The Multiversity

S’il y avait bien une situation que Riniya ne connaissait pas dans sa carrière militaire, se faire mettre au fer par une nation étrangère en faisait partie. Une nouvelle expérience qu’elle serait bien passer. Et si le stress pouvait être compréhensible, le fait d’avoir des gouttes de sueurs, et ne plus sentir son bras gauche ne faisaient aucunement partie des symptômes de prisonniers, qu’il soit conscient ou non de ce qui l’attendait. La vraie cause, elle la connaissait que trop bien, le venin de ses foutus serpents commençait à faire effet maintenant que l’adrénaline revenu à un niveau plus normal. Et le pire dans toute cette histoire ? Les yeux de Rin fixaient la besace qu’un des soldats avaient « réquisitionné » à la Princesse. Génial… si les olympiens ne décidaient pas de la tuer, elle finirait par mourir d’empoisonnement. Sans en connaître les symptômes exacts, le poison allait mettre du temps à agir.

La rencontre avec Protésilas aurait pu se faire dans le vague, mais le cri de la Princesse Rhian garda éveillé la ranger à un tel point que le Prince ne prit pas en compte qu’il y ait des chances que la prisonnière ne survive pas bien longtemps à un interrogatoire musclé. D’une certaine manière, cela l’arrangeait, si Rin avait bien eu le droit à quelques séances de contre-interrogatoire à la base pour tester et garder son sang-froid, les tortures trop longues et douloureuses elle n’était pas certaine d’y résister bien longtemps. Et surtout, à quoi bon ? Il la tuerait dès qu’il comprendrait réellement sa véritable raison. Soit parce qu’ils seront déçus, soit parce qu’elle ne sera plus utile. Ou alors les deux.

Attachée à son poteau, elle se rappela à peine d’une partie du trajet, où l’elfe chuta de fatigue avant d’arriver à destination. Son réveil fut humide, avec un sceau d’eau froide, cette fois ci enchaîné à un mur, les chaînes étant fixés au mur d’une cave pas très rassurante. Vu l’ambiance de la pièce, la villa ne semblait pas être muni que d’une cave à vin. Ah cette noblesse… toujours prêtes à toutes les éventualités, ils pensent même aux logements pour les invités indésirables ! Suivi de près de bourdonnement après les hurlements d’un des trois soldats présents dans la pièce.

« T’es qui ? On veut savoir la raison de ta présence à Papua ?!? »

Le regard un peu moins flou, Riniya ne put s’empêcher de lâcher un petit sourire forcé. Si il y avait bien une chose qu’elle pouvait encore avoir dans cette situation, c’était bien sa dignité d’elfe. Si c’était pour leur fournir des informations, peu importe si ses dernières pouvaient être bancales ou véridiques, Rin allait les faire un peu mijoter. Si c’était pour claquer ou trouver une occasion de s’enfuir, autant qu’elles les fassent un peu chier au passage, le temps qu’elle le pouvait encore.

« Du tourisme peut-être ? »

Quelques coups de fouets claqueront, les présentations entre le bourreau et la victime étant ainsi faite. Les deux autres ne faisaient que regarder alors qu’ils n’avaient rien à faire ici en temps normal, un point qui indiqua à Riniya que ses trois là n’avaient rien de bourreaux professionnels, et qu’ils s’improviseraient ainsi à tour de rôle pour la simple et bonne raison qu’Arès n’avait pas mis ce genre d’individu dans les bagages de Protésilas. Rin ne put que serrer les dents pour ne pas crier, du moins pour le moment. L’épuisement de cette petite séance de torture encore supportable et l’empoisonnement, commenceront déjà à l’épuiser.

« Je rentre, je porte plainte pour me faire rembourser. »

Un coup de fouet, cette fois-ci au visage, manquant de frapper de peu l’un de ses yeux. Pour la première fois, elle lâcha un cri. Une goutte de sueur perla à son tour, la fièvre commençant à se montrer elle aussi. D’autres pleuvront mais l’un des soldats stoppa net le bourreau du moment.

« Je ne sais pas ce qu’elle a croisé avant que l’on ne l’emprisonne, mais il faudrait qu’elle nous lâche avant que le Polémarque en sache plus sur elle. »

Ils commenceront à se concerter, laissant un petit moment de répit à Riniya qui tenta de voir plus clair sur sa triste situation. Elle semblait épuiser physiquement avec ce venin, et surtout ses foutus chaînes ont l’air de faire office d’éponge dès qu’elle veut utiliser un tant soit peu de flux magique. Et ce bras gauche qu’elle ne sentait presque plus. Cette concertation ne dura qu’à peine une minute alors que les deux autres commenceront à lui changer de chaînes, pour pouvoir mieux la trainer.

« Notre médecine n’est peu être pas la même que par chez toi mais on a un moyen de te faire baisser la température. »

Le troisième larron finit par revenir cette fois-ci avec la bassine d’eau, suivi de quelques rires gras de leur part quand l’elfe blêmit un peu plus qu’elle ne l’était déjà. Pour les baisses de température en lui tenant la tête sous l’eau, quitte à presque la noyer à chaque fois, Rin avait connu mieux. Beaucoup mieux même ! Surtout qu’après quelques longues minutes de séance d’apnée, elle commençait à se montrer un peu moins arrogante en lâchant au moins son nom. L’elfe le savait, ce genre de torture ne la tuerait pas malgré sa condition si ce n’est de nouveau s’évanouir, ce qui faisait que les Olympiens avaient tout le temps devant eux si ce n’était que seul ce poison la tuerait dans ce cas.

« Cap-Rin *tousse* Riniya Evans *tousse* *tousse* Capitaine du 107ème escadron d’éclaireurs de Lumen *tousse* »

Au moins, ça les mettra dans l’incompréhension quelques temps en donnant ainsi son ancien grade, son matériel ne venant pas de Terra. Et tant qu’ils posaient des questions, peu être qu’elle verrait une occasion au fil de l’interrogatoire si jamais ils baissent leurs gardes.

Protésilas s’assit à une table de banquet, tandis que Rhian, à proximité, gémissait. Les clous lui faisaient furieusement mal. Elle était retenue à la croix par plusieurs sangles, et vit que l’homme mangeait tranquillement, après avoir vidé les réserves de la maison. Il planta sa fourchette en argent dans une cuisse d’un excellent chapon, et arracha un morceau de blanc avec son couteau, tout en continuant à manger.

« Je suis sincèrement sidéré par les progrès technologiques incroyables accomplis. »

Difficile de dire s’il parlait à Rhian, ou à lui-même. Il était assis dans le jardin du manoir, avec une vue en surplomb sur l’Arsenal et sur le reste de la ville. Des braseros et des torches étaient allumés ici et là, éclairant ce banquet funeste, où l’homme buvait également de l’alcool.

« C’est ma grande heure… Mourir au combat sans avoir fait couler le sang, c’est un profond déshonneur. Je regrette tout autant que vous ce qui se passe, Princesse… Mais, si nécessité d’État fait loi, comment aurais-je pu m’opposer à la volonté des Dieux ? »

Rhian soupira encore, et se pinça les lèvres.

« Vous… Vous savez que les Dieux ont perdu l’esprit. Je… Ce sont les Maux… Les Maux de la Boîte de Pandore se sont échappés…
-  Je sais. »

La jeune Princesse soupira encore, et se pinça les lèvres.

« A-Alors… Pourquoi ? »

Protésilas haussa les épaules.

« Plusieurs raisons. Pour commencer, ce monde est foutu. Les Maux se sont répandus sur Terra. À mes yeux, c’est vous qui êtes contaminés, c’est ce monde qui pourrit, qui s’enferme dans une guerre interminable entre Mijak et Lumen. Les monstres ont proliféré dans les Terres Centrales, Terra se meurt à petit feu. Les Dieux ne peuvent pas tolérer ça, car, si terra s’effondre, plus personne ne protègera la Tour, et c’est la Création toute entière qui menacera de s’effondrer.
-  Vous… Mais qu’est-ce que vous racontez ?!
-  Ensuite, je n’ai pas la capacité, ni les connaissances nécessaires, pour m’opposer à la volonté des Dieux. Zeus nous a ramené des Champs-Élysées pour mener à bien cette ultime croisade. Tout était déjà écrit, vous savez. Vous croyez que nous tuons sans raison, que nous attaquons sans discernement, mais Zeus suit son propre plan.
-  Vous allez déclencher une guerre sainte, pauvre fou ! Les autres panthéons ne vous laisseront pas faire ! »

Le polémarque s’essuya lentement les lèvres.

« Je n’y crois guère. Les autres panthéons sont aux abois. Le monothéisme a réduit leurs espaces cultuels, leurs sanctuaires… Il fallait que nous le fassions. L’humanité ne progresse qu’ainsi, quand on lui inflige une bonne leçon. Nous attaquons simultanément Mijak et Lumen pour forcer ces deux nations à mettre fin à cette guerre stupide. »

Rhian secoua encore la tête, ne pouvant que constater la démence de Protésilas. Faire la guerre… Pour aboutir à la paix ? Ce raisonnement chaotique n’avait aucun sens, car aucune paix durable ne pouvait durer sur les brasiers de la guerre. Mais Rhian n’avait pas spécialement envie de débattre avec lui, juste… Juste de comprendre. Alors que Portésilas recommençait à manger, un soldat s’approcha de lui, et discuta discrètement. Le polémarque hocha la tête, tandis que, pendant ce temps, Rhian regardait à gauche et à droite, frémissant en voyant les clous, et ferma les yeux, voyant son sang couler lentement. Une victime pouvait rester crucifiée pendant des heures, si ce n’est des jours, tant que les clous ne perçaient pas les veines, ce qui était le cas ici.

Le polémarque se retourna alors vers elle.

« Alors, comme ça, votre petite-amie est une Luméenne ? »

Rhian ne dit rien, restant la tête baisse… Jusqu’à ce que Protésilas la frappa au ventre avec une ceinture. Rhian hurla alors, sentant la douleur percer en elle.

« Vous cherchez à faire une alliance ? N’est-ce pas ?! C’est ça, hein ?!
-  Écoutez, il est temps d’arrêter ça… Cessez cette folie, cela ne rime à rien, vous… Vous devez le…
-  LA FERME ! »

Il la fouetta encore, puis grogna à nouveau.

« Enfermez cette sale elfe dans l’une des cages, nous l’amènerons demain matin auprès de l’Arsenal. »

Protésilas avait l’intime conviction que cette Riniya était particulière, qu’elle était là pour une raison précise. Il subodorait dans sa tête une alliance secrète, comme si Riniya avait été mandatée par les autorités luméennes pour forger une alliance. Cela le troublait, mais il était aussi possible que les Thoris cherchent à trahir Mijak. L’un dans l’autre, Protésilas comptait les exhiber toutes les deux demain matin, à l’aube…

Les seuls moments où il n’y avait pas d’hurlement dans cette cave, se fut pour entendre Riniya tousser, et recracher le peu d’eau qui venait de s’engouffrer dans ses voies respiratoires. Et plus le temps passait, plus l’elfe se demandait si son cerveau était lui aussi en train de se noyer puisqu’elle commençait à avoir du mal à assimiler les questions que l’on lui posait.

