. Et, trop souvent à mon goût, ils en ressortent gagnants.

Hosoo bouillonnait de rage à l'intérieur. Cela s'entendait dans le fond de sa voix. Elle avait envie d'exploser mais...

- Allez ! Vas-y, je t'écoute. Ose prétendre le contraire, Princesse Infernale.

Entre ses lèvres, ces deux derniers mots sonnaient plutôt comme : "Putain insidieuse".

Purgatori resta assise de nouveau à côté de Hosoo, et lui caressa encore la jambe.

« Ton attitude n’est pas celle d’une gamine, tu es une gamine. Tu crois que je ne me suis pas renseignée sur toi pendant que tu dormais, Hosoo ? Tu es encore au lycée, et tu n’es pas majeure, selon la loi japonaise. »

Sakkara crut utile de préciser cela. Elle se redressa ensuite.

« Je n’ai jamais prétendu agir de manière désintéressée, petit cœur. Contrairement aux humains, les démons ont trop de fierté pour mentir éhontément. Il n’y a que vous, les humains, qui pensez être vertueux, désintéressés, et faire preuve de toutes ces prétendues qualités qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. J’agis dans mon propre intérêt, comme tout un chacun, même si, pour une obscure raison, vous essayez de vous persuader du contraire. »

Autant dire que Sakkara avait une piètre opinion de l’humanité. Étant après tout une ancienne esclave qui avait été abusée et martyrisée par ses anciens geôliers, on pouvait sans doute le comprendre. Purgatori se rapprocha encore de Hosoo, et caressa son visage, suscitant l’ire de cette dernière. Un léger sourire orna les lèvres de Purgatori.

« Bien sûr que j’attends quelque chose de toi… Tu es forte, ma chère Hosoo, assez forte pour avoir réussi à me surprendre, et même à me blesser. Bien sûr, pas assez pour me tuer, mais suffisamment pour que je m’intéresse à toi… Comme je l’ai fait pour Kayra. »

Purgatori se déplaça à nouveau, et malaxa les épaules de Kayra.

« Tu ne trouves pas qu’elle te ressemble, Kayra ?
- Maîtresse, je regrette d’avoir essayé de vous tuer… »

Les deux femmes s’embrassèrent alors. Purgatori invita alors Kayra à raconter son histoire à Hosoo. Kayra acquiesça, puis se releva.

« Nos histoires sont assez similaires, Hosoo. Comme toi, j’étais aveuglée par la colère. Je viens d’un petit village en Europe de l’Est. Chaque année, des vampires descendaient dans la région pour enlever des habitants, soit pour en faire des vampires, soit pour les sacrifier. Ces vampires appartenaient au seigneur local, un vampire cruel et violent. Ma petite-sœur a été choisie. J’ai entrepris de la sauver en me révoltant contre ce vampire. Ma Maîtresse était proche de ce vampire. Ma vendetta a tourné court quand j’ai tenté de la tuer. Elle m’a épargné, et j’ai compris qu’elle cherchait à tuer ce vampire. Suite à cela, nous nous sommes liées, et, depuis, je la sers. »

Une histoire touchante, mais qui ne risquait pas en l’état de faire changer d’avis Hosoo. Ce n’était pas le but de Purgatori. Elle se rapprocha à nouveau de Hosoo.

« Alors, que dois-je faire de toi ? Tu en sais désormais assez pour mener à mieux ta vendetta. Reste à savoir si tu souhaites te suicider en y allant toute seule, ou si tu es en mesure de canaliser ta rage pour accepter mon aide. Ce que je souhaite, en retour, c’est que, le jour venu, tu m’aides moi aussi. Rassure-toi, je ne te demanderai pas de combattre de bonnes personnes, il s’agira d’affronter un démon. Tes compétences et ta ténacité pourraient en effet m’être utiles… Voire plus, si nous sympathisons, ma petite boule de nerfs. »

Argh ! Cette démone était redoutable sur bien des aspects. Elle trouvait toujours quelque chose à lui répondre, le pire étant que ses mots ne manquaient pas de sens. Hosoo bouillonnait toujours à l'intérieur, et ce n'était pas l'envie d'exploser qui lui manquait ! Mais sa colère avait des limites. Et dans cette situation, elle ne l'emmenait pas plus loin que les foutues sangles l'y autorisait...

- En plus de trop parler, je te trouve beaucoup trop tactile, ronchonna la kunoichi en éloignant prestement son visage de sa main diabolique.

L'ancienne vampire recourut à son aide de camp à priori encore humaine. Kayra, qu'elle avait réussi à amadouer au point de l'entendre dire qu'elle regrettait d'avoir autrefois tenté de le tuer. Kayra, qui n'éprouvait absolument aucun dégoût à embrasser sa Maîtresse sous les yeux ronds d'écœurement de la lycéenne. Et enfin, Kayra qui prit l'initiative de lui raconter son histoire.
Elle a combattu des vampires en Europe de l'est pour arracher sa petite sœur aux griffes de ces sangsues pâlichonnes ?
Mais elle avait échoué, apparemment. Et contre l'ancienne Purgatori, en plus !
Hosoo était bien forcée d'admettre qu'il existait une similitude entre elles...
Mais pas question de le dire non plus !
Elles ont fini par se lier, pesta mentalement la chasseuse de démons.
Après les avoir vu s'embrasser, elle n'imaginait que trop bien le tableau...
Quel était le fin mot de cette histoire ? Même après avoir écouté ce récit en ayant fermé sa grande gueule, la kunoichi refusait d'emprunter cette voie-là.
Purgatori dut le comprendre parce qu'elle repartit aussitôt à l'assaut. Toujours avec finesse, cela dit. Notamment en lui proposant du donnant-donnant, soit un coup de main contre un autre qui ne serait pas susceptible de nuire à sa morale.

