The Multiversity

Difficile de voir Hirotaka saisir une perche, il ne voyait que le bout de son nez en ignorant ce genre de chose. Plutôt que les ignorer, il n'avait pas conscience que la perche était tendue. À moins d'être franc jeu et lui balancer ses sentiments au visage, sans détour, il ne pouvait pas spécialement le deviner. Maîtriser l'histoire était une chose, mais les sentiments en étaient une autre. Il proposa donc à sa collègue de retourner là-bas ou rester encore un peu ici, mais la jeune femme, justement, proposait de rester encore un peu, juste tout les deux. La façon dont elle le lui a dit aurait pu lui mettre la puce à l'oreille, surtout en voyant ses joues prendre un peu de couleur, mais non, il ne décelait rien de spécial derrière sa demande. Comme elle le disait, apprendre à se connaître, loin sans être loin des élèves. Oui, après tout, ils vont passer pas mal de temps ensemble les prochains jours donc autant en profiter des à présent.

Il reprit donc place alors qu'Hikari commençait à parler de certaines choses, du fait que tout deux n'avaient pas grandi dans cette ville, ce qui leur faisait un point commun, certes, des différents élèves de ce lycée, tant les bons que ceux qui se croyaient supérieure de par le métier de leur parent, ce genre de chose. Hélas, tous les établissements avaient ce genre de chose en plus ou moins précis. Il suffisait d'avoir l'enfant du maire dans l'établissement et attention, il ne faut pas faire la moindre faute ! Elle continua, évoquant ce sentiment d'être perdue en arrivant ici, isolé en quelque sorte.

« Hum, je pense voir ce que vous voulez dire... je ne peux pas nier que mes premiers jours, j'avais un peu le trac. Rien à voir avec le fait de juste être derrière un bureau et prendre des notes pour un futur examen. On est en quelque sorte, son propre examen et les élèves nos questions. À nous de faire en sorte qu'ils retiennent ce que l'on a fait étudier, c'est comme ça qu'on marque nos propres points. »

Comparé cela à un examen... Mouais, étrange comme façon de voir les choses, mais pas fausse pour autant.

« La seule différence avec les études, c'est que nous ne sommes pas vraiment évaluées. Certes, si on se tourne les pouces et qu'un inspecteur passe, nous sommes dans le pétrin, mais sinon, on est plus ou moins libre. Libre de s'entraider aussi. J'avoue que c'est une chose que je faisais peu lors de ma scolarité. J'ai eu quelques amis, mais j'étais plutôt introvertie et solitaire donc autant, je ne rechigne pas à aider si on me le demande, autant en demander, c'est une autre paire de manche. »

Oui, comme bien des enfants, ses parents l'on poussé dans les études, mais au début, ce n'était que pour faire mieux que son frère afin d'en récolter lui aussi les lauriers et non être comparé, mais après son accident, bien qu'il n'était en rien impliqué, il se sentait coupable de lui avoir souhaité malheur pour réussir. Depuis, c'est bien dedans qu'il se réfugiait en espérant voir son frère se réveiller un jour ou l'autre et reprendre une vie ordinaire...

« Enfin si un jour ou l'autre, ça vous tracasse, à cause d'une classe, de certains élèves ou autre, vous pourrez toujours venir m'en parler. Parfois, le simple fait de vider son sac peut être plus bénéfique qu'on ne le pense. »

Il paraît. Il n'a jamais vraiment eu besoin de faire ça, mais bon, si tout le monde le disait, il devait y avoir une part de vérité ?

« Nous avons beau avoir deux matières différentes, nous ne sommes pas moins des enseignants, donc nous pouvons avoir le même genre de souci tôt ou tard ? »

Mine de rien, Hirortaka restait très stoïque, rien ne semblait ébranler le grand jeune homme, pas de sourire radieux, de sourcils froncés ou autre, il était juste lui-même. Il faut dire que pour le faire réagir, il fallait parfois mettre la barre assez haut !

« Mais puisqu'on aborde le sujet, vous n'avez rien qui vous tracasse ? Vous n'êtes plus comme isolée ? »

Il n'en avait pas forcément l'air, mais si on lui confiait ses problèmes, il s'inquiétait quand même pour autrui.

Hirotaka choisit de rester, ce qui soulagea un peu Hikari. Elle sourit donc, tout en se pinçant brièvement les lèvres, cherchant à retrouver son calme. Sa mission était très claire, et Hikari était très nerveuse… Après tout, il y avait le défi de Nanami, mais aussi ce qu’elle ressentait pour Hirotaka. Il lui expliqua avoir été un élève introverti, qui ‘nétait pas du genre à s’ouvrir aux autres. Elle hocha doucement la tête.

« Je devine le genre… Le nez plongé dans les livres, à refuser les sorties le soir pour préférer étudier et s’avancer dans les cours, hein ? J’ai été comme ça, moi aussi… Enfin, je le suis toujours ! Je me suis toujours sentie… Différente. »

Elle se confiait petit à petit. Hirotaka et Hikari n’étaient clairement pas deux sujets idéaux, surtout mis côte à côte ! Mais, petit à petit, la glace se brisait. C’était un petit pas, mais un grand progrès malgré tout ! L’histoire d’Hirotaka ressemblait de plus en plus à la sienne, à tel point que c’en était troublant. Finalement, est-ce que Nanami cherchait vraiment à la défier… Ou à la faire exaucer ses vœux ? Hikari ne savait plus trop ! Plus elle se rapprochait d’Hirotaka, et plus cela devenait compliqué ! Pourquoi diable fallait-elle qu’elle soit immature avec ses propres sentiments ? Incapable de se contrôler là-dessus, elle le laissa encore parler, tandis que le serveur leur amena un nouveau café. Elle l’avala doucement, tandis qu’Hirotaka l’invita à ne pas hésiter à lui parler si jamais elle avait des soucis.

Hikari sourit doucement. Pouvait-elle lui confier qu’elle était devenue l’esclave sexuelle de deux lycéennes ? Qu’elle avait découvert que plusieurs des clubs scolaires du lycée servaient en réalité de couvertures à des trafics sexuels ? Tout cela semblait dingue ! Et, le plus dingue, c’était sans doute qu’Hikari ait fini par adhérer à ce réseau souterrain, que, tout en connaissant leur existence, elle n’ait rien tenté pour les stopper ! En même temps, comment faire ? Elle était totalement impuissante face à ça ! Hirotaka ignorait sûrement cette autre facette du lycée, et elle allait devoir faire de son mieux pour le préserver… Tout en devant coucher avec lui !

Face à ce dilemme, la jeune femme resta silencieuse, tandis qu’Hirotaka lui demanda si quelque chose ne la tracassait pas. Elle entrouvrit brièvement les lèvres, comme si elle cherchait quoi dire.

*Et bien, je couche avec deux de mes élèves, et elles veulent que je couche avec toi sous peine de me punir… Je pense être bonne pour la radiation disciplinaire, mais, à part, tout va bien, et toi ?*

Ouais, il n’était pas sûr que ça passe ! Hikari haussa donc les épaules.

« Mis à part avoir à gérer une bande d’adolescents, tout va bien… Et toi ? Aucun problème de ton côté ? Tu sais, je… Je suis plutôt du genre introvertie et solitaire, moi aussi, alors… Je tâche de faire de mon mieux pour enseigner à mes élèves. Tu vois, à défaut d’avoir une famille, j’ai tendance à les considérer comme plus jeunes et innocents qu’ils ne le sont vraiment. Toi aussi, tu as cette impression ? »

Hirotaka était toujours aux côtés d'Hikari à bavarder de choses et d'autres en sa compagnie, évoquant son passé bien banal d'étudiant, plus à ouvrir les bouquins et apprendre encore et encore plutôt que faire la fête avec des amis ou s'intéresser à des choses plus banales quand il avait l'âge de ses élèves comme les jeux vidéo, le cinéma, les filles et ainsi de suite. Il n'a jamais craché sur tout cela, il a juste que peu touché à cela, préférant son avenir à un bonheur peut-être éphémère. C'est bien beau de plaisanter et s'amuser, hélas, ce n'était pas ça qui garantissait un bel avenir ! Mais maintenant qu'il était professeur d'histoire, il pouvait un peu plus de lâcher, non ? Hélas, les habitudes ont la vie dure.

« Hélas, nous ne sommes pas vraiment différents, vous et moi. C'est plutôt notre société qui nous conditionne à paraître ''idéal'' aux yeux des autres pays. Nous mettons l'accent sur la politesse, nous paraissons parfois étranges pour les autres, à viser la meilleure place lors de nos études mais, sans voir tout en blanc, notre pays se défend bien quand on compare le tôt de chômage en comparaison avec l'Europe ou les USA. »

Mais comme l'avait souligner Hirotaka, il ne faut pas voir tout en blanc. Combien de taux de suicide au Japon ? De Burn Out ? Tout n'était pas rose au pays du soleil levant, mais comme partout, il y a le bon et le moins bon. Combien d'accident avec une arme à feu au Japon en comparaison aux USA ou presque n'importe qui peut obtenir une arme ? Eh oui, il est facile de tout comparer. Mais revenons en à nos moutons, là où Hirotaka cherchait à être présent et aider ses camarades, si jamais Hikari avait des soucis ou autres, il pourrait toujours aider comme il pourrait. Il ne pourrait pas affronter une bande Yakuza à main nue et en sortir en arrangeant ses cheveux et ses lunettes, digne d'une scène d'un drama ou d'un manga, mais à son échelle, il pourrait agir, non ? Mais Hikari n'avait aucun réel souci, rebondissant plutôt sur le fait qu'elle voyait ses élèves plus jeunes et innocents qu'ils semblaient l'être. Quand on voit certain/es élèves décolorer ou avec une attitude douteuse, difficile de les voir vraiment innocents...

