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En attendant Maturin

Posté : 23 déc. 2024 22:12
par Le Daïkatana
Le désert. Wasteland, qui s'étend à perte de vue, file à toute allure au son des réacteurs d'un vaisseau de guerre par l'une des vitres duquel la lancière Louise regarde en arrière, en direction de son ancien abri, qu'elle a décidé de laisser pour monter à bord du Daïkatana et quitter ce monde apocalyptique. Ainsi observe-t-elle ce sable qu'elle délaisse pour une autre vie, ailleurs, une suite inconnue mais surement moins dangereuse ou du moins mieux accompagnée. Adieu, bunker dans la montagne. Ses yeux se posent ailleurs, sur des usines lointaines, sans doute une raffinerie ou une fabrique d'armement quelconque qu'elle voit avec une certaine indifférence.

Je suis bien contente d'enfin partir de là. Je ne sais pas ce qui m'attend, mais vivre dans la guerre constante n'apportera rien de bon au Wasteland. Tout est touché et ce qui reste le mieux debout, ce sont les structures militaires. Tout ça à cause de ces bestioles immondes, énormes qui peuplent les dunes. Là où j'aurais espéré être en paix, loin des conflits, ben non, c'était la lutte contre les bêtes. C'est vraiment le pire pour nous, ces créatures. Elles s'en prennent à n'importe qui, elles sont partout et on dirait qu'elles ne disparaitront pas, même si on les tue. Sans elles… je pense que sans elles, les choses iraient bien mieux. Et j'aurais pas eu besoin de partir. Envie de partir. Je vais arrêter de penser à ça.

Se détournant du spectacle, la native retourne dans la chambre qui lui a été attribuée, puis déambule calmement dans l'imposant bâtiment de guerre, sachant qu'elle y résidera tant qu'aucun portail n'aura été trouvé. Après s'être baladée, elle pousse l'huis de la salle des machines où ça chauffe et s'active. Elle examine plus attentivement qu'elle n'a pu le faire jusque là la pièce dans laquelle elle sait qu'elle peut se rendre plus utile qu'ailleurs. Posant l main sur le moteur principal, elle sent vite sa paume bruler et la retire immédiatement. Son attention vient se poser ensuite sur tous les conduits et tout le reste de la machinerie, sur tous les boulons, qui les composent, sur la moindre part de la pièce, jusqu'à ce qu'elle troue un manuel, qu'elle commence à feuilleter afin de mieux saisir le fonctionnement propre à l'engin.

La Nouvelle Autorité avait des méchas, mais je ne me suis jamais penchée dessus à ce point. J'ai plutôt eu l'occasion de réparer des voitures de la Fédération écarlate, même si je sais de quoi est fait un robot de combat. Mais toute une machinerie de vaisseau, cela dépasse ce que j'ai vu jusque là.

En effet, pour survivre en solitaire, Louise a du apprendre à se débrouiller et à maitriser le travail manuel et comprendre le fonctionnement de certains outils qui pouvaient lui sauver la vie ou du moins la-lui faciliter. Ainsi a-t-elle travaillé son savoir jusqu'à devenir calée en mécanique, lui permettant de fabriquer un arsenal intéressant, celui-la même qui aura permis la défense de son abri. Avec ses quelques expériences en électronique, la voilà à servir de mécano temporaire au sein du Daïkatana, jusqu'à ce qu'elle ne trouve la destination à laquelle s'arrêter. Ainsi passe-t-elle une heure à lire jusqu'à entendre le son métallique de la voix de Ribu dans le couloir, provenant d'un haut-parleur.

Le Daïkatana approche un oasis où pousse la verdure. Un coin de paradis qui, de loin, semble déjà austère au vu de la couleur grise et de la hauteur des infrastructures visibles depuis le vaisseau. Oh oui, ça se précise. Ce qu'on pourrait annoncer comme étant une confortable aire de repos se présente comme une haute muraille gardée par de lourds méchas portant le logo de la Nouvelle Autorité. La vue de barbelés acérés et de tours de béton sur lesquelles sont postés des robots gardiens envoie un signe clair : les visiteurs ne sont pas les bienvenus. La pilote se résigne alors à choisir, pas si loin, à l'ombre d'une montagne, une cité plus petite dont la sécurité plus sobre au premier abord laisse plus présager un possible repos. La pilote choisit toutefois une approche discrète, préférant contourner le mont et revenir discrètement installer son bâtiment de guerre dans un coin rocheux, le plus discrètement possible. La porte s'ouvre et sortent la Saiyan dans son armure aux côtés de Louise, dans sa sa tenue aux lanières de cuir protégeant ses jambes. Les deux se rendent vers les habitations en bois et en terre cuite, mais à l'approche des maisons, derrière quelques rares arbres, un petit mirador apparait comme bien plus visible, abritant deux hommes munis de fusils. Des barbelés discrets cachés dans les fourrés empêchent quiconque de se faufiler et des barrières de bois ralentissent quiconque voudrait entrer en force sans bélier.