- Reste où tu es, commença par exiger Hosoo, les sourcils froncés, en la voyant se rapprocher. M'avoir battue ne te donne pas le droit de me tripoter comme si j'étais ta poupée.

Oh ! Elle n'espérait pas la choquer en prononçant ces paroles. Purgatori était à l'épreuve de sa colère comme elle l'était sans doute vis-à-vis des balles de gros calibres. La kunoichi pouvait donc se permettre d'être vache avec elle - pour ne pas dire caustique - quitte à ruiner son possible partenariat avec la démone.

- Si j'avais eu envie de me foutre en l'air, sache que je l'aurais fait depuis longtemps.

Dès l'instant où elle avait senti son sang maudit s'introduire dans ses veines ! Mais sa mort n'aurait rien arrangé du tout. Elle aurait même représenté son ultime défaite face à la Princesse Infernale. Hosoo en était déjà arrivée au stade où elle envisageait une revanche face à cette garce ! Néanmoins, cela allait devoir attendre un peu. La kunoichi avait besoin de récupérer et, surtout, de s'améliorer. Elle n'était pas stupide au point de croire pouvoir occire et sceller cette fouineuse diabolique en un laps de temps aussi minuscule.
Elle baissa les yeux sur son lit médicalisé.

- En gros, tu es en train de me rediriger méthodiquement vers la table des négociations... Ç'aurait pu être confortable, sans ton fluide de monstre qui me donne envie de me gratter jusqu'au sang !

Faute de liberté de mouvement, elle se garda bien de le faire. D'autant plus que se charcuter les bras avec ses ongles ne ferait qu'ajouter à son supplice...
Hosoo évacua un soupir agacé.

- Je reste sidérée de t'entendre parler de "bonnes personnes". Comme quoi vous savez faire la différence entre ce qui est bon et ce qui ne l'est pas sans que cela ne vous empêche d'en profiter.

Nouveau commentaire digne d'une fieffée chipie !
Hosoo ne s'arrêta pas là, désireuse comme elle était de creuser le sujet que la démone avait pris soin de déposer sur la table :

- Parle-moi de ce démon.

Elle n'ignorait pas du tout que ces créatures étaient tout aussi douées que les humains pour se bouffer entre elles. Reste que la lycéenne souhaitait en apprendre davantage sur la cible de Purgatori. Mais avant que la concernée n'ouvrisse la bouche...

- Et tu seras priée de garder tes mains là où elles sont quand tu me rencardes, merci !

Hosoo ne se souciait pas que de sa concentration, non. Jamais elle ne l'aurait avoué mais plus cette diablesse la caressait, plus son corps de jeune femme avait envie d'y répondre favorablement. Son esprit était tout de même en total désaccord avec les signaux que lui renvoyaient son corps.

Purgatori s’amusait, tout simplement. Plus Hosoo lui disait de ne pas la toucher, et plus elle avait envie de le faire ! Toujours liée, Hosoo en était réduite à devoir écouter les propositions de la démone, revenant régulièrement sur les attouchements de la démone. Purgatori n’était pas aveugle, ni idiote, elle savait quel effet elle faisait sur les autres.

Avant de lui répondre, Kayra intervint alors :

« Ce sang n’est pas maudit, tu sais. Ma petite-sœur était morte… Le vampire qui l’avait capturé l’avait vidé de son sang. Maîtresse l’a sauvé en lui faisant boire de son sang. Cela l’a transformé en vampire, et, depuis lors, je veille sur elle.
- Je te rassure, ma petite boule de nerfs, tu n’as pas perdu assez de sang pour te transformer. »

Purgatori posa alors à nouveau sa main sur la jambe de Hosoo, et remonta dessus, glissant sur sa cuisse.

« Ton organisme va peu à peu purger mon sang… Mais, si tu te coupes et que tu te lacères, tu ne feras que te vider de ton sang humain, alors mon sang vampirique risque d’entraîner la transformation. Ce serait bête, non ? »

La démone s’amusait, tout simplement. Elle avait bien compris ce que Hosoo envisageait, alors il était naturel de la titiller là-dessus, de jouer avec ses peurs et avec sa nervosité.

« Note bien que l’excitation et l’adrénaline contribuent aussi à purger ton organisme. C’est lié à ta circulation sanguine. Le sang que je t’ai ingurgité circule dans tes veines… »

Elle caressa du doigt le bras de Hosoo, de sa main jusqu’à son épaule.

« …Il se rend dans ce petit cœur de furie qui bat à toute allure. »

Purgatori glissa encore son doigt, et frôla le sein de Hosoo, pour le poser sur son cœur.

« Là, ce sang se charge en oxygène, puis se diffuse ensuite par tes artères dans le reste de ton corps. Tu as dû apprendre ça au collège, ma petite kunoichi. Et, plus tu es excitée, plus ce sang circule vite, et purge ton organisme. Autrement dit, si tu souhaites purger ton organisme, il vaut mieux que je continue à te toucher… Et sans doute même plus intimement. »

La main de Purgatori glissa alors sur le ventre de Hosoo, et se rapprocha de son bassin. Et, malgré les vociférations et protestations de Hosoo, et avec un sourire malicieux sur les lèvres, la démone commença à la masturber avec tendresse, glissant sa main contre sa culotte.

« Nous ignorons l’identité de l’invocateur. Il faudra mener l’enquête pour découvrir qui a invoqué ces yokai, et pourquoi… »

Purgatori hocha la tête, un sourire sensuel sur les lèvres.

Qu’il était amusant de la torturer sexuellement !