The Multiversity

Les deux titans se faisaient face. Face à deux forces de la Nature, même Mrs Claus réalisait qu’elle n’était qu’une petite être humaine. Certes, elle avait travaillé dur à pousser de la fonte pour se forger un pareil corps. Et certes, la magie de Noël lui permettait de faire des choses que le commun des mortels ne pouvait seulement qu’imaginer ou rêver. Mais face à Moder et Cernunnos : elle n’était vraiment pas de taille.

« Je crois que notre rôle ici est terminée, Bayonetta. »

Pour preuve, même les zombies végétaux avaient perdu cette force qui les animaient. La seule aura du titan de la forêt avait un effet sur le mauvais sortilège qui avait donné corps à ces tristes âmes errantes. Quand les deux Forces de la Nature se seraient à nouveau endormi : ce serait de nouveau à la Verrière de suer sang et eau pour conduire ces âmes vers le chemin de la libération.

« Nous devrions partir. Ta Baleine et tes Anges n’attendront pas, j’ai l’impression. Et si Krampus a créé pareil Chaos ici, j’ai peur de ce qu’il mijote ailleurs avec le temps supplémentaire qu’il a gagné. »

Parfois, lorsqu’on marche dans une forêt, on peut entendre les branches craquer. Imaginez alors le langage développé par un arbre vieux de plusieurs centaines d’années ayant poussé sur le dos d’une créature portant le titre de Cernunnos. Ce n’est plus simplement des craquements accompagnant la branche qui ondule avec le vent. Dans notre cas : on pourrait entendre des modulations menant à une forme élaborée de langage. Et les branches ne font pas que se balancer par rapport à la démarche lourde de la Force de la Nature : elles craquent comme si des articulations étaient cachés sous l’écorce. Comme si l’arbre était nanti d’une centaine de bras. De quoi s’oppose aux paires de bras du Moder.

Comme la Witchblade, la canne à sucre de la Maison de la Verrières progressait sur le corps de Mrs Claus. Enserrant sa poitrine, moulant ses formes, commençant à former une épaulière sur le bras opposé tenant l’arme sucré contondante. Jusqu’où irait cette transformation ? Que pourrait dire la Fée des Dents devant une pareille armure porteuse de caries ?

*Après cette mission, il faudra que je retourne dans les profondeurs de la Cabane. J’en ai sérieusement marre de ne pas tout comprendre de la relation Père Noël/Krampus. J’ai besoin de réponses ! Même si pour cela, il me faudra faire souffrir le Père Noël… *

Bayonetta partageait le point de vue de Mrs Claus. Cernunnos et Moder s’affrontaient avec rage, et, à ce stade, elles risquaient surtout de les déranger. La sorcière hocha donc la tête, et s’efforça de rejoindre le traîneau. Partir n’allait toutefois pas être aussi facile, car les deux colosses s’affrontaient avec rage. Bayonetta courait sur le côté, mais le sol trembla, la déstabilisant, et un arbre s’abattit juste devant elle, déraciné. Cernunnos se concentrait, et venait de violemment frapper Moder, qui heurta un arbre, l’arrachant donc. Bayonetta l’enjamba, et des boules de feu éclatèrent alors ici et là, enflammant d’autres arbres autour d’elle. Elle courut encore, et une explosion supplémentaire résonna à côté d’elle, la soufflant comme une brindille. La jeune femme heurta le sol en roulant par terre à plusieurs reprises. Sa combinaison avait partiellement volé en éclats, révélant la moitié de son corps. L’un de ses seins était même à l’air libre, et, en relevant la tête, elle vit la gueule de Cernunnos fondre vers l’une des défenses de Moder, qui envoya un puissant éclair noirâtre depuis son vortex noir. Le tir frappa violemment Cernunnos au corps, repoussant l’Avatar divin.

Mrs Claus se rapprocha alors, et Bayonetta la suivit vers son traîneau. Moder rugit furieusement, un cri guttural et profond, tandis que, depuis l’épiderme osseux sur son dos, des projectiles fusèrent. Des morceaux osseux explosifs qui étaient projetés dans la zone, déclenchant ensuite les explosions dont Bayonetta avait été victime. Les deux femmes rejoignirent le traîneau, qui se déplaçait déjà, et Bayonetta se transforma en panthère. Du fait de sa combinaison à moitié arrachée, sa panthère noire était partiellement dénudée, formant un curieux spectacle. Autour d’elle, il y avait de multiples explosions, et elle bondit sur un tronc d’arbre, puis s’envola dans les airs, avant d’atterrir sur le traîneau, reprenant forme humaine en heurtant Mrs Claus.

« Accrochez-vous, patronne !
-  Vous ne partirez pas ! »

Entre les arbres, Moder venait d’apparaître. Il se déplaçait rapidement, et les Lumières-Mortes se concentrèrent encore. Il s’apprêtait à tirer une nouvelle décharge… Quand l’Avatar de Cernunnos jaillit brusquement sur le flanc, plantant ses cornes dans le corps de Moder, l’envoyant valser sur le sol. Bayonetta vit Cernunnos cracher des flammes avec sa gueule, puis le traîneau disparut ensuite de cette zone, filant dans le cœur de la forêt. Bayonetta semblait éprouvée, et s’assit sur le sol. On pouvait voir que des filaments noirs poussaient sur son corps. Sa combinaison se reconstituait lentement. Elle attrapa une sucette verte en forme d’étoile, et la fourra dans sa bouche, soupirant lentement.

« Il semblerait que ce Krampus soit très dangereux…
-  Je ne vous le fais pas dire, M’dame ! Mais quand même, Moder… C’est un jötunn.
-  Jötunn, ça ne signifie pas ‘‘géant’’ ?
-  Sa forme vous étonne ? Ah ! Pourtant, c’est un géant. Ne croyez pas que cela se limite aux formes bipèdes, M’dame la sorcière. »

Le traîneau faisait route vers Rovaniemi, et, tandis qu’ils avançaient à travers les arbres, Bayonetta, en se relevant, pouvait parfois voir des silhouettes de loups qui les observaient. Des silhouettes furtives, mais qui n’étaient pas de très bonne augure. Bayonetta observa alors Mrs Claus, et fronça les sourcils.

« Vous… Vous avez fusionné avec une canne à sucre ? C’est original… »

Mrs Claus leva son bras droit et l’observa. Il était vrai que son bras était recouvert de motifs de bandes blancs et rouges. Il y avait comme des plaques qui se chevauchaient.

« Oui. Une étonnante armure. Mais c’est aussi ça la Magie de Noël. Combiner l’aspect pratique et l’enchanteur. Tout comme ce traîneau, en fait. »

D’un autre côté, un traîneau volant dans le ciel était-il plus étonnant qu’une masse de métal emmenant des gens blasés quelques semaines au soleil ? Un avion de métal devrait s’écraser, non ? Tout comme un paquebot de fer devrait couler et non flotter ? Peut-être une forme dérivée de magie ? Peu importait. Ce genre de réflexion n’était que le résultat de la fatigue. Et Mrs Claus était sage (car assez vieille) pour ne pas se leurrer. Son corps avait été éprouvé de l’affrontement indirect entre le jötunn et l’avatar.

« Mais ça m’inquiète. Tout prend des dimensions disproportionnées. J’ai peur d’avoir sous-estimé le plan de Krampus. »

Une terrible idée la saisit. A tel point qu’elle n’eut d’autre choix que de donner un coup de poignets dans les rênes. Le traîneau s’arrêta.

*Et si ?... Et si tout cela n’était qu’une énorme et épouvantable distraction ? *

Mrs Claus observa Bayonetta.