« Il semblait que notre petite elfe a une phobie la noyade. »
« Plus elle nous donne de réponses, plus j’ai de questions. »
« Ou alors elle se paie nos têtes. Mais seul le Polémarque le jugera. Continuez, je vais lui faire le rapport de l’interrogatoire. »

Si Rin avait gardé autant son côté grande gueule, elle répondrait avec joie que c’était un peu des deux. A la fois, elle craquait sous l’interrogatoire, mais donnait des informations au compte-goutte pas toujours très clairs pour ne pas figurer immédiatement dans la catégorie « devenu inutile » pour se retrouver avec un glaive dans la gorge, ou étranglée si ses messieurs n’avaient pas envi de salir la pièce. Se fut donc la tête sous l’eau que l’un des geôliers s’absenta, moment bien plus court que ne l’aurait cru l’elfe puisque l’on lui sortit assez rapidement, avant de lui assener un coup de pieds dans le ventre, la faisant tomber au sol, sur le côté à reprendre son souffle tant bien que mal.

Pourquoi ce changement si soudain ? Dans une armée indisciplinée, on s’amuserait avec une prisonnière. Mais dans une armée disciplinée comme celle-ci, la situation rimait plus avec une pause rapide car tenir la tête d’un individu qui se débattait sous l’eau, il fallait avouer que ça commençait à fatiguer les avant-bras. Bref, dans n’importe quelle armée, il y avait toujours celui qui donnait les ordres et comme c’était souvent le cas, quand le chat n’ait pas là, les souris dansent.

Celui qui venait de la frapper se dirigea vers la porte de la pièce, d’un air désintéresser.

« Toute cette flotte m’a donné soif. Tiens-la éveillée. »

Son occasion, Rin allait peut-être l’avoir, car empoisonner comme elle l’était, il y avait des chances qu’elle ne reverrait pas le jour, avec ou sans torture. Et surtout, ce temps d’une trentaine de seconde lui permet de reprendre un peu ses esprits, faisant mine d’être dans le groggy… même si elle n’avait pas besoin de simuler grand-chose. Des pas qui s’éloignaient, elle comprit vite que dans cette pièce, ils n’étaient plus que deux. L’unique individu lui adressa bien la parole mais elle n’en comprit que la moitié, ne réagissant pas. La deuxième fois fut plus forte, elle venait de jouer avec les nerfs peu patients d’un des geôliers.

« J’ai dit ne t’endors pas ! »

Le coup de pieds ne tarda pas, mais aurait dû finir en plein dans la colonne vertébrale mais l’homme perdit son élan en voyant sa prisonnière roulée tout à coup, heurtant l’unique jambe qui le maintenait debout. Déséquilibré, la chute ne tarda pas, tombant pour ainsi dire sur la prisonnière qui lui passa rapidement ses chaînes autour du cou pour l’étrangler. Et pourtant, la différence de force, avec un bras qu’elle avait du mal à sentir, la scène ressemblait à s’y méprendre à un combat à sens unique. La preuve, l’olympien arriva même à passer quelques doigts entre sa gorge et ses chaînes, arrivant à lui faire articuler quelques mots.

« Tu espères quoi dans ton- »

Dans son état ? En temps normal : rien ! Et si au moment de son emprisonnement, les soldats l’avaient dépossédé de tout ce qui estimait de près ou de loin d’une arme ou de dangereux, ils auraient dû pousser le vice plus loin et l’enchaîner nue. Les Dieux de l’Olympe luttait dans leur croisade contre tout ce qui estimait corrompu mais ironiquement, le cas de Riniya leurs soldats auraient dû se comporter comme l’esclavagiste moyen de l’Empire de Mijak et la mettre à poil avant de finir sur le marché aux esclaves. Ses gants firent le reste, avec une montée d’adrénaline soudaine pour offrir une mort toute sauf propre. A défaut de l’étrangler, la chaîne glissa sur le cou et les doigts. Quelques doigts partirent en charpie, et la seule chose qui empêcha le soldat d’hurler fut qu’une partie de la trachée venait de partir elle aussi. Il agonisa dans son coin, là où Rin dû reprendre son souffle encore une fois, en profitant pour évaluer sa nouvelle situation.

Ce type n’a même pas d’arme. En même temps quel imbécile portrait quelques choses qui trancherait lors d’un interrogatoire ? Et pourtant Rin dût faire vite, elle n’avait pas faite beaucoup de grabuge alors que son collègue était dans la pièce d’à côté. Et ses pas avait l’air déjà de se rapprocher !  Elle se contenta d’arracher une petite planche de cette bassine pour en faire un poignard de fortune, l’eau commençant à s’écouler dans une partie de la pièce. Après s’être placé contre le mur près de l’entrée, cette arme sera amplement suffisante pour frapper une seule et unique fois au cou. Si l’attaque ne fut pas mortel sur le moment, se fut contre un adversaire surpris qui n’eut le temps qu’à peine de se débattre, un deuxième coup de poing frappant de nouveau ce point vital qui saignait déjà abondement. Le troisième fut mortel après que l’olympien heurta le mur avec son dos, Rin lui callant la tête contre le mur avec sa main la plus faible, alors que l’autre frappera de toute ses forces au même endroit. Quand il s’agit de frapper des points vitaux pour tuer son prochain, en bonne mercenaire elle savait où cogner.

La baisse d’adrénaline et son état auraient dû la faire tomber à genou, mais se fut seulement grâce à l’un des murs qu’elle parvint à rester debout. Elle n’avait pas le temps, le troisième larron pouvait revenir d’un moment à un autre. Rin ne tarda pas à rejoindre ce qui semblait être une cave, où plusieurs chaises et une table était présente, avec quelques bouteilles de vin d’un rare cru et quelques verres. Dessus, son arc technologique toujours replié et le reste de son matériel, lui faisant deviner une partie de la conversation sur celui-ci que les gardes auraient pu avoir avant de véritablement s’occuper de sa propriétaire. Si Rin récupéra un glaive et un arc, se fut surtout sur la sacoche de Rhian qu’elle s’attarda, pour boire rapidement l’antidote et une des potions de soin, dont les effets lui donnèrent un peu plus d’énergie. Elle trouva aussi les clefs de ses menottes, s'en débarrassant enfin. Sans même attendre que les blessures se fermer, elle avait monté les marches pour finir dans un couloir, où elle s’engouffra rapidement par la première fenêtre venue.

Il lui fallait souffler et à défaut d’avoir des arbres, elle allait le faire sur l’un des toits en profitant de la nuit. Que ses olympiens croient qu’elle se soit enfuie, c’était le but mais elle comptait rester un peu pour évaluer la situation même si cela peut lui prendre plusieurs heures. Et surtout savoir où à fini la princesse et, avec un peu de chance, identifier ce fameux Polémarque. Et cette nuit, cela allait être lui qui allait mal dormir.

Au petit matin…

La nuit avait été agitée, indéniablement. Les escarmouches avaient duré encore toute la nuit, et, à l’aube, le soleil se levait sur une capitale en souffrance. Si la plupart des bâtiments étaient toujours debout, il y avait eu de nombreux incendies. Décidés à marquer les esprits, les Olympiens s’étaient battus avec acharnement, et la mer à côté avait également rougi du sang des combats navals. Cependant, l’Empire de Mijak n’était pas composé d’individus incompétents ou inaptes à manipuler des armes. Les navires papuans avaient jailli régulièrement de l’arsenal, et la garnison avait tenu bon. Le Palais Royal était encore entre les mains des Olympiens, mais, à l’aube, les forces papuannes reprenaient le dessus. Les renforts étaient imminents, mais Protésilas n’avait pas encore dit son dernier mot.

Une expédition avait quitté le manoir où il avait élu son quartier général. Impossible d’attaquer la zone. Après l’évasion de Riniya, Protésilas avait doublé la garde, ainsi que son précieux butin, et, tandis que le polémarque s’avançait, il savait que la fin était proche. Les cors de guerre papuans avaient résonné dans la ville, et, surtout, l’horizon aquatique était désormais recouverte de multiples vaisseaux mijakiens, venus soutenir la flotte de l’Arsenal. Papua n’avait jamais été une grande puissance navale, mais le lac de Papua comprenait d’autres provinces impériales. Ces provinces avaient déployé leurs forces, brisant les navires d’Arès. Pour Protésilas, c’était la fin de partie, mais il était l’héraut d’Arès, un Dieu connu pour sa cruauté, pour sa brutalité, pour sa sauvagerie lors des combats. La capitulation ne faisait pas partie de la doctrine d’Arès.

En se rapprochant de l’Arsenal, Protésilas tirait sur un chariot la croix où la Princesse était suspendue. Pâle et faible, elle respirait toujours. Les Olympiens s’en étaient assurés ce matin avant de mettre la croix sur le chariot, un chariot recouvert de paille et de bouts de bois. Marchant en avant, Protésilas vit les premières rangées de gardes papuans, qui froncèrent les sourcils en voyant la prisonnière. Les archers papuans retinrent également leurs flèches depuis les murs de l’Arsenal.

Protésilas se posta donc sur la place, à l’entrée du fort urbain, et attendit patiemment, accompagné de ses derniers régiments.

« C’est la Princesse ! La Princesse Rhian !
-  Par les Dieux, ils l’ont capturé !
-  Qu’ont-ils osé lui faire ?! »

L’indignation se mélangeait à la stupeur, tandis que Protésilas attendait. Fier et arrogant, il savait qu’il abattait sa dernière carte, mais il avait été formé ainsi, éduqué de cette façon. Son seul regret, c’était que cette  maudite elfette avait réussi à s’en tirer. Il avait ordonné à plusieurs de ses hommes de la retrouver, mais la ville était grande.

« Qu’avez-vous osé faire ? » tonna une voix en sortant du fort.

Fort et puissant, Herebos était le frère-aîné de la Princesse, une force protectrice qui veillait scrupuleusement sur elle.

« Herebos, je suppose ?
-  Libérez immédiatement la Princesse ! »

La nervosité ambiante était clairement palpable, amusant Protésilas plus qu’autre chose. Le redoutable despote se gaussait même de cette situation, un sourire narquois sur les lèvres.

« Vous nous avez battu, Papuans, félicitations ! Malgré notre attaque et nos troupes, mes forces se réduisent… Mais nous vous avons ralenti, tel était notre objectif. Car, pendant que nous nous sacrifions ici… »

Protésilas ne put achever sa phrase, car une flèche transperça la poitrine d’un Spartiate à proximité. Herebos était furieux, et ses yeux semblaient étinceler de rage, amenant Protésilas à un nouveau sourire moqueur.

« Nous vous massacrerons tous si vous ne libérez pas ma Princesse ! »

Protésilas sourit encore, à nouveau, tout en levant la main vers le chariot, transformé en bûcher.

« La mort plutôt que le déshonneur ! Nous mourrons, mais nous emportons votre chère Princesse avec nous !
-  Vous êtes fous ! »

Le sourire amusé de Protésilas devint alors plus sombre, plus sinistre, témoignant d’une démence prononcée, presque accrue.

« La mort plutôt que le déshonneur ! »

Et il abaissa alors la main, amenant les soldats autour du bûcher à allumer ce dernier !

