L’Homoncule avait souffert, c’était indéniable. Prostrée sur le sol, elle ne bougeait plus, attendant que son corps cicatrise. Elle avait réussi à ne pas sombrer dans le coma, et ses signes magiques brûlaient sur son corps, régénérant sa peau dans la souffrance. La douleur était terrifiante, mais Luxuria ne la fuyait pas. Qu’elle soit là était la preuve qu’elle était en vie, que son corps réagissait, et que les tissus se reconstruisaient. Les chercheurs et magiciens qui avaient créé Luxuria avaient vraiment bien travaillé. Elle en aurait presque des remords, à l’idée de les avoir tué. Luxuria ne voulait toutefois pas qu’ils aient dans l’idée de reproduire une autre Homoncule. Moins elle avait de semblables, et plus elle serait unique. Cependant, sur ce coup, elle avait peut-être surestimé ses incroyables capacités régénératrices. Elle avait rarement souffert autant, mais al douleur était le prix à payer pour cicatriser. Elle voyait sa robe se reformer progressivement. C’était du slime, soit une texture virtuellement indestructible. Elle était en train de se refaire, de recouvrir le corps endommagé de Luxuria, qui ressemblait alors à une grand-mère acariâtre, aux os fragiles, aussi résistants que des biscottes, quand Kiriko l’aida à se relever.
« Relève-toi car c'est pas dans cet état-là que tu pourras espérer remettre ça avec moi » lui glissa-t-elle, comme pour l’encourager.
Luxuria était trop affaiblie pour lui répondre, et posa une main sur le rebord, avant de la suivre, lentement. Ce couloir piégé avait bien manqué la tuer, mais elle avait réussi à survivre. Cependant, cette traversée n’était pas sans conséquences, l’amenant à se demander encore quel était son rôle ici. La Luxure ne manquait pas d’adeptes, et les fidèles de Wallündrill n’apporteraient pas énormément de puissance à une Déesse lesbienne. Il devait donc y avoir une autre raison, un motif caché... Et l’instinct de l’Homoncule lui soufflait que cette raison était liée à Kiriko, aux sorcières. Les sorcières étaient des femmes de luxure, qui organisaient des orgies infernales lors de leurs réunions secrètes, les sabbats, où elles invoquaient incubes et succubes pour animer des orgies interminables et fastes, qui duraient parfois plusieurs jours, et que l’Ordre, dans sa haine, avait assimilé à des rituels sataniques où les sorcières invoquaient des forces maléfiques pour répandre la mort et le chaos. Si ce genre d’évènements existait, en réalité, la plupart des sabbats que l’Ordre avait traqué n’avaient que pour seul objectif de proclamer les plaisirs naturels de la chair. C’était peut-être ce lien qui était sa raison d’être ici...
Après le couloir, une passerelle en bois leur apparut, menant vers le port, où plusieurs soldats étaient présents. Ils formaient une petite garnison, avec des archers, des gaillards dans de rudes armures, et une embarcation. Le navire qui les ramènerait à Wallündrill. Elles en avaient donc terminé ? Luxuria n’osait y croire.
« Conformément aux règles mises en place par Wallündrill, annonça le lieutenant responsable de la garnison, vous êtes officiellement sorties de la prison, vous avez donc remporté cette épreuve. »
Un pâle sourire éclaira les lèvres blafardes de Luxuria. Elle reprit son souffle, et se libéra de l’étreinte de Kiriko.
« Ça va, Kiriko... »
Ses cheveux avaient retrouvé leur couleur vive, ce noir profond qui lui allait si bien, et étaient de nouveau fins et soyeux. Son corps reprenait peu à peu ses formes, et elle pouvait voir ses doigts grossir. Il ne leur restait plus qu’à embarquer... Quand quelqu’un d’autre approcha. Sur le navire, on pouvait voir Milka les observer depuis le bastingage, saluant Kiriko, ainsi qu’Atil, qui était assis sur le mât. Celui qui approchait saignait de la lèvre, avait visiblement reçu plusieurs impacts. C’était Mirmirion, le Champion de l’Avarice ! Luxuria grogna en le revoyant. Les mauvaises herbes avaient la vie dure.
« Vous voilà enfin, annonça le gradé. Malheureusement, vous faites partie des deux derniers membres, et, conformément aux règles, vous faites partie des éliminés. »
Luxuria n’en croyait pas ses oreilles, et se permit de sourire.
« Il va falloir fêter ça... Ce soir... »
Elle repensait déjà à sauter Kiriko, c’était donc qu’elle allait mieux. Cependant, les choses n’étaient pas aussi simples. Le Champion de l’Avarice ne comptait pas abandonner si facilement, et pointa du doigt Luxuria et Kiriko.
« Une minute ! Elles ne sont pas encore montées sur le bateau ! Techniquement, elles sont donc toujours dans la prison !
- Oui, mais...
- La ferme, minable ! » éructa l’homme.
Son regard se porta vers Kiriko et Luxuria, et il avait un sourire mauvais sur les lèvres.
« Si j’arrive aussi tardivement, ce n’est pas sans un motif valable, expliqua-t-il. Regarde là-haut, Kiriko... Une salope comme toi a forcément de bons yeux... Regarde sur ce rempart... »
Luxuria regarda, et aperçut une silhouette qui était sur un rempart précaire, une corde autour du cou. Un simple mouvement du vent suffirait à briser son abri précaire, et à la pendre. Un cristal en obsidienne était relié au nœud de la corde, et Luxuria la reconnut. C’était la petite Bul.
« Si personne ne vient la secourir, elle mourra... J’ai croisé cette petite salope sur ma route... Et, comme vous avez détruit la tour, j’ai du faire tout le putain de tour. Si tu ne vas pas la chercher, elle mourra. Mais, si tu vas la chercher, je prendrais ta place. »
Luxuria se mit à tousser devant un tel choix. Elle savait que la Celkhane était fleur bleue, et sa nuit romantique serait foutue en l’air si Bul venait à être pendue sous ses yeux. Elle ne voyait qu’une solution, et regarda Kiriko, lui parlant rapidement :
« Je vais y aller à ta place, Kiriko. »
Oui, elle pouvait aller sauver Bul, même si ça reviendrait à la disqualifier. Elle posa l’une de ses mains sur les fesses de Kiriko, se crispant dessus.
« Mais ça ne sera pas gratuit... Si j’y vais, je perds cette compétition, mais je crois que tes fesses valent bien cette compétition ridicule... Alors, si je vais la sauver, je veux ton corps... Et celui de ta Déesse... Je veux vous baiser tous les deux, et que vous me baisiez en retour. Et je veux pouvoir te faire l’amour à chaque fois que je le voudrais et que je le pourrais... »
C’était ses conditions pour aller sauver Bul, et le temps leur manquait. Elle se moquait bien de cette petite, mais, d’un autre côté, avoir Kiriko avec soi était un cadeau à saisir, une opportunité qui méritait bien les prières de Wallündrill.