The Multiversity

Docile et obéissante, Alice entreprit de suivre Nanami à travers les méandres des rues piétonnes. Elle ne connaissait pas trop ce quartier, et voyait des enseignes lumineuses un peu partout, une explosion de jets de couleur et d’images fluorescentes. Le Japon nocturne vivait à pleins poumons, dans un concert de lumières aveuglantes et de piétons marchant dans tous les sens. La troisième puissance économique du monde assumait fièrement ce titre. En s’avançant à travers les rues piétonnes, elles évitèrent les immenses panneaux publicitaires géants promouvant la sortie de tel ou tel jeu vidéo à la mode. Alice suivit Nanami, et les deux femmes pénétrèrent dans un bâtiment, où on pouvait entendre, en bruit de fond, des accents de musique avec des voix d’adolescentes et des accords de guitares électriques. Nanami se chargea de louer une chambre pour deux, et Alice et elle se retrouvèrent ainsi dans une pièce découpée en deux parties : dans un coin, des fauteuils ; dans l’autre, une sorte d’auditoire avec un micro, et de l’espace pour danser. Un appareil mural dans un coin permettait de choisir la musique.

Alice, bien évidemment, connaissait le karaoké, et sourit légèrement quand Nanami entreprit de lui expliquer ce qu’il s’agissait. Certes, elle n’avait jamais été dans un karaoké, mais elle n’était pas non plus complètement neuneue. La Princesse ne fit aucun commentaire, se contentant de s’asseoir, le cœur battant légèrement la chamade. La chanson... Elle adorait ça ! Petite, quand son père invitait des bardes et des troubadours au Château, elle adorait les entendre chanter et danser. Forcément, quand elle avait vu la culture terrienne, et à quel point la chanson était un art répandue et variée, d’un bout à l’autre du monde, elle avait été enchantée. C’était presque comme si la chanson constituait un fond culturel commun à toute l’espèce humaine.

La musique qui défila devant ses oreilles avait un rythme nerveux, très rapide. Il fallait retenir son souffle avant de s’élancer, et profiter soigneusement des moments de pause pour retrouver sa respiration. Les paroles fusaient à toute allure, sans qu’Alice n’arrive à y comprendre grand-chose, si ce n’est le mot « ENJOY ». Elle se serait presque crue devant une version funk des génériques d’anime, et crut au début à une chanson par un artiste espagnol, proche de Manu Chao, avant de reconnaître des sonorités japonaises. Debout sur son podium, Nanami chantait rapidement, faisant filer les mots entre ses lèvres, et le corps d’Alice se laissait porter, remuant de gauche à droite sur son fauteuil. Elle était heureuse, contente, tandis que des effets de lumière s’allumaient en hauteur, éclairant le podium, tout en faisant décroître la lumière dans la pièce. Nanami était littéralement sous le feu des projecteurs, et chanta ainsi pendant quatre minutes, enchaînant les paroles sans perdre le fil.

Quand la musique se termina, Alice tapa dans ses mains, l’applaudissant.

« Waaw, bravo !! »

L’intéressée reprit alors, l’invitant à la rejoindre :

« Voilà ce que ça donne, à ton tour ! Tu préfères débuter par un duo ou toute seule ? »

Alice réfléchit un petit peu. À deux, ça pourrait être cool... Mais elle préférait d’abord se lancer seule. Nanami l’avait fait, et il lui semblait plus juste de faire comme elle.

« Tu as beaucoup usé ta gorge, je pense que tu mérites de te reposer un peu... On chantera à deux ensuite, ce sera cool ! »

La Princesse alla se positionner, et marcha vers l’écran mural, qui fonctionnait de manière tactile. Elle remonta dans les dossiers, et regarda brièvement le « Top 10 » de la journée. Daft Punk, Kyary Pyamu Pyamu... Tout ça lui semblait toutefois être un peu vite, et elle enchaîna sur une musique d’origine occidentale, bien qu’elle resterait dans le même ton que Nobodyknow+. Elle la sélectionna, puis alla attraper le micro, et s’éclaircit la gorge.

La musique défila, répandant des accords de saxo, de trompette, et des basses. Alice remuait déjà des hanches sur place, et se mit alors à chanter :

« When’ver I’m wiiith heeeerr... »

Elle était en train de chanter un morceau de Phil Collins, Heatwave.

« Heaaaatwaaave !! »

Emportée dans son élan, Alice poussa un petit cri joyeux en levant un poing en l’air, tournoya sur elle-même, puis continua à chanter, suivant les instructions qui défilaient sur l’écran, en transe avec la chanson :

« Sometimes I staaare in spaaaace… »

La Princesse était partie dans son élément, revenant dans le monde joyeux de l’imaginaire, le pays de l’enfance, celui où on se contentait de se laisser aller sans penser à rien. La musique était courte, moins de trois minutes, mais elles furent intenses, rythmées par les déhanchés de la jeune femme, qui ne se gênait pas pour regarder Nanami, essayant, dans la mesure du possible, d’accorder les paroles de la chanson à ses propres réactions. Le rythme était entraînant, elle était motivée, et on pouvait lire dans ses yeux des lueurs d’amusement, alors que ses zygomatiques avaient naturellement tendance à se tendre. Elle adorait la musique, tout simplement ! Si Alice avait lu certaines recherches scientifiques attestant que la musique agissait sur le cerveau comme une drogue, elle aurait été totalement d’accord. C’était délicieux, et terriblement addictif !