La nuit, elle l’avait passé sur une terrasse en hauteur non loin de la demeure où on l’avait invité de façon un peu forcée, lui donnant une vue assez éloignée d’un lieu dont elle préfèrerait vite oublier. Le mouvement ne manquait pas du côté Olympiens ne manquaient, mais les planques aussi. Riniya savait que Protésilas ne pouvait pas se permettre d’étendre la zone de recherche pour chercher la misérable fuyarde qu’elle était, mais il ne pouvait pas non plus fermer les yeux en n’ordonnant pas que l’on la cherche. Il le savait, il cherchait une aiguille dans une meule de foin, à un tel point qu’au premier rayon de soleil, le calme semblait un peu revenu.

Du côté de Riniya, le repos fut assez rapide, et ce grâce à cette transe typique des elfes bien plus court, là où en temps normal, disons-le franchement, elle préférait largement roupiller comme le ferait n’importe quel mortel. Pas pour rien que cette feignasse appréciait autant ses temps de permissions ! Et pourtant, elle n’était pas restée les bras croisés, à regarder le soleil se lever à l’abri d’une véranda, gravant quelques symboles à l’aide d’un couteau de cuisine récupéré dans cette bâtisse sur l’une des flèches récupérées lors de son expédition avec la Princesse.

« Tu sais, à l’époque où j’étais au Bosquet, mon instructeur m’a limite appris à d’abord faire des flèches qu’à bander un arc. Vieux jeu qu’il était… Avec le recul, je comprends mieux pourquoi mon vieux s’entendait bien avec lui. Mais je suis contente qu’après toutes ses années, je n’ai pas perdu la main. C’est comme sa première fois, ça ne s’oublie pas. »

Elle souffla sur la flèche pour retirer les copeaux de bois examiner son travail, elle la posa avec quelques autres à côté d’une fiole de potion de soin vide.

« C’est du classique, comme avec l’enchantement, c’est aussi du classique. Mais faire du classique avec du classique ça reste quand même relativement efficace. Rien de personnelle Pauline, j’avais juste besoin de tes plumes pour me confectionner ça et comme tu passais par là. »

Son regard se porta sur une harpie, à moitié déplumé qui avait les frais cette nuit. L’elfe plissa les yeux en regardant le cadavre à moitié dépecé de celle-ci. Se faisait-elle autant chier que ça pour se mettre à parler à un cadavre au point de lui avoir donner un nom ? A croire que Popo à fait les frais d’une elfe qui avait besoin de décompresser de sa séance de torture. Ça aussi c’était sa première fois et ça ne s’oubliait pas !

« Et que tu sois mythologique ne change rien, tu ne restes qu’un gros piaf à mes yeux. Et la chasse, ça reste mon truc. Et la traque avec les moyens du bord aussi. Et entre nous, tes plumes sont si imprégner d’essence magique liée à l’air que ça aurait été du gâchis de te laisser vivre une journée de plus. »

Avec le temps sur Tekworld, et sa reconversion dans le mercenariat, la mentalité de Rin avait changé aussi sur un point : on ne revient pas un contrat après quelques blessures, même si après quelques potions de soin, elle ne cracherait pas sur plusieurs jours de repos. Hassoun lui avait confié la Princesse Rhian, à partir du moment où elle acceptait le rôle d’un mercenaire se devait de ramener la protégée à destination. Les deux seuls détails qui changeaient dans cette affaire, elle n’avait rien signé et encore moins parler de la paie avant l’exécution du contrat.

Elle ne put souffler qu’une heure après sa petite séance de sculpture sur bois pour ses quelques flèches, car il semblerait que le Polémarque ait ordonnée d’attaquer de nouveau l’arsenal. A en juger avec la croix avec la princesse dessus, il semblerait qu’il veuille mettre un coup au moral de l’armée en la présentant de cette manière. Si l’elfe avait eu le droit au fer, il semblerait que Rhian ait eu le droit aux clous. Attrapant ses flèches, elle les rangea dans le carquois olympien avant de suivre la petite armée au loin, de maison en maison, moment où l’elfe passa plus son temps à regarder le ciel pour éviter qu’une harpie lui tombe dessus et ce malgré l’abus de sa cape de camouflage optique.

Son avancé sur les toits des demeures ou maison laissa place à celui des entrepôts portuaires, où Rin rejoignit bien assez vite la seconde partie de l’armée de Protésilas et ce bien avant que le Polémarque n’arrive. Là où une armée devait traverser des rues, Rin n’avait juste qu’à couper à travers les bâtiments. Elle se posta à l’intérieur d’un entrepôt à une fenêtre en hauteur, où elle prit position, et se fut la capuche sur la tête qu’elle participa aux négociations. Ou plutôt aux hurlements des deux parties mais à un peu moins d’une centaine de mètres, c’était amplement suffisant pour entendre toute la discussion. Premier fait intéressant, pas de renfort ennemi de prévu, cette attaque ne servant que de leurre visiblement. Second fait, il comptait emmener le plus d’ennemi avec lui en provoquant le grand frère de la Princesse. Du moins, Rin le supposait, ses connaissances sur la royauté n’étant pas franchement très à jour. Et enfin, l’occasion se présenta à Rin puisqu’à un moment, elle tapota sur la flèche encochée où les runes inscrites commence à luire. Le sort de vent venait de s’enclencher si vite que même les lanceurs de sorts aux aguets réagiront trop tard. Simple, gadgets, mais efficace et mortel pour un tireur isolé.

« La mort plutôt que le déshonneur ! »

Il n’y avait pas plus sacré pour un guerrier que de mourir au combat mais il n’y avait pas plus ironique pour celui-ci de mourir assassiné par un tireur isolé quand il parlait d’honneur. Une tache de sang éclaboussa les pavés de la place, la flèche se figeant dedans entre deux pierres avec force, malgré la distance de la tireuse. Elle venait de le toucher au cou au moment où il s’apprêta à baisser le bras, la flèche venant de la direction opposée de là où il pouvait s’y attendre. Rin ne se faisait pas d’illusion, si ça ne l’a pas tué sur le coup, il allait bien vite se vider de son sang si personne ne l'aide et surtout, cela allait créer un bref moment de confusion le temps qu’un de ses seconds reprennent le commandement. Et pourtant, cela ne s’arrêta pas puisqu’une explosion ne tarda pas arriver dans les rangs ennemis non loin du bucher, Rin ayant décoché sa dernière flèche explosive pour créer davantage de brouhaha, la poussière de l’explosion ne tardant pas à se propager sur une petite zone. Il restait de s’approcher rapidement de Rhian mais même en s’agrippant à un endroit clés avec son grappin, les cinquante prochains mètres allaient être un véritable calvaire. Quoiqu’avec la zizanie provoquée, Rin avait dû déclencher les hostilités des deux parties avant que l’ordre ne soit réellement donné.

Une explosion résonna près du bûcher après la déclaration de guerre de Protésilas, cette sorte d’ultime provocation. Arès n’était pas un Dieu sage. C’était un Olympien, mais, contrairement à Athéna, qui était une Déesse sage, il incarnait le côté furieux et sauvage de la guerre. Ses serviteurs ne se rendraient pas, et, à la fin, ils préféraient mourir. Protésilas comptait donc emporter la Princesse de Papua ! La flèche explosive le surprit, et les défenseurs de Papua balancèrent une volée de flèches. Une flèche frappa d’ailleurs Protésilas sur le torse, au biceps droit. Il hurla en chavirant, tandis que les Papuans, menés par Herebos, s’élancèrent brutalement, se heurtant aux soldats olympiens. Des Minotaures rugirent également, et les archers papuans concentrèrent le tir sur eux, ainsi que sur les derniers cyclopes du polémarque.

« Faites-moi flamber cette salope ! »

Tandis que Riniya sautait de son promontoire pour se rapprocher, le bûcher s’enflamma alors. Rhian gémit lentement, clignant des yeux. Elle était très fatiguée, et sentit l’odeur de soufre. Le feu se répandait rapidement, et une épaisse fumée commençait à l’entourer.

*Non, non, non, non !!*

Derrière elle, Riniya se retrouva face à plusieurs Olympiens. Les Spartiates hurlèrent rageusement, et l’attaquèrent. Devant, d’autres Spartiates repoussèrent les Papuans en formant une épaisse ligne de boucliers, leurs lances jaillissant comme des morsures de serpents, transperçant les guerriers mijakiens. Herebos se dépêcha également, et concentra de la magie dans la paume de sa main, avant d’envoyer une boule de feu. Hélas, le Spartiate visé se protégea avec son bouclier, et, sur un chariot mobile, un archer olympien lui tira dessus. Manipulant son épée, il dévia la flèche d’un coup de lame, puis bondit en avant.

« Rhian ! Sauvez Rhian ! » s’époumona-t-il.

Herebos était autant le Prince héritier de Papua qu’un puissant guerrier. Il avait réussi avec succès ses classes militaires, il avait réussi quantité de campagnes militaires mijakiennes et de quêtes désespérées. Il ne pouvait pas laisser de simples fantômes tuer sa sœur ! Le guerrier attaqua alors, et se heurta à un Spartiate. Une lance jaillit vers lui, et il bondit sur le côté. La lance effleura ses hanches, mais il attrapa celle-ci avec sa main, et enflamma ses doigts. Le feu parcourut la lance, léchant le bois, et frappa le Spartiate, ouvrant une ouverture qu’il utilisa au mieux, envoyant une onde d’Air. L’air se déforme autour de lui, et le tir repoussa le Spartiate au loin.

Herebos courut ensuite, se rapprochant du bûcher. Des archers olympiens s’étaient agglutinés tout autour, tandis que Rhian continuait à hurler. Elle avait déjà craché un peu de sang, mais, devant l’imminence de sa mort, semblait retrouver sa vitalité. La chaleur montait furieusement, tandis que les brindilles continuaient à brûler, les flammes se rapprochant dangereusement de ses orteils.

« RHIAN !! »

Le Prince croisa encore le fer, et sectionna la jambe d’un soldat. Il lança ensuite une onde d’Air qui repoussa plusieurs flèches… Quand une masse le heurta sur sa gauche avec un bouclier. Il tomba lourdement au sol, et vit un homme armé d’une lance, les yeux écarquillés par la fureur, l’abattre sur lui. Herebos, sonné, roula sur le côté, évitant la lance qui mordit le béton, mais se reçut un coup de pied en plein visage. Il cracha du sang sous le coup, le pied étant après tout recouvert d’une botte métallique.

« Hahaha ! ricana Protésilas. Je n’ai peut-être pas réussi à tuer toute la famille royale, mais c’est là une modeste victoire !
-  Tu es fou ! »

Herebos avait perdu son épée, et Protésilas l’attaqua encore avec sa lance. Herebos, agenouillé, para l’arme avec ses mains, recouvertes de son armure. La pointe de la lance ralentit ainsi sa course, et effleura ainsi sa joue. Il grogna lentement, et serra sa prise. Les flammes crépitèrent autour de ses doigts, et il tordit ainsi la pointe de la lance. Furieux, Protésilas le frappa au visage avec son bouclier. Deux Papuans se rapprochèrent également, mais un Minotaure apparut alors.

Crachant du sang, Herebos était sonné, tandis que Rhian sentait les flammes se rapprocher...

*Non, je ne peux pas mourir ainsi, non !*

Merde ! Malgré le boucan qu’elle venait de provoquer, Riniya entendait encore Protésilas brailler, signe que la blessure ne devait qu’être superficiel ! A force de s’habituer à tirer avec une assistance de visée, l’archère ne pouvait qu’avouer avoir perdu la main dès qu’elle remettait la main sur un arc plus classique pour les tirs à longue distance. Le bon côté, l’explosion avait provoqué le début des hostilités des deux parties, suivi de près par le mauvais avec Protésilas qui ordonna malgré tout d’incendier le bûcher, quitte à en oublier le sens des priorités.