« Je ne suis plus certaine de devoir me rendre dans Rovaniemi. Je me demande si je ne devrais pas retourner au Chalet. J’ai ce truc dans mes viscères, cette petite voix qui me dit que Krampus va peut-être s’attaquer au cœur de la Magie de la Noël : au Père Noël. »

Complètement perdue. Tant qu’elle était prisonnière et donc totalement immobilisée. Mrs Claus était à un carrefour de choix. Et elle ne savait plus quelle direction prendre. Lever la tête et gérer le problème de Baleine Cosmique ? Ou s’aventurer dans les dizaines et dizaines d’étages souterrains du Chalet et aller s’assurer que le Père Noël était toujours bien prisonnier de sa pièce ?

« Je ne sais plus. Je ne sais vraiment plus quoi faire. Krampus est plus puissant que jamais car le Père Noël n’a jamais été aussi faible. Et s’il parvenait à lui voler ses dernières forces ? Que se passerait-il s’il y parvenait ? Comment le monde pourrait continuer à tourner sans le Père Noël ? »

Mrs Claus lui expliqua qu’elle était surprise des derniers mouvements de Krampus, de sa puissance… Du fait qu’il avait réussi à s’allier avec un jötunn. Elle hésitait du coup à rejoindre Rovaniemi, pensant qu’il s’agissait d’une diversion, et qu’elles devraient plutôt retourner au Chalet. Elle craignait que celui-ci ne soit attaqué par Krampus. La sorcière n’en avait aucune idée.

« Se séparer me semble en tout cas être une mauvaise idée. Ces ennemis sont puissants. Krampus a profité de la Baleine pour sortir de la dimension où il était. Mais je me demande jusqu’à quel point tout cela était prémédité. Une alliance avec un Jôtunn ne se fait pas en quelques heures, ni ces attaques simultanées.
-  Krampus est un sale type, mais il est très sournois. ‘Faut pas le sous-estimer, mais le Chalet du Père Noël est protégé. Ceci dit… Cette magie dépend aussi de la foi des gens. Et les gens croient de moins en moins au Père Noël et aux valeurs de Noël. C’est plus qu’une fête marchande, et on renie même les symboles de Noël ! ‘Possible que les sortilèges se soient affaiblis, et, si le Grand Méchant Loup est de la partie… Son souffle magique anéantit les défenses. »

Bayonetta se pinça brièvement les lèvres, prenant conscience que le choix lui appartenait.

« Et bien, retournons au Chalet, alors. Parfois, suivre son intuition est la meilleure chose à faire. »

Le lutin acquiesça, et donna un coup de fouet sur les rennes. Elles filèrent sur la droite, et le chariot glissa sur un lac gelé. Bayonetta vit au loin une silhouette monstrueuse évoquant vaguement le Wendigo. Ils continuèrent à filer, slalomant entre les arbres, se rapprochant du Chalet… Quand quelque chose percuta le chariot. Le lutin hurla de surprise, et Bayonetta vit autour du chariot plusieurs loups aux yeux rouges qui s’avançaient autour du chariot, cherchant à attaquer les rennes.

« Bordel, la meute du Grand Méchant Loup ! »

Ils hurlaient et aboyaient furieusement, et les rennes hennissaient également. Bayonetta sortit ses pistolets, et leur tira dessus. Elle abattit l’un des loups, qui poussa un couinement de douleur, et roula sur la neige, tandis que les autres hurlaient encore, frappant le traîneau pour le ralentir. Un arbre explosa devant eux, s’enflammant comme une torchère. Entre deux buttes, Bayonetta vit alors une créature monstrueuse et immense qui jeta une énorme branche sur le chariot, comme une sorte de javelot.

« Non ! »

C’était un Wendigo ! Le tir frappa violemment le chariot, qui fut détaché des rennes. Le lutin hurla en voyant Bayonetta et Mrs Claus partir derrière lui. Elles tombèrent dans la poudreuse, et dévalèrent une pente,  qui les amena au milieu de la forêt. Bayonetta soupira lentement en se relevant, entendant les aboiements des loups. Ils étaient au sommet de la pente que les deux femmes venaient de se dévaliser, et s’en allèrent alors, visiblement satisfaits.

« On dirait bien que tu avais raison, Krampus a réuni bien des troupes… Je crois qu’il se passe des choses très graves dans la forêt… »

« Si tu savais le nombre de fois où j’aimerai me tromper… »

Le Grand Méchant Loup. Une meute innombrable de loups aux gueules dégoulinantes de bave supportée par un Wendigo qui se prenait pour une unité de tir à distance. Décidément, Krampus redoublait d’effort aujourd’hui. Il n’avait pas été si véhément depuis… depuis des dizaines et des dizaines d’années. Mrs Claus était encore bien jeune la dernière fois qu’elle avait lutté contre pareil avalanche de merde. Et elle était encore innocente de tout ce monde « de Noël » à l’époque. Donc il était fortement probable que, impressionnée, elle ait augmenté la dangerosité de cette dernière attaque.

Bref : Krampus est en forme ! Et ça ne peut être qu’une mauvaise nouvelle.

« Je ne sais pas quel genre de marchés il a passé avec tous ses salopards mais j’aurai probablement envie de le pleurer quand il goûtera encore à la défaite. A mon poing. Bref, aux deux. Non pas que j’ai de la piété pour ce pseudo-Diable. Mais je sais à quel point c’est le merdier que de répondre aux termes d’une meute de contrats administratifs. »

Elle s’égarait. Mrs Claus fit donc craquer les articulations de son poing qui était toujours sous la possession d’une sorte de Witchblade de canne à sucre.

« Pas de temps à perdre. »

Bandant ses muscles, Mrs Claus poussait déjà à l’arrière du traineau. Il fallait au plus vite rejoindre les rennes. Le lutin cocher était un bon lutin. Fidèle à la magie de Noël. Il devait donc déjà être en train de calmer les rennes, de les rassembler et de les ramener vers Mrs Claus.

L’image du Grand Méchant Loup soufflant de toute la force de son poitrail sur le Chalet galvanisait Mrs Claus qui parvenait à faire bouger le lourd traîneau malgré la pente. Seul, elle aurait envoyé le Grand Méchant Loup à l’hôpital le plus proche pour que le prédateur aille se faire mouler son futur dentier. Mais associé à Krampus ?...

« Hors de question qu’il souffle le Chalet ! »

Et le traîneau avança encore un peu plus. Et soudainement beaucoup plus et beaucoup plus vite. De nouveaux alliés faisaient leur apparition. Ils arrivaient aussi vite que ses ennemis. Bien qu’ayant toujours la fâcheuse tendance à arriver en retard ? Peu importait. La famille Boucle d’Or était présente. De puissants ours. Et était-il besoin de rappeler que les ours sont un des prédateurs naturels des loups ?

« Merci ! »

Mrs Claus avait envie de demander comment ils étaient au courant. Comment ils savaient qu’elle se trouvait ici. A cet instant et pas un autre. Mais le temps égrenait toujours son terrible « tic tac ».

« Pas de temps à perdre ! En traîneau, Bayonetta ! »

Face aux loups, Bayonetta se mit en position. Elle ignorait où elles avaient atterri, mais Claus espérait encore pouvoir remettre le traîneau en état. D’ici là, la sorcière comptait bien la protéger. Elles avaient atterri dans une forêt enneigée, près d’un lac gelé. Les loups s’élancèrent vers elle, et Bayonetta invoqua l’une de ses armes. Elle généra Kulshedra, son fouet reptilien, un long fouet avec une tête de serpent à la pointe. Face au premier loup quis e rapprochait depuis deux arbres, Kulshedra frappa avec force, saignant le loup en pleine tête. Celui-ci se recula en couinant, mais deux autres jaillirent également. Bayonetta bondit dans les airs, évitant de justesse la mâchoire acérée d’un loup, sa truffe frôlant ses fesses. Cette attaque ratée et proche lui permit de déclencher ses pouvoirs magiques, et elle gagna provisoirement en accélération, le temps semblant se ralentir autour d’elle. Cela lui permit de frapper du pied le flanc du loup, qui alla heurter violemment un arbre à proximité. L’autre loup pivota sur place, et sauta sur Bayonetta, plantant ses griffes dans son dos, la renversant.

