The Multiversity

Par-fait ! Marmelade l'insatiable s'extasiait devant ses nouveaux jouets consommables. Elle avait tout intérêt : Reshaa-Mess avait beau être une djinn, ce n'est pas tous les jours qu'elle employait son Myst à des fins pareils. Nourrir une slime à l'esprit si enfantin et au ventre si profond était épuisant. Mylh'nom n'allait certes pas tomber à court d'énergie avant un bon moment mais elle ne se voyait pas passer le restant de la journée à synthétiser des gourmandises comme elle venait tout juste de le refaire.
Les djinns aussi ont les doigts sensibles. A force de malaxer le Myst, ça les fait beaucoup travailler !
Tandis qu'elle surveillait l'éternelle enfant aux crayons mangeables, Reshaa-Mess accordait davantage de temps à sa Contractante.


Et la colonne de lumière fut !
Sadgyra s'était écartée du cercle magique avant de l'activer. Ses yeux bleus suivaient la direction du plafond. Elle avait dressé cette porte mystique en un temps record ! De quoi être fière. Fière d'elle et de cette prouesse, oui. Elle paraissait si lointaine, cette époque où elle n'était qu'une simple fripouille aux côtés de ses abrutis de frères qui la traitaient au mieux comme un animal de compagnie, au pire comme une vulgaire chienne tout juste bonne à se faire remplir.
Au départ, comme fascinée par la lumière montante, elle ne prêta aucune attention à la slime qui parlait toute seule. La Pêcheresse fut tout de même bien obligée de la regarder - de travers, comme d'habitude - quand la chose montée sur gaufrettes s'était remise à lui secouer le bras avec force excitation.

- Raaah ! Ça suffit, oui ?! Si t'as des questions, pose-les plutôt à ta nouvelle mère !

Elle ne sut pas trop si son coup de gueule avait fonctionné. Toujours est-il que Marmelade avait à nouveau changé de cible et fondait droit sur la Fine Djinn.
Bon ! Il faut que je rassemble tout cet or, moi. Mylh'nom va sans doute me laisser en plan pour faire plaisir à cette énervante créature. Tu parles d'une collaboration. Tu parles d'un contrat !
Elle évacua un soupir.
La nuit va être longue.


C'était toujours un régal de lire la contrariété sur le visage si parfait de sa Contractante. Cette démone arrivait à conserver son infernale beauté malgré les caprices du destin. Reshaa-Mess ne s'en lassait pas. Elle aimait la mettre à l'épreuve, d'un côté, tout comme il lui arrivait d'éprouver beaucoup de plaisir en sa compagnie, dans un cadre plus intime avec un(e) mortel(le) de Papua. Cette alliance qu'elles avaient montée avec les jumelles dragonnes favorisait leurs projets. La Malicieuse et la Pécheresse se renforçaient continûment et de toutes les manières possibles. C'est dans cette routine si parfaite que Marmelade avait fini par faire irruption. Une dévoreuse d'un autre genre que la démone et sa djinn, certes. Mais une dévoreuse dotée d'un potentiel à vous glacer les sangs !
Mylh'nom était prête à supporter ses caprices, à répondre à ses désirs outranciers, dans le but de se familiariser avec cette force hors du commun. Et aussi, très certainement, parce qu'elle adorait les sucreries.

- J'ai vraiment dit ça, moi ?

La djinn observait la slime avait une "sincère" curiosité.
Elle blaguait, bien évidemment ! D'un clin d'œil amusé couplé à un sourire de comique qu'elle était bien la seule à pouvoir produire, Reshaa-Mess en confirma la volonté de plaisanter.

- Tu te goinfreras, mon ange en sucre. A nos frais, même si ça fera grincer des dents ma plus chère amie ! Elle saura l'accepter malgré son petit air renfrogné~

Dans la précipitation, Marmelade, qui n'avait pas terminé de manger le contenu de ses crayons-bonbons, se lança dans une opération de stockage. Son corps étant ce qu'il est, elle s'en servit comme du papier tue-mouche en se constituant une ceinture de secours.