Rin de son côté, fondit bien vite dans le nuage de poussière, évitant au passage un coup de glaive de la part d’un soldat qui se demandait bien ce que faisait une archère isolée derrière les rangs ennemi. Il n’en saura pas plus, devant géré bien assez tôt une nuée de flèches venant de l’arsenal. L’elfe de son côté, profita de la poussière avant qu’il ne retombe pour enclencher la vision infrarouge de ses lentilles, pour éviter de heurter deux adversaires, tirant au passage deux flèches assez rapidement dont l’une fut visiblement mortel en arrachant la joue d’un de l’un d’eux. Ils n’avaient qu’à pas être sur son passage.

En sortant du nuage et surtout pour avoir gagner la moitié de la distance, elle fut attendu par des  Olympiens armés de lances prêtes à stopper sa lancée. Ou pas, car à en juger le bruit derrière elle, s’arrêter pour les affronter revenait à se faire encercler aussitôt après. A croire qu’ils auraient pu croire à une attaque suicide de sa part puisqu’elle en lâcha cet arc primitif pour ne tenir que le reste de flèche enchantée dans sa main, écrasant ses munitions pour que toutes les plumes de cette harpie soient réunis, et surtout se planter quelques échardes dans le creux de la main et que son sang rentre en contact. La magie élémentaire de Riniya avait beau n’être qu’être primaire, un catalyseur gorgé d’essence magique lié à l’air restait un outil à ne pas lui mettre entre les mains sous peine de le voir transformé en une arme mortelle. La preuve, l’onde qui suivi sur les adversaires qui l’attendait de pieds ferme ne fut pas elle, mais une lame d’air horizontal particulièrement acérée à un tel point qu’une tête vola, ainsi que quelques membres pour les guerriers qui avait eu le malheur de ne pas tenir assez leur bouclier. Le plus chanceux du lot se retrouva à terre, avec un bouclier avec une lardasse dessus, assez surpris d’avoir eu à faire à un sort qui ne pouvait pas être lancé par n’importe quel élémentaire. Elle le snoba, lâchant des plumes dorénavant en cendre : il y avait plus urgent que de l’achever à terre.

Le grand frère de la Princesse sembla en difficulté, et si Riniya aurait préféré se concentrer sur sa cible, le problème restait qu’elle allait faire face à ce minotaure dont le regard se tourna vers elle. A croire que l’elfe avait le chic à énervé les minotaures, car à en juger avec sa jambe en sang, sa lame de vent avait fini sa course un peu plus loin que le peloton d’hoplite. Elle n’avait plus trop le choix, car il représentait le dernier obstacle. Elle dû rouler en avant pour éviter de se voir balayer par un coup de hache horizontale. Elle attrapa son arc technologique qu’elle déplia d’un coup sec, augmentant au maximum l’intensité du faisceau énergétique. Son arme, elle l’avait mais ça ne figurait nullement dans le mode d’emploi concernant son entretien, surtout face à une hache qui pesait facilement la moitié du poids de l’elfe toute équipée !

« Je ne crois pas que ça soit garanti ça… »

Elle en a bloqué le coup de hache avant que son adversaire n’entreprenne de faire un second balayage, profitant du manque de force dû à l’élan, émoussant un peu la lame au passage face à ce rasoir venu tout droit d’une autre époque. Et pourtant, la ranger venait de sentir ce coup passé, voyant déjà arriver la prochaine attaque du minotaure qui était tout simplement utilisé sa main libre pour l’écraser. Grand bien lui fasse, elle avait ici l’occasion de le déséquilibré quelques peu en coupant l’alimentation de son arc, son arme forçant sur… plus rien en fait. Le coup de poing rata naturellement suite à cela, et il vit une elfe bien plus hargneuse que prévu lui bondir au visage suite à cela. Si elle n’arriva pas à le tuer, un énorme beuglement se fit vite entendre sur le champ de bataille : la ranger venait de réenclencher son arc énergétique, et venait de le frapper au visage au point qu’il venait d’en perdre sa truffe. Une blessure pas suffisamment mortelle face à un tel monstre mais suffisamment violente pour le faire hurler de douleur.

Il recula au point d’heurter le bûcher une bonne partie du bûcher, Riniya étant derrière à son cou après s’être agrippé à l’une des cornes pour ne pas chuter violemment. Elle venait d’atteindre le bûcher, mais pas forcément de la manière dont elle s’y attendait.

Le feu commençait à gagner sur tout le bûcher, et on entendait les craquements de bois. La fumée remontait, et piquait les yeux de Rhian, qui en avait des larmes de souffrance, inhalant de la vapeur. Elle éternuait régulièrement tout en ayant de plus en plus chaud. Herebos, de son côté, défiait le polémarque, qui ricanait furieusement.

« Je suis un guerrier d’Arès ! Le Dieu de l’Offensive, de la Destruction !
-  Un Dieu fou dans une croisade folle ! Tu crois que je te laisserai tuer ma sœur ?
-  Non, je vais te tuer avec elle ! »

Les lames se heurtèrent encore, et Herebos se recula encore. Il lança sa magie, mais Protésilas répondit avec la sienne. Deux ondes d’Air se heurtèrent entre eux, déformant le sol, et repoussèrent Herebos. Une flèche se brisa alors contre son armure, émanant d’un archer olympien. Ses hommes étaient concentrés sur le flanc, défiant un redoutable cyclope. Et Rhian, elle, continuait à voir les flammes se rapprocher. Herebos chercha une ouverture, et hurla de fureur, tandis que le polémarque récupérait un marteau de guerre, et l’attaqua encore. Il tournoya sur place, et le marteau manqua de peu Herebos, mais déforma le sol, provoquant une crevasse.

Rapide, Protésilas tournoya encore sur place, et heurta un soldat papuan venant en renfort. Le marteau le frappa sur les côtes, brisant plusieurs os dans d’horribles bruits de craquement, envoyant le soldat s’effondrer au sol. La situation devenait critique, et Herebos récupéra un bouclier, se protégeant du marteau. Le marteua de guerre heurta le bouclier, ce qui repoussa Herebos, faisant trembler son bras. Il tomba au sol, et constata, avec horreur, que son bras était tout ankylosé. Protésilas releva le marteau, et visa alors la tête d’Herebos… Qui se protégea avec le bouclier. Le choc fit trembler le bouclier, le fissurant en deux, et le polémarque ricana encore, semblant gagner en force.

« Ne le sais-tu pas, ignare sauvage ? La puissance d’Arès vient des batailles, du chaos ! Plus je me bats, et plus je suis fort, car JE CROIS EN ARÈS ! »

Il posa son pied sur le torse d’Herebos, et leva encore son marteau… Pour se recevoir brusquement une boule de feu émanant d’un mage-guerrier. Le tir repoussa Portésilas, qui sentit son armure le protéger. Herebos roula alors sur le côté, et courut rapidement vers l’ennemi. Il avait lâché son épée, et sa main griffue frappa l’homme au visage. Protésilas hurla de douleur en sentant les griffes lacérer sa joue, et son sang éclata sur le sol.

« J’emmerde un Dieu qui sacrifie une Princesse innocente pour le seul plaisir du chaos ! »

Herebos attrapa une dague à sa ceinture, et la planta dans le flanc de Protésilas. Celui-ci grogna alors, et envoya sa tête heurter violemment celle du Prince héritier, lui tordant le nez. Herebos recula donc, sonné, et Protésilas récupéra son marteau, un sourire haineux sur le visage, déformé par le sang s’écoulant de sa joue.

Le bûcher craqua alors. Le Minotaure venait de s’abattre dessus, et le bûcher bascula en avant… Ou, plutôt, la croix bascula. Rhian sentit les flammes lécher ses mollets, et hurla alors. Des cris déchirants pour Herebos, qui baissa sa garde… Ce qui amena Protésilas à le frapper au torse avec son marteau. La douleur éclata pendant quelques secondes dans le corps d’Herebos, qui décolla du sol, et tomba au sol, roulant sur place. L’armure était déformée par l’impact, mais il sentit rapidement le noir le saisir.

De son côté, Rhian, en sentant ses mollets commencer à brûler, hurla encore, les clous dans ses mains se tordant également. Elle releva la tête en voyant une silhouette se rapprocher. Riniya était là, et entreprit de la libérer, défaisant les cordes et tira sur les clous. Elle attrapa une Rhian silencieuse, qui toussait encore… Et une flèche transperça alors le dos de Riniya, ressortant de l’autre côté.

Elle tomba à la renverse, et Rhian heurta les pavés avec elle. Le Minotaure hurla alors en contournant le bûcher, et regarda les deux femmes, avant de lever sa hache, prêt à l’abattre sur les deux femmes… Mais Rhian n’était déjà plus là pour voir quoi que ce soit. Elle sombra dans l’inconscient… Et une lance transperça le crâne du Minotaure, un javelot projeté par un Papuan. Le Minotaure tituba sur place, avant de tomber lourdement à la renverse, vaincu.

Alors que la croix s’écroula, quitte à laisser quelques hématomes durement sentis à la Princesse suite à cette chute, Rin en profita pour se désengager rapidement de ce corps à corps particulièrement unique face à ce minotaure. Y rester davantage reviendrait à prendre le risque d’être saisi, dont le résultat serait prévisible. Elle le laissa hurler de son côté mais le garda à l’œil, sachant d’avance qu’il voudrait tôt ou tard faire de la bouillie de cette garce qui ne l’avait pas loupé. Rin aurait jouir de son rôle de pot de colle et de nuisible particulièrement vorace mais il y avait plus pressant sur le feu. Comme si c’était le moment de faire des jeux de mots à l’humour plus que douteuse…

Attrapant son couteau militaire, elle put voir au loin Herebos et Protésilas se battre à une vingtaine de mètres d’elle. Le second profita bien du fait que le temps joue contre le Prince pour prendre le dessus car même sans être maître d’arme, la ranger pouvait nettement les ouvertures de celui-ci. Peut-on réellement appeler cela un duel ? Braquer un flingue sur un otage, faire pression et demandé un duel soi-disant honorable n’avait d’honorable que pour celui qui fixait les règles ! A un instant, Riniya regretta même de ne plus avoir son pistolet sur elle et perdre quelques secondes pour lui tirer une balle dans le dos, elle était certaine que la Princesse lui pardonnerait cela quitte à avoir une brûlure de plus à la cheville. Regrettant de ne pas pouvoir se dédoubler pour poignarder dans le dos ce foutu Olympien, elle n’eut que d’autres choix que de coller la lame de son couteau sous le clou, et faire levier, quitte à écraser les mains, puis les pieds sans ménagement. Enfin, elle l’extirpa pour la trainer, avec la Princesse marchant comme elle le put vers ce semblant de ligne de front.  L’elfe savait que l’on ne poserait pas de question sur sa présence et son accoutrement assez spécial, mais au moins elle pourrait souffler.