« Stop ! Arrêtez-vous ! lance un archer dissimulé derrière un arbre et tenant le duo en joue. Ne bougez plus. »

Plus loin, un cinquantenaire mal rasé qui semblait faire la ronde remarque la scène et fait signe à un plus jeune de vert vêtu de le suivre vers les nouveaux visages. Habillé d'un blouson gris à longues manches, ce métis affiche un air bourru et a de petits yeux usés par le climat et la fatigue, mais sans doute assez performants pour manipuler le fusil à canon scié qu'il tient dans la main gauche.

« D'où est-ce que vous venez ? Vous ne transpirez presque pas et la seule chose que…
- On a du abandonner une voiture volée et trois autres personnes pour échapper aux monstres, répond Louise, prenant un air désolé,
- Oh. Navré, je, je ne savais pas.
- Vous pouviez pas savoir.
- Warren, second du camp. Je vous prie de nous remettre votre lance et toutes les armes dont vous disposez.
- Pardon ?
- Vous m'avez compris. Je suis en charge de la sécurité, alors si vous voulez espérer entrer, remettez-moi vos armes.»

Les deux femmes entendent le son d'un arc prêt à décocher. Elles se jettent un regard mutuel, puis la lancière tend sa lance, puis confie son revolver et, après une brève hésitation, son pistolet. Warren fait alors signe de le suivre. Ils arrivent ainsi dans la cour, devant le mirador plus grand de près que de loin, idéal au vu de l'endroit relativement plat. Des domiciles en taules se mêlent à d'autres de terre crue sur un sol sec et pierreux jonché de quelques ordures, mais globalement propre à la surprise des deux nouvelles têtes. Les habitants s'écartent au passage de Warren, ses hommes et ses invités, puis on ouvre un portail en fer derrière lequel se trouve un bunker. Un véritable punker de béton, Louise sait reconnaitre cette construction entre mille. Un gardien pénètre à l'intérieur, puis après quatre minutes, un quarantenaire couleur ébène sort, un verre d'aluminium rempli à la main droite.

« Bienvenue ! Merci, Warren, d'avoir pris soin de nos invitées. Entrez, mesdames, entrez. William Saint Paul, chef de camp. Entrez, je vous prie.
- Merci, M. Saint Paul, sourit Louise
- Merci, sourit aussi Ribu. »

Invitées à suivre le maitre des lieux, la pilote et la mécano découvre un intérieur renforcé au titane et dont de solides piliers de fonte soutiennent le lourd plafond.

« Vous devez être fatiguées, mesdames. Désirez-vous vous restaurer ?
- Non-merci. Nous sommes des mercenaires et nous cherchons surtout du travail.
- Tiens, tiens, des mercenaires ! D'où est-ce que vous venez comme ça ?
- Du nord. Mais même si nous ne voulons pas manger, on prendra volontiers à boire.
- Hahaha ! Je me disais aussi. Venez dans le salon supérieur, que je vous serve un verre, dit-il en conduisant ses hôtes à une porte en bois plus que massif. Prenez vos aises, mesdames. »

Les coéquipières pénètrent dans ledit salon supérieur, tout de bois couvert, un bois mat qui n'a pas été huilé ni ciré depuis longtemps, mais un vrai parquet entretenu au vu des deux balais posés contre un mur de l'absence de poussière visible. Deux tables propres accompagnées de chaises en osier sont posées au centre de la pièce, tandis qu'une fontaine de pierre activable est aux côtés des deux balais. Une armoire à tiroirs, ainsi qu'une commode remplissent ce salon, qui n'est pas si grand, mais ce qui attire le regard de la lancière, c'est un fusil à canon scié posé sur la petite armoire.

« Oh. Je vois que vous avez la même arme que M. Warren.
- Hein ? Vous avez l'oeil. Tenez, un verre d'eau pour chacune- Désolé, je ne pourrai pas satisfaire toute votre soif. L'eau se fait rare. Nous privilégions les habitants de notre campement aux visiteurs, quand bien même nous savons accueillir. La priorité reste les nôtres. »

Au fil des mots, il apparait de plus en plus évident que derrière ce coffre à la voix grave se trouve un timbre doux, comme une arrière-voix donnant au discours de Saint Paul un air autoritaire et séduisant. Mais pas une voix de charmeur. Une voix entrainante et rassurante, comme celle d'un meneur.

« C'est Warren qui m'a appris à m'en servir. Il m'a appris à tirer aussi. C'est un bon instructeur, en plus d'être un bon chef de la sécurité.
- Essentiel pour vous protéger des monstres et des autres factions.
- Haha, bien pensé. Mais faux. Nous sommes un camp indépendant, mais pas neutre.
- Comment ça ?
- Nous protéger des monstres, passe encore, car ces bêtes ne sont pas organisées en armées militarisées. Quand on fait face à des armes lourdes qui peuvent raser la moitié de nos maisons en quelques tirs, on réfléchit à deux fois. Pour éviter de nous retrouver à faire la guerre, on a bien du prendre position pour ne pas devoir nous défendre contre les grandes armées.Ça nous permet d'avoir la protection de plus forts que nous, au prix de quelques ressources et parfois d'un appui armé. Un mal pour un bien, en somme. »

Pour Louise, qui a toujours considéré les monstres comme son pire ennemi, cette annonce remet les choses en perspective. En effet, jamais la Fédération écarlate n'a menacé d'utilisé un énorme canon pour réduire son bunker à elle en miettes, mais n'était-ce pas justement à cause des pièges qu'elle installait tout autour ?