« Haaa !! »

Bayonetta sentit les griffes du loup s’enfoncer dans sa combinaison magique, entaillant sa peau. La sorcière sensuelle ne se laissa pas faire, et posa ses deux mains sur le sol en tombant, s’en servant finalement pour rebondir. Elle tournoya ainsi dans les airs, et le loup, surpris, la lâcha, avant de tomber sur le sol. Bayonetta se redressa, sentant le sang couler de son dos, mais, avant qu’elle ne puisse réagir, le premier loup, celui qu’elle avait fouetté, bondit encore sur elle, et la renversa. Cette fois, Bayonetta tomba sur le dos, et releva sa cheville, frappant le loup entre les pattes. Elle vit sa gueule furieuse, ses yeux rouges injectés de sang, mais il claqua ses mâchoires dans le vide, car la jambe relevée de Bayonetta le repoussa. Hélas, le loup qu’elle avait précédemment renversé put la mordre à la jambe. Bayonetta gémit en sentant la douleur en elle, et récupéra son pistolet, puis tira dans la tête du loup. Elle se releva encore, tandis que sa combinaison se reconstituait autour de sa jambe, son sang venant néanmoins orner le sol.

Peinant à se relever, Bayonetta vit d’autres loups qui se rapprochaient, grognant furieusement.

*Ils sont nombreux, ces salauds…*

Un loup se préparait à l’attaquer, bandant ses pattes… Quand un rugissement plus guttural se fit entendre. Un ours jaillit alors, et faucha le loup. D’autres ours émergèrent en rugissant, et l’un d’entre eux leva ses pattes avant. Un corps massif qui s’abattit ensuite violemment sur le sol, autour des loups, provoquant une onde de choc qui renvoya Bayonetta sur le sol. Bayonetta vit alors que Mrs Claus avait remis le traîneau sur pied, et l’invitait à la suivre. La sorcière se retourna vers elle, et le traîneau s’élança sur le lac gelé, comme pour tenter de sortir d’ici…  Mais une silhouette massive se dressa bientôt devant elles.

Le Wendigo venait d’émerger ! Il observa le traîneau qui se rapprochait, et le lutin l’esquiva en partant sur la gauche. Le Wendigo les regarda, ne semblant pas réagir immédiatement, puis il frappa violemment le lac gelé du poing, provoquant une fissure. Bayonetta vit la fissure remonter vers eux.

« Attention ! »

La fissure passa sous le traîneau, et il y eut une nouvelle explosion. La glace sous le traîneau explosa, soulevant le traîneau, renvoyant à nouveau Bayonetta et Mrs Claus au sol, mais aussi le malheureux lutin, qui se mit à rouler sur le sol. Les cordes du traîneau avaient été arrachées sous l’impact, et le traîneau retomba violemment sur le sol à son tour, se fracassant en mille morceaux. Bayonetta  avait encore mal à la jambe. La voix caverneuse du Wendigo retentissait tandis qu’il bondit encore dans les airs, et atterrit à côté du lutin.

« PATRONNE ! »

La main du Wendigo fusa vers la tête du lutin. Bayonetta lui tira alors dessus. Ses balles heurtèrent le Wendigo à la tête, le surprenant. Il releva la tête vers les deux femmes. Elles étaient à une vingtaine de mètres du lutin, mais le Wendigo bondit encore dans les airs, se rapprochant d’elles à toute allure. Bayonetta esquiva sur le côté, mais glissa en se réceptionnant sur sa jambe endolorie. Le Wendigo tendit sa main vers elle, et aspira l’air dans sa paume, drainant Bayonetta vers lui. Il la happa en l’attrapant à son cou, et la releva.

« Abondance pour le Bouc Noir des Bois ! »

Le Wendigo cherchait à absorber son énergie. Bayonetta grogna, de la sueur coulant sur son visage, et planta dans le poignet du monstre le tranchant de son épée, Shuraba. Le Wendigo la relâcha, et Bayonetta retomba au sol. Elle se dépêcha de fourrer une sucette verte dans sa bouche, tout en se mettant en position.

Fuir n’était plus une option, il allait falloir combattre ce monstre…

Tout allait de mal en pis. Elles étaient toutes les deux tirées d’affaire de la meute de loups, grâce à l’intervention de la famille de Boucle d’Or : et voilà qu’elles se retrouvaient si vite sans traîneau, faisant face au Wendigo.

« Il y a vraiment des journées dont on préférerait se passer… »

Elle serra son poing droit et son espèce de Witchblade à la mode magie de Noël réagit. Des espèces de tentacules torsadées roses et blanches jaillirent de son bras. Mrs Claus s’élança vers le Wendigo qui la dépassait de bien plus d’une tête. Elle n’avait pas peur.

« Tu ne tiendras pas trois minutes face à moi ! »

Mrs Claus s’imaginait dans une cage type MMA. Peu importait qu’elle se trouve sur lac gelé lézardé face à une espèce de super-loup-garou. Dans sa tête : elle était une combattante. Et son corps était boosté de motivations et d’énergie à revendre.

Sa technique était brute. Pas d’enchaînements compliquées. Pas de gestuelles acrobatiques. Seulement des coups de poings brutaux qui résonnaient durement contre le corps du Wendigo. Ce dernier subissait pour le moment l’avalanche de coups et… reculait face à la femme du Père Noël.

Sa garde était excellente. Son jeu de jambe prompt à réagir à chaque tentative de contre-attaque du Wendigo. Mrs Claus était forte. Et expérimentée. Cela se voyait à ce duel. En plus de cela, son bras Witchbladé commença à se transformer à nouveau. Les extrémités des tentacules torsadées roses et blanches continuaient de se déployer et devenaient des filins noirs qui capturaient le monstre. Des filins noirs qui clignotaient de lumières magiques tels des guirlandes de Noël.

C’est grâce à cet emprisonnement que Mrs Claus put tirer sur les câbles, profiter de la force du Wendigo, pour décoller hors du sol et venir placer un monstrueux coup de poing dans le Wendigo qui l’envoya temporairement inconscient.

Mrs Claus haletait. Son corps était recouvert d’une pellicule de sueurs. Les muscles contractés et vraiment impressionnants. Elle n’était pas un canon de beauté. Mais même ceux qui n’aimaient pas les femmes musclées devaient reconnaître les efforts et les sacrifices pour arriver à pareil résultat.

« Les sucettes que tu n’arrêtes pas de sucer, c’est une sorte de médecine magique ? Je peux en avoir une ? »

Elle se retourna et vérifia que le Wendigo était toujours au tapis.

« Je n’aime pas donner la mort inutilement. Mais avec la pluie de merde qu’on se prend, je commence à me dire qu’il va falloir achever ce monstre. Qu’est-ce que tu en penses ? »

Bayonetta regroupait sa magie, mais Mrs Claus attaqua la première. Sans trop comprendre comment, Bayonetta remarqua que l’un de ses bras s’était recouvert d’une sorte d’étrange matière rosâtre énergétique qui changeait de forme. Mrs Claus attaqua le Wendigo à coups de poings, avant d’essayer de l’immobiliser dans ses tentacules. C’était une vraie tigresse, aussi forte qu’agile, malgré ce que tous ces muscles sur son corps laissaient supposer. Bayonetta se retrouva donc à jouer provisoirement le second rôle, tandis que le Wendigo encaissait passivement les coups. Elle repensait surtout à ce qu’il avait dit : le Bouc Noir. Dans sa tête, cela évoquait quelque chose, mais, depuis son bannissement, les souvenirs de l’ancienne vie de Bayonetta étaient encore flous. Elle avait fait partie du clan de l’Umbra, et elle savait que son clan avait déjà affronté des créatures de ce genre. Mrs Claus lui demanda l’une de ses sucettes magiques. Bayonetta la regarda brièvement.