« Oui et non, ça dépend des cas. Dans l'ensemble, je serais d'accord avec vous, dés qu'on sait capter leur attention, c'est plus simple de leur faire cours, qu'ils se tiennent tranquille et alors là, oui, ce sont des anges. Mais n'oublions pas qu'ils deviennent des adultes aussi et que donc, ils s'intéressent à des choses plus... adulte, donc. Cela m'ait déjà arrivé de croiser des jeunes qui se bécotent ou s'embrassent, et même si le lycée n'autorise pas cela dans le règlement, ils sont jeunes, je ne vais pas les séparer, je l'avoue. Du moment qu'ils ne franchissent pas les limites et ne sèchent pas les cours, je les laisse tranquille. »

Des jeunes qui se bécotent, il a juste vu ça au lycée ? Ce n'était que la partie visible de l'iceberg pourtant. Après, était-ce naturel ou une sorte de test pour jauger l'attitude du dernier professeur arrivé au lycée, allez savoir. Mais personne ne l'a jamais approché, ou alors, il a su détourner le problème. Bien des hommes de son âge serait attiré par de jeunes et jolies filles, mais Hirotaka savait rester lucide, quand bien même certaines filles pourraient être mignonne ou plus, ça restait des mineurs ! Donc, pas question. Quand bien même un jour ou l'autre, il songerait à trouver une vraie personne pour lui tenir compagnie, ce serait plus une personne de son âge qu'une fille qui va encore à l'école, il ne voulait pas de soucis avec la justice... libre aux autres de jouer avec le feu, pas lui.

« Cela a dû être aussi au lycée que j'ai eu ma première petite amie, quand j'y repense ? C'était sûrement lors de ma dernière année, mais... hélas pour elle, j'ignore si c'était la curiosité ou une question d'hormone mais, disons que je n'ai jamais été très doué pour ce genre de choses. J'étais la caricature même de l'élève plongé dans ses études. »

Plus souvent entre les pages d'un manuel que des cuisses, quoi. Hirotaka a grandi en ayant la pression, se voulant mieux que son frère ainé qui réussissait tout mieux que lui, et depuis son accident, il se bat pour garder le cap, et se « racheter » quelque part afin d'aider ses parents avec les frais d’hôpital. Il a beau n'y être pour rien dans cette histoire, son envie de le voir réussir, quitte à ce qui arrive malheur à son frère le hante depuis que sa pensée est devenue réalité. Mine de rien, petit à petit, le grand type s'ouvrait doucement...

Hikari le laissa parler, restant polie. Ils se confiaient un peu, et elle se pinça les lèvres, resserrant ses doigts sur la tasse, avant de se racler la gorge. Hirotaka avait remarqué quelques élèves qui s’embrassaient, mais ne semblait pas avoir discerné le vrai visage du lycée Jinmu. Ou alors, il mentait effrontément, mais elle ne le voyait vraiment pas comme ça. Non, il ne ressemblait pas à Chifumi-sensei, et il fallait bien admettre que même Hikari n’avait rien vu du véritable visage de Jinmu avant que Nanami-san ne lui tombe dessus. Elle sourit doucement quand Hirotaka évoqua ses amours d’adolescence.

« C’est plus facile pour les hommes que pour les femmes, vous savez… J’ai beau être une professeure, j’ai beau avoir obtenu des diplômes, à chaque fois que je vais voir mes parents, ma mère s’inquiète du fait que je n’ai pas un époux. C’est assez pénible, vous savez… Être une femme adulte et célibataire, c’est si compliqué. »

Elle ignorait si elle était en train de lui tendre un appel du pied ou de le repousser, mais ce qu’elle disait était sincère. Sa mère était la femme la plus adorable du monde, mais elle ne cessait de lui dire qu’il était temps qu’elle se trouve un époux, et qu’elle fonde une famille. Hikari en avait toujours été agacée, mais, maintenant, elle ne pouvait pas vraiment lui dire qu’elle était l’esclave d’une lycéenne, et qu’elle faisait l’amour avec elle et d’autres élèves ! Non, ça, elle ne se voyait même pas le dire à Hirotaka !

Hikari rougit doucement.

« Moi, je n’ai pas vraiment eu de petit-ami, rien de bien sérieux… Comme vous, j’ai toujours préféré les études aux sorties, et ce genre de choses. Je… Pour être honnête, je n’ai pris ma première cuite qu’à la fin de mes études ! Et j’avais si mal au crâne ensuite que je suis restée au lit toute la journée ! »

La jeune professeur en gloussa doucement, ses joues rougissant encore plus. Elle se pinça même les lèvres, et secoua la tête.

« Je ne sais même pas pourquoi je vous raconte ça, c’est si gênant ! Mais… Enfin, je suppose que je devrais bien me marier un jour, mais… Rien ne presse, non ? Enfin, je veux dire… Je ne suis pas encore… Euh… Trop vieille pour ça, non ? »

Hikari bafouillait, gênée, car elle sortait de sa zone de confort, rejoignant un terrain beaucoup plus glissant, beaucoup plus instable, celui consistant à déballer ses émotions, et à devoir en assumer les conséquences !

En compagnie de la jeune femme, Hirotaka parlait de lui, une petite partie de sa vie intime. Non pas qu'elle soit passionnante, mais on sait qu'au Japon, la moindre petite information de soi dévoilé était assez surprenant. On ne se dévoile pas si facilement. Là où ailleurs, ça serait d'un banal et qu'on y répondrait sans hésitation, ici, on prend des pincettes ! Il est vrai qu'en général, il était plus simple d'avoir une vie sentimentale en tant qu'homme, mais bon, homme ou femme, si on est timide ou pas doué, même combat ! Il faut dire qu'il ne se souvenait plus vraiment comment il avait eu sa première petite amie ? Certes, elle était à son goût, il était curieux, il avait essayé et c'était loin d'être déplaisant. Mais son sérieux, sa façon de mettre les études en priorité, ça ne passait pas à l'époque. Les femmes voulaient un homme qui savait s'amuser, plaisanter, oublier toutes ses choses le temps d'un rendez-vous, un week-end, mais... Hirotaka était trop sérieux. Même si depuis son diplôme, il s'est calmé, il n'était pas l'homme idéal qui faisait fantasmer les femmes ! Même s'il était plutôt beau garçon, la société actuelle ne rendait pas les choses plus simple comme en Europe où les gens s'abordent dans la rue pour se draguer, même si effectivement, parfois certains hommes sont lourd pour insister...

« Eh bien, j'ignore votre âge et je ne le demanderais pas, mais selon l'âge que je vous donne, vous êtes loin d'être trop vieille pour ça, vous avez encore tout votre temps. Enfin, si cela peut vous rassurer, je ne tiens pas bien l'alcool non plus, un peu comme vous, je... j'en souffre le lendemain. »

Les mauvaises expériences de jeunesse. Libre aux gens de s'amuser à boire autant, mais après les quelques essais qu'il a eut avec la boisson, ce n'est pas lui qui allait alimenter les bars le soir. Une bière, vraiment pour une grande occasion, c'était amplement suffisant, avec des collègues bien sûr, jamais seul. Mais concernant ce sujet, Hikari n'était pas seule avec ce genre de « souci ». Maintenant qu'Hirotaka était diplômé et avait un bon job, de plus en plus, sa mère lui demandait aussi s'il fréquentait une fille ou s'il avait des projets ? Là où son père ne s'occupait pas de ça, elle, elle arrivait parfois à laisser le sujet de son frère de côté pour parler de ça, mais hélas, rien à l'horizon. De toute façon, il ne se sentait pas capable d'avoir ce genre de vie. La culpabilité d'avoir souhaité le pire à son frère lui fait comprendre qu'il ne devrait pas songer à avoir ce genre de vie heureuse...

« Ma mère aussi aime me demander ce genre de chose. Elle ne parle pas vraiment de mariage ou famille, mais elle suit ce chemin, car ses questions ont pour but de savoir si je fréquente quelqu'un ou même si j'aurais le béguin pour une fille. »

Oui, dis comme ça, on dirait qu'il était encore un jeune garçon, mais sa mère devait encore le voir comme ça. Au moins, il préférait qu'elle lui demande s'il était amoureux plutôt que de savoir quand il allait se marier ou avoir des enfants.