Du moins, elle le croyait, car un évènement se produisit, celui de se prendre une flèche qui lui traversa le corps. L’elfe en oublia même la présence de Rhian qui chuta avec elle. Par réflexe, elle toucha le ventre, qui saigna lui aussi, comme si la flèche n’avait rencontré aucun obstacle pour finir sa course ailleurs. Magique ? Pour être rentrer comme du beurre et finir ailleurs, c’était le minimum, surtout que le bouclier énergétique n’avait ici, rien servi. Crachant du sang, elle se surprit un instant de ne pas tourner de l’œil directement après cette blessure et de ce moment, l’elfe en profita pour sécher un côté de sa blessure en imposant ses mains dessus. Sécher le sang qui en sortait revenait qu’à récoler les morceaux d’un pot cassé, mais faute de connaître la magie de soin, elle n’avait guère mieux. Le résultat fut assez mitigé puisqu’elle sentait encore du sang coulé sur sa colonne vertébrale, n’arrivant plus à se concentrer convenablement. Cela ne l’empêcha pas de sortir l’insulte classique de ce genre de situation.

« Quel est l’enfoiré de fils de pute qui a… »

Mal placée pour quelqu’un maniaque de l’embuscade… Qu’elle ne soit qu’à moitié ne changeait rien à la situation si ce n’était qu’elle se savait plus bonne à grand-chose avec cette perte de sang qui n’allait pas tarder, n’étant même pas sûr qu’un organe vital en ait réchapper. Bref, qu’une question de minutes avant qu’elle ne passe l’arme à gauche ! En voyant arriver le minotaure fou furieux, elle pensa même s’être trompé de réponse pendant une fraction de seconde. La chance, ou l’opportunisme d’un des soldats papuens suffisamment fort mais surtout assez intelligent pour voir que l’intention de la bête occuper ailleurs pour tenter un tel coup mis fin aux ses pensées pessimistes de l’elfe.

Mettant la Princesse sur ses deux épaules, Rin commença à avoir le goût du sang dans la bouche, un signe qu’elle en faisait trop, pour pouvoir commencer à courir comme elle le put vers la ligne de front. Nul doute, même s’il semblait victorieux de son duel non mérité, que de voir arrivé l’elfe arriver vers les soldats papuens qui avait rendu mouvementé son dernier repos avant sa dernière bataille, il n’allait pas apprécier la nouvelle. Il ne restait plus qu’aux papuens de prier leurs Dieux pour que cela leur donne plus de ferveur pour le combat car, dans cet état, elle ne pouvait pas beaucoup aider le Prince et pourtant, ce n’était pas l’envie qui lui manquait. Foutu archer va !

Le marteau de Protésilas tournoya dans les airs, et Herebos bondit en arrière, évitant l’arme en rentrant son ventre. Son adversaire ricana encore. Les Spartiates n’étaient pas comme les Athéniens, ils étaient formés dès l’enfance à la guerre, grandissaient dans un environnement violent, sévère, dur. Toute cette colère emmagasinée en eux ressortait lors des batailles. Le marteau continuait à se déployer, et Protésilas l’abattit sur Herebos, qui l’esquiva à nouveau, et tenta de l’attaquer sur le côté… Mais Protésilas bondit à son tour, et décrivit un mouvement d’arc-en-cercle avec son arme, qui heurta ensuite douloureusement Herebos sur la hanche. Son armure explosa sur place, se fissurant, et il grogna en tombant au sol, chavirant à terre. Du sang s’échappait de ses côtes, et il éternua ensuite, tandis que Protésilas tournoyait son marteau.

« Haha ! Le frère et la sœur, je mourrai en héros spartiate ! Ma gloire est enfin retrouvée !
-  Tu es fou ! »

Protésilas ricana encore, et s’apprêta à abattre son marteau sur le crâne d’Herebos…

De son côté, Riniya avançait en traînant Rhian. Très affaiblie, la Princesse avait les poumons en feu, les plantes des pieds légèrement calcinées. Des Spartiates se rapprochaient malheureusement des deux femmes, tandis que les Papuans étaient retenus. Un archer visa la femme, et décocha une flèche… Qui fut alors déviée par une lame. Fallah Amari venait d’arriver ! Redoutable soldate, elle était la garde du corps de Rhian, et ses yeux étincelaient de fureur.

Elle ordonna à Riniya d’escorter Rhian, celle-ci se chargeant de les couvrir. Avec son épée, elle repoussa une lame ennemie, tournoya sur place, et cisailla l’ennemi dans le dos. Rapide et mortelle, elle était aussi puissante, et tendit sa main, envoyant une boule de feu à l’aide d’une rune magique. Le feu frappa le soldat, l’enflammant sur place.

…Et Herebos vit Protésilas orienter son arme… Quand une flèche le frappa de plein fouet, à hauteur du cou. Ses yeux s’écarquillèrent, et, surpris, Protésilas en lâcha son arme de guerre, qui tomba sur le sol, tout en attrapant la flèche. Elle s’était plantée dans son cou, et il s’y crispa, cherchant à savoir quoi faire. Herebos aurait bien voulu se refuser, mais des morceaux d’éclats de son armure s’étaient enfoncés dans sa chair. Il saignait de plus en plus, et cligna des yeux encore, éternuant sur place.

Protésilas se recula donc, gémissant faiblement, avant qu’une femme n’approche, et ne le décapite d’un coup sec. Sa tête s’envola, et rebondit sur le sol, à côté d’Herebos, qui vit ensuite Fallah se rapprocher de lui.

« Fa-Fallah… »

Puis, comme Rhian, Herebos tomba au sol, épuisé.
Quand Rhian émergea, elle était allongée dans l’un des dispensaires médicaux de l’arsenal. Elle regarda autour d’elle, sentant des bandages serrés autour de ses jambes, de ses pieds, de ses bras. Elle respirait lentement, un peu sonnée par les médicaments et les élixirs qu’on avait utilisé sur elle.

Regardant autour d’elle, elle se demanda surtout où était Riniya. S’était-elle rétablie plus vite qu’elle ? En notant les vitraux au mur, elle se dit que le dispensaire avait dû être établi en urgence dans l’église de l’arsenal, afin de pouvoir accueillir les victimes…

Transportant la princesse, Riniya commençait à voir ce massacre tourner au ralenti dans sa tête, où chaque coup pouvait pleuvoir de chaque côté, et plus précisément dans ses angles morts. Le combat entre le Prince et Protésilas, cet archer qui commença à viser les deux femmes, elle n’en perdit pas une miette si ce n’était que l’elfe savait qu’elle ne pourrait pas l’esquiver ou la parer. Compter sur son bouclier ? Il est H.S en ce moment, et le seul bouclier qu’elle avait de disponible en ce moment même, était de sang royal et elle se la devait de protéger jusqu’à destination. Elle serra les dents en se demandant qui de Rhian ou elle était visée. L’elfe se surprit même de fermer les yeux en sachant que si c’était elle qui était visée, dans l’état où elle était, ça serait son dernier instant. La flèche fut déviée par une guerrière qui venait de surgir de la mêlée.

La ranger ne s’éternisa même pas sur sa sauveuse, et elle ne savait même si les ordres de celle-ci atteignaient réellement son cerveau puisqu’une seule chose comptait à cet instant, rejoindre l’arrière front. Si tant soit peu il y avait un front tellement la situation atteignait un tel chaos… Le pire à noter dans cette histoire ? Rin ne se rappela même pas de l’avoir atteint. Avec le recul, elle comprit plus tard que des soldats avaient pris le relais pour la Princesse, mais aussi elle en second lieu après avoir tourné de l’œil après tout le sang qu’elle ait perdu. Le plus triste ? Elle ne verra même pas Protesilas se faire toucher par une flèche et encore moins sa décapitation. C’était la punition de l’elfe de l’avoir loupé dès le début des hostilités, et surtout de se ramollir en ne se fiant qu’à la technologie depuis des années.

Un réveil douloureux parmi des gémissements d’innombrable blessés, bien loin de la chaleur douce que pouvait procurer un miracle béni par les Dieux pour soigner les vilaines blessures. Rin sursauta alors qu’un prêtre et son novice lui prodiguait des soins à base d’alcool et d’herbes, et où à la fin on se demandait qui avait sursauté le plus dans cette histoire.

« Calmez-vous, vous êtes en sécurité maintenant. »

Elle toussa, recrachant encore un peu de sang qu’elle avait dans sa bouche avant de se rallonger en grimaçant. Rin était à même le sol, en plein milieu de ce qui semblait être une église, reconverti en hôpital de fortune pour soigner des blessés en masse. Certainement l’une des églises du quartier, voir peu être celle de l’arsenal. Les hostilités avaient tout l’air de s’être calmé dehors, remarquant seulement à ce moment-là que l’on lui avait ôté son cerf tête, quand elle s’apprêtait à l’utiliser pour avoir la réponse elle-même. Le novice l’aida à se lever pour facilité le moment où le prêtre lui banda le dos.

« Je suis navré, mais on ne peut pas faire mieux pour le moment. »

Rin comprit assez vite que les pouvoirs divins n’était toujours pas revenu à un stade potable pour utiliser convenablement des sorts de soin d’origine divine. Elle ne lui posa même pas la question, ça serait remué le couteau dans la plaie de demander à un croyant proche de son Dieu s’il faisait ou non la sourde oreille.

« La Princesse, comment-va-elle ? Je l’ai ramené à bon port mais… »

Mais j’ai un peu failli concernant son état ? Quand Hassoun lui avait confié, ce n’était pas pour lui donner un aperçu du sort que connaissait une merguez pendant un barbecue party .

La capitale avait été attaquée, et, à l’aube, on put constater les dégâts. La bataille avait fait rage dans le lac de Papua, et d’autres escarmouches avaient encore lieu. L’armée papuanne avait pu rétablir l’ordre et la sécurité dans la ville. Rhian était blessée, elle avait brûlé à hauteur des jambes, et, quand elle émergea, ce fut pour voir que Fallah était scrupuleusement proche d’elle. Riniya ne tarda pas à se rapprocher aussi, mais, fort heureusement, aucune brûlure n’était trop grave. En revanche, les poumons de Rhian avaient été intoxiqués par la fumée, et elle devait rester au lit, et au repos, dans un environnement pur et sécurisé.

« Merci, Fallah… Et… Merci à toi, Riniya, tu… Je peux dire sans trop me tromper que tu m’as sauvé la vie lors de cette folle nuit… »

Elles avaient traversé toute la ville ensemble, défiant quantité de monstres olympiens. Maintenant, la contre-attaque allait sonner, car les Olympiens se regroupaient autour de Mijak. L’armée papuanne allait remonter le long de la mer avec les autres armées locales. Une flotte qui allait déferler sur la capitale pour protéger celle-ci. Rhian ne pouvait toutefois pas en faire partie, et Fallah comptait désormais rester ici. Herebos, de son côté, avait aussi été blessé, mais était prêt à repartir. Il avait reçu un solide coup de marteau, et était opéré. Des éclats d’armure s’était plantés dans sa chair, et, même s’il était prêt à repartir, les médecins étaient peu confiants. En soi, c’était un miracle qu’il n’ait eu aucun poumon perforé.

Rhian reprenait donc ses esprits, et dormit à plusieurs reprises, tandis que Riniya avait désormais le choix. Allait-elle s’arrêter ici, ou rejoindre la capitale ? Rhian fit part de ses visions dans le temple, avec Horus, du fait que les autres panthéons ne souhaitaient pas encore intervenir par peur de détruire le monde.

« Horus… Les Dieux comptent sur nous. Il faut rejoindre la capitale… C’est là que la bataille décisive aura lieu…
-  Pour l’instant, vous devez vous reposer, Princesse ! »

La Princesse était effectivement épuisée, et il allait falloir reconstruire la capitale. Son père comptait rejoindre l’Île Centrale, au cœur du Lac, afin d’entamer très rapidement la contre-attaque. Papua avait perdu beaucoup de bâtiments navals, mais disposait encore d’une flotte suffisamment conséquente pour remonter jusqu’à la capitale. Les Dieux avaient assiégé Mijak, ils allaient le regretter ! Quant à Riniya… Celle-ci n’était pas Papuanne, et n’avait donc aucune obligation d’y aller.

Plusieurs jours passèrent donc, et Herebos réussit à sortir de son lit. Délesté de son armure, il avait des bandages sur une bonne partie du corps quand il retrouve Riniya. Elle était dans un couloir surplombant un jardin avec vue sur la mer, assise sur un rebord, le vent marin frais remuant ses cheveux, le bruit des goélands résonnant dans la baie.

« Nous continuons à poursuivre les derniers Olympiens. Je n’ai pas encore eu l’occasion de vous remercier en personne pour votre aide, Riniya Enven. Ce que vous avez fait pour ma sœur est incroyable, et nous vous sommes redevables. Malheureusement, cette guerre n’est pas terminée. »

Herebos se rapprochait d’elle.

« Avez-vous décidé de ce que vous ferez ? Je ne vous cache pas que votre aide nous serait précieuse, mais je ne saurai vous commander de nous suivre… »

Si des « ça va me coûter un bras en chirurgie esthétique pour dégager ses deux cicatrices » ou « si je chope l’enfoiré de fils de pute qui m’a fait ça, il va regretter d’être née » avaient raisonnés dans la pièce où Riniya s’était réveiller quelques heures plus tard, son état de santé ne devait pas être si alarmant et il s’agissait qu’une question de jours avant qu’elle ne puisse reprendre les armes. Et pourtant, ses quelques jours, elle ne chôma pas. Les Dieux de l’Olympe venaient de mettre un si gros bocson qu’il n’y avait pas moyen de recontacter Auris, voir même Tekworld tout simplement après avoir récupéré son transpondeur inter dimensionnel à l’auberge. Inutile de s’y connaître dans ce domaine, elle mit cela sur le dos de failles trop instables.

Bien sûr qu’elle avait d’autres questions, mais par rapport à d’autres, certains pouvaient même dire qu’elle avait la tête vide comparé à eux. Qu’en est-il de Lumanis ? En temps normal, elle dirait qu’elle n’avait que faire de son ancienne nation, ne leur devant plus rien mais pour la première fois, elle eut une petite pensée pour sa sœur. L’idée de retourner à la Confédération lui avait bien traversée l’esprit mais l’Ondine qu’elle avait invoqué l’autre soir, lui avait susurrer que les eaux pour y retourner rapidement comportait un risque non négligeable. Hormis cela ? Peut-être Auris mais ça reviendrait à plus penser à « sa zone de confort » qu’à véritablement autre chose. Depuis la perte de son escouade dans ses terres sableuses il y a longtemps, Rin avait toujours fait en sorte de s’accrocher seulement qu’un minimum aux gens, en bonne partie dû à son boulot de mercenaires où tout peut arriver. Un minimum car il n’y avait pas mieux que de jouer les insociables pour finir sociopathes. Rien de tel que parler et connaître des gens pour garder les pieds sur terre !

Le dos appuyé sur l’un des piliers du couloir surplombant le jardin, Rin n’avait rien de trouver de mieux que poser ses fesses sur le rebord pour profiter de la brise maritime. D’abord pour regarder pour la troisième fois son générateur de bouclier intact, avec l’incompréhension total sur la raison pour laquelle il n’avait pas fait la partie de son taf, avant de laisser tomber toute idée de se creuser davantage la tête. Ce n’était pas en visitant une troisième fois le champ de bataille pour trouver cette foutue flèche parmi tant d’autres qu’elle aurait sa réponse.

Elle soupira, emboîtant l’appareil à sa ceinture pour profiter de ce quoi elle était venue : la vue et l’air reposant, donnant ailleurs qu’une vue sur une myriade de blessés comme c’était le cas devant n’importe quel église ou hôpital de campagne. Plus agréable aussi.

La ranger ne fit pas attention aux personnes qui passaient près d’elle, et lorsque le Prince commença à s’adresser à elle, se fut du coin de l’œil qu’elle le regarda. Le geste ne dura qu’une demi-seconde, le temps de se retourner et d’être plus présentable, avant que cela ne soit considéré comme une gaffe d’étiquette. Elle le laissa terminer.

« Cela me touche Votre Altesse, mais je n’ai fait que ce que votre Capitaine m’a assignée en période de crise. »

C’était du protocole, même si certains diraient aussi de la modestie. En réalité, c’était tout autre, Rin ne préféra ne pas trop s’en vanter, car elle n’avait pas ramené la Princesse indemne.

« Je n’arrive plus à contacter d’autres dimensions, alors j’ai pensé à un moment retourner à la Confédération pour au moins ma sœur. Mais j’ai quelques affaires à régler avec les Dieux de l’Olympe et je me dis que ça reviendrait au même si j’allais à Mijak. La distance en moins. »

La distance, ça fait tout et ce n’était pas comme si c’était un détail. C’était LE détail, à un point qu’elle lâcha un petit sourire détendu pour celui-là. Et aussi le fait d’être potentiellement accusée d’être déserteur, parce que la prescription, à la confédération, cela ne devait pas exister.

Elle savait qu’elle serait grassement récompensée pour la tâche d’y à quelques jours, mais elle ne comptait pas partir à poil pour Mijak. Rin se montra plus prudente pour ce qu’elle s’apprêtait à dire, regardant le couloir pour voir s’il n’y avait plus personne qui auraient les oreilles indiscrètes.

« La Princesse vous a-t-elle expliqué pour la tâche que m’a confié Shevarah, et du cadeau qu’il m’a offert ? J’ai entendu dire qu’à l’Arsenal, vous aviez mis la main sur quelques « caisses de matériel interdits ». Je sais que c’est beaucoup demandé, mais si c’est pour traquer les Dieux et vous suivre, je souhaiterais regarder cela de plus près. »

Cadeau… Rin ne le cachera pas, il était empoisonné pour l’obliger moralement à participer à une bataille. Un cadeau qu’elle n’avait pas encore eu l’occasion d’utiliser, et à Mijak, elle savait qu’elle allait en trouver au moins un sur qui le tester.

Herebos savait que Riniya venait d’un autre Rayon, d’un autre Monde-Cœur… Comme beaucoup de dirigeants mijakiens, il savait que les histoires de la Cosmogonie étaient réelles, et que le Multivers n’était pas qu’une notion purement théorique. Riniya ne pouvait pas retourner chez elle en l’état, car les Portails ne fonctionnaient plus très bien, et, à défaut, elle souhaitait pouvoir examiner le matériel olympien que les Papuans avaient récupéré, tout en rappelant à Herebos son aventure mystique, et la vision qu’elle avait eue de la part de Shevarash, l’Archer Noir de la Seldarine.

« Rhian l’a évoqué, mais elle est encore très épuisée. Elle m’a dit qu’elle avait rencontré une manifestation d’Horus, l’un de nos Dieux. Je souhaiterai entendre votre version, si cela vous sied. »

Riniya lui parla de cette vision, du fait que les Dieux des autres panthéons ne voulaient pas intervenir par peur de déclencher une guerre sainte qui ravagerait Terra, et du fait qu’ils s’en remettaient à l’humanité. Elle lui expliqua également que le problème des Olympiens venait des Maux de Pandore. On avait ouvert la Boîte de Pandore, et cela avait contaminé les Olympiens. Herebos écouta tout cela silencieusement, et, quand Riniya eut fini son discours, une moue soucieuse barra son visage.

Il était nerveux, indubitablement.

« Je vois… Cela explique tout, alors. »

Herebos remua nerveusement. Il allait devoir en parler à son père et à d’autres personnes. Il observa encore les jardins, et le bras de mer au loin. Les navires affluaient rapidement, libérant des marchandises et des soldats. La bataille n’était pas encore totalement terminée, les Olympiens disposaient encore de bastions ici et là, et il fallait tuer les monstres qui hantaient encore la ville. Herebos resta silencieux encore un peu, avant de reprendre :

« Si les autres panthéons s’en mêlent, nous perdrons tous… Les Maux de Pandore… C’est une allégorie, Riniya, pour désigner la corruption des Grands Anciens. C’est ce que dit l’Ordre Divin. Les Olympiens ont scellé la corruption des Grands Anciens à l’aide de l’âme innocente de Pandore, une Céleste… Si les autres Dieux s’en mêlent, ils accompliront la volonté des Grands Anciens. Une bataille divine risque de fracturer les murs des dimensions, et de leur offrir l’occasion de s’enfuir ! »

Ce témoignage de l’elfe expliquait bien des choses. Il fallait aller en Olympe, et il fallait en parler à l’Empereur ! Mais, pour l’heure, Riniya souhaitait avoir accès aux stocks d’armes.

« Allons à l’entrepôt, c’est là que nous stockons tout ce que nous avons récupéré. J’ignore ce que vous cherchez, mais vous y trouverez peut-être des éléments utiles. »

Ils rejoignirent en chemin l’aile médicale, où Rhian était en train de dormir. Herebos caressa doucement son visage, et l’embrassa chaudement sur les lèvres. Le Prince descendit ensuite l’escalier, en compagnie de Riniya, et le duo rejoignit la cour de l’arsenal. Il y avait ici et là des traces de luttes. La bataille avait fait rage ici aussi, et l’arsenal avait été sécurisé dans la nuit après une double attaque, venant à la fois de la mer et de la ville. Des murs avaient été endommagés, et des traces de sang jonchaient le sol ici et là. Des chariots se déplaçaient régulièrement en convoyant les cadavres. La ville organisait sa reconstruction.

Traversant la cour pavée, Herebos rejoignit un entrepôt surveillé par plusieurs gardes. D’autres gardes se trouvaient à l’intérieur. Il y avait des caisses de matériel olympiennes, mais aussi des armes, des boucliers, des armures, ou même des artefacts magiques que les Papuans avaient récupéré sur les cadavres. Chaque corps était fouillé, que ce soit un soldat olympien ou un monstre, afin d’y récupérer tous les éléments utiles.

« J’espère que vous y trouverez votre bonheur, Riniya… Faites-vous plaisir, nous vous devons bien ça. »

Riniya savait qu’elle pouvait représenter une menace potentielle pour un Dieu, raison pour laquelle elle avait pris le soin d’utiliser ce pouvoir divin à tord et à travers pour ne serait-ce que sa propre santé. Un tireur isolé était si vite arrivé et elle en avait fait les frais. Après tout il n’y avait pas mieux qu’un pouvoir d’origine divine pour blesser voire tuer un être divin. Même sans l’utiliser, elle avait fait les frais de sa technique habituelle.