« J’ai plusieurs types de sucettes aux effets divers. »

Bayonetta lui expliqua sommairement les fonctionnalités des différentes sucettes :

• La sucette verte était une sucette herbale, qui permettait de se soigner,
• La sucette jaune était une sucette d’invincibilité, fonctionnant sur une courte durée,
• La sucette mauve permettait de régénérer l’énergie magique plus rapidement,
• La sucette rose sang permettait, enfin, de renforcer les pouvoirs de Bayonetta sur une courte durée.

La sorcière n’avait toutefois pas un stock infini de sucettes en possession, et elle n’était pas sûre que ces sucettes fonctionnent avec Mrs Claus, qui utilisait surtout sa puissance physique. Elle lui donna toutefois la sucette que celle-ci souhaitait, quand la glace sous leurs pieds se mit à trembler.

« Je ne suis pas sûre que tu l’aies affaibli. Je ne sais pas ce qui se passe, Claus, mais je crois que tout cela dépasse Krampus.
-  Est-ce là tout ? Les pouvoirs des forces de Noël se sont épuisés… Mais, après tout, plus personne ne croit vraiment à la magie de Noël, n’est-ce pas ? »

Le Wendigo se releva encore. Mrs Claus déploya à nouveau ses tentacules, mais, cette fois, le Wendigo réagit. Lorsque les tentacules s’enroulèrent autour de son corps, il réagit, et Bayonetta le sentit puiser dans sa magie, déployant une sorte de charge électrique. Les tentacules se transformèrent en conducteurs, renvoyant vers Mrs Claus la magie malsaine du Wendigo. De manière à éviter le drame, Bayonetta invoqua Shuraba, et son épée démoniaque jaillit, tranchant la base des tentacules de Mrs Claus. Celle-ci fut ainsi libérée, tandis que le Wendigo s’était relevé, et poussa un terrible hululement. La glace du lac se fragilisa, et il bondit dans les airs, fusant vers les deux femmes. Bayonetta bondit sur le côté, évitant son attaque, et remplaça Shuraba par son fouet à tête de serpent, Kulshedra.  Le fouet tournoya dans l’air, et frappa le Wendigo sur le flanc. Le monstre se retourna vers Bayonetta, et souffla un feu givré depuis sa gueule. Bayonetta esquiva l’attaque en se transformant en panthère noire, et commença à courir sur la glace.

« Tu appartiens au clan de l’Umbra, je reconnais ta marque. C’est étonnant. Ignores-tu que tu es déjà supposée être morte ? »

Bayonetta bondit sur un rebord, et reprit sa forme humaine, avant de canarder le Wendigo avec ses pistolets magiques. Elle bondit pour cela dans les airs, et reprit forme humaine en plein saut. La tête en bas, elle fit feu, atteignant la tête du Wendigo. Celui-ci se recula, et Mrs Claus en profita pour essayer de le frapper encore… Mais, cette fois, le Wendigo réagit, et l’un de ses bras attrapa Mrs Claus à la gorge, et la plaqua lourdement au sol, brisant la glace sous elle. Mrs Claus disparut ainsi sous l’eau, tandis que le Wendigo usait de sa magie pour geler à nouveau le lac.

Bayonetta sourit alors, et enfila sa sucette rose sang dans la bouche.

« Tu es un peu trop bruyant, Fido ! Il est temps qu’ont e donne une bonne fessée ! »

Elle courut alors, et se transforma en panthère, tandis que le Wendigo générait des cristaux de glace, l’abattant sur elle. La jeune femme les esquiva habilement en bondissant dans les airs, frôlant les cristaux, ce qui lui permit d’emmagasiner de la puissance. On put ainsi la voir sauter en l’air, et tournoyer dans les airs autour de l’un des cristaux. Elle retomba au sol, et bondit encore, prenant appui sur l’un des cristaux, et s’envola dans les airs. Sa silhouette épousa provisoirement la lune, qui se dressait dans les hauteurs, et elle reprit dans le même temps sa forme normale. Son pied gauche s’illumina, s’entourant d’une aura magique, et elle descendit en piqué vers le Wendigo. Son coup le frappa en pleine tête, explosant les cartilages osseux qui s’y trouvaient, et son talon heurta ensuite la surface du lac. L’onde magique se répandit sur toute la surface du lac, fragilisant ce dernier… Puis toute la glace explosa ensuite, libérant les eaux dessous, ainsi que Mrs Claus dans la foulée.

Avec son crâne brisé, le Wendigo poussait des mugissements en se transformant en brume vaporeuse.

« Tu n’es qu’un esprit des bois,. Si on brise ton totem, tu ne peux plus te matérialiser.
-  Maudite sorcière ! »

Du Wendsigo, il ne restait plus qu’un souvenir brumeux qui s’évaporait lentement. Bayonetta restait debout sur l’eau, des glyphes magiques à hauteur de ses pieds lui permettant en réalité de léviter juste au-dessus du lac. Elle ne pourrait pas maintenir indéfiniment son glyphe, mais elle espérait ainsi pouvoir repêcher Mrs Claus… Si toutefois celle-ci avait besoin d’aide.

Plus la situation se dégradait et plus Mrs Claus comprenait pourquoi elle ne comprenait rien. Elle commençait à se poser une question : et si, pour une fois, c’était l’infâme Krampus qui était utilisé ? Et si quelqu’un se servait de lui pour attendre des objectifs qui la dépassaient ? Mrs Claus avait observé Bayonetta avant de faire un plongeon glacial. Et si tout tournait autour de la sorcière et de son monde ? Le monde de la magie de Noël n’était-il qu’un decorum ? Mrs Claus était perdue…

Et à cet instant, son puissant corps appréciait le bain glacé. C’était connu de notoriété publique que les grands sportifs plongeaient dans des bains emplis de glaçons. Mrs Claus expérimentait donc seulement une version plus extrême. Mais pas tant que ça, étant donné le corps physique qu’elle s’était forgée dans un monde régi par les règles de la magie de Noël et non par ceux de la physique.

Elle se laissait donc couler, laissant le froid ressourcer ses muscles endoloris et engourdir ses pensées. Elle retrouvait ainsi le calme.

C’était reposant.

…

Puis elle sentit qu’il fallait remonter. Alors, sans perdre son sang-froid, elle nagea vers la surface. Fort heureusement pour la compagne du Père Noël, la sorcière avait fragilisé la glace et l’attendait pour l’aider à s’extraire de ce bain glacé improvisé.

« Merci. »

Mrs Claus n’était pas en choc hypothermique. Elle prit même la liberté de procéder à une série d’étirements. A la voir ainsi, il semblait que la bataille contre le Wendigo n’avait été qu’un exercice dans un programme hardcore de musculation. Il semblait que Mrs Claus était prête à attaquer la suite du programme.

« Bayonetta, j’ai l’impression que tu attires les emmerdes. »

Elle parlait franc-jeu. Ce n’était pas le style de Mrs Claus de tourner autour du pot.

« Je commence même à me demander si je devrais t’emmener dans les étages souterrains du Chalet, là où le Père Noël… repose. Je suis en train de me demander si Krampus et par extension moi, ne sommes pas manipulés pour d’obscurs desseins. Et si le centre de tout cela n’est pas la sorcière que tu es. »

Mrs Claus ne savait plus quoi faire. Et comme à son habitude, elle croisa ses épais bras sous sa lourde poitrine en toisant Bayonetta, avec l’espoir que ses prochains mots lui permettraient de dissiper le brouillard dans son esprit et prendre la bonne décision.

Le traîneau était détruit, le lac gelé avait explosé, et allait ensuite se geler à nouveau. Bayonetta et Mrs Claus se trouvaient sur le rebord du lac, et, en observant les étoiles, Bayonetta commençait à reconnaître la forêt… Celle où le Wendigo se trouvait. Elles étaient en Alaska, dans une autre partie de la forêt boréale. Mrs Claus se montrait néanmoins suspicieuse à l’égard de Bayonetta, se demandant si ce n’était pas elle qui attirait tous ces ennemis ici. Il n’y avait pas que Krampus, il y avait aussi le Wendigo, le Grand Méchant Loup, ainsi que le Jôtunn Moder. Cela faisait beaucoup. Bayonetta marcha un peu, ne voyant autour d’elle que des arbres à perte de vue.

« À jamais ses Louanges, et abondance pour le Bouc Noir des Bois… »

Bayonetta se retourna vers Mrs Claus, et fronça les sourcils.

« C’est une prière païenne, qu’on adresse à une divinité maudite, ennemie de toutes les divinités des bois… Le Bouc Noir, l’être aux Mille Chevreaux… Shub-Niggurath. »

On pouvait sentir un soupçon d’angoisse et de nervosité dans la voix de Bayonetta.

« Le Wendigo a parlé du Bouc Noir… Le Grand Ancien qui régnait sur la forêt boréale, avant d’en être chassé. Je crois que Krampus fait partie d’un plan plus vaste, qui est orchestré par Shub-Niggurath. C’est un Grand Ancien, un être plus vieux que le temps lui-même. L’une des fonctionnalités de mon clan a toujours été de contribuer à faire en sorte qu’ils restent bannis. Krampus nous a sciemment éloignés du refuge du Père Noël. En le tuant, il atténuera la magie de Noël. Sans espoir, les humains laissent leurs bas instincts reprendre le dessus, et favorisent ainsi le retour des Grands Anciens. Tout cela est très inquiétant, on doit revenir en Laponie. »

Mais comment y aller sans traîneau ? Bayonetta n’était toutefois pas désemparée.

« Je pense pouvoir utiliser les passages que tes lutins utilisent pour voyager à travers la forêt boréale. En me transformant en panthère, je pourrais le faire. Est-ce que tu sais te transformer ? Sinon, il va falloir que je te transforme… Je suis curieuse de voir de quel animal tu vas prendre l’apparence… » glissa-t-elle avec un léger sourire enjoué.

Les Grands Anciens. Des créatures- Non. Des êtres-… Non plus. Ces Grands Anciens sont difficiles à définir avec le vocabulaire terrien. Disons, ces Choses ne sont pas inconnues pour Mrs Claus. Mais ce sont des légendes au même titre que le Père Noël l’est pour les enfants. On y croit sans vraiment y croire. Et on sait ce que c’est sans vraiment connaître les détails.

« Je n’aime pas ça. Krampus a toujours été un adversaire redoutable à la réputation d’être un aspect du Diable parmi tant d’autres incarnations. Mais si les Grands Anciens le manipulent comme une vulgaire marionnette… »

Mrs Claus ne finit même pas sa phrase. Les conséquences sont beaucoup trop effrayantes. Se retrouver empêtré dans un tel bourbier… Elle aurait presque envie de tomber genoux dans la neige et prier fortement pour qu’on l’enferme dans une pièce close emplie de tâches administratives. Mieux vaut cet Enfer de papier que celui que laisse présager la sorcière…

« Je ne suis pas une sorcière comme toi. Je suis une simple femme. »

Elle laisse échapper une sorte de sourire qui ne trompe personne.

« Enfin, je l’étais avant de devenir la partenaire de vie du Père Noël. Depuis, il est vrai, j’ai bien changé. J’ai hérité d’une longévité frôlant l’immortalité. J’ai tellement affûté mon corps que je peux combattre des monstres à poings nus. Et parfois, la Magie de Noël se sert de moi comme une sorte de réceptacle. Mais non, désolé de te le dire, je n’ai pas de pouvoirs tel que celui de me transformer. »

L’excitation n’est pas la première émotion qui secoue Mrs Claus. On pourrait même dire qu’elle n’est pas une grande fan de magie. Certainement pas dépendre des autres et se sentir redevable. Combien d’expériences amères a-t-elle fait qui ont engendré une pareille vision de la vie et des relations ? Beaucoup trop…

« Opère, sorcière. Je n’ai de toute manière pas le luxe de choisir. Nous devons nous hâter. Même si, plus le temps passe, et moins j’ai l’impression de pouvoir être utile à quoi que ce soit… Cette impression de n’être rien. Une poussière inutile à l’échelle du cosmos… »

Etait-ce parce qu’elle avait croisé la famille de Boucle d’Or ? Etait-ce le fait de vivre dans une forêt protégée par la Magie de Noël ? Cet animal en lequel elle se transformait, est-ce que ça aurait été le même quand elle était encore une faible humaine sans nom ? Des questions et encore des questions. De l’inutilité. Seules les actions comptaient. Et, en se redressant sur ses pattes arrières, Mrs Claus laissa un cri bestial sortir de ses poumons d’ours blanc.

Mrs Claus lui indiqua n’être qu’une humaine ordinaire (un propos que Bayonetta nuancerait, elle avait vu des humains bien plus ordinaires qu’elle !), et qu’elle s’était fortifiée au contact du Père Noël. Apprendre que tout cela était la manigance d’un Grand Ancien semblait avoir ébranlé la conviction de Mrs Claus, et cette foi inébranlable en elle-même qu’elle avait affiché. Elle lui confirma cependant ne pas pouvoir se transformer d’elle-même. Bayonetta acquiesça, et sortit alors d’entre ses seins une nouvelle sucette. Elle avait une forme très particulière, en forme d’étoile multicolore. Elle la tendit à Mrs Claus.

« Je connais peu d’humains ordinaires qui se trouvent ici, Mrs Claus, ou qui ont ta vie. Mais, si cela peut te réconforter, face aux Grands Anciens, nous ne sommes tous que… Comment tu as dit, déjà ? Ah, oui... Des poussières inutiles à l’échelle du cosmos. »

Tandis que Mrs Claus suçait la sucette, Bayonetta observa les étoiles.

« D’après les mythes de la fondation de mon clan, les clans de Lumen et de l’Umbra ont été formés initialement pour veiller chacun sur la moitié d’un artefact sacré issu de la Tour des Dieux. Réunis, ces artefacts étaient suffisamment puissants pour combattre les Grands Anciens. Les mythes du clan de l’Umbra parlent de ces monstres, Claus, des créatures plus vieilles que les Dieux elles-mêmes, enfermées dans d’autres dimensions, et qui cherchent depuis lors à en sortir. »

Elle se retourna vers Mrs Claus, et enchaîna :

« Il y en a deux catégories… Les Dieux Extérieurs, qui sont considérés comme les premières divinités du Cosmos, et les Grands Anciens. Je te présente mes excuses, car, si on suit la classification de mon clan, Shub-Niggurath n’est pas à proprement parler un Grand Ancien, mais un Dieu Extérieur. Un dieu malfaisant, symbole d’une fécondité sexuelle perverse, qui a conçu avec Yog-Sothoth Nug et Yeb. Pour autant que je sache, les Grands Anciens sont leurs premiers serviteurs, mais la plupart des Dieux Extérieurs, ou en tout cas les plus puissants, comme Yog-Sothoth ou Azathoth, sont des divinités passives, endormies… C’est Nyarlathotep qui agit entre eux, leur messager funeste. Aussi, je pense que toute cette histoire est l’œuvre de Nyarlathotep, et que c’est lui qui cherche à invoquer Shub-Niggurath. Les magies positives et joyeuses, comme la magie de Noël, nuisent aux sinistres rituels qu’il doit concevoir. C’est sans doute aussi ce qui explique pourquoi ton amie sorcière a été attaquée. »

Le tableau d’ensemble se dressait petit à petit, sinistre et effrayant. Entre-temps, une aura magique entoura le corps de Mrs Claus, et son corps se transforma. Elle dut mettre un genou à terre, et son corps s’auréola d’une lumière blanche étincelante. Quand la lumière s’évapora en une légère explosion, Mrs Claus avait pris la forme d’une magnifique biche. Bayonetta sourit.

« Une biche… Tu es sans doute plus douce et aimante que tu n’aimes à le laisser paraître. »

Bayonetta se déplaça alors, et se transforma en panthère. Elle se rapprocha de la biche Claus, et utilisa sa télépathie pour communiquer avec elle.

*[MT] Contente-toi de penser pour que nous puissions échanger. Commence par t’habituer à ton apparence, fais quelques pas. Cela me laissera aussi le temps d’identifier les passages à emprunter pour rejoindre la forêt de Laponie. [/MT]*

Ça allait de pire en pire. Qu’est-ce que ça pouvait à faire à Mrs Claus qu’il y ait une différence entre des Dieux Extérieurs et des Grands Anciens ? Sérieusement ! Avec un nom ou un autre, elle ne restait qu’une toute petite humaine incapable de brandir les poings face à ces êtres probablement de la taille d’une planète ou d’un univers qui sommeillait tout au fin fond de l’univers…

Et elle suçait cette espèce de confiserie à l’allure d’un jouet pour enfant. Tant de couleurs… Ce n’était pas que Mrs Claus n’aimait pas les cadeaux, les enfants, les étoiles, les jouets ou encore les couleurs de l’arc-en-ciel. Mais en cette présente situation : tout ça ressemblait à une sinistre blague de mauvais goût…

Quand elle croyait que ça ne pouvait pas aller pire, voilà que la vie lui foutait une nouvelle claque dans la gueule. Une biche. Pas un imposant ours polaire musclé, majestueux et terrifiant. Mais une frêle et gracile biche.

« (phrases incompréhensibles parlées en biche) »

Comme si ça ne suffisait pas. Elle ne pouvait plus parler. Et elle semblait également avoir perdu la magie de la Witchblade canne à sucre…

*Penser. Elle a dit que penser suffirait. Attends, est-ce que ça veut dire qu’elle m’entend penser ça ? Est-ce que tu m’entends penser, sorcière ? »

Tout ça était beaucoup trop bizarre pour la très terre-à-terre administratrice de la grande machinerie de Noël. Plus ça allait, et plus elle perdait davantage de contrôle. Qu’est-ce que serait la prochaine étape ?...

Il allait en falloir tout de même davantage pour l’ébranler à un point à la coucher en PLS. Mrs Claus avait survécu à un sacré lot d’averses de merde dans sa vie. Gérer chaque année Noël était loin d’être une sinécure. Elle avait du tout prendre en charge quand le Père Noël n’avait plus été capable d’assumer ses fonctions. Alors ce n’était pas une transformation en biche qui allait l’immobiliser !

Ses premiers pas furent ridicules. Hésitants. Mais comment marcher sur quatre pattes quand on avait passé sa vie en bipédie ? Mais tel un nouveau-né, l’hésitation fit place à une joie nouvelle. Celle de pouvoir marcher seule. Il y avait… une liberté à être une « simple » biche. Elle se mit alors à courir ! Faire des bonds ! Il y avait quelque chose de grisant.

*Mais qu’est-ce que diront les cerfs-garous si on les rencontre ? Non. Je ne dois pas penser à ça. Sorcière ! Je suis prête. As-tu trouvé les passages dont tu me parlais ? *

Visiblement, la forme d’animal-totem ne plaisait pas à Mrs Claus. Bayonetta avait senti le découragement chez elle, mais elle n’avait pas le temps de s’en préoccuper. Les humains étaient pénibles pour ce genre de choses. Mrs Claus s’était visiblement beaucoup musclée pour être forte, apparaître inébranlable, mais ce manque de confiance soudain en elle témoignait de ce qu’elle était, au fond… Une jeune femme craintive, qui manquait d’assurance, et qui s’interrogeait sur sa place dans le monde. Et il ne fallait honnêtement pas trop compter sur Bayonetta pour expliquer ce genre de choses, elle qui vivait dans son propre univers. Tandis que Mrs Claus se familiarisait avec son enveloppe, Bayonetta examinait les lieux, mélangeant ses instincts magiques et sensoriels, jusqu’à identifier les couloirs, les passages et les vortex. Quand Mrs Claus revint, Bayonetta se retourna vers elle, et hocha la tête.

*[MT] Oui… Suis-moi, je vais essayer de nous guider au mieux. [/MT]*

Bayonetta se mit à courir, et passa entre plusieurs arbres. Derrière elle, Mrs Claus la suivait, et, peu à peu, le duo atteignait un bon rythme. Petit à petit, Bayonetta arrivait à se familiariser avec les passages. Il fallait emprunter plusieurs arbres, et elle pouvait sentir le cœur de la forêt. C’était à l’origine une seule et immense forêt, une forêt qui, avec l’écartèlement et l’éloignement des continents, avait été écartelée, elle aussi. Mais les passages étaient restés, des passages ancestraux, remontant aux premières sociétés préhistoriques, aux clans et aux Chamanes. Elle suivait donc le chemin, allant de plus en plus vite, jusqu’à ce qu’elle et Mrs Claus soient dans une sorte de long couloir blanc. C’était comme lorsqu’elles étaient sur le traîneau, voyant des forêts défiler à droite et à gauche. Bayonetta emprunta un sentier qui montait, et bondit dans les airs.

Elle reprit sa forme normale en atterrissant sur le sol, Mrs Claus à côté d’elle. Le voyage avait finalement été un succès, et, quand Bayonetta releva la tête, elle put voir la forêt de Laponie.

« Nous sommes revenues chez toi, Claus… Ne traînons pas. »

Il ne fallut pas longtemps pour que Mrs Claus retrouve son chemin (et les sensations de son corps de nouveau humain). Le Chalet. Il était là. Devant elles deux.

« J’ai presque envie de dire enfin. Presque… S’il n’y avait pas cette pluie de merdes qui nous tombait dessus de plus en plus fort. Bon, poussons la métaphore. Allons-nous abriter à l’intérieur. »

Sitôt entrée, des lutins semblèrent sortir de nulle part et partout à la fois. L’un avait un dossier épais. L’autre une feuille à faire signer avec un stylo plume déjà tendu. Mais tous se stoppèrent. L’aura de leur Boss était à tout sauf au travail. Et tous savaient à quel point Mrs Claus se sacrifiait pour le travail de Noël. Ils la laissèrent donc passer, elle son invitée. Pareille, Mrs Claus n’emmenait jamais des inconnus au-delà de son bureau, par-delà le couloir qui permettait de voir en contrebas à l’étage du dessous l’atelier « showroom » de la magie de Noël.

Mrs Claus était donc seule avec Bayonetta dans une cage d’ascenseur qui descendait. Encore. Encore et encore. Très profondément. Trop pour que ça réponde aux lois de la physique standard.

« Suis-moi. »

Si le rez-de-chaussée présentait une décoration chaleureuse avec la présence du bureau fait de bois massif pour exemple : le couloir qu’empruntait les deux femmes aurait plutôt tendance à être caractérisé de lugubre. Ce n’était pas tant la décoration épurée qui donnait cette impression. Mais il y avait « quelque chose dans l’air ».

Un gros cadenas à une porte fermée. Mrs Claus s’était arrêtée juste devant.

« Ce n’est jamais facile pour moi d’ouvrir cette porte. Et je ne m’attends pas à ce que tu comprennes ce que tu vas voir et pourquoi j’ai du en arriver là. »

Mrs Claus ouvrit la porte après avoir déverrouillée le cadenas. Au centre d’une pièce semblable à une cellule de prison sans fenêtre, se prostrait un vieil homme famélique à la tête penchée. Il regardait le mur et semblait baragouiner quelque chose à voix trop basse.

« Voici le Père Noël. Du moins, ce qu’il en reste. »

Mrs Claus s’approcha de lui. Rien qu’à sa démarche, on comprenait que c’était un crève-cœur pour cette femme qui semblait arborer un look de femme puissante, sure d’elle, et qui s’entraînait pour avoir le corps d’un jeune Schwarzenegger.

« Il ne semble pas pire que la dernière fois que je suis descendu. Je ne comprends pas. Je pensais que son état se serait encore détérioré rapport aux nouveaux agissements de Krampus. Il faut croire que ce n’est pas Krampus qui soit devenu plus puissant. Mais bien que quelqu’un utilise Krampus… »

Finalement, le refuge du Père Noël n’avait pas encore été attaqué. Bayonetta reprit sa forme normale, tout comme Mrs Claus, qui se releva néanmoins toute nue. Si Bayonetta pouvait sans problème reconstituer sa combinaison avec ses cheveux, elle redonna à Mrs Claus ses vêtements. Le duo retourna ensuite à l’intérieur du chalet, la partie extérieure du refuge. Les lutins s’étaient inquiétés après cette redoutable virée. Mrs Claus invita Bayonetta à la suivre, et le duo rejoignit une chambre accessible par une porte verrouillée. Un cadenas magique très solide, qui était au cœur d’un verrou magique complexe. Derrière, l’ambiance était très particulière. Bayonetta vit une pièce sans fenêtre, des murs capitonnés avec un fauteuil, un matelas, et un seau. Un homme se tenait là, cadavérique, cacochyme. Une longue barbe blanche descendait sur son torse. Il était intégralement nu. Bayonetta fronça les sourcils en reconnaissant la figure du Père Noël, une figure bien moins bougonne et enjouée que ce qu’elle avait vu sur les publicités de Coca-Cola.

*Lui, une sucette ne suffira pas à le soigner…*

Ses yeux étaient vitreux, et il ne réagissait guère à ce qui se passait. Bayonetta resta silencieuse, et croisa les sourcils. Elle vit Mrs Claus s’agenouiller devant le Père Noël, visiblement atteinte par son état.

« Je ne comprends pas… La magie de Noël existe. Les enfants croient toujours en Noël, et elle reste la fête la plus célébrée sur la planète, même dans les sociétés qui ne sont pas chrétiennes. »

Autrement dit, à quoi était dû cet état de décrépitude ? Elle avait l’impression que le Père Noël était comme ensorcelé, ou maudit. C’était sa femme qui devait sûrement le nourrir, et qui veillait sur lui dans la mesure du possible. Une chose qui ne devait pas être facile. Bayonetta observa les murs, et, quand elle en toucha un, les glyphes magiques s’illuminèrent. Toute la pièce était enchantée, sans doute pour empêcher quiconque de venir ici. C’était une prison… Mais le Père Noël était déjà enfermé dans sa propre prison.

« Que lui est-il arrivé ? »

« Je n’ai pas encore percé le mystère du Père Noël. Je crois que c’est une histoire aussi vieille que le monde. Une histoire qui a su évoluer au fur et à mesure que l’humanité évoluait. Preuve en est, récemment, de sa dernière transformation suite à la création Coca-Cola. »

Mrs Claus posa sa grosse main sur la joue émaciée du vieillard. C’était un moment très tendre. Très triste également. Cette femme au corps de Hulk restait tout de même une femme avec des émotions et une délicatesse. Preuve en était de sa transformation en élégante biche.

Elle poussa un profond soupir et se releva. Elle devait quelques explications à la sorcière.

« Je ne m’en suis pas rendu compte au début. Ca remonte à si longtemps… Je crois que la première guerre mondiale n’avait pas encore plongé la Terre en Enfer. »

Mrs Claus narra donc quelques extraits de sa vie avec un Père Noël qui était encore actif, énergique et musclé. La Légende. Et non le presque cadavre qui semblait attendre que les dernières braises de sa vie se consument… Mrs Claus raconta donc que le Père Noël avait commencé par faire quelques remarques. Il était plus sévère avec les lutins fidèles. Il donna par la suite quelques gifles violentes pour punir des erreurs qui retardaient les millions de jouets qui étaient dans la file à créer. Mrs Claus, au début, trouva des explications à ces comportements. Le stress de l’arrivée du Jour : celui de la nuit de Noël. Il y avait tant à faire et seulement une paire d’épaules pour porter ce poids immense. Car, en ce temps, Mrs Claus n’était pas la femme qu’elle était aujourd’hui. Elle était la compagne du Père Noël et n’était pas encore pro-active dans la Magie de Noël.

« Le jour où j’ai pris la pire décision de ma vie, c’est le jour où je suis descendu profond dans le Chalet. Dans un étage un peu plus haut que celui où on se trouve. Je cherchais le Père Noël car il y avait une urgence à régler. Et quand je l’ai trouvé, j’ai d’abord cru que Krampus avait réussi à s’infiltrer. C’était impossible. Mais cette aura ? Cette sensation ? Peu importe le mot, mais ce qui s’échappe du corps avant que les cinq sens découvrent. J’ai vraiment cru que c’était Krampus alors que c’était le Père Noël. »

Dans une petite pièce, des femmes presque intégralement nues étaient attachées les bras en l’air. Une corde liant leurs deux mains au niveau du poignet. Ces quelques femmes paraissaient amaigries. Certaines avaient des ecchymoses. Ce qui aurait pu passer pour une insolite scène d’orgie bascula dans l’horreur. Oui, le Père Noël n’avait plus la même sexualité. Ça avait été un des signes de sa décrépitude, après une mauvaise humeur ou les gifles contre ces fidèles lutins.

« Toutes ces femmes avaient le visage caché derrière un paquet de Noël. C’était comme si c’était des cadeaux vivants. J’ai réellement pris conscience à ce moment-là que le Père Noël n’était plus l’homme qui m’avait épousé. La figure joviale était devenue l’ombre d’elle-même. C’est à partir de ce jour-là que je l’ai enfermé. Puis que j’ai repris « l’entreprise ». Que je me suis forgé un corps et un esprit capable de préparer et délivrer tous les cadeaux en une seule nuit chaque année. »

Telle une pièce qui a deux faces, le Père Noël et Krampus sont liés. Par des liens d’une nature inconnue. Il faut un équilibre pour que les deux existent. En termes simples, il n’y a pas de méchant sans gentil. Pas de lumière sans ombre. Mais le ratio avait basculé. Krampus avait pris la domination. Et le Père Noël mourrait lentement…

Et les explications vinrent. Assez tragiques. Le Père Noël avait chuté, il était devenu fou, au point que Mrs Claus avait dû le droguer, et le mettre dans cet état, en le supplantant. Bayonetta eut un frisson en découvrant les frasques sexuelles du Père Noël. Quelque chose l’avait corrompu, et Mrs Claus imputait cela aux deux conflits mondiaux. Bayonetta n’était pas une spécialiste en géopolitique, mais elle connaissait la magie. Elle ne doutait pas que Mrs Claus ait dû ausculter le Père Noël. Cependant, quelque chose la chiffonnait dans cette histoire.

« Pourquoi Krampus continuerait à vouloir s’en prendre au Père Noël… S’il est dans cet état, et s’il est déjà corrompu ? »

Bayonetta n’était pas spécialiste de ce genre d’entités magiques surnaturelles, des esprits vieux et anciens. La fête de Noël était une reprise de différentes fêtes ancestrales qui célébraient le solstice d’hiver. Dans les peuplades germaniques, on l’appelait « fête de Yule ». Chez les Nordiques, Yule était une période spéciale, où Heimdall rendait visite aux enfants de nobles pour les féliciter et leur offrir des cadeaux. Les enfants laissaient des chaussettes, et les bons enfants recevaient au matin des présents dans leurs chaussettes, les mauvais enfants recevant des cendres. De manière plus générale, le solstice d’hiver commémorait l’affrontement entre le « Roi de Houx » et le « Roi de Chêne », des Dieux-arbres.

Elle sortit de ses pensées en contemplant la silhouette apathique du Père Noël.

« Je n’ai pas la solution pour le soigner, mais tu ne peux pas le laisser comme ça. Ce qui se passe dans la forêt australe… On ne peut pas exclure une corrélation entre son état et… »

Des vibrations résonnèrent alors. Bayonetta releva la tête, voyant de la poussière tomber du plafond.

« Je crois que ton refuge a de la visite… »

Dehors, de multiples paires de yeux argentés pointaient dans l’obscurité. La meute de loups que Bayonetta et Mrs Claus avait aperçu était finalement arrivée… Des loups menés par une créature de cauchemar qui se redressa lentement sur ses pattes arrière, exhibant un corps massif et puissant.

