La résurrection de la Guerre des Dragons [Pv.]
Posté : 07 déc. 2024 15:53

Éléanor, chevalier-dragon de la maison de l'Ordre de Drakensang
L'heure était grave au sein de la communauté des chevaliers-dragons de la maison de l'Ordre de Drakensang. La petite structure portait le nom de la région dans laquelle elle se situait, loin au sud-ouest d'Aebor, à mi-chemin d'Uman, aux confins des terres de la puissante famille des Viscarion. Postée sur les hauteurs d'une colline, elle avait une vue imprenable sur la ville de Drakensang et sa citadelle, carrefour commercial inévitable entre Uman et Aebor mais aussi centre de transit des marchandises venant de l'Ouest en caravanes pour rejoindre Tour Royale et approvisionner Braavos par les terres. Drakensang n'était pas aussi vaste que d'autres cités viscarii mais accueillait tous les jours d'importants convois transportant marchandises, céréales ou encore minerais. L'importance de ce point était capitale mais la guerre contre Papua n'étant qu'un lointain souvenir, il n'y avait plus nécessité d'y conserver une garnison conséquente. La vieille citadelle n'accueillait plus qu'un maigre détachement chargé de l'ordre public et il y avait des lustres qu'un dragon rouge n'avait pas survolé la ville ... jusqu'à la veille au soir.
Un vent de l'Ouest soufflait, venant directement du désert de Korgath. Cet air sec et chaud ne permettait pas la culture de légumes et fruits nécessitant de l'eau en abondance. Il asséchait les terres et n'autorisait qu'à une certaine flore de pousser. Ainsi, la maison de l'Ordre était entourée de magnifiques oliviers centenaires et plus bas, dans la plaine, vers la ville, un vaste maquis de plantes vivaces et caoutchouteuses abritait une population de petits animaux qui s'y protégeaient des attaques de prédateurs trop gros pour se faufiler entre les branches piquantes des dattiers-nains.
Éléanor regarda une dernière fois ce paysage qu'elle avait appris à aimer depuis son arrivée dans la région, deux ans auparavant, puis quitta le promontoire rocheux sur lequel elle se tenait pour rejoindre sa monture. La veille, un héraut officiel, envoyé par les autorités de la ville de Drakensang, avait apporté à la maison de l'Ordre un message ... le message que tout chevalier-dragon s'attendait à recevoir au cours de sa vie et qui signifiait un sacrifice pour le bien et la sauvegarde de Terra. Karina, la doyenne responsable de la Maison était malade, clouée au lit par une fièvre de saison aussi c'est Éléanor qui avait reçu l'homme. La main tremblante du bourgmestre de la ville avait posé quelques lignes annonçant une nouvelle catastrophique. A l'Ouest de Drakensang, un Veil s'étendait, interdisant le passage de la route vers Uman et transformant les malheureux des hameaux et villages pris dans son influence en monstres hideux et affamés. Cela faisait bien longtemps qu'un dragon noir n'était pas apparu dans la région et la nouvelle avait glacé la dizaine de chevaliers de l'Ordre affectés à ce vaste secteur. De plus, le message indiquait qu'une secte humaine était suspectée d'avoir invoquée la créature. C'était curieux, car les dragons noirs étaient une résurgence maléfique des esprits des Grands Anciens, à ce qu'on disait. Si des humains avaient la possibilité d'en convoqué, la menace prenait alors une nouvelle dimension. Éléanor n'avait d'autres choix que d'aller combattre le monstre, il en était ainsi car c'était son destin. Il fallait se presser car si les habitants se transformaient déjà en monstres, c'est que le dragon devait être là depuis plusieurs jours et si son Veil s'étendait sur une aussi grande surface, c'est que le monstre était un spécimen de grande taille et les combattantes n'étaient pas assez nombreuses ni prêtes pour le tuer.
A 28 ans, Éléanor était la plus compétente de l'équipe, et son épaulière en os de dragon était marquée d'une strie profonde, celle accordée aux tueuses de dragons. Car elle avait déjà affronté et vaincu un dragon noir, au nord de Mijak, lors d'un combat héroïque, alors qu'elle sortait à peine de son noviciat. La chance n'était pas intervenue ce jour-là, uniquement le courage et l'esprit de sacrifice. De toutes celles parties combattre la bête, elle était revenue seule mais profondément blessée intérieurement. Traitée en héroïne de l'Ordre, elle avait trouvé le salut dans l'alcool, les beuveries et les infractions au règlement de l'Ordre. Son exploit la sauvegardait mais après trop d'excès, la matriarche de L'Ordre souverain de Mijak l'avait éloignée des lumières de la reconnaissance pour l'envoyer dans une commanderie de Papua puis dans ce trou qu'était Drakensang. Ici, elle s'y était refaite une santé mentale même si elle continuait à vivre à la frontière de ce qui lui était interdit.