- Hé ! Mais c'est qu'il y a de l'idée !

Marmelade s'était, à vrai dire, inspirée d'un certain "Batman". Un type à la mine patibulaire, tout de noir vêtu.
Un peu comme Sadgyra mais en moins coloré.
En parlant d'idée, l'Entourloupeuse en conçut une elle-aussi.

- Nous y allons ! Mais avant cela, ma bonne Marmelade, ta jolie petite silhouette va nous rendre un fier service~ (Avec un sourire en coin, elle lui fit signe de la suivre.) Tu vas certainement te sentir un peu lourde vu que je m'apprête à te charger comme une mule. Ce n'est là qu'un étape avant le grand festin, fais-moi confiance !

A l'aide de ses pouvoirs, Reshaa-Mess rassembla rapidement les richesses qui se trouvaient à proximité. Elle aligna tout de même quelques pas histoire d'en faire léviter le plus possible dans son sillage. Puis elle se tourna vers la slime qui l'accompagnait.

- Inspire un grand coup ! Je charge la marchandise~

Tout sourire, la djinn lui enfonça des pièces et des pierres précieuses dans tout le corps. Marmelade avait beau avoir rapetissé après s'être fait croquer deux morceaux, il y avait toujours de la place.

- Comme ça, nous soulagerons un peu les bras de la terriiiiible Sadgyra !

- ...Vraiment trop aimable.

Pour être honnête, la Pécheresse trouvait cette pratique dégoûtante. Elle n'imaginait pas l'état des pièces une fois arrachées au corps de la slime. Sadgyra les imaginait collantes aux doigts. Poisseuses à l'excès, oui...
Grimaçante, elle se détourna des prétendues mère et fille.
Reshaa-Mess s'encombra elle aussi - mais de façon, disons, plus traditionnelle.

- Allez ! En marche vers la gourmandise~

Elle pénétra dans le cercle de lumière pourpre. La magie de transfert l'aveugla. Quand la djinn rouvrit les yeux, ce fut pour les poser sur l'intérieur d'une immense grotte haute de plafond où les richesses s'amoncelaient en d'étincelantes collines ! Un spectacle saisissant qui tenait du rêve. Un trésor immense - fruit de pillages, d'économies et d'investissements particulièrement juteux.
Avant de sonder calmement les lieux, Reshaa-Mess déchargea son coûteux fardeau sur un impressionnant monticule de richesses.

- A cette heure-ci, notre Gardienne n'est pas encore supposée roupiller dans son coin...

Si la Pécheresse ne l'apercevait pas à son retour, elle allait se mettre en rogne pour sûr !
Sans Aynaëth Spirabilis, il n'y avait plus personne pour veiller sur leur incommensurable trésor.

- Suuuuus aux intrus !

L'épée à la main, la benjamine de la famille bondit d'un tas de pièces !
En reconnaissant Mylh'nom, elle s'immobilisa à mi-chemin, l'épée en l'air.

- Ah ? Tante Reshaa, c'est toi ! Te voilà déjà de retour ? Le temps file à une de ces vitesses ! (Ses prunelles argentées s'attardèrent sur la slime, que la demi-dragonne détailla de pied en cape.) Tu t'es trouvé un nouveau minion ?

- Mieux que ça ! Aynaëth, laisse-moi te présenter Marmelade. Marmelade, voici Aynaëth Spirabilis ! C'est grâce à cette fille pleine de vie que nous pouvons manger à notre faim sans craindre qu'un tiers vienne, en notre absence, piocher dans la gamelle.

Rengainant sa lame, l'orpheline aux cheveux gris et aux petites oreilles pointues s'approcha de Marmelade qui, rien que par son apparence, avait su titiller sa curiosité. Alors qu'elle lui tournait autour pour mieux l'analyser, l'armure que portait Aynaëth émettait des petits bruits métalliques. Seuls ses pieds, son visage poupin et une modeste partie de ses cuisses n'étaient pas couverts.
Les petites narines de la jeune femme se dilataient.

- Tu sens fort le sucre ! Ça me donne une de ces faims. (Aynaëth en frémit de plaