Dans la mesure du possible, à l’Outreterre, il fallait se dissimuler. Les monstres qui existaient étaient très puissants, et aussi retors, sans compter qu’on pouvait toujours tomber sur des gobelins ou des Orcs, ceux-ci étant bien plus nombreux ici qu’au Dessus… Sans parler, bien évidemment, des Skavens ! Ellânia guida donc Shad, se dissimulant quand il le fallait. À force, Ellänia connaissait plutôt bien ce monde sauvage et torturé. Elles utilisèrent l’une des araignées-caméléons comme moyen de locomotion, car les Drows avaient appris à domestiquer et à apprivoiser certaines des créatures sauvages de l’Outreterre. En chemin, elles purent voir d’étranges créatures, comme
un grand échalas avec d’intenses yeux rouges. Ellänia déconseilla vivement à Shad de trop s’approcher de cette créature, un
Flagelleur capable de lancer des attaques psychiques, mais fort heureusement relativement neutre, n’attaquant que si on errait sur son territoire. Elles croisèrent également des
bandes d’oiseaux-vautours, sinistres créatures se déplaçant sur le sol, les ailes recourbées, avant de bondir brusquement sur leurs proies. Face à elles, les deux femmes durent batailler un peu malgré tout, décochant des flèches, et finirent par leur échapper quand Ellänia sacrifia, sans trop de remords, son araignée.
La géographie de l’Outreterre n’était pas que le noir absolu. Des plantes phosphorescentes éclairaient parfois certains endroits, ou bien des cristaux… Et, de temps en temps, des trous dans la voûte amenaient, par des prodiges surnaturels, des cônes lumineux. Il y avait donc des semblants de forêts, mais, contrairement aux forêts du Dessus, elles n’étaient pas luxuriantes, mais sauvages, composées essentiellement de mousses, de lichens, de plantes souterraines. On y trouvait ainsi des plantes très étranges, comme la
thismia neptunis, ressemblant à une créature xénos.
«
Je te déconseille fortement de partir à la cueillette, Shad, ce sont des plantes mycohétérotropes. Contrairement aux plantes dont tu as l’habitude, elles ne se nourrissent pas de photosynthèse, mais absorbent les nutriments d’autres formes de vie, essentiellement des champignons, en établissant une relation symbiotique avec leurs nutriments… Et certaines de ses plantes se nourrissent de nos nutriments. »
C’était aussi pour ça que Streeaka avait, chez elle, des trésors sacrés que l’elfe lui rapportait régulièrement : des plantes naturelles, des trésors venus du Dessus. Ici, les forêts étaient meurtrières, refuges des
Xylomids et de nombreuses
plantes carnivores qui étiraient leurs racines sur plusieurs dizaines de mètres, un peu comme des toiles d’araignées. Le duo croisa d’ailleurs l’une de ses racines, qu’elles évitèrent soigneusement.
Le duo rejoignit ensuite une forteresse drow, et la garnison sur place leur confia des
chevaux infernaux, terme adapté pour les chevaux de l’Outreterre, disposant d’une longue langue reptilienne et d’une queue caudale pouvant s’enflammer. Pour Ellänia, ces chevaux étaient le résultat de mutations drows sur des chevaux du Dessus en vue de les adapter à l’environnement de l’Outreterre. Ellänia prit un seul cheval, car ils étaient assez difficiles à manipuler, et invita Shad à grimper avec elle.
Ensemble, les deux femmes chevauchèrent. Le cheval était extrêmement rapide, pouvant parfois prendre de subites pointes d’accélération. Elles longèrent une nappe phréatique, un fleuve souterrain, et rejoignirent finalement une colline surplombant la capitale de l’Outreterre…
…
Menzoberranzan !
«
Bienvenue chez nous, petite Louve. »
Après quelques formalités de rigueur, le duo s’aventura dans les rues de la ville. Shad pourrait ainsi constater que Menzoberranzan ne comprenait pas que des Drows, mais que toutes les espèces non-elfiques avaient des colliers autour du cou. À Menzoberranzan, soit on était un Drow, soit on était un esclave. Beaucoup de Drows observaient ainsi, avec curiosité Ellänia et Shad, notant leurs cous dégarnis. Ellänia faisait littéralement figure d’exception, une excentricité qui était en soi défavorable à Streeaka… Mais les apports de l’elfe compensaient largement cette fantaisie.
Le duo arriva devant le rempart entourant la Maison Z’Ress, et rejoignirent un agréable palais. Il se composait, à l’image de l’architecture torturée de la ville, d’une série de cours, de murs intérieurs, de tours, et d’un bâtiment central. Dès qu’elles arrivèrent,
Lo’Ria, l’une des courtisanes de la Matriarche, les accueillit.
«
Tu es en retard, Ellänia, glissa, en guise d’accueil, Lo’Ria.
-
J’ai fait aussi vite que j’ai pu, se défendit Ellânia,
mais la situation au Dessus est ingérable.
-
Notre Maîtresse souhaite vous recevoir sans délai. Suivez-moi. »
La politesse était toujours superficielle entre Drows, alors, entre une Drow et des non-Drows, Lo’Ria n’allait pas s’abaisser à les saluer proprement. La courtisane s’avança à travers les couloirs, et le duo finit par arriver à ses quartiers. Streeaka était dans sa salle de réunion, comprenant une grande table avec balcon donnant vue sur la capitale. Ellänia s’agenouilla respectueusement devant elle, et la Matriarche soupira lentement.
«
J’ai failli m’inquiéter ! Est-ce que tu l’as ramené ?
-
Oui, Maîtresse, Shad est avec moi. »
Streeaka se déplaça rapidement. Ellänia l’avait rarement vu aussi nerveuse, ce qui l’amenait à se demander ce que cette okami pouvait avoir de si particulière. Certes, elle était puissante, mais, tout de même… Streeaka se pinça les lèvres en l’examinant, et sourit alors.
«
Oui, c’est bien toi… »
Et, à la surprise d’Ellänia, Streeaka l’enlaça alors, écrasant la tête de Shad contre sa voluptueuse poitrine.
«
L’Immortelle du Loup… » rajouta-elle alors.