La quiétude de l'entrevue est soudain interrompue par des bruits des pas. Puis la lourde s'ouvre brusquement et entrent Warren, deux fusiliers et deux archers.

« Je me disais bien que vous étiez propres, même pour avoir marché que des dizaines de mètres dans le sable ! grommèle le chef de la sécurité.
- Vous avez trouvé quelque chose d'intéressant ? demande Saint Paul en prenant son arme, alors que toutes les autres sont braquées sur les femmes.
- Un vaisseau, Will ! Un putain de vaisseau ! Et aucune trace d'arrivée dans le sable. J'ai fait inspecter les lieux en trouant bizarre qu'elles suent pas une goutte. Ah, la belle trouvaille. Et qu'on vienne pas me parler d'une nouveauté des usines, le vaisseau est trop gros et j'ai jamais entendu causer de machins de cette taille sur les champs de bataille. Donc cette fois, à moins que vous vouliez être emprisonnée, qui êtes-vous ? »

Louise jette à Saint Paul un regard, lorsqu'elle le voit pointer son fusil sur la Saiyan.

« Saint Paul !
- Warren a posé une question, madame la "mercenaire" et j'avoue être bien curieux de la réponse que vous allez donner. J'ai bien plus confiance en lui qu'en vous, alors je vous conseille de vous mettre à table.
- Baisse-toi. »

Au son de la voix de la pilote, Louise saute à plat ventre et Ribu de générer une boule d'énergie au creux de sa main. Un trait est tiré. Puis résonnent les tirs. Une seconde flèche est décochée eu milieu de la pluie de balle qui s'abat sur la Saiyan. Mais lorsque les bruits cessent, la guerrière est toujours debout et en deux secondes, elle brise arcs et armes à feu.

« Maintenant que nous sommes à armes égales, écoutez-nous. »

Les hommes, sidérés par la résistance et la rapidité de la guerrière, semblent avoir du mal à comprendre. Sciés, ils sont statiques.

« Nous cherchons un Rift. Une faille spatio-temporelle. »

Louise se lève, alors que Warren ramasse son fusil tordu.

« Nous savons qu'il existe des portails spatio-temporels à certains endroits. Nous sommes prêtes à travailler pour obtenir ce renseignement.
- Partez, répond Saint Paul.
- Pas sans savoir si vous savez…
- Partez, interrompt le chef. Dans ce camp, vous êtes trop dangereuses. Restez dans votre vaisseau, je ne peux pas vous chasser, mais pitié, ne restez pas dans l'enceinte que nous devons protéger. Le soir arrive, la nuit va tomber, vous pouvez… Des Rift, vous dites ? Des portails spatio-temporels ?
- Will, écoute pas ces dégénérées ! Tu dois rester droit face à elles !
- Je sais, Warren. Mais… Expliquez-moi un peu mieux ce que vous voulez dire par là.

- Imaginez un portail qui relie un endroit à un autre. En passant par ce portail, vous arrivez instantanément à des kilomètres d'ici, voire plus loin. Sur une autre planète, par exemple.
- C'est des conneries ! Aucune technologie permet ça !
- Warren a raison, ce que vous dites est absurde.

- Je sais pas comment ça fonctionne, mais ça fonctionne.
- Ce qui explique que vous n'ayez jamais vu mon vaisseau auparavant. Tout comme mon armure. Ils viennent de très loin. Toutes comme moi. Je ne suis pas comme vous, c'est pour ça que j'ai pu vous désarmer si facilement. »

Devant l'explication des deux femmes, les gardiens sont sans voix. Warren mugit mais est stoppé dans ses insultes par un Saint Paul en pleine réflexion.

« Warren, stop. Ces… Rift, pourraient expliquer certaines choses, comme ces cyborgs des rouges. Normalement, c'est la NA qui assemble des machines de ce style, pas les rouges. Écoutez, mesdames, je ne peux pas vous accueillir. L'incident de ce soir va se répandre dans le campement et risque de créer un vent de panique. Mais je vais voir si je peux avoir des renseignements, ou un boulot pour vous. Si ce que vous dites est vrai, vos services, au vu de votre puissance, peuvent nous servir. Warren va vous rendre vos armes. Retournez à votre vaisseau, nous enverrons quelqu'un pour vous donner des nouvelles. Mais même si vous n'êtes pas à l'intérieur, bienvenue à Steel Talk.

Après cet incident, les deux femmes retournent au vaisseau. Mais en cette soirée, elles restent dehors, pour admirer le ciel étoilé.