Elle continuait donc, tout en tendant une main vers Nanami la désignant du doigt, l’autre s’agrippant sur son micro :

« Don't pass up… Thiiiiis chaaaaaance… It could be true romance… HEATWAAAAVE !! YEAH !! »

Elle termina sa musique en faisant un dernier tour sur elle-même, et les lumières s’éteignirent, d’autres lumières, plus neutres, venant s’allumer. Alice était littéralement excitée comme une puce, et Nanamis ‘empressa de la rejoindre, notant son score... Alice fut étonnée de voir qu’elle avait fait une meilleure performance que Nanami. Son score fut interprété par la machine par le message suivant : « Excellent ! Avez-vous songé à faire du chant ? Vous venez de vous trouver une vocation ! ». La Princesse rougit légèrement, joignant nerveusement ses mains dans son dos, mais sa brève rougeur fut vite évanouie par un sourire quand Nanami la félicita.

« Tu une meilleure voix que moi pour chanter.
- Hihi ! J’adore chanter, pour être honnête. »

On avait sans doute du le remarquer. Nanami lui proposa ensuite de choisir une chanson. La Princesse hocha la tête, et alla chercher une autre chanson. Elle hésita quelques secondes, avant d’en trouver une qui pouvait convenir. Elle choisit le mode « DUO », et, devant elles, un rétroprojecteur afficha une image plus grande, permettant de diffuser ce qu’il y avait sur le pupitre central, afin que les deux puissent le voir. Le titre de la musique s’afficha en gros :
Alice se mit juste en face de Nanami, et lui sourit, une lueur de malice brillant toujours dans ses yeux.

« Prête ? »

Elle lui sourit, et la musique s’enclencha.

« One, two, three… UH !! »

Alice avait choisi cette musique parce qu’elle remuait plutôt bien, et parce qu’elle l’aimait bien... Ce qui, dans le fond, était lié. Certes, elle écoutait aussi du classique, mais elle se voyait mal faire du karaoké sur Beethoven. Autant surfer sur les tubes du moment, après tout. La Princesse se mit donc à chanter, avec l’engouement habituel, en duo avec Nanami, et elle se disait que c’était vraiment une soirée merveilleuse.

« Quel spectacle, on déchire tout ensemble.
- Ouais ! » ne put que confirmer Alice, qui avait le sourire aux lèvres.

Probablement sans même le réaliser, Alice était en train d’agir comme une parfaite Terrienne de base, passant une soirée karaoké avec une copine, en tout bien, tout honneur. Nanami passa sa main sur son épaule, et Alice passa la sienne sur sa hanche, et elles continuèrent à chanter, à se défouler, riant comme des bourriques, dansant, chantant, laissant la musique agir, comme le capitaine d’un navire lancé à toute allure sur des rapides. Elles chantaient sans voir le temps passer, la Princesse ayant, à peu de choses près, l’impression de flotter dans un rêve. Elle était immergée dans une situation de bonheur, sans avoir aucune envie d’en sortir, se laissant pleinement aller, suivant Nanami, qui rythmait la chose. Sylvandell était alors bien loin de son esprit, et elle se contentait tout simplement de s’amuser, de s’évader... Ce qui, mine de rien, n’était pas aussi facile que ce qu’on pouvait penser, quand on avait, comme elle, de lourdes obligations.

Le temps défila, et Alice était en train d’applaudir Nanami pour sa performance, quand une femme entra, et leur indiqua que leur forfait était presque arrivé. Elle leur demanda si elles voulaient continuer à réserver la pièce ou non. Réfléchissant rapidement, Nanami indiqua qu’il était temps de partir, et la Princesse la suivit, tout en consultant l’heure. 23h30 ! Oh la vache ! Et elle n’était même pas chez elle ! En constatant qu’il était tard, elle récupéra son portable, mais constata qu’elle n’avait reçu aucun message de Mélinda. La vampire n’était pas sans ignorer qu’Alice n’était pas son esclave, mais Alice savait que, dans une certaine mesure, la vampire se sentait responsable. Si elle ne lui avait pas envoyé de message, c’était probablement parce que, à cette heure, elle devait être en train de s’amuser en charmante compagnie... À cette idée, Alice rougit légèrement. Dans le dos de Nanami, elle observa brièvement ses formes, et cligna des yeux, revenant à des considérations différentes.

Nanami se retourna vers elle, pour lui soumettre un choix :

« Pour la suite, dit moi tu préfères quoi ? Un bowling boite de nuit ou une soirée dans un squat avec que des amis à moi ? A moins que tu sois déjà fatiguée ? »

Alice hésita un peu, et se rapprocha d’elle.

« Je passe une soirée super avec toi, Nana’ ! Alors, rien que pour ça, je voulais te remercier... »

Elle se pencha alors vers elle, et lui fit un petit bécot sur la joue, avant de s’écarter un peu, un sourire ravi sur les lèvres.

« Comment veux-tu que j’aille me coucher après avoir passé des heures à danser et à chanter comme une folle ? Je suis toute excitée ! »

Sans doute n’avait-elle pas confiance du fait que ses paroles pouvaient être interprétées. Alice parlait avec honnêteté, tout simplement. Elle croisa les mains dans son dos, comme si elle réfléchissait. Un bowling, ou finir dans un squat pour le reste de la soirée...

« On a qu’à commencer par un bowling, puis on ira voir tes amis... Non ? »

Ça lui semblait être un très bon compromis.

Alice avait défié Herzeleid et Inferis, elle pouvait défier une nuit terrienne à Yoake. De plus, elle était toujours aussi excitée, et entreprit de suivre Nanami. Elles n’eurent pas un grand chemin à parcourir avant de se retrouver devant un petit attroupement attendant devant une porte. Des hommes en costume laissaient certains passer, repoussant les autres. Alice connaissait ce lieu pour en avoir entendu parler : une boîte de nuit. Un nom assez curieux, mais elle savait ce qu’on y faisait : un curieux rituel consistant à danser, boire, et éventuellement se droguer, ou faire l’amour. Pardonnons à la Princesse sa naïveté, elle venait après tout d’une autre planète. Plusieurs des filles de Mélinda y allaient parfois, et l’invitaient à venir. Alice vit alors Nanami rejoindre l’entrée. Visiblement, le videur la connaissait bien, et les laissa rentrer, malgré les protestations de quelques personnes.

*Waah, elle doit être vachement influente, si on la laisse passer !*

La Princesse était bluffée, et s’empressa de suivre la femme. Nanami s’enfonça dans la boîte de nuit, les conduisant dans une salle enfumée, où Alice se sentit assez rapidement mal à l’aise. Pour la petite princesse sylvandine, la musique était mille fois trop forte, assourdissante, et elle se sentait agressée par cette dernière... Et, surtout, il y avait cette odeur ! Une odeur rance, de renfermé... Une odeur qui lui agressait les narines. Elle allait tirer sur la manche de Nanami pour lui demander de partir, mais cette dernière lui assura qu’elles n’allaient pas rester longtemps ici.

« J’espère bien ! glapit la Princesse. La musique est trop forte ! »

Nanami alla parler à une certaine Maki, qui avait l’air... D’être là sans être là. Cette femme lui rappelait ces descriptions qu’on lui avait faites sur les jeunes Luméens qui se droguaient au fisstech, ou à d’autres solides stupéfiants. Leurs yeux semblaient indiquer qu’ils étaient là, tout en étant complètement déconnectés de la réalité. Alice pouvait voir sur le corps de cette femme une sorte de beauté fade, comme une fleur fanée, fanée par les mauvais traitements. Elle avait l’air épuisé, ailleurs, comme si elle avait dix ans de trop. Alice était assez sidérée par une telle vue, et ne pouvait s’empêcher d’avoir pitié d’elle. Elle lui aurait bien proposé tout son soutien, en grande naïve qu’elle était, mais Nanami l’emmena ailleurs. Pour le coup, Alice ne fut pas déçue de quitter cette pièce infernale, où elle avait le sentiment que son cerveau allait exploser.

Elles arrivèrent dans une autre pièce, où la musique était un peu moins agressive, et où Alice voyait des pistes de bowling. Nanami lui demanda alors si elle voulait danser, ou jouer au bowling. La Princesse réfléchit. Elle avait encore un début de migraine après cette musique (et cette odeur, surtout, cette odeur !), aussi opta-t-elle rapidement pour le bowling :

« On a pas mal dansé et chanté tout à l’heure, en faisant du karaoké... Un peu de bowling, ça ne nous fera pas de mal. »

Alice savait en quoi consistait ce jeu : prendre l’une des grosses boules, et viser les quilles, au fond. Cependant, alors que les deux femmes se rapprochaient de leur piste, elle crut de faire à Nanami une ultime précision :

« Par contre, euh... Je dois t’avertir, Nana’, mais... Je n’ai jamais fait de bowling... »

Il allait vraiment falloir qu’elle fasse attention, si elle ne voulait pas qu’on finisse par se douter que quelque chose n’était pas normal chez elle.

La boule était lourde, et les quilles étaient loin... C’est ce que nota Alice, qui se dit qu’il valait mieux qu’elle lance la boule le plus fort possible, pour éviter qu’elle ne s’arrête en plein milieu de la piste. Nanami la prit lentement par les poignets pour la guider, se glissant dans son dos. Alice put sentir ses seins s’enfoncer contre son corps, mais elle n’y fit pas vraiment attention, pleinement concentrée sur le nouveau jeu qui l’attendait. Elle était nerveuse, et avait envie de bien faire, comme lors de la séance du karaoké. Le bowling existait aussi sur Uatis, mais elle n’avait jamais eu l’occasion d’en faire, ne se rendant pas souvent à Uatis. Alice respira lentement, hocha la tête et lança la boule.

Cette dernière atteignit bien le fond de la piste. Ce fut tout ce qu’elle parvint à faire. La boule s’envola en l’air comme un missile projeté par un porte-avions, et heurta la piste, rebondissant sur le parquet luisant, et alla se loger dans la canalisation à gauche, contournant ainsi toutes les quilles. La Princesse comprit alors que l’idée n’était pas de lancer la boule le plus loin possible vers les quilles, mais de la faire glisser. Elle vit ensuite Nan’ faire un joli strike, sa boule filant en plein milieu de la piste, faisant valser toutes les quilles comme une catapulte défonçant un mur d’enceinte. La Princesse ne put s’empêcher de la féliciter, tapotant dans ses mains.

« Woow, super ! »

Elle allait être un piètre adversaire… Néanmoins, Alice ne s’avoua pas vaincue pour autant, et essaya de mieux réussir ses tirs. Son prochain tir fut plus efficace, car elle parvint à dégommer quelques quilles, et, par la suite, elle arriva même à faire plusieurs split, mais ne parvint pas à décrocher le strike. L’ambiance restait détendue et bon enfant, Nanami faisant souvent des pas de danse, en rythme avec la musique qui filait depuis les haut-parleurs. Il y avait de la J-Pop, mais aussi d’autres courants musicaux, notamment les Daft Punk. Alice ne se sentit donc pas en colère d’avoir perdu, et un grand sourire éclaira même son visage quand leur partie fut terminée.

« Tu t'en es super bien sorti Alice, tu mérites que je te paye un verre avant de partir rejoindre le skate. »

Alice en fut flattée, et lui rendit le compliment, tout en marchant vers le comptoir.

« Tu te débrouilles très bien aussi, Nana’ ! »

Alice se retrouva ensuite sur un tabouret, et demanda à l’aubergiste à boire. Comme elle ne savait pas trop quoi prendre, elle prit la même chose que Nanami. Elle avait encore en tête le bruit du roulement des boules sur les pistes, avant de fracasser les quilles. Les Terriens avaient vraiment un talent certain pour le divertissement et le loisir. C’était très agréable de passer des soirées comme ça. Nan’ désira alors se renseigner, afin de savoir si Alice passait un bon moment. Cette dernière lui sourit en tournant la tête vers elle, tandis que le serveur leur amenait leurs boissons, avec des glaçons.

« Et bien, je ne le regrette pas non plus, si ça peut te rassurer. Je passe un très bon moment en ta compagnie ! »

Elle lui fit un petit coup d’épaule, comme un geste complice, de camaraderie, contribuant à confirmer qu’elle était assez tactile. Dans une société japonaise, où il était mal avisé, entre inconnus, de se toucher, on pouvait comprendre que certains en soient offusqués, mais, encore une fois, la vision d’Alice était faussée par son contact avec Mélinda, qui faisait un peu office de « guide » sur Terre auprès de la petite Princesse, qui avait alors tout de la belle campagnarde débarquant de ses montagnes dans une immense ville.

« Donc, la suite du programme, c’est de retrouver tes amis, c’est ça ? »

Alice espérait juste que ça ne serait pas comme dans l’autre pièce, avant d’aller dans le bowling... Quelle odeur horrible, vraiment ! Rien qu’à y repenser, elle en avait des frissons... Mais elle avait bien remarqué que c’était également le cas pour Nanami. La tête blonde lui faisait confiance, et elle alla avaler son cocktail avec sa paille, l’enfonçant entre les glaçons pour pouvoir sucer le plus loin possible.

Alice était impressionnée. Nanami connaissait décidément bien des gens ! Elle allait même l’inviter dans la partie VIP du club de bowling !

*La classe !*

Pensivement, Alice se demandait si elle aurait eu droit à un accès au salon VIP en leur disant qu’elle était une princesse... Il était bien possible qu’on ne la croirait pas. Une princesse n’était pas censée faire le mur la nuit pour jouer au bowling avec une amie, après tout, ni finir dans un squat. C’était bien ça qui ennuyait Alice : ne pas faire ci, ne pas faire ça... Quand donc aurait-elle le droit de s’amuser ? Elle dévorait cette soirée, car elle était une bouffée d’oxygène dans une vie millimétrée, dans une ville hyper-sécurisée, où son père avait veillé à laisser le moins possible de liberté à sa progéniture, afin qu’elle ne fasse pas de bêtises. C’était une vie étouffante, et Alice s’amusait tellement qu’elle en avait même oublié qu’Oberyn devait sûrement continuer à la suivre. Elle avait fait du karaoké, elle avait été dans un squat, et, là, elle venait de faire du bowling... C’était géant ! Elle se régalait, tout simplement.

Alice n’était pas du tout contre l’idée d’aller dans ce salon VIP, et elle était en train d’y songer, lorsqu’elle revit la mystérieuse femme droguée qu’elle avait aperçu tout à l’heure. Elle s’entretint avec Nanami. Surprise, Alice ne comprit pas tout, si ce n’est que les plans venaient de changer. Visiblement, quelqu’un que Nanami n’aimait pas venait d’entrer ici, et, sur el coup, Alice regarda autour d’elle, ouvrant de grands yeux, en craignant de voir cette personne

« Désolée Alice, s’excusa Nanami, vaut mieux y aller maintenant, il y a quelqu'un que je ne veux pas voir qui a débarqué. Enfin fini ton verre si tu veux.
- Euh... Okay. »

Alice avala plus rapidement sa boisson, puis suivit Nanami hors du bowling, un peu troublée. Elles avancèrent rapidement dans les rues de la ville. Seikusu était toujours plongé dans l’obscurité, et, si plusieurs boutiques avaient commencé à former, d’autres étaient encore ouvertes, et il y avait également bien des gens dehors. Venant d’un petit royaume montagnard, la Princesse n’était pas habituée à une telle activité, et n’avait pas honte de dire qu’elle était très intimidée par tout ce qu’elle voyait. Elle se rapprochait donc de Nanami, évoluant dans des rues qu’elle n’avait jamais vu auparavant.

Nanami la conduisit devant ce qui ressemblait à un entrepôt abandonné. Alice vit un parking devant, et comprit qu’il devait probablement s’agir d’un ancien garage, vu le grand portail à l’entrée. C’était un endroit discret, avec des buissons, et, tout en s’approchant, Alice entendit des gémissements des soupirs, émanant d’un coin d’ombre. Surprise, elle relâcha un peu Nanami, et, avec sa curiosité naturelle, se rapprocha de l’origine des bruits. Elle rougit furieusement en voyant qu’un homme était occupé à fourrer une fille contre le mur, cette dernière se serrant contre lui. Le jean de l’homme descendait à moitié de ses jambes, et sa verge était plantée en elle, la femme ayant de jolis collants rouges fluo.

« Ho ! Excusez-moi !! »

Rougissant comme une tomate, Alice se retourna, et s’enfonça rapidement dans le garage automobile, les joues rouges. Est-ce que Nanami avait finalement décidé de l’envoyer dans un lupanar ? En entrant, elle se demanda si elle n’allait pas tomber droit sur une orgie, mais, au lieu de ça, elle entra dans une pièce assez bondée, avec plusieurs groupes. La télé grésillait dans un coin ; dans un autre, des jeunes fumaient, ou écoutaient de la musique. Le nez d’Alice fut alors capté par une odeur de grillade.

Près du portail du garage, il y avait un barbecue. On avait ouvert les vitres pour laisser sortir de la fumée, et un type torse nu, avec une peau bronzée, était en train de faire griller des saucisses et de la viande, tandis que des jeunes étaient assis autour du barbecue, discutant en avalant des packs de bières. Dans un autre coin, d’autres adolescents faisaient tourner une bouteille, jouant ensemble à action ou vérité. Il y avait des hommes et des filles, ces dernières ayant parfois les cheveux teints en rose, en violet, ou en vert.

Nanami lui expliqua que c’était son second domicile, et Alice n’eut pas le temps de lui répondre qu’un homme s’avança vers elles.

« Nana’ ! Je me demandais où tu étais passé ! »

C’était visiblement un ami de la jeune femme. Il était torse nu, avec des tatouages, un débardeur, et des sandales. Le regard du Japonais, légèrement barbu, croisa celui d’Alice, et il lui sourit.

« Hum... Tu sais que j’ai toujours aimé tes amies, Nanami ! Surtout quand elles sont aussi belles que toi ! »

Le compliment fit poliment rougir Alice, qui avait encore en tête l’image de cet homme pénétrant la femme dehors.

Quelque chose lui disait que Mélinda aurait bien aimé se trouver là.

« Elle est jolie sa sœur pas vrai ? Surtout en pleine action entre les buissons. »

La seule réponse d’Alice fut de voir ses joues s’empourprer furieusement. Elle baissa les yeux en se rappelant cette scène... La sœur d’Ibizi... D’un coup, voilà qui rendait cette mystérieuse femme plus proche. Alice n’avait pas vraiment vu son visage, dans l’obscurité et dans la précipitation, et elle ne saurait dire si ce qu’elle avait vu était indécent, ou... Ou autre chose. Ce qui est sûr, c’est que ça l’avait marqué, et elle n’osait pas trop en parler. Elle restait pudique, après tout, et suivit Nanami vers une autre piste de danse. Elle reconnut plusieurs des danseurs qu’elle avait vu auparavant, et les salua à nouveau. La belel blonde attirait bien des regards, et elle regarda les gens danser, avant que Nanami ne se décide à danser à son tour.

Alice en profita alors pour s’asseoir. La belle blonde attirait évidemment bien des regards, car elle était un fantasme nippon à elle seule. Les Japonaises n’étaient pas naturellement blondes, et les femmes blondes évoquaient naturellement l’Amérique, les Etats-Unis... Beaucoup de Japonaises se faisaient ainsi teindre les cheveux, mais Alice trouvait que cette couleur ne faisait vraiment pas naturelle chez une Asiatique, et qu’on voyait clairement qu’elle était fausse... Ce qu’elle trouvait relativement dommage. Elle regarda Nanami danser, et sentit alors quelqu’un s’approcher à côté d’elle. Un homme s’assit à côté d’elle, et lui fit un sourire.

« Je crois ne t’avoir jamais vu par ici, toi, non ? Tu es l’amie de Nanami-san ? »

Alice hocha lentement la tête, plantant ses beaux yeux bleus dans ceux de l’homme. C’était un Coréen, qui s’appelait tout simplement Kim. Ses grands-parents avaient quitté leur pays natal durant la guerre de Corée, en craignant une expansion communiste, surtout lorsque les Américains, suite à l’arrivée des troupes chinoises, avaient chois de se replier. Ils vivaient en effet dans le nord, et avaient rejoint de la famille, au Japon. Kim ne regrettait nullement d’être là, et se plongeait dans les beaux yeux bleus de la femme.

« Je... Oui, c’est Nanami qui m’a fait découvrir cet endroit... Elle... On est au même lycée toutes les deux...
- Nanami-san a toujours eu de bonnes fréquentations, reconnut l’homme. Je m’appelle Kim... Et toi, ma belle ? »

Les joues d’Alice rosirent poliment, et elle ne tarda pas à lui répondre, un léger sourire cristallin sur les lèvres :

« Alice...
- Oh… Ce n’est pas le nom du personnage d’un conte de fées, ça ? »

La Princesse hocha la tête. Elle savait qu’elle ne devait pas parler de ses origines, mais elle sentait que cet homme tournait dangereusement autour.

« Alors, tu dois être un genre de princesse, non ?
- Oh... Je... Euh… Merci… »

L’homme n’était vraiment pas loin de la vérité, et Alice se mordilla les lèvres, se demandant où il voulait en venir. Il était plutôt beau, elle ne pouvait pas dire le contraire, et avait une barbe naissante, de plusieurs jours, lui donnant une allure négligée qui allait plutôt bien avec son visage adolescent, le plaçant entre deux âges.

« D’où... D’où tu connais Nana’ ?
- Nana’ ? Hum… De ci de là… On traîne souvent dans les mêmes coins, elle, et moi, mais, si elle a des copines aussi charmantes, je crois que je me rapprocherais plus souvent d’elle. »

La belle Alice rougit à nouveau, se pinçant les lèvres devant les compliments de l’homme.

Tout d’un coup, elle s’imagina à la place de la sœur d’Ibiki, prise contre le mur, au milieu des buissons. Elle en rougit davantage, gênée à l’idée que son cerveau puisse éprouver de telles pensées... Et en même temps étrangement excitée à l’idée d’avoir à le faire.

Dans le dernier refuge de Nanami, Alice discutait donc avec Kim, qui, visiblement, était un fieffé séducteur. Elle en avait presque oublié Nanami, mais ses pensées revinrent assez rapidement vers sa guide. C’était Nanami qui l’avait conduit ici, et Alice préférait encore rester près d’elle. Elle ignorait si la jeune femme avait encore prévu autre chose dans leur planning, mais, que ce soit le cas ou pas, la Princesse s’amusait pour l’heure bien trop pour renoncer facilement. Elle découvrait une toute autre facette de Seikusu, bien loin de ce qu’elle avait l’habitude de voir. Nanami, après avoir dansé, revint à côté d’elle et de Kim, et parla à ce dernier. Kim se contenta d’un sourire amusé, et répondit rapidement à la réplique de Nana’ :

« Les princesses plaisent à tout le monde, Nanami ! »

Si seulement c’était vrai... Alice se demandait ce que ce Kim aurait dit s’il avait su qu’Alice était réellement une princesse. Elle se disait qu’il devait appeler beaucoup de femmes ainsi, et le ton ironique de Nanami n’échappa nullement à Alice. Avec son sourire insolent, cette lueur espiègle dans les yeux, ce Kim avait tout du séducteur endimanché réussissant à séduire les jeunes filles dans les fêtes. En d’autres temps, peut-être se serait-elle laissée tenter, mais la jeune Alice était assez prudente avec les étrangers... Même si ça ne l’avait pas empêché de suivre Nanami dans la nuit.

Comme si Nanami savait de quoi Kim était capable, elle s’adressa alors à Alice :

« Si tu veux qu'il te laisse tranquille, dis-le moi. »

La Princesse sourit poliment, et secoua la tête.

« Non, non, il... Euh... Il est cool... »

L’intéressé sourit à nouveau. Kim savait que Nanami ne l’aimait pas trop. Elle avait un côté garçon manqué, et il avait déjà – infructueusement – essayé de la séduire. C’était un beau parleur, et on lui avait dit que Nanami était volontiers du genre à frapper les garçons et ceux qui lui tapaient sur les nerfs, alors il n’avait pas trop insisté. Kim était sympa, il aimait bien se rapprocher des filles, mais, dans l’absolu, il préférait éviter de se faire battre. Il réfléchit un peu. Il voyait qu’Alice s’était légèrement rapprochée de Nanami. Il aurait pu abandonner, car tout ce qui concernait Nanami était généralement un terrain glissant, mais... Dieu, il n’avait jamais rencontré une nana aussi bien roulée ! Il ne pouvait pas tout simplement la laisser filer comme ça, ce serait... Ouais, criminel !

Kim réfléchit un peu, et enchaîna.

« Vous êtes dans la même classe, toutes les deux ? »

Alice, qui regardait les danseurs, tourna sa tête vers Kim, et secoua négativement la tête, faisant voleter ses belles petites mèches blondes.

« Non, on s’est rencontrées tout à l’heure, en prenant une douche ensemble. »

Une douche en... QUOI ?! Kim écarquilla les yeux, en sentant son sexe se réveiller en imaginant ces deux femmes dans la douche... Un sourire un peu benêt traversa ses lèvres. Et dire qu’on disait Nanami frigide... Elle savait s’entourer, plutôt ! Ceci étant dit, Kim ne lui en voulait pas. C’était bien normal, et il comprenait mieux l’empressement de Nanami à retourner voir la petite Alice.

« Ah, euh..., bafouilla Kim, un peu décontenancé par cette réponse. C’est cool ! »

Le pauvre ne savait plus quoi dire. Se pouvait-il que cette fille soit lesbos ? Par l’Enfer, Dieu ne pouvait pas être aussi cruel pour lui mettre sous le nez une bombe sexuelle occidentale avec des nichons gros comme la Tour Montparnasse, et qui ne seraient intéressés que par les femmes ! Alice, quant à elle, attrapa l’une des mains de Nanami, en lui offrant un sourire sincère.

« Je suis contente d’être là, Nanami. Permets-moi de te remercier à nouveau pour tout ce que tu me fais découvrir. Je n’aurais jamais imaginé que la vie nocturne de Seikusu puisse être aussi... Animée ! »

Et, en disant ça, Alice était sincère.

Nanami lui expliqua qu’Alice n’avait vu qu’une infime partie de ce que Yoake proposait la nuit. Tout ça était incroyable pour elle ! Il ne fallait pas oublier qu’elle venait de Sylvandell, un petit royaume montagnard. La nuit, mis à part l’auberge et le bordel, il n’y avait rien à faire. Pas de tripot, pas d’aires de jeux, les adolescents dormaient pour travailler la journée. Le Japon était bien différent de Sylvandell, ce qu’Alice savait déjà, et qui était maintenant confirmée. Kim, de son côté, continuait à chercher un moyen de susciter l’attention de cette belle Occidentale. Il savait que les Japonais étaient des insulaires, hostiles aux étrangers. Ils avaient une longue tradition xénophobe, qui étaient encore latentes, ne serait-ce que dans leur manière de désigner les étrangers : les gaijin. Même Kim y avait droit. Lors de la Guerre de Corée, beaucoup de Coréens avaient émigré vers le Japon, jugé comme un État plus sûre que la Chine maoïste, et ceci avait entraîné des relents de xénophobie dans le territoire. Kim y avait parfois eu droit, et il avait su s’accommoder. Il se disait que c’était peut-être une approche possible. Cette belle blonde qui semblait tout droit sortie d’un conte de fées occidental avait l’air réservée, timide, se raccrochant à Nanami, ce qui ne devait pas forcément plaire des masses à la jeune femme, qui était connue pour son comportement trempé.

Et ce que la blonde avait dit sur la douche... Kim ne pouvait s’empêcher de se faire un film. Oh, il était moderne, il n’avait rien contre l’homosexualité, mais... Il espérait juste que cette blonde ne soit pas que ça. Il la regardait en train d’observer les danseurs, sentant ses hormones le travailler. Si belle, si belle... On disait que les Occidentaux fantasmaient sur les Asiatiques, mais l’inverse était vrai. Les Asiatiques, eux, fantasmaient beaucoup sur les Occidentales. Il fallait croire qu’on était attiré par ce qu’on n’avait pas, et Kim, pour le coup, voyait devant elle une pure beauté. C’était une superbe blonde qui se tenait devant lui, et notre homme cherchait le meilleur moyen possible pour l’approcher. Malheureusement, il ne trouvait rien, et, alors qu’il réfléchissait, une autre personne vint les rejoindre.

Alice tourna la tête vers Myuki, et comprit, au vu des remarques de Nanami, que c’était la femme qui s’était fait prendre contre le mur du bâtiment.

« Ho... » s’exclama Alice, en rougissant légèrement.

Dans sa tête, elle revit cet homme en train de la prendre. C’était de l’amour lubrique, en pleine rue. Elle en était choquée, mais ce n’était pas le principal sentiment qui dominait en elle. Elle n’était en effet pas que choquée, loin de là. Cette image la hantait, et voir cette femme la fit revenir en elle. Myuki dérogeait aux conventions japonaises, se révélant très tactile, en n’hésitant pas à embrasser la joue d’Alice.

« Salut, Myuki ! »

Est-ce qu’on sentait la nervosité dans sa voix ? Myuki lui fit un léger sourire. L’Asiatique était plutôt belle, et rien ne laissait supposer qu’elle venait de se faire prendre contre le mur. La Princesse s’humecta les lèvres, et regarda autour d’elle, afin que son regard ne paraisse pas trop insistant. Ibiki était le danseur.

« Hey, je t’ai jamais vu par ici ! s’exclama Myuki. Vous êtes dans la même classe, alors ? J’espère qu’elle est pas trop terrible en cours ! poursuivit Myuki en donnant un coup de coude dans les côtes d’Alice.
- Euh, non, non ça va...
- Oh, ça m’a toujours barbé, moi, les cours... »

Tout en parlant, elle avait sorti un paquet de cigarettes, et s’en grilla une.

« Sérieux, rester assise pendant des heures, j’sais pas comment vous faites...
- Tu... Euh... Tu ne vas pas en cours ? »

Myuki se contenta d’un haussement d’épaules, et tira une bouffée.

« Les cours veulent pas d’moi, et c’est entièrement réciproque. »

Alice hocha lentement la tête. Elle aurait bien aimé savoir ce que Myuki faisait de ses journées.

« Alors, Nanami, tu comptes l’emmener où, ta petite copine ? »

Ce surnom fit rougir Alice, qui se mordilla les lèvres.

« Hum... T’en veux une, d’ailleurs ? » lui demanda-t-elle en lui présentant sa cigarette.

Alice savait que le tabac était quelque chose de commun entre la Terre et Terra. Elle considéra le mégot, clignant des yeux, puis acquiesça silencieusement, hochant la tête de haut en bas. Il aurait été impoli de refuser. Elle prit la cigarette, et l’approcha de ses lèvres. Elle fuma, sentit ses poumons s’asphyxier, et éternua alors en rafale.

« Kof ! Kof ! Kof ! Kof !! »

Myuki ne put s’empêcher de glousser.

« C’est dégueu, hein ? »

Pour le coup, Alice ne pouvait pas le nier. Elle avait l’impression d’avoir fumé quelque chose de toxique et de corrosif, qui lui brûlait les poumons !

Alice n’avait jamais fumé, et elle ne pensait pas réitérer un jour l’expérience. Ciel, c’était infâme ! Un goût écœurant planait dans sa bouche, remontant le long de sa gorge, et elle éternua donc, surprise par ce goût âcre et incisif. Comment diable pouvait-on aimer fumer ça ? Les poumons de la Princesse étaient gorgés d’air pur, ce qui fit qu’elle éternua, suscitant l’hilarité des deux femmes l’accompagnant. Nanami lui précisa alors de ne pas forcer si elle n’aimait pas, et Alice hocha lentement la tête, prenant bonne note de cette information. Nanami proposa ainsi des saucisses grillées, et Alice hocha la tête.

« Je… J’en veux bien une… S’il-te-plaît. »

Kim hocha la tête :

« Vos désirs sont des ordres, mes princesses. »

La remarque, railleuse, était partiellement vraie. Kim se redressa, et alla voir le barbecue. Miyuki prit alors la place de Kim, et enlaça Alice par l’épaule, pour déposer un bisou sur sa joue.

« C’est toujours cool de voir des étrangères ! Tu te plais à Seikusu, Alice-san ? »

Alice sourit légèrement, rougissant poliment, et hocha la tête.

« Oui, confirma-t-elle. C’est une belle ville… Mais je ne pense pas que je continuerais à fumer. »

Miyuki gloussa, amusée, et tira sur sa cigarette, fumant à nouveau, avant de l’observer à nouveau. Ses yeux brillaient de joie. Elle venait de se faire prendre il y a moins d’une heure contre le mur, presque sous les yeux de n’importe quel piéton. Or, à la voir ainsi, calme et souriante, personne ne pourrait se dire qu’elle venait de faire l’amour. Elle observait Alice, sans qu’il soit possible de déterminer ce que son regard voulait dire. Est-ce qu’elle louchait sur ses seins ? La Princesse savait que les Japonais fantasmaient sur les belles poitrines, le régime alimentaire des Japonaises faisant que, généralement, elles avaient de petites poitrines. Alice n’aurait su le dire, car elle avait toujours du mal avec ce genre de choses. Elle n’était pas Mélinda Warren, elle se laissait faire.

La nouvelle femme hocha lentement la tête.

« Ma foi, tu as bien raison. Personne ne devrait toucher à cette saloperie, c’est même pas bon… »

Alice retint la question qui lui brûlait les lèvres. Le tabac existait aussi bien sur Terra que sur Terre, et faisait notamment des ravages à Nexus, et dans les zones pauvres et populaires. Les riches fumaient aussi, mais il fallait bien admettre que le faible prix des cigarettes permettait à chacun d’en avoir. Pour Alice, c’était une énigme, mais, honnêtement, il y avait beaucoup d’énigmes dans ce monde.

La jeune femme regarda ensuite Nanami.

« On… Euh… J’irais dormir chez toi, alors ? »

Elle était un peu troublée, car, à chaque fois qu’elle dormait avec quelqu’un, neuf fois sur dix, elle finissait dans le même lit que cette personne. Le même scénario allait-il se répéter avec Nanami ?

Ce n’était pas pour la déranger, mais, avant qu’elles puissent s’engager sur cette conversation, Kim revint, avec une assiette remplie de saucisses grillées, et des couverts.

« Et bien, vous savez ce qu’on dit… Bon appétit ! »