Ainsi, le destin la rattrapait et lui rappelait le but de sa vie. Éléanor n'avait pas peur de mourir mais ne souhaitait pas le décès de ses compagnes. Karina était alitée et Alma et Sora veilleraient sur elle et la Maison. Kali, la plus jeune de toutes, encore en formation, avait été envoyé la nuit même à Aebor pour prévenir la matriarche régionale qui enverrait des renforts. Et sur les six chevaliers-dragons restants, seules Éléanor et Tamira possédaient l'expérience du combat. Les quatre autres verraient là leur première mission, et certainement la dernière. Mais elles étaient toutes chevaliers-dragons et allaient assumer cette condition. D'ailleurs, elles avaient toutes le visage sérieux et déterminé, malgré leur jeunesse.
"Il est temps, allons-y."
Éléanor se jucha sur la selle de sa jument, une bête endurante issue d'une race d'équidés du désert, et jeta un dernier regard à la maison de l'Ordre. Le message annoncait la venue de membres de la famille Viscarion donc l'affaire était prise au sérieux. Le rugissement de dragon entendu dans la nuit le prouvait. Les six chevaliers s'élancèrent sur le chemin poussiéreux menant à la grand-route et mirent deux longues heures à rejoindre les portes de Drakensang. Les gardes eurent l'air soulagés de les voir arriver, comme si elles allaient résoudre leur problème en un claquement de doigts. Si ils savaient ... La ville était en effervescence. Des gens d'armes tentaient de faire respecter le calme à une population agitée et nerveuse. Deux sergents arrêtèrent un prédicateur de l'apocalypse qui, jugé sur un cageot, proférait des menaces de fin du monde. Des rixes entre caravaniers éclataient, les marchandises bloquées en ville, envahissant les rues.
"C'est le chaos" commenta Aria, qui était arrivée deux semaines plus tôt.
"Non, cela n'est rien Aria. Le chaos apparaitra quand les monstres arriveront aux pieds des murs de la ville pour manger les vivants."
"Sauf si on tue le dragon avant?"
"C'est exactement ça." Si ça pouvait être aussi simple ...
Les chevaliers parvinrent aux portes de la citadelle qui autrefois avait dû être impressionnante. Aujourd'hui, il n'en restait qu'une partie, la plupart des murailles et tours ayant été abattues pour récupérer les pierres de construction. Dans la cour principale, une troupe en arme, plus présentable et mieux équipée que la milice de la ville, se préparait visiblement à partir en guerre. Éléanor aperçut quelques visages qu'elle connaissait; des soldats avec qui elle se pochtronait quand elle descendait s'amuser en ville. Ils se saluèrent discrètement, les circonstances n'appelant pas les élans de camaraderie excessifs. Enfin, elles firent halte devant le donjon principal et mirent pied à terre.
"Occupez vous des chevaux, trouvez de l'approvisionnement; je vais voir ce qu'il en est."
Éléanor fut accueillie par un vieux majordome qui la guida dans la place forte jusqu'à atteindre l'ancienne salle des festivités, un vaste espace percé de nombreuses baies donnant sur des balcons dominant la plaine. Là, non pas un, mais deux Viscarion conversaient avec le bourgmestre et le commandant de la garnison de Drakensang. Deux hommes, beaux, en armure, symbolisant toute la puissance de cette famille illustre, symbole militaire de la puissance de Mijak, la patrie d'origine d'Éléanor.
Le chevalier s’avança, son épée barrant son dos, portée ainsi par commodité. Dans ces provinces chaudes et reculées, les chevaliers ne s'encombraient pas d'armures imposantes et privilégiaient la mobilité et la rapidité. Éléanor ne portait donc que le strict minimum en terme de protection.
"Seigneurs, je suis le chevalier Éléanor de la maison de l'Ordre des Chevaliers-Dragons de Drakensang. Quelles informations avez-vous?"
Elle aurait eu un empereur en face d'elle qu'elle n'aurait pas parlé différemment. L'urgence primait. Les deux Viscarion se tournèrent vers elle. Ils avaient tous la beauté légendaire des membres de la lignée d'Eagon.