« J'ignore si c'est typique à notre pays ou aux mères, mais elles ont toutes cette envie de voir leur enfant habillé en blanc à un grand mariage avec beaucoup d'invités, ect ! Quitte à parler de ce genre lubie de nos parents, si vous devriez vous marier, vous préfériez rester traditionnel ou vous avez plus envie d'une longue robe blanche ? Enfin, si cela n'est pas trop indiscret... »

Dit-il en grimaçant un peu, marchant peut-être sur un champ de mines. Il est vrai que le sujet pouvait avoir l'air intime donc, il ne voudrait pas non plus la gêner. Le concernant, il n'avait pas de préférence sur le sujet, en même temps, les mariages... Autant, il n'était pas contre d'avoir une compagne, autant se marier ou pas, ce n'était pas le principal pour lui alors, à la Japonaise ou pas. Cela sera un avis tranché par sa future compagne s'il en aura une un jour. Il ne saurait pas dire ce qui irait le mieux à la jeune femme ? Un kimono avec un fond sur un temple ? Ou bien une belle robe, avec quelques cerisiers en fond ? Il pencherait plus pour la seconde option, mais quand même... le traditionnel avait son charme aussi... Enfin, là, il s'égare...

Peu à peu, ils se rapprochaient, ce qui était l’objectif. Hirotaka lui explique que, comme elle, il était souvent confronté à sa mère et à son envie de le marier. Hikari ne put que sourire doucement à cette idée, tant cela lui évoquait une idée bien familière. Cela en devenait même agaçant ! Elle avait beau avoir brillamment réussi ses études, ne pas avoir de dettes, être une femme indépendante et autonome, tant qu’elle n’avait pas la bague autour du doigt, sa mère refusait de la considérer comme une femme émancipée et pleinement accomplie. « Kekkon wa josei no hakaba de oru », disait un proverbe japonais… « Le mariage est la tombe des femmes ». Tout était dit ! Hikari était une « makeinu », un terme péjoratif qui signifiait « perdant », et qu’on utilisait pour désigner les femmes trentenaires comme elle qui n’étaient pas mariées.

Hikari sourit ensuite quand Hirotaka lui demanda comment elle envisageait son mariage.

« Je… Non, ça ne me dérange pas d’en parler, Nifuji-san. À vrai dire… Je crois que la robe blanche occidentale s’est plutôt bien démocratisée chez nous, non ? Je pense… Je pense que ça m’irait bien, vous ne pensez pas ? »

Un nouveau sourire perla sur ses lèvres. Oui, mine de rien, les deux commençaient à lentement se confier, à se rapprocher. Évidemment, ce n’était que le début, mais c’était tout de même mieux que rien !

« Moi, je dois admettre que je vous vois bien dans un beau smoking noir… Le costume vous sied comme un gant, à tel point que j’ai du mal à vous imaginer dans une tenue plus décontractée… Mais je préfère ça. Trouvez-moi vieux jeu, mais je reste attachée à l’idée que nous représentons une fonction importante, qui doit être respectée, et qui est respectable. Il faut se montrer à la hauteur de la fonction. »

Sachant qu’elle couchait avec des élèves, c’était un propos sans doute un peu hypocrite, mais, malgré les apparences, Hikari essayait tout de même de concilier ses déviances avec son sens profond du devoir… Et ce quand bien même elle cherchait à coucher avec son collègue !

*Je deviens folle, c’est pas possible !*

Hikari se racla doucement la gorge en se pinçant les lèvres.

« Enfin… Hmmm… Vous avez l’air de savoir vous occuper de vous. J’admire ça. D’habitude, les garçons ont toujours du mal avec les tâches ménagères… Vous repassez vous-même vos chemises ? »

En parlant de choses et d'autres, le sujet avait rien à voir avec ce voyage, cette sortie de classe puisqu'il venait à se demander ce qu'Hikari préférait comme robe de marier ? Fidèle à ses racines japonaises ou plus classique avec la belle robe blanche occidentale ? Cela se faisait de plus en plus, même si bien des Japonaises pouvait s'accrocher aux traditions, les petites filles avaient tendance à aimer les belles robes blanches, comme celles des contes de fées dont elle ont souvent entendue les aventures étant plus jeunes. Un bref instant, il imaginait la jeune femme dans les deux possibilités. La robe blanche qui soulignait sa silhouette en haut pour être très large à partir de la taille et lui donner un air de princesse avec un long pan de robe dans son dos, où le plus classique kimono adapté aux mariages, blanc là aussi, de façon plus traditionnelle. Dans les deux cas, elle serait ravissante si elle ressemblait vraiment à ce dont il s'imaginait, mais il s'écartait un peu du sujet bien que la jeune femme avouait avoir une préférence pour la robe, imaginant même Hirotaka dans un beau smoking pour lui renvoyer la balle. Lui, en smoking ? Il n'en avait jamais porté, même si quelque part, son costume était plus ou moins un smoking en nettement moins chic. Chemise, pantalon, verste, oui, on remplace tout cela par un meilleur tissu plus classe, la cravate par un nœud de papillon et ça pourrait être ça. Pourtant, peut-être était-ce la photo de famille chez ses parents qui faisait ça, mais il se voyait plus dans la seconde option, comme son père. Il répondit tout de même d'un petit signe de tête, peu importe, robe ou kimono, Hikari serait belle aux yeux de celui – ou celle, à notre époque, ça pouvait arriver – qui l'épousera.

Hirotaka n'avait de cesse de penser comme Hikari sur ce sujet, leur rôle de professeur était important dans la vie de la future génération. Non pas qu'il voulait voir une bande de future professeur assister à ses cours, mais un bon travail commence ici, et même avant. On apprend aux jeunes enfants les valeurs importantes comme le respect, nettoyer les salles de classe afin qu'ils respectent leur environnement, on ne leur donne pas d'examen pour ne pas les bousculer et en faire déjà de bons petits. Viens ensuite les examens, et tout ce qui s'en suit, de façon plus classique, mais voilà, certains continuerons après le lycée vers des études plus hautes pour certains, plus manuels pour d'autres afin de déjà avoir un petit salaire, certains voudront arrêter pour de suites visé un vrai salaire, mais cela n'était jamais simple. C'était possible, mais on a jamais vu un étudiant fraîchement sortie de son école avoir un des jobs les mieux payé du pays aussi vite. Donc oui, leur travail était de bien poser les bases, de bien solidifier tout cela pour en faire de bonnes personnes, après, hors de leur salle de classe, ce n'était plus de leur ressort, mais s'ils prennent au sérieux leur travail, les enfants doivent en faire autant.

« Vous avez bien raison. De toute façon, il n'y a pas de job honteux, certes, la paie diffèrent, tout comme les tâches effectué, mais j'aime voir notre société comme une montre. Nous sommes tous des encrages si demain, l'un cesse de tourner – imaginons une grève par exemple – peu à peu, tous les autres ont du mal à continuer leur fonction et cela fini par bloquer le mécanisme. »

Du simple éboueur à l'avocat qui cherche à défendre son client en passant par mangaka, toute personne travaillant au Japon était important à son échelle afin que le pays tourne bien. Autant dire que professeur, qui était un travail important, car ils formaient la future génération, ils étaient très importants ! Sans professeur, trouver du travail pour ses jeunes ne sera pas une mince affaire et là, ça risquait de devenir de plus en plus difficile pour le Japon de rester debout et se tenir bien droit. Sa collègue dévia une fois de plus du sujet, évoquant son indépendance et donc, les corvées qu'il avait là aussi a faire seul.

« Oh, évidemment. Ce ne fut pas simple au début, mais je ne pouvais pas continuer d'aller voir mes parents pour la moindre petite tâche. Je suis loin d'être parfait pour recoudre un vêtement ou me faire à manger, mais sans être un cordon-bleu, je sais gérer les choses simples. »

Quand il était trop épuisé par son travail ou simplement sa journée, cela lui arrivait de prendre au konbini du coin – ses fameuses supérettes ouvertes toute la journée et toute la nuit – une cup de ramen à faire chauffer soi-même et en trois minutes, le repas était prêt ! Mais en dehors de ça, oui, il savait cuisiné simplement. Certes, faire un sukiyaki seul serait beaucoup trop compliqué, mais sinon, il pouvait gérer le reste. Recoudre des petits choses, le ménage, la cuisine, tout cela faisait parti des acquis. Il ne pouvait pas toujours aller voir ses parents ou se payer les services d'une personne pour tout cela, une partie de sa paie allait déjà à ses parents pour aider pour les frais d’hôpitaux donc, même sans faire attention au moindre centime, il fallait faire attention à ses dépenses.

« Et vous concernant, vous aimez cuisiné ou cela n'est pas votre fort ? »

Au Japon, il était courant qu'au collège, il y ait des cours de travaux de cuisine, fille comme garçon, afin qu'ils sachent se débrouiller en un minimum dans ce genre de domaine. Hirotaka restait dans la moyenne à ce moment de sa vie, il ne se voyait pas devenir un grand chef étoilé. Oh, il n'avait rien contre ce métier, mais pour lui, cuisiné, c'était juste se nourrir, pas besoin de faire des folies, pas de passion à mettre à l'ouvrage. C'était un peu cliché, mais il voyait bien sa collègue s'amuser à faire la cuisine, tenter des petites choses et se faire des bentos qui lui donne le sourire quand elle venait à le déguster ensuite. Le jeune homme ne s'en rendait pas forcément compte, mais son air impassible était fissuré, laissant un léger sourire amusé par tout cela l'emporter. Loin des classiques discussions de professeur, il s'ouvrait un peu plus, à sa grande surprise.

« Vous avez d'ailleurs une préférence pour le type de cuisine ? En général, j'aime ce qui est salé, mais en terme culinaire, je me laisserais bien tenter par... hmm... la cuisine française, sûrement ? »

Le cliché assez classique des grands chefs étoilées français jouait peut-être dessus mais à y réfléchir rapidement, l'Amérique ne semblait bon qu'en fast-food, la cuisine indienne était très épicée, la Russie... avaient-ils des plats typiques ? Bref, quand on pense top du top en cuisine, ce pays semblait se mettre en haut du panier. Qui sait, sa collègue s'y connaissait peut-être mieux dans ce domaine et lui donnerait envie de s'ouvrir un peu là-dessus ?

Peu à peu, la glace se brisait. Peu à peu, ils se confiaient l’un l’autre. C’était une très bonne chose ! Hikari était après tout plutôt du genre nerveuse, timide, surtout qu’au Japon, on n’éduquait pas les filles à séduire les hommes, c’était plutôt l’inverse ! Elle faisait donc de son mieux, mais ne pouvait s’empêcher d’être très nerveuse. Hirotaka était très charismatique, et elle commençait à apprécier de plus en plus sa compagnie, trouvant aussi agréable d’avoir une relation normale avec quelqu’un… Ce qui n’était pas peu dire, vu qu’elle était après tout l’esclave d’une lycéenne, et que c’était une lycéenne qui lui avait ordonné de séduire un autre professeur ! Dès lors, parler de normalité pouvait sembler un peu hypocrite, vu que la finalité était de coucher avec Hirotaka, mais Hikari se comprenait… Et peut-être aussi que, inconsciemment, elle appréciait la compagnie d’Hirotaka… Une chose que sa Maîtresse avait peut-être dû remarquer, ce qui expliquerait qu’elle lui ait imposé ce défi.

Le sujet différa rapidement sur un sujet central : la cuisine. Hikari l’avait cherché en évoquant les tâches ménagères. On apprenait aux petits Japonais des cuisines rudimentaires.

« Et bien, je dois bien m’y coller… Je n’irai pas jusqu’à dire que je suis une cuisinière étoilée, mais, au moins, je ne fais pas griller mes ramen ! »

Elle rigola doucement elle-même. La gastronomie japonaise était assez riche, et plutôt équilibrée. Hirotaka évoqua ensuite le cas de la gastronomie française, qui était très appréciée au Japon, la cuisine française étant considérée comme très sophistiquée, et très savoureuse.

« J’ai déjà mangé dans un restaurant français, et je dois admettre que c’était… Vraiment très bon ! Pour être honnête, je trouve qu’elle n’est pas si éloignée de la nôtre. »

Les Français partageaient leur goût des ramen, sauf qu’ils appelaient ça pâtes, et appréciaient également les légumes, les fruits de mer, et la viande, des piliers culinaires au Japon. Toutefois, leurs cuisines étaient aussi proches que différentes. Point de jambon-beurre au Japon, mais des onigiri. C’était à la fois plus simple et plus compliqué, l’expression de deux cultures différentes… Pour autant, Hikario n’était pas une spécialiste ; sa place n’était pas dans la cuisine !

Elle se racla brièvement la gorge en rebondissant là-dessus, et prit un nouveau risque, quelque chose qui allait encore être considérée par elle comme très osée :

« Peut-être que je devrais vous faire découvrir ça ? Une sortie dans un restaurant français… Vous y seriez favorable ? »

C’était osé !

Dire qu'au début, ils parlaient de ce voyage, de leur rôle de professeur, de ce genre de choses et à présent, ils allaient sur des sujets qui n'avaient rien à voir avec l'école comme les tenues de mariage ou encore la cuisine. C'est sûr que ça, c'était un beau virage ! Lui, il était très concentré sur sa tache d'enseignant, ne déviant pas de cette ligne et pourtant, peu à peu, il le faisait sans s'en rendre compte. Bon, ils étaient en voyage scolaire, dans le train, ce n'est pas comme s'il donnait un cours actuellement donc il peux bien se permettre de disgrecer un peu de sa ligne de conduite, ça ne va pas le tuer. Sa collègue était elle aussi doué en cuisine, pour le minimum, mais de là se prétendre grand chef, c'était un autre domaine pour eux ! Cela dit, elle avait déjà goûter à de la cuisine française et à cela, ses sourcils s'élevaient un peu. Non pas que ce soit hors du commun après tout, mais quand même ! Il faut dire que lui, il ne se faisait que rarement ce genre de plaisir. La conscience lourde d'une faute qu'il n'avait pas commise, il aidait comme il pouvait ses parents pour les frais d'hôpitaux, alors autant dire que chez lui, c'était loin d'être le grand luxe. Un petit appartement standard, avec le minimum. Il n'avait rien pour se vanter, sauf son indépendance. Donc oui, un repas dans un restaurant français, c'était du luxe pour lui. Enfin, si sa mère saurait qu'il pourrait avoir l'occasion de dîner avec une jeune femme de son âge, elle refuserait poliment son argent. À dire vrai, ce n'était même pas ses parents qui voulaient de son argent, il le donnait naturellement.

Cela dit, Hirotaka ne fut pas prêt à la proposition de sa collègue qui l'invitait plus ou moins – tout bien, tout honneur ? – à faire un tour dans ce genre de restaurant. Déjà étonné juste avant par son expérience culinaire plus développée que le sien, il en perdit un instant ses mots, la regardant sans réussir à prononcer le moindre mot. S'imaginait-il que cette invitation était naturelle, dans un but précis ou une autre alternative à laquelle il ne saurait pas répondre ? Il n'était pas doué pour ce genre de chose, on pouvait lui poser des questions pointues en histoire, il saurait y répondre plus ou moins juste – tout dépend de la période – mais là, il ne savait pas vraiment...

« Eh bien... oui ? Tout dépend de la date mais si l'on ne s'y prend pas à la dernière minute, il serait possible de caser cela dans nos agendas et de faire une réservation... il y a des réservations dans ce genre d'endroit ? »

Il ignorait où voulait l'emmener Hikari exactement, mais était-ce juste un restaurant conviviale et français ou était-ce ce genre d'endroit où il fallait réserver six mois à l'avance ? Un peu pris au dépourvu, il ne savait pas vraiment quoi en penser, savoir si la jeune femme avait simplement proposé cela en rebondissant sur leur conversation ou bien si elle visait un quelconque intérêt derrière cette invitation. Et puis même si elle a fait le premier pas dans cette invitation, il va falloir faire mieux et payer la note. Même si ce rendez-vous ne débouchait sur rien, il était bien élevé, ce serait à lui de payer.

« Mais euhm... et vous, alors ? Y a t-il un endroit où vous aimeriez aller ? Si vous me proposer de faire découvrir cela, je dois aussi pouvoir vous rendre la pareille ? »

Le genre d'endroit où il est préférable de ne pas venir seul donc ? Il faut dire que les loisirs du jeune homme n'étaient pas forcément les plus envieux, mais Hikari avait peut-être certaines envies de visiter certains endroits ou découvrir des choses à Yoake ou ailleurs, mais sans forcément être seule ? Bien qu'il comptait se montrer galant et payer le restaurant, il devait malgré tout essayer d'être équitable. Elle se proposait de l'amener là-bas, il pouvait en faire tout autant. Il jetait un coup d'œil sur son téléphone, voyant l'heure passé à rester ici, même si leurs élèves devaient bien se tenir, il espérait vraiment que cela était le cas.

« Et si nous retournions veiller sur nos élèves ? Je ne voudrais pas avoir de mauvaises surprises, ni que ses derniers ne s'imaginent des choses. »

Il disait cela, sans forcément penser au double-sens. Quand cela sortait de sa bouche, il s'imaginait surtout que les élèves pourraient croire qu'ils prenaient un délicieux dessert ici ou ce genre de choses. Même si effectivement, dans la tête de jeunes lycéens, ils pourraient penser à autre chose, mais Hirotaka saurait garder son sérieux pour écraser ce genre de mauvaise idée chez ses élèves. Après tout, il ne s'était rien passé donc, pourquoi il serait gêné de quelques remarques de leur part ? Dans le cas contraire, peut-être, serait-il un peu plus gêné qu'ils touchent juste, mais là, hormis boire un café et bavarder, rien ne s'était passé d'affolant.

« Faites attention à vous, le train à l'air de remuer un peu plus. »

Rien de dangereux, le chemin devait avoir certains défauts non-dangereux qui faisait quelque peu remuer le wagon, rien de plus. Les accidents de train sont rares, surtout au Japon.

Hikari sentait son cœur remuer lentement dans sa poitrine, au fur et à mesure qu’elle et Hirotaka étaient en train de se trouver un terrain d’entente. Le professeur était en train de se rapprocher d’elle, et sembla assez surpris par cette invitation subite à sortir au restaurant ! Honnêtement, Hikari elle-même ne saurait dire comment la conversation avait fini par dériver pour aller jusque-là ! Si elle était toujours aussi nerveuse, elle était aussi paradoxalement sereine, soulagée d’être avec lui. La présence d’Hirotaka la rassurait, elle se sentait apaisée avec lui. L’homme lui demanda où elle avait envie d’aller, et Hikari haussa les épaules.

« Au théâtre ? Enfin, vu là où nous allons, je pense qu’une petite promenade à flanc de montagne après avoir mangé à un bon restaurant sera tout aussi agréable… »

La jeune femme avait des goûts plutôt classiques. Elle n’aimait pas spécialement les jeux vidéos, mais adorait le théâtre, notamment le kabuki, le théâtre traditionnel japonais avec l’usage de masques. Oh, elle n’était pas contre un peu de modernité aussi, comme aller au cinéma… Mais, pour ce qui était d’autres activités comme le bowling, les fléchettes, le laser game, là, ce serait quand même plus compliqué ! Fort heureusement, elle imaginait mal Hirotaka se livrer à du laser game !

Son partenaire proposa alors de retourner dans leur wagon. Réalisant que beaucoup de temps avaient passé, Hikari acquiesça lentement, et se redressa.

« Je… Je vous suis, Hirotaka-san. »

Le train secouait un peu, et ils se dirigèrent vers le wagon. Hirotaka ouvrit la cloison menant à l’espace intermédiaire entre les deux wagons. Et Hikari le suivit alors. Toutefois, au même moment, le train fit une légère embardée en suivant un virage filant entre deux montagnes. Surprise, Hikari tomba alors en avant, et s’écrasa sur le corps d’Hirotaka, qui tomba à son tour.

« Hîî !! »

Les deux tombèrent au sol, et se retrouvèrent l’un contre l’autre. Hikari rougit en posant ses mains sur son torse, son visage très proche du sien, et se releva subitement. Elle se racla la gorge en sentant ses joues s’empourprer, et l’aida à se relever.

« Je… Euh… Désolée ! »

Elle se racla nerveusement la gorge, et ils rejoignirent ensuite leur wagon. Chifumi-sama semblait occupé à lire un magazine (probablement une revue pornographique !), tandis que les élèves parlaient entre eux. Hikari croisa brièvement le regard d’Alice, puis poursuivit. Elle s’assit nerveusement sur son siège, et contempla le paysage. Les arbres étaient encore nombreux avant de rejoindre Kyoto. Une fois sur place, il y avait une succession infinie d’immeubles allant jusqu’à Osaka, et longeant la côte. Une véritable membrane technologique à perte de vue.

Il fallait maintenant atteindre Kyoto, où ils auraient droit à une halte avant de partir vers Nagano… Et Hikari se pinça les lèvres, avant de recevoir un SMS. Sortant de ses pensées, elle constata qu’il émanait d’Alice :

« Alors, ça s’est passé comment ? Vous vous embrassez quand ? »

Hikari soupira lentement. Dire qu’elle était la professeure… Pourtant, Alice lui parlait comme si elle avait la même tranche d’âge ! C’était vraiment perturbant, et elle choisit de ne pas répondre sur le coup, encore plongée dans ses pensées…

Hirotaka jugeait qu'il était temps de revenir auprès de leurs élèves, afin d'éviter que leur absence ne finisse pas donner de mauvaises idées aux élèves et ainsi retrouver le wagon comme un vrai dépotoir. Il y avait bien Chifumi encore sur place, mais même si Hirotaka respectait ses collègues, il avait l'air de faire partie du décor, étant sa dernière année avant la retraite, il avait le profil du type qui n'allait pas se déranger pour si peu à l'approche de la fin. Rejoignant leur wagon, Hikari en perdit l'équilibre au bout d'un moment, un léger mouvement du train qui entraîna sa chute avec elle. Il ne fut pas blessé, ni elle d'ailleurs, heureusement, mais il vit la jeune femme très près de son visage et il remarquait à ce moment, à cette proximité, combien la jeune femme était très charmante. Il le savait déjà, mais jamais il n'avait autant approché son visage du sien à ce point-là. Redressant ses lunettes, il bafouillait que ce n'était rien en s'assurant qu'elle n'avait rien. Leur wagon était toujours propre et bien calme, la preuve que la petite Korvander avait mener son rôle de déléguée comme une cheffe. Cependant, en regagnant leur place, ils ne se faisaient pas la tête, mais à les voir regarder à l'opposée, on pourrait croire que l'un avait surpris l'autre dans un moment gênant et qu'ils n'osaient pas en parler.

Il ouvrit un livre qu'il lisait – du moins, il faisait semblant en restant plongé dans ses pensées après ce petit accident. Un livre sur l'histoire, évidemment, mais il était bien plus lent que d'habitude en pensant à tout cela. Leur rapprochement, tant physique que professionnel, cette sortie au restaurant, le théâtre... Mais quel genre de théâtre en plus ? Classique au style kabuki ou classique au sens Shakespeare ou plus moderne comme une comédie musicale ? Non, ça elle l'aurait précisé. Il verra bien une fois rentrer à Yoake si tout cela était toujours d'actualité. Pour le moment, il tentait de remettre en ordre ses pensées en se dictant le plan de bataille de cette sortie, les activités prévues pour les élèves, le mélange cours et sortie, tout ça, mais ce petit accident l'avait plus chamboulé qu'il ne l'admettrait. Peut-être, car malgré son flegme et sa cécité due aux relations amoureuses et tout qui s'en rapprochait de peu ou de loin, son cœur semblait s'être emballé pour une fille. Une chose qu'il n'avait pas connue depuis nombre d'années à dire vrai. Hikari était une belle femme, pas le genre pulpeuse ou entreprenante et heureusement dans un sens. Cela ne le laissait pas indifférent, mais il préférait de loin les femmes calme et posées. Comme sa collègue justement. Telle une illumination, les pièces de ce puzzle s'assemblaient toute seule alors que depuis tout ce temps, cela lui semblait impossible. Étrange sensation que voilà.

Lui qui était si calme et stoïque en général, il perdait peu à peu pied. Il n'avait aucun souci sur l'histoire, son travail, mais les relations personnelles et surtout amoureuses, ce n'est pas une chose qu'il maîtrisait. Il avait que trop peu d'expérience dans le domaine. Sa vraie relation amoureuse datait de plusieurs années et sans être dépourvue d'émotion, ce n'était pas une bonne expérience. Disons qu'à l'époque, malgré que son corps et ses sentiments le travaillait, il pensait avant tout à réussir ses études et aujourd'hui, ce poids avait disparu donc est-ce que ça irait ? Il n'avait rien de drôle ou d'éblouissant, c'était l'image même du type banal donc... Hikari s'imaginait des choses sur lui ou à l'inverse, c'est lui qui se faisait tout un film ? Hikari avait tenter pleins de chose de son côté pour l'attirer à elle et ce dernier geste à bien réussi son coup. C'est comme si elle avait posé des mines, et la chute, elle a tout fait sauter. Perdue entre feindre la lecture et ses pensées qui étaient plus bruyantes qu'une classe agitée, il avait fermé son livre en cherchant à mettre les choses au clair dans son cerveau, mais cela associé à la préparation du voyage, avait finit par l'avoir. Sans s'en rendre compte, la fatigue avait frappé dans le dos et il s'était assoupi, sans s'en rendre compte. Le voyage passera au moins plus rapidement et on dit que la nuit porte conseil. Ça fonctionne aussi de jour et dans un train, plus en sieste qu'en nuit complète ?

Kyoto se rapprochait rapidement, et Hikari, assise à côté d’Hirotaka, était inhabituellement nerveuse. Elle essayait de s’absorber dans le voyage, ou dans un livre, mais sans grand succès. Elle l’avait sorti de son sac à dos, c’était un thriller européen, l’un de ces livres français qu’elle appréciait bien. Mais elle avait du mal à s’y concentrer, à s’attacher aux pages, car elle repensait à sa conversation avec Hirotaka, et au SMS d’Alice… La jeune femme continuait à la suivre, mais Hikari savait aussi qu’elle n’était pas foncièrement méchante. Elle pensait à elle, à son propre plaisir, et, derrière cet aspect doux et dominateur qu’elle affichait, elle semblait sincèrement penser qu’Hikari irait bien avec Hirotaka. Était-ce à dire qu’elle avait compris intuitivement qu’ils étaient faits l’un pour l’autre ? Hikari n’en avait aucune preuve, mais elle était sûre que c’était elle qui avait insufflé cette idée à Nanami. Il fallait juste croire qu’Alice était douée pour sentir ce genre de choses.

Écouteurs rivés sur les oreilles, Chifumi-sama émergeait progressivement, et Hikari constata qu’Hirotaka s’était assoupi. Elle rougit doucement en le regardant, tout en répondant distraitement aux SMS d’Alice :

« Ça ne te regarde pas ! »

Une réponse au ton sec, destinée à dissimuler sa franche nervosité… Ce qui ne sembla nullement refréner Alice, qui insista donc.

« Il a l’air bien à dormir comme ça, je suis sûre que tu as envie de dormir sur son épaule, non ? »

Hikari rougit encore, et referma son téléphone portable, avant de le regarder brièvement. D’un autre côté, la jeune tête blonde n’avait pas tort. De son côté, Chifumi-sama s’était éloigné, Hikari ne notant pas qu’il partait avec une élève. Hikari se racla nerveusement la gorge, et observa brièvement Hirotaka. Puis elle continua à rougir, se demandant comment elle allait continuer ensuite. La jeune femme avait la sensation d’avoir marqué quelques points, même si c’était difficile à dire en l’état.

Néanmoins, elle avait ce sentiment persistant d’avoir avancé, et resta silencieuse. Alice ne l’importuna pas davantage, et elle commença à se laisser aller, tandis que le train se rapprochait doucement de Kyoto… C’était la fameuse mégalopole japonaise, le cœur du Japon, une immense aire urbaine, visible depuis l’espace, comprenant 105 millions d’habitants, alors que le Japon avait en tout environ 125 millions d’habitants. La mégalopole japonaise était accessible depuis Kyoto, et était ensuite une immense succession de villes, d’agglomérations, s’étalant sur 1 300 kilomètres, avec en son centre le Grand Tokyo, immense structure urbaine digne d’un roman futuriste de 37 millions d’habitants.

Et le train se rapprochait de l’une des portes d’entrée du cœur économique du Japon : Kyoto !

Après s'être autant trituré les méninges en remarquant que maintenant combien sa collègue dégageait un certain charme, Hirotaka était un peu perdu. Jusque-là, Hikari était une collègue, mignonne, certes, mais il n'en pensait pas plus. Plus maintenant. À force de réfléchir à tout cela avec la fatigue accumulé – mine de rien, à tout préparer et à tout revoir de A à Z, il n'avait que peu dormi – il finit par sombrer et s'endormir dans le train. Rien de bien spécial pour lui, il allait juste reprendre un peu de force alors que toute sa journée formait un drôle de mélange dans son rêve. Oui, ils étaient à Kyoto, tout se passait comme il l'avait indiqué sur son programme, une vraie partition de musique ! La seule chose qui sortait du lot, c'est qu'Hikari était en robe de mariée. Mise à part ce détail, tout était normal, lui comme les autres protagonistes de son rêve ne semblait pas choqué de voir la jeune femme tout de blanc vêtu dans cette longue robe. Il faut croire que depuis qu'il avait vue son visage si près, toute leur conversation avait été bien enregistré par ce dernier.

Il finit par émerger, réveillé seul ou par quelqu'un, il ne saurait dire, mais son visage se redressait alors qu'il vérifiait que ses lunettes soient bien en place. Sans elles, il était une véritable taupe qui ne voyait rien au-delà du bout de son nez ! Remarquant le décor typique de Kyoto et donc, que le temps avait vite coulé avec sa sieste involontaire, il fit un petit signe de tête envers Hikari pour s'excuser. Il était humain, il avait le droit de piquer du nez, mais ça voulait dire qu'elle avait dû surveiller le wagon seule. Non pas que leurs classes soient bruyante mais bon... Quand même ! Il était quand même temps de reprendre son rôle de tuteur ! Il se redressait, tapant des mains pour attirer l'attention et faire un petit discours pour dicter les règles, de ne pas se précipiter, rien oublier, ni bagage, ni détritus, ect... Puis d'attendre que le train arrive en gare avant de se lever pour vouloir en descendre. L'idéal était qu'il sorte le premier, contrôlant tout ça pendant qu'Hikaria restait à l'arrière ou au milieu pour voir si aucun élève ne traînait des pieds. Le trajet avait assez durée depuis leur départ ce matin, autant dire que pour leur arrivée, ce sera surtout l'installation, gérer la suite à l'auberge et donner les plannings pour les prochains jours afin que chaque élève sache ce qui les attendrait, quel cours, il y aura à quel moment et quand ils seront libres de profiter de ce nouveau décor. Ils étaient certes arrivés à Kyoto, mais ce n'était pas encore la fin de la journée.

Après tant d'heure assied dans le train, un peu de marche ne leur fera pas de mal, l'auberge n'était pas très loin de la gare puis comme ça, ils verront bien un peu de pays. Chacun des professeurs gérait sa classe, veillant au grain, Hirotaka ne pus s'empêcher de déjà commencer son cours, décrivant quelques anecdotes sur le chemin, ce qui se serait passé ici pendant l'histoire, ect. Fidèle à lui-même quoi. L'auberge qu'ils avaient choisie était rustique, classique, assez grand pour leurs trois classes puis il bénéficiait d'un onsen naturel. Il n'était pas mixte évidemment et Hirotaka allait veiller au grain qu'aucun petit malin ou maligne ne cherche à se tromper ! Mine de rien, si ça arrivait et que ça se savait, ils risquaient leurs jobs ! Pas question de tout perdre pour de telles bêtises ! Une fois arrivée, accueillit par les propriétaires, deux personnes âgées, aidées par quelques employées, évidemment, ils montraient leur politesse, saluant ces personnes avant d'invité les élèves à pénétrer dedans. Chacun était libre de choisir sa chambre et avec qui, peu importe le mélange de classe, seule règle, encore une fois, chambre séparée ! Pas de chambre mixte. Hirotaka savait qu'à cet âge, on était du genre à avoir certaines pulsions, donc, non ! Puis il n'était pas sûrement pas le seul à penser cela. Mine de rien, maintenant arrivée, ils allaient enfin pouvoir souffler un bon coup, laissant un peu de liberté aux élèves, le temps de souffler eux aussi, de se reposer et après, on verra pour la petite réunion des règles à suivre, tout ça...

« On a beau enfin être arrivée, on est loin de pouvoir souffler encore. »

Dit-il pour sa collègue. Il restait tant à faire, surtout qu'en temps que professeurs, ils avaient chacun leur chambre, mais il savait qu'il allait devoir veiller au respect des règles. Il allait devoir faire comprendre à ses élèves qu'il était un professeur assez laxiste et cool, mais pas question de fauter pour autant donc ceux qui se lèveront la nuit auront intérêt à trouver le chemin des toilettes et faire demi-tour, ni plus, ni moins sinon, assied en seiza à l'entrée de l'auberge jusqu'au matin ! Fille, garçon, même combat ! Il ne fallait pas ternir l'image de leur lycée.

Avant de rejoindre les Alpes japonaises, le séjour prévoyait une halte dans une auberge de Kyoto. Pour les habitants de Yoake, Kyoto était comme une sorte de Paris pour les Français, une immense capitale, et le point d’entrée d’une succession infinie d’immeubles et de voies urbaines menant jusqu’à Tokyo. Pourtant, si Kyoto disposait de bâtiments modernes, la ville avait aussi su conserver son côté historique. C’était une ville très touristique, avec en vue le Mont Hiei, loin d’être aussi populaire que le célébrissime Mont Fuji. Le lycée avait déjà organisé plusieurs visites touristiques à Kyoto, mais les élèves préféraient plutôt les quartiers otakus de Kyoto.

Hikari se rendit donc à l’auberge, et, en compagnie d’Hirotaka et de Chifumi, donna les instructions aux élèves. Ils pouvaient sortir, mais en se limitant strictement au quartier. Connaissant Chifumi, celui-ci risquait surtout d’aller à Gion, le quartier érotique de Kyoto, connu pour ses geishas. Les élèves ne pouvaient pas sortir seuls, et devraient rentrer à l’auberge avant la tombée de la nuit. Ils furent ravis de pouvoir filer, et Hikari sourit brièvement à Alice, qui la salua de la main. ERlle restait donc seule avec Hirotaka, Chifumi se proposant d’aller surveiller quelques élèves.

« Je vous remercie, Chifumi-sama… »

Hikari se racla la gorge en étant seule avec Hirotaka, et commença par vérifier leur programme. Elle s’assura que les bus étaient là, envoya des e-mails, mais eut très rapidement terminé leurs tâches administratives.

« On… On pourrait aller profiter de Kyoto, Hirotaka-san, vous en pensez quoi ? Yoake a été détruite lors de la guerre, alors il n’y a pas un quartier historique comme à Kyoto… On pourrait se promener là-bas ? »

Elle se retint toutefois de préciser que c’était un quartier assez romantique, pensé pour les jeunes couples ou pour les femmes se déplaçant en yokatas… Est-ce qu’elle allait enfiler son kimono ? Elle en avait amené un, mais… Tout de même ! Ce serait un peu excessif ! Ou peut-être pas ? Ah, c’était si dur de choisir ! Toute confuse, Hikari était encore perdue dans ses pensées…

Hirotaka aimait que tout soit parfait. Non pas qu'il pousse cela à l'extrême, mais étant désigné comme un des trois professeurs en charge de cette sortie, il espérait que tout se déroulerait comme une partition de musique, sans la moindre fausse note. Pour l'heure, tout se passait plutôt bien pour cette sortie, rien qui s'écartait de ce qui était prévu, tout était parfait ! La seule chose qui ne faisait pas partie du programme, c'était ce soudain élan d'attirance vers sa collègue, mais bon, ce n'était pas le genre de chose à prévoir, ça nous tombait dessus sans prévenir en général. Même si pour l'heure, se plonger dans le travail l'avait aidé à zappé un peu cela, le silence revenu, les tâches terminées, elle allait proposer une petite sortie pour visiter les quartiers historiques. Cela était loin d'être une mauvaise idée. Même si sa collègue ne donnait pas d'indication particulière sur l'endroit de cette potentielle sortie, il y voyait avant tous les avantages lié à la sortie. Il avait beau avoir eu un élan d'attirance pour elle tout à l'heure, le naturel revenait au galop.