Le Grand Méchant Loup venait d’arriver !

« Nous ne craignons rien à l’intérieur du Chalet. »

Le bâtiment était spécial. A un niveau qui dépassait les capacités d’entendement de Mrs Claus. Le Chalet était aussi insondable que le mystère Père Noël/Krampus. Le seul point commun entre les deux ? Ils existaient tous et on devait faire avec.

« J’ai déjà eu une très longue vie. Honnêtement, la psyché humaine n’est pas faite pour connaître autant de bonheurs et de drames. Mais je suis toujours là, et je sais que c’est la Magie de Noël qui me soutiens. Bref, je suis toujours là et de toute mon existence, le Chalet a toujours été une place impénétrable. Alors, même si ça secoue. Même si les lézardes couvrent les murs, plafonds et sols. Je peux t’assurer que nous sommes en sécurité. »

Mais c’était un triste état que de dire ça. Si profond sous le rez-de-chaussée du Chalet, en compagnie d’un Père Noël à l’allure de SDF victime de prises de drogues dures. Non, rien ne respirait la confiance à cet étage.

« Ce n’est pas aujourd’hui que le mystère du Père Noël et de Krampus sera résolu. Ça fait des années et des années que je recherche la solution. Je ne m’attends pas à ce que tu comprennes tout ça en un claquement de doigts. En fait, je ne comprends même pas pourquoi je t’ai fait découvrir tout ça. C’est un secret extrêmement bien gardé. Peu de mes lutins sont au courant. Je crois… je ne sais pas. Peut-être que je me fais vieille. »

Etait-ce une illusion d’optique ? L’espace d’un instant, la terrible et musclée Mrs Claus parut se voûtée et se ridée. Certes, Mrs Claus avait les cheveux argentés. Mais durant un terrible instant, l’argent fit place à la blancheur des êtres qui sont si proches de la fin…

« Aujourd’hui encore, je vais devoir lutter. Mon seul réconfort ? »

L’illusion était déjà dissipée. Si seulement illusion il y avait eu…

« Je ne suis pas seule. Je crois que je peux te faire vraiment confiance, Bayonetta. Et je n’ai aucune idée de pourquoi. C’est un truc d’instinct et non d’intellect. Peut-être même que c’est une sorte de destinée ou autre motivation transcendantale. »

C’était peut-être ridicule, mais Mrs Claus banda les muscles de ses bras. Des biceps très impressionnants ! Une pause à la Hulk. Malgré cela, la femme du Père Noël semblait retrouver le sourire et l’espoir à l’idée d’une bagarre à venir !

« Le loup n’aura pas le souffle pour faire s’envoler le Chalet. Encore moins quand il couinera sous le talon de deux femmes fortes, oui ? »

Mrs Claus était ressortie hors de la « prison » du Père Noël. Si Bayonetta était décidée, le chemin était tout désigné pour reprendre l’ascenseur et remonter au rez-de-chaussée.

Mrs Claus avait toute confiance dans la résistance du Chalet, et assura à Bayonetta qu’elles ne craignaient rien ici, et que le Chalet était inviolable. Un excès de confiance qui semblait bien familier à la sorcière. Ses sœurs du clan de l’Umbra pensaient aussi que leur forteresse était inviolable, impénétrable… Mais, quand Fortitudo avait attaqué la forteresse avec sa cohorte de monstres angéliques, il avait forcé le passage, et il avait massacré quasiment tout le monde. Si l’expérience avait appris quelque chose à la belle sorcière, c’est qu’aucune place forte au monde n’était inviolable. Il y avait toujours des failles, surtout quand plusieurs figures maléfiques des contes s’unissaient entre elles sous la gouvernance de Shub-Niggurath. Mrs Claus lui indiqua n’avoir aucune idée du lien reliant le Père Noël à Krampus, et qu’elle continuerait à enquêter. Elle semblait avoir perdu de sa foi en elle, de cette force qui faisait d’elle un roc inébranlable. Néanmoins, Mrs Claus retrouva ses esprits en sortant de cette cellule, et invita Bayonetta à la suivre. Celle-ci regarda une derrière fois la carcasse avachie du Père Noël, puis se retourna vers Mrs Claus.

« Chaque chose à la fois. Commençons déjà par repousser nos visiteurs indésirables. »

Elle rejoignit donc Mrs Claus dans l’ascenseur, qui remonta vers la surface. L’ascenseur trembla à nouveau. Les secousses s’accentuaient dangereusement. Elles rejoignirent une sorte de grand hangar avec des montagnes de cadeaux dans leurs emballages. Il y avait également plusieurs traîneaux, et des lutins paniqués qui couraient dans tous les sens.

« V’là la Patronne !
-  Boss, nous avons activé les Bonhommes de Neige ! »

Dehors, les Bonhommes de Neige roulaient rapidement. Ils portaient des armures de combat médiévales avec des épées, et attaquaient les loups. Toutefois, il n’y avait pas que des loups. D’autres créatures monstrueuses émergeaient des bois. Il y avait les Wendigos que les deux femmes avaient croisé, mais aussi des épouvantails. Au centre de la cohue, sur une butte, le Grand Méchant Loup soufflait. Depuis sa gueule, un intense rayon énergétique rougeâtre frappait les portes du Chalet, éprouvant les runes magiques de ce dernier. Une autre figure de cauchemar avait rejoint le champ de bataille : Sleepy Hollow, le redoutable Chevalier-Sans-Tête.

Bayonetta se déplaça lentement.

« Tu es sûre que ce refuge est aussi inviolable ? Parce qu’ils ont l’air de mettre le paquet… Et, bizarrement, Krampus n’est pas là.
-  Le souffle du Grand Méchant Loup n’a jamais réussi à faire tomber la troisième maison, hey, ma bonne dame ! »

En regardant autour d’elle, Bayonetta vit depuis un poste de contrôle trois hommes-cochons habillés qui parlaient entre eux.

*Les Trois Petits Cochons, bien sûr…*

Elle se pinça les lèvres.

« Peut-être, mais à l’époque, je doute que le Grand Méchant Loup ait été missionné par le Bouc Noir. »

Cette information instaura brusquement dans l’entrepôt un silence troublant. Les différents lutins regardèrent Bayonetta, comme si elle venait de dire quelque chose d’horrible.

« Vous… Vous voulez parler de…
-  Shub-Niggurath. Vous en avez entendu parler ? »

Les lutins se regardèrent entre eux, et répondirent alors :

« Nous avons été recueillis par le Père Noël, Madame, mais nous venons tous de la même famille. Grýla, notre mère, était une géante monstrueuse. Elle mangeait les enfants des villages environnants, et était accompagnée de son chat monstrueux, Jólakötturinn, le Chat de Noël… Un chat qui dévorait avec elle les enfants. Leppalúði, notre père, était doux et chétif, alors, pour éviter que notre mère ne nous dévore, il a conclu un pacte avec le Père Noël, et il nous a confié à ce dernier. L’aider à faire Noël, c’est une manière pour nous de racheter les péchés de notre famille.
-  Votre histoire est tragique, j’en conviens, mais quel rapport avec Shub-Niggurath ?
-  Grýla le vénérait. Elle sacrifiait les enfants en son nom, afin de concevoir les monstrueuses créatures de Shub-Niggurath… Les Chevreaux. Son culte a rendu notre mère folle, ainsi que les lutins qui ne nous ont pas suivis. »

Bayonetta resta silencieuse pendant quelques instants.

« Nous étions destinés à être sacrifiés… Le Père Noël nous protège. Chaque lutin qu’elle corrompait évoluait en Chevreau. »

Grýla… Pouvait-elle être celle qui avait conspiré pour unir différentes forces maléfiques entre elles sous une même bannière ? Bayonetta se retourna vers Mrs Claus, et se pinça les lèvres.

« Les Bonhommes-De-Neige auront besoin d’aide… Tu es prête ? »