« J’ai pris soin de ne pas encore utiliser cette flamme divine, pour éviter que n’importe qui ressente la présence d’une force divine. Et en dehors de la Princesse et de vous, personne n’a connaissance de cette information. »

En espérant que son utilisation soit instinctive, sinon les résultats ne risquaient pas d’être très probant. Elle hurlera le nom moment venu, après tout ça fonctionnait bien dans les shonens… Il n’y avait pas grand-chose d’autres à rajouter et elle suivit le prince jusqu’à l’aile médicale, où Rin attendit à l’entrée pour le laisser seul avec sa sœur. Elle ne se mêla pas de ce moment intime, préférant regarder un acolyte donné une potion à un soldat d’une trentaine d’années. Quand le Prince sortit, elle le suivit.

« A l’époque où je travaillais pour la Confédération, j’enquêtais beaucoup sur les transits de technologies étrangères, même si cela n’était pas de mon ressort. Avec ce qu’à pu sous-entendre Hassoun l’autre jour avant qu’il me charge de protégé la Princesse, je suis heureuse de savoir que les provinces impériales luttent aussi contre ce fléau et aille au-delà des préjugés que j’aurais pu avoir il y a longtemps. »

Une fois dans la pièce, Riniya ferma quelques instants les yeux pour ressentir la présence de divers objets magiques. Combien de marins rêveraient de pénétrer dans ce hangar sans aucune surveillance pour détourner quelques objets et boucler plus facilement ses fins de mois ? Et pourtant, ce n’était pas ce qu’elle cherchait, cherchant d’abord des caisses à priori hermétique de son côté, le sel marin et la technologie faisant rarement bon ménage. Elle en sortit son couteau pour décoller une caisse et y trouver de l’armement moderne. Les douanes avaient fait un travail merveilleux pour mettre la main sur ce genre de caisses, souvent livré à des petits groupes de pillards. Si elle trouva son bonheur ? De la technologie d’Uatis alors oui, son bonheur, elle l’avait puisqu’elle avait de quoi se rééquiper… avec même quelques petits cadeaux en plus telle que des gants magnétiques et les mines collantes miniaturisés qui allaient avec. Rin croyait ses véroles interdites même à Tekworld pour une histoire de convention. Alors heureuse, oh que oui, à un tel point qu’avec sa petite taille, elle dût se pencher et mettre son ventre sur la caisse pour regarder à l’intérieur, quitte à offrir une vue bien moins protocolaire au Prince puisqu’il ne verra pas que son dos. Plus que ses fesses seraient la bonne définition.

« Si je trouve mon bonheur ? Avec ça et le carquois de flèches à l’entrée que je dois réadapter à mon arc, je pense que c’est plus que nécessaire. Mon seul regret c’est qu’il n’y a pas l’air d’avoir de matériel de soin. »

Elle se reprit, le sens de sa phrase pouvait inciter à penser qu’elle cherchait à pousser le Prince à utiliser ce matériel pour son peuple. Elle finit par être plus présentable, cessant sa fouille pour lui faire face.

« Pour votre sœur. Ou… même pour vous. Il y a de ses seringues à base de nanites plutôt efficace, même si ça altère un peu la magie le temps qu’elles se dissolvent dans l’organisme. »

Inutile de tourner autour du pot, pour avoir fréquenté les couloirs proches de ceux de la royauté, les bruits de couloirs concernant la blessure du Prince, l’elfe les avait entendus. Même si cela avait été discret, le serre tête qu’elle portait ne servait pas pour la décoration mais à amplifier certains bruits. Son regard se porta sur la blessure de Herebos.

« Même si les prêtres ont été relativement discrets sur le sujet, j’ai entendu dire que cette blessure était plus grave qu’elle ne le laissait croire. Je veux dire, même si je n’éprouve aucune fidélité envers l’Empire, ça serait navrant de perdre un bel homme tel que vous. »

Elle essayait de faire du gringue là ? C’était possible, Riniya faisait parti de celle qui ignorait ce qui pouvait se passer le lendemain, ce qui l’obligeait souvent de vivre au jour le jour. Bon après, qu’il soit Prince ou pas, ça l’obligeait de trouver un juste milieu sans que cela n’aille à la provocation. La preuve, en temps normal, elle aurait été bien plus allumeuse et n’aurait pas hésiter à toucher la blessure. Mais on ne touche pas un Prince sans son autorisation. Et dans le pire des cas, elle pourra toujours sortir l’excuse que l’on ne sait pas ce qui les attends sur le champ de bataille pour esquiver la remarque qui pouvait la remettre à sa place sans que cela ne fasse (trop) bizarre.

Herebos sourit doucement devant le compliment de l’elfe, tout en devant aussi bien admettre que le côté contre les Olympiens ne l’avait pas laissé indemne. Les antidouleurs et les élixirs l’aidaient à tenir, ainsi que l’opération qu’il avait reçu, mais ça avait été miraculeux. Riniya était prête à l’aider avec des nanites, une technologie futuriste. L’entrepôt comprenait de fait des armes de contrebande, venant d’autres planètes. Sur ce point, Lumen et Mijak partageaient des conventions similaires. Jadis, ces technologies étaient transmises aux Eldois, mais, maintenant que l’Eld n’existait plus, les autorités devaient les transmettre aux autorités centrales… La Couronne pour Lumen, l’Empereur pour Mijak. La famille royale appliquait cette règle sans trop rechigner, car les technologies anachroniques perturbaient le bon déroulement des choses. Pour autant, la contrebande existait toujours, donnant lieu à quelques surprises.

« Aucun homme au monde ne refuserait qu’une belle elfe inspecte son corps… Mais vous avez raison, j’ai reçu un solide coup sur la hanche. L’armure m’a protégé, mais elle s’est brisée, et j’ai eu des éclats plantés dans le corps. Nos chirurgiens les ont extraits, et, fort heureusement, je n’ai aucun poumon perforé. Ceci étant dit, je suis en convalescence, et les points de suture risquent de sauter. »

À ce stade, les simples plantes médicinales et les élixirs avaient été insuffisants, ils avaient juste fait office d’anesthésique pendant que les guérisseurs opéraient. Pour le coup, il s’agissait de techniques médicinales modernes, témoignant d’un niveau technologique plus élevé que ce qu’on pourrait croire de prime abord. Ceci étant dit, Herebos n’était pas fou au point de prendre des technologies venant d’ici, car ils ignoraient encore leur fonctionnement.

« Tu n’auras qu’à en parler avec l’apothicaire qui se charge de moi lors de notre séjour à l’Île Centrale. Viens, je vais te montrer. »

Ils se mirent à nouveau à marcher, et grimpèrent un escalier, qui les amena sur le mur d’enceinte entourant l’Arsenal. Les soldats ne manquèrent pas de saluer Herebos. Le Dauphin était un guerrier courageux, qui avait fait ses classes militaires. Il était très proche des soldats, soucieux de montrer le bon exemple. C’était un homme de valeur, un guerrier redoutable et un meneur d’hommes, ce que la jeune femme pouvait réaliser en voyant le profond respect dans les yeux de ses hommes.

Le duo rejoignit l’extrémité du mur, où il y avait un petit promontoire permettant d’observer le lac. Véritable mer interne, l’eau s’étendait au loin, et Herebos pointa son doigt vers un petit îlot rocheux. Avec ses yeux d’elfe, Riniya devrait percevoir plus facilement cette île.

« Jadis, toute cette région était en guerre. Différents royaumes indépendants s’affrontaient les uns les autres pour contrôler cette mer. L’Empire est ensuite arrivé et a pacifié les choses. Au centre de la mer, il y a une île sacrée, une sorte de sanctuaire avec un temple. De tout temps, nos ancêtres s’y rendaient pour signer des trêves, et c’est dans ce sanctuaire que l’Empire a mis fin à la guerre et a unifié tous les royaumes sous sa bannière. C’est là que je dois me rendre, Riniya, en compagnie de mon père. Nous planifierons notre contre-offensive contre les Olympiens, ce qui nous conduira jusqu’à la capitale. »

Herebos reprit ensuite ses esprits, et posa machinalement sa main sur sa hanche. Malgré l’opération et les élixirs, des pointes de douleur revenaient régulièrement, comme pour lui rappeler à quel point il avait souffert.

« Tu pourras m’examiner pendant le trajet, si tu as des compétences médicales. Je ne suis jamais contre plusieurs avis médicaux. Mais, si tu as des produits utiles, la priorité resta Rhian… Quand je pense que ces salauds comptaient la brûler… »

Le Prince baissa la tête, serrant ses poings sur le parapet. Quand il releva la tête, on pouvait voir que ses yeux s’étaient doucement illuminés. Des larmes de joie, de fierté !

« Elle est plus forte que ce que mon père pense… Elle a réussi à traverser toute la ville ! Crois-moi, lorsqu’elle se réveillera et qu’elle apprendra que nous sommes partis sans elle, elle sera furieuse ! »

Seulement du Rayon X et surtout l’initiative de le faire, Riniya pouvait le faire sans même éveiller les soupçons avec ses lentilles mais encore fallait-il en avoir l’idée sur le moment… De toute manière, elle préférerait voir la blessure de ses propres yeux pour ne pas bâcler le bilan, et devra attendre encore un peu. Mais alors que le Prince parlait, il y avait peu être moyen de facilité la convalescence lorsqu’il lui parla de l’apothicaire. La ranger ne prétextera jamais s’y connaître plus qu’un apothicaire royal mais… son intuition lui disait qu’elle allait certainement revenir ici dans les prochaines heures. Lorsque le duo quitta cette pièce de l’Arsenal, elle ne put s’empêcher de la regarder une dernière fois.

« Pour avoir vu comment était outillé ce marchand, ce al Hassein, si l’alchimie est toujours autant un hobby de nobles, je veux bien parier ma solde qu’il y ait des herbes ou autres plantes qui n’ont rien à faire sur Terra dans votre entrepôt… »

Surtout que peu de soldats devaient se vanter d’être herboriste lors des contrôles. Elle savait reconnaître des plantes, savait les utiliser de façon les plus rudimentaires mais l’alchimie ne restait pas sa spécialité. A la fois la flemme, mais aussi que sur un front, elle ne pouvait pas se permettre de transporter du matériel ou surveiller une distillation.

La scène concernant les soldats la rendit quelques peu nostalgique. Nostalgique car on dirait elle lorsqu’elle servait la Confédération, quelques peu car à la fin avec la friction que la ranger avait avec ses supérieurs directs, elle représentait tout le contraire et si le salut était toujours présent pour éviter l’insubordination, la motivation l’était moins. Il a fallu que Riniya se fasse recruter par le responsable d’un groupe de mercenaire par le fruit du hasard pour lui redonner la motivation, même si à la première rencontre elle avait passé pour une espionne d’Uatis qui avait passé la frontière incognito.

L’île était à peine visible à l’œil humain, mais pour Riniya, elle ne put qu’apercevoir tout en plus que quelques falaises rougeâtres, c’est-à-dire pas beaucoup plus. Maintenant qu’Herebos en parlait, l’elfe en avait entendu parler lors d’une discussion entre plusieurs voyageurs sur son trajet avant d’arriver à Papua, mais s’était peu intéresser au sujet.

« Quand vous dites « planifier la contre-offensif », vous voulez dire avec plusieurs autres royaumes de Mijak j’imagine. Dois-je comprendre qu’il y a un dispositif pour communiquer à distance ou quelques choses de ce genre qu’Olympe ignore ? »

Le Prince voulait sa présence sur les lieux, Rin l’avait compris. Comme elle l’avait dite auparavant, elle ne devait plus rien à Lumen, si ce n’était sa présence de sa famille, et les affaires personnelles étaient toujours censé passer en second plan. Même si elle ne cita pas la Confédération de Lumen, il était facile de lire entre les lignes puisqu’elle ne cachait pas qu’elle en restait native.

« Et qu’il y a potentiellement autre chose sur place qu’un état-major. Sinon vous ne demanderiez pas ma présence sur un lieu qui n’a qu’à priori, qu’une valeur symbolique. »

Il n’était pas obligé d’y répondre, sa réponse elle l’aura tôt ou tard, une fois sur place. Si cette information se devait être stratégique, Rin n'y verrait aucun inconvénient d'attendre hors du temple. Elle changea même assez rapidement de sujet pour rendre la conversation moins sérieuse lorsqu’il lui parla de sa sœur, en allant jusqu’à utiliser ses propres termes cinq minutes plus tôt.

« A vous écoutez, vous craignez plus les courroux de votre sœur que celui d’un marteau de guerre. Voyez le bon côté, vous serez sur la mer à vous faire examiner par une belle elfe lorsqu’elle l’apprendra. »

Se fut dit avec le sourire au coin des lèvres : Rin était bien placée pour savoir ce qu’était les affaires de famille. La seule différence, elle n’avait aucun tact et diplomatie quand il fallait les arranger, quitte à regretter par moment, se planquant sur le fait qu’ils la croyaient morte depuis bien longtemps pour ne pas avoir à recoller les morceaux.

« Croyez-en mon expérience, Riniya, une femme en colère est plus dangereuse que l’Olympe toute entière. »

Difficile de savoir jusqu’à quel point Herebos plaisantait, mais celui-ci était suffisamment proche de sa sœur pour savoir que Rhian avait du caractère. Il se déplaça un peu, commençant à revenir vers la terre ferme. On apercevait d’ici les tours du Palais royal. Les soldats étaient en train de le sécuriser entièrement, et le Palais allait ouvrir ses portes pour les habitants ayant perdu leurs habitations, ou pour s’y réfugier. Rhian et Khaora s’y rendraient aussi, tandis qu’Herebos et Tomeyrus partiraient vers le Sanctuaire.

Riniya avait encore des questions, et Herebos entreprit d’y répondre :

« Pour communiquer, il y a essentiellement la magie, mais les Olympiens perturbent les flux magiques. Nos miroirs ne fonctionnent plus, mais nous disposons d’autres moyens de communication, notamment les pigeons voyageurs. Ceci étant dit, en pareille situation, les différents dirigeants à proximité de Papua vont naturellement se rendre au Sanctuaire. Nous avons envoyé des messages, mais nous en avons déjà reçu. C’est une réunion de crise. »

Une telle réunion n’était pas arrivée depuis longtemps, et suffisait à indiquer à quel point cette situation était inédite et préoccupante. Les Olympiens avaient attaqué massivement, mais ils étaient conscients qu’ils ne pouvaient pas tenir sur le long terme. De plus, aucune divinité olympienne n’était venue soutenir les efforts de guerre des troupes ici présentes, ce qui signifiait que le gros des forces olympiennes n’était pas ici. Ils marchaient vers la capitale impériale. Certains pourraient y voir l’occasion rêvée de redonner à Papua son indépendance, mais Herebos n’était pas un nostalgique de cette époque. L’Empire avait apporté la stabilité, la puissance impériale avait permis de mettre fin aux incessants conflits qui avaient ravagé la Mer de Papua pendant des générations.

Herebos et Riniya retournèrent dans la cour de l’arsenal, puis à nouveau à l’intérieur. Ils rejoignirent une mezzanine surplombant le hall central. Habituellement, cette grande pièce était très dégagée. Des colonnes en pierre se trouvaient ici et là, quadrillant le hall en soutenant la voûte. Mais l’arsenal était rempli de lits médicaux, de blessés, de citoyens affolés, et de soldats filant rapidement, entreposant leurs armes, prêts à se battre à nouveau. Posant ses deux mains sur le parapet, Herebos observa silencieusement la scène.

« J’ignore ce qui se passera au Sanctuaire, si des Olympiens y seront ou non. Nous n’avons rien à craindre de nos alliés, mais on peut s’attendre à tout. De plus, tu as eu une vision, Riniya, ce qui fait de toi un témoin idéal pour convaincre les autres seigneurs mijakiens de remonter vers la capitale. Beaucoup vont vouloir préférer consolider leur position. Ton témoignage nous sera très utile, j’en suis convaincu. »

Le Prince se voulait confiant.

« C’est pour ça que nous allons bientôt appareiller vers le Sanctuaire… D’ici demain, je pense. Je veux m’assurer que les lieux soient sûrs avant que les diplomates n’arrivent. »

La Royauté savait mieux que quiconque comment raisonnaient les nations voisines, il n’y avait pas grand-chose à rajouter. En revanche, lui dire que son témoignage serait cruciale pour les autres seigneurs lui faisait un peu regretter le minotaure d’y à quelques jours : les petits discours de motivations pour une petite escouade, elle savait faire mais devant les grosses pontes, elle n’en gardait pas vraiment un bon souvenir.

« J’espère que je vous serais utile, votre Altesse. »

Et pourtant, Riniya ne broncha pas. Au moment où elle avait « accepté » l’aide de Shevarash, il fallait qu’elle s’attende à jouer des coudes au moment où l’elfe allait devoir aider, pour en recevoir en retour. Cela reviendrait à faire du tourisme à Mijak assiégé sans aucun soutien.

« Le bateau partira pour bientôt alors… Si vous voulez m’excuser, je dois me préparer, le temps de faire l’inventaire de ce que vous m’avez offert à l’arsenal. »

Ceci fait, elle s’éclipsa. Les prochaines heures, elle les passera à l’arsenal, à correctement trier cette caisse et à prendre ce qui lui sera utile à l’avenir. Elle trouva pour ainsi dire son bonheur, elle qui avait pourtant l’habitude de faire avec les moyens du bord. A croire que le confort de Tekworld l’avait rendu bien plus dépendante qu’elle ne l’aurait cru au premier abord à ce genre de matériel. Elle passa une autre heure à fouiller les caisses de contrebande. Il y avait bien quelques plantes sèches qui n’avait rien à faire sur Terra qui ne passèrent pas inaperçues aux yeux d’une elfe qui s’y connaissait bien mieux en plantes qu’elle ne le laissait croire. Quelques plantes médicinales cultivés sous serre à Tekworld, quelques plantes du rayon bleus qu’elle avait du mal à reconnaître, n’ayant vu que des données numériques dessus. Comme elle devait se passer le plus possible de la nanotechnologie, Rin était d’en connaître un rayon puisqu’elle devait souvent se soigner de manière différente contrairement à ses collègues si elle ne voulait pas voir sa magie altérer pendant quelques temps. Une bonne pioche, de quoi faire quelques cataplasmes efficaces de son propre cru. Pour ce qui était plus complexes, elle refourguera cela à un apothicaire avec des consignes comme elle l’avait toujours fait par le passé. Il paraitrait que celui de l’île a une excellente réputation.

Elle mettra tout ça dans son sac à dos avant d’aller se reposer quelques heures dans la salle de repos. Riniya finit par se rendre au port lorsqu’elle apprendra que le navire s’apprêtait à partir. Elle se fonda un peu parmi les gardes du royaume et les volontaires, ne portant pas son serre tête pour l’occasion, sa cape prenant une couleur plus passe partout tout en cachant une partie de son matériel technologique. Sur le pont du navire, elle se contenta d’aider un minimum avant de regarder les eaux bien calme de la mer, avec par moment un morceau de bois flottant, signe d’une bataille navale il y a quelques jours.

Le bateau partit en compagnie d’autres navires, destinés à le protéger. Même si la bataille semblait terminée, les Olympiens étaient encore en activité. Riniya grimpa sans difficulté à bord du navire principal, et, tandis que les bateaux s’éloignaient de la côte, on pouvait avoir un aperçu des rivages. Une véritable tempête avait déferlé sur Papua. Des points d’incendie étaient encore vifs, formant de longues langues de fumée noirâtre s’élevant sinistrement dans le ciel. Des carcasses de navires flottaient à la surface, et de multiples navires patrouillaient dans la mer, récupérant les cadavres des marins tués, que ce soit de simples navires marchands attaqués en traîtresse par les Olympiens, ou des navires militaires.

Une bataille terrible avait eu lieu, et Papua allait mettre du temps à s’en remettre. Herebos connaissait suffisamment son pays pour savoir que l’âge d’or de Papua touchait à sa fin, et que les difficultés économiques commençaient à se faire ressentir. Après cette attaque, elles allaient sûrement s’accroitre à nouveau ! La capitale était le poumon économique de Papua, son cœur névralgique et vibrant. Sa disparition ne pouvait tout simplement s’envisager, et Herebos faisait entièrement confiance à ses parents, et à sa sœur, bien plus douée que lui sur ce point, pour  gérer tout ce côté économique et social.

Le trajet se déroula plutôt bien, mais les navires choisirent une voie de navigation prudente. En chemin, ils croisèrent des vaisseaux venant des autres provinces environnantes, tandis que les marins instruisaient Riniya sur l’histoire de cette mer.

« On s’est toujours battus pour le contrôle de cette mer, et du Sanctuaire central. Quand les Impériaux ont envahi la région, ils ont mené une campagne de longue haleine avant de réussir à devenir une force supérieure. Toutes les provinces se sont réunies au Sanctuaire pour conclure un cessez-le-feu. C’était une autre époque. Le Conclave du Sanctuaire, où nous avons tous signé un traité de paix prévoyant l’armistice et notre annexion à l’Empire en échange de réparations de l’Empire. »

Aujourd’hui encore, beaucoup de provinces étaient traversées par des courants indépendantistes. Herebos avait conscience que l’Olympomachie allait être un vent mauvais soufflant sur un nuage de braises.  Herebos se rapprocha en tout cas de Riniya, et, le soir venu, l’homme et la femme se découvrirent mutuellement. Le Prince avait la réputation de ne pas être un homme très chaste, ce qu’il confirma en compagnie de la belle elfe, se soignant dans ses bras et contre son corps.

Le trajet dura plus d’une journée avant que le Sanctuaire ne fut enfin en vue.

« On raconte que c’était un ancien temple elfique… Un monastère s’y trouve, maintenant, et des moines y vivent en paix, et… »

Herebos s’était ensuite tu en sentant de curieuses odeurs. Une épaisse brume entourait le Sanctuaire, et, quand les navires papuans s’en approchèrent, des flammes dansaient sur l’eau, ainsi que sur l’île centrale. Le Sanctuaire était une île difficile d’accès, entourée de récifs et de falaises escarpés, avec un seul ponton, entretenu par les moines… Et des trirèmes olympiennes encerclaient les lieux !

« (b]Merde, ces enfoirés assiègent le temple ![/b] »

Furieux, Herebos ordonna le déploiement des archers et des mangonneaux. Le petit port du Sanctuaire avait été attaqué, et une force olympienne avait assiégé le temple. Un doute affreux ne pouvait que saisir Herebos, qui en venait à se demander si le cœur de cette invasion n’était pas là, si l’objectif des Olympiens n’était pas de s’emparer des reliques du Sanctuaire…

Une nouvelle bataille commençait, alors que les navires olympiens entourant l’île se déployaient pour affronter les forces papuannes !