« Pourquoi pas ? Cela nous permettra de faire quelques repérages afin de préparer la sortie des élèves. »

Bien sûr, il avait déjà préparé certaines choses, mais être sur place pourrait lui permettre de corriger certaines choses ou d'en ajouter. Même s'il restait un professeur, sortie scolaire voulait dire aussi une ambiance plus détendue, lui aussi avait apporté un kimono, mais il pensait que durant leur séjour, il y aura forcément un festival dans le coin pour en profiter. Si Hikari pouvait hésiter à le prendre maintenant, pour lui, ce serait un peu plus tard. Il hésitait à prendre quelques feuilles ou un carnet pour y prendre des notes, mais il pourrait bien mémoriser cela de tête, au pire des cas, il enregistrerait un brouillon sur son téléphone. 

« On a un peu de temps devant nous, profitons-en ensemble. »

Là encore, bien que ça pouvait être ambiguë, il parlait sur un ton professionnel. Oui, du moment qu'il n'avait pas Hikari face à lui ou du moins près de lui, il ne pensait pas forcément à mal. Mais qui dis se promener à deux dis forcément que ses sentiments vont remonter en surface et il risquait donc à nouveau d'être confronté à cela. Sur ce point-là, il n'était pas forcément doué donc il ne pourrait pas avoir cette assurance qu'il gardait en temps normal. Sa collègue n'avait pas forcément remarqué cela, car depuis sa chute, ils avaient regagné leur place puis il avait piqué du nez et ensuite, l'arrivé à Kyoto. Pas trop d'occasions de parler de ça ou pour lui, d'en faire vraiment le point. 

« Vous avez une idée précise ou vous voulez y aller au hasard ? On sait jamais, si vous aviez une idée en tête pour un de vos cours ? »

Oui, Hikari enseignait les mathématiques, mais peut-être y avait-il un quartier où un célèbre mathématicien y avait habité ou autres. Mêlée histoire et mathématique, afin que leurs deux cours s'unissent afin que tous les points se rejoignent. Tant qu'à faire, le hasard pouvait bien faire les choses.

Hirotaka accepta l’idée de sortir ce soir, mais demanda toutefois à Hikari où ceux-ci allaient aller, et si cela allait avoir un rapport avec les cours. Hikari fronça alors les sourcils, et secoua la tête, avant de sourire.

« Je ne compte pas aller au musée des mathématiques, Hirotaka-san ! En revanche, il va sans doute falloir que je me change, je n’ai pas une tenue très appropriée… Alors… Que dites-vous de se retrouver ici dans une petite demi-heure, environ ? »

Il était si sérieux ! Hikari allait devoir se débrouiller pour le décoincer un peu ! Elle fila ensuite dans sa chambre, et s’assit sur le lit. Les élèves avaient monté les valises de tout le monde, et Hikari ne fut pas surprise de voir qu’Alice l’attendait sur le lit.

« Sensei ! J’ai préparé vos affaires ! J’imagine que vous allez sortir ce soir, hum ?
-  Tout ça n’a rien de drôle, Alice ! »

Alice sourit encore en secouant la tête, et sauta du lit.

« Je ne rigole pas ! Mais vous devez prendre soin de vous, Harigato-sensei ! »

Hikari soupira doucement, tandis qu’elle expliqua qu’elle allait effectivement sortir ce soir avec Harikato-san. Une sortie qui n’avait rien de choquante, entre deux collègues qui allaient se rapprocher ! Mais Alice ne tarda pas à lui dire qu’elle allait devoir s’habiller, et lui présenta alors la tenue qu’elle avait préparée pour elle.

« Ce kimono a été tissé spécialement pour vous, Harigato-sensei… Je peux vous le mettre ? Ce soir, Nifuji-sensei sera tout à vous !
-  Ne raconte pas n’importe quoi… »

Mais il fallait bien admettre que le kimono était très agréable. Les doigts d’Hikari glissèrent doucement dessus, en effleurant l’agréable texture. C’était de la soie, et elle rougit lentement.

…

Plus tard, Hirotaka attendait patiemment dans le salon quand Hikari se rapprocha. Le salon avait une mezzanine, et elle apparut devant l’escalier qui y menait, dans un très beau kimono bleu avec des pétales blanches. Rougissant légèrement, elle leva la main à destination d’Hirotaka.

« Bonsoir, Hirotaka-san. Je… C’est la première fois que j’enfile ce kimono, j’espère qu’il me va bien… »

Hikari devait bien admettre qu’elle était plutôt gênée… Mais aussi, paradoxalement, soulagée de se retrouver là.

Hirotaka était à la fois très naïf, hors sujet, mais en de rares occasions, il voyait parfaitement ce que ça pouvait vouloir dire. Surtout, depuis que son cœur semblait avoir dépoussiéré le manuel « comment éprouver des sentiments envers une femme ». Mais le temps de se mettre à jour sur le sujet, il ne voyait pas plus loin que le bout de son nez alors, une sortie, juste eux deux là-bas, ça fera de bonnes bases pour peaufiner les quelques questions qu'ils pourraient poser aux élèves ! Hikari lui tendait quelques perches, mais le pauvre manquait ça très souvent, ne sachant pas à côté de quoi il pouvait bien passé. Puisque Hikari allait se préparer, lui... bon, il fit quand même l'effort d'aller changer de chemise en allant se rafraîchir un peu après une telle journée longue en voyage. Certes, de son côté, sa collègue avait quelque chose de bien plus long et complexe à enfiler, mais il fut prêt avant elle, patientant au point de rendez-vous après avoir fumé une énième cigarette de la journée.

Quand Hikari arriva, descendant l'escalier, heureusement qu'il n'avait pas de cigarette à la bouche, car elle serait tombé toute seule tant il en était bouche bée. Son visage ne pouvait cacher l'étonnement en la voyant arrivée. Son petit cœur n'avait peut-être pas finie sa mise à jour, mais il comprenait que ce qu'il voyait arrivé vers lui était tout simplement magnifique. Il tendit naturellement sa main pour l'aider à descendre les dernières marches, restant muet face à sa question avant que son cerveau n'ait fini de redémarrer, secouant légèrement la tête après avoir papillonné des yeux.

« V-vous êtes sublime, Harigato-san... Je... je me sens même un peu minable de pas avoir fait autant d'effort que vous... »

Vu le temps et l'ambiance « festive » de cette sortie, il avait ôté sa veste et portait une chemise à manche courte pour l'occasion. Note à soi-même, faire plus d'effort la prochaine fois ! Il lui tenait toujours la main, observant sa collègue de travail avec tant de choses qu'il peinait à comprendre comme par exemple, pourquoi son cœur se prenait pour un batteur de métal en plein solo ? On pouvait le dire cette fois, Hikari l'avait subjugué si bien qu'il avait du mal à passer à la suite, elle était sublime, parfaite ! Elle ressemblait à ce genre de princesse pleine de douceur envers son prochain. Reprennent soudainement conscience de la réalité, il lui lâchait doucement la main – du moins, si elle la dégageait de la sienne – en tendant son autre bras vers la sortie.

« Et si... nous... nous y allons ? »

Le chemin sera long jusqu'à destination ?

« Est-ce que vous voulez y aller en marchant ou bien, je nous loue un taxi ? »

Sa tenue était très belle mais si la destination nécessitait une longue marche, cela ne sera peut-être pas des plus pratique... En tout cas, chaque fois qu'il posait les yeux sur elle, il ne pouvait s'empêcher de la trouver sublime ! Était-ce pourtant la même femme qui lui parlait encore dans le train, dans son tailleur ? Difficile à croire et pourtant... bon sang, quelle beauté ! Hikari était une femme ravissante, il s'en était déjà rendu compte, mais alors là... ça allait au-delà de toutes ses espérances ! Il allait devoir veiller sur elle ce soir, comme une poupée très fragile, elle ne devait recevoir aucun mal. Pas de glissade, pas la moindre personne pour l'importuner, non, elle devait rester aussi belle. C'était sa promesse faite à lui-même, alors qu'il marchait doucement à ses côtés. À quand remonte la dernière fois qu'il fut dans cet état pour une femme ? Jamais. Même sa première petite amie, il ne s'était pas emballé de la sorte. Oui... Hikari était une femme, spéciale. Doucement, mais sûrement, il s'en rendait compte, grand dadais qu'il était.

Le regard d’Hirotaka fut très éloquent, bien plus que tout ce qu’il aurait pu dire. Hikari sourit poliment tout en rougissant, flattée qu’il la trouve aussi belle. Après tout, se mettre en valeur, ce n’était clairement pas son genre. Elle s’était d’ailleurs demandée comment Alice et Nanami avaient pu lui trouver une telle tenue, mais Alice savait conserver ses secrets. Hikari n’avait donc pas su grand-chose, mais elle ne pouvait que constater que le kimono lui allait effectivement très bien. Il ne savait plus quoi dire, jusqu’à finir par retrouver l’usage de ses mots, ce qui amena Hikari à le taquiner un peu :

« Je vous ai connu plus prolixe, Hirotaka-san… Mais je vous remercie pour vos compliments. Je ne savais pas trop si ce kimono m’irait, mais, à voir votre tête, je vous pense sincère. »

De fait, Hikari était très gênée aussi. Tout de même ! Elle espérait que ses élèves ne la photographieraient pas ! Tentant de reprendre sa contenance, Hirotaka-san tendit son bras vers elle, dans un geste se voulant très cavalier. Hikari se mordilla les lèvres en regardant autour d’elle, et accepta l’offre. Au diable les convenances, elle était sûre qu’il n’y avait plus aucun élève à bord ! Et Chifumi-sama devait sûrement être déjà au love hotel du coin. Hirotaka-san proposa un taxi, et Hikari sourit brièvement.

« J’en ai déjà appelé un, à vrai dire. Je préfère éviter que les élèves me voient dans un kimono, cela pourrait porter atteinte à mon autorité ensuite. »

C’était un raisonnement qui se tenait, après tout. Le duo rejoignit le taxi qui les attendait dehors, et Hikari grimpa à l’arrière.

« Emmenez-nous au Parc Maruyama, s’il-vous-plaît. »

Le parc était situé à l’extrémité du quartier Gion, et était un coin très touristique, abritant notamment le sanctuaire Yasaka-jina, un sanctuaire shinto vieux de plus de 1 300 ans. On l’appelait « le parc aux cerisiers » en référence aux nombreux sakuras qui s’agglutinaient au centre de ce parc, véritable patrimoine culturel national. En chemin, elle souriait doucement à Hirotaka, tout en continuant à rougir. Est-ce que le chauffeur de taxi ne la regardait pas bizarrement ?

*Dieu, j’espère que je ne ressemble pas à une traînée ! Mais non, voyons, il n’y a aucune raison…*

Et puis, elle était avec Hirotaka. Elle rougissait encore, nerveuse, et se racla alors la gorge, en le regardant brièvement.

« Vous… Euh… Tu es déjà allé au parc Maruyama ? Il paraît que c’est très joli… Je me suis dit que ça serait un bon début pour… Pour visiter Kyoto ! »

C’était aussi un coin prisé des amoureux pour la vue des sakuras en fleurs, mais elle se voyait mal l’avouer délibérément à Hirotaka !

Le pauvre en avait perdu bien des mots à force, il était époustouflé par la beauté de sa collègue. Elle était si belle dans ce genre de kimono, tout le monde serait unanime à ce sujet. C'est sûr que, même si les pays hors du Japon avaient leur propre notion de beauté, style vestimentaire comme les robes de marier pour revenir sur le sujet, il y avait partout du bon et du moins bon, mais Hirotaka était toujours un grand patriote dans l'âme et trouvait que ce qui ressortait de son pays était plus beau. Peut-être pas sur tous les points, mais en « tenue traditionnelle », il trouvait que les kimonos et les yutakas permettaient vraiment de faire resplendir les femmes, de souligner toute leur beauté, de les rendre encore plus belles ! Et pour Hikari, ça ne pouvait pas être plus vrai que ça. Elle était si belle, si mignonne. Il s'en trouvait presque lamentable à juste avoir changé de chemise entre temps, là où elle avait fait des efforts... Il n'allait pas penser de façon misogyne à se dire que de toute façon, les femmes mettaient plus de temps à se préparer et que leur place était dans la cuisine.

Prenant un taxi, Hikari avait déjà prévu de l'emmener au parc Maruyama, qui restait en effet un site à absolument visiter si l'on visite Kyoto, c'était un endroit important ! Certes, il était très prisé par les touristes, mais pas seulement, au printemps, c'est l'un des plus beaux endroits du Japon, riche en histoire aussi et pour lui, professeur d'histoire, c'était un incontournable !

« C'est même une très bonne idée ! » Renchérit-il, ayant presque retrouvé un second souffle suite à son annonce. « Ce n'est hélas pas la bonne période de l'année pour le visiter dans les meilleures conditions, mais ça n'en reste pas moins un excellent choix. C'est là-bas que se trouve aussi le temple Chion-in, il y a tant à raconter sur ce temple, sa construction, les attaques qu'il a subi et... »

Mais Hirotaka se rendit compte de deux choses dans son engouement. Déjà, que sa collègue ne s'intéressait peut-être pas à tout cela en se rendant là-bas, voulant peut-être surtout voir les cerisiers, mais surtout, pour aller visiter ce temple, il fallait grimper les nombreux escaliers et pour ça, il fallait des genoux solides ! Autant dire que dans cette tenue, la pauvre Hikari sera à ramasser à la petite cuillère une fois en haut. Il modéra donc sa joie, un soupçon d'excuse dans sa voix comme dans son sourire.

« Mais nous irons là vous aimerez aller, cela va de soi. »

Il y avait tant à dire sur ce temple, mais ce n'était peut-être pas le moment de se comporter en professeur d'histoire, mais en homme. Une chose qu'il oublie si souvent alors que mine de rien, ce voyage était une belle occasion pour lui, ne se doutant pas que du côté de sa collègue, certaines de ses élèves s'en amusait de leur situation. Ne sachant pas trop comment rebondir sur autre chose, il chercha un instant un autre sujet avant de repenser au kimono, non pas qu'il allait encore la complimenter dessus bien qu'elle le méritait, mais ça pourrait changer un peu de sujet avec cette possible boulette de sa part ?

« En tout cas, vous aviez tout prévu pour ce voyage ! Je dois bien admettre que de mon côté aussi, j'ai prévu un kimono, au cas où l'on assisterait à un festival durant notre séjour et, dans le pire des cas, le sortir dans ses derniers jours de voyage, mais si j'aurais sû, j'aurais sûrement fait un effort supplémentaire de mon côté. »

Lui aussi avait prévu quelque chose, même si du côté de sa collègue, sa tenue venait de la part d'une de ses élèves et non elle directement. Au moins, ça laissait la possibilité de les réunir ensemble dans les mêmes conditions au cours de ce voyage, ça pourrait donner plus de possibilités pour les rapprocher. Dieu sait qu'ils auront besoin d'aide mine de rien !

« Je tâcherais de marcher à votre rythme, on profitera pour prendre notre temps. Ce n'est pas tous les jours que nous pouvons visiter Kyoto. »

Hikari était un peu gênée, mais Hirotaka n'avait pas l'air surpris par l'usage de ce kimono. Au contraire, il semblait même... L'apprécier ? Ou peut-être qu'elle se faisait des idées ! Oui, c'était sûrement ça ! Elle ne pouvait pas encore se faire simplement à l'idée qu'il apprécie sa beauté, car cela laissait entendre une brèche dans leurs relations professionnelles. Mais, paradoxalement, n'était-ce pas aussi ce qu'elle aimait ? Ce qu'elle avait envie de voir ? Hikari rejoignit donc avec Hirotaka le Parc Maruyama, et, alors que le duo marchait, elle reçut un SMS. Elle le lut donc, et se pinça les lèvres.

Alice lui annonçait qu'elle était là, qu'elle l'avait suivi ! Elle tourna brièvement la tête, et la vit en retrait, se dissimulant rapidement derrière un arbre en la saluant de la main au loin.

*Oh non !*

Hirotaka se mit à lui parler, et Hikari tourna à nouveau la tête, feignant un sourire nerveux pour dissimuler son angoisse.

« Hein ? Euh, oh oui, les attaques, vous... Vous êtes vraiment incollable dans ce domaine, Hirotaka-san ! »

Nouvel SMS, qu'elle lut rapidement, et rougit à nouveau.

Il te dévore du regard ! Je suis sûre qu'il a un début d'érection !

Elle se mit à imaginer le corps d'Hirotaka nu, avec sa verge... Vu son nez, elle imaginait une belle verge qui se redressait, et qu'elle caresserait en lui souriant, avant de l'embrasser dans le lit de leur chambre d'hôtel... Hikari se racla ensuite la gorge quand un vélo passa à proximité du duo. Hirotaka lui expliqua qu'il avait aussi un kimono, et Hikari sourit alors, avant de le regarder.

« Alors, pourquoi ne pas l'avoir mis ? Enfin, ce n'est pas que la cravate ne vous va pas bien, mais nous avons bien le droit de nous détendre un peu, nous aussi. »

Dans ce quartier historique, il était fréquent de voir des touristes ou d'autres Japonais portant des tenues traditionnelles. On trouvait aussi des artistes de rues, qui chantaient, mais le duo se dirigeait vers une petite place avec des stands où on offrait à manger. On y vendait des sardines grillées ou encore des takoyaki, de délicieuses boulettes de papes. On vendait aussi du poisson grillé.

« Et ce n'est pas que j'ai tout prévu, mais, à Yoake, j'ai rarement l'occasion de sortir ce kimono, alors... Je me suis dit que ce voyage pourrait être l'occasion de le faire. J'espère que vous ne me trouvez pas trop... Cavalière ? »

Elle disait ça sans trop de craintes, et, pendant ce temps, ils rejoignirent un stand de nourriture. Un cuisinier énergique à la peau bronzée faisait remuer des ramen dans une poële, les faisant tournoyer avant de les remettre dans l'eau chaude, les faisant fumer. Hikari se rapprocha pour commander le plat, et l'homme leva brièvement la tête vers elle et Hirotaka :

« Bonsoir, les tourtereaux ! Qu'est-ce que je peux préparer à un ravissant couple comme vous ? »

Cette fois, Hikari ne put pas s'empêcher de rougir furieusement, baissant les yeux en se pinçant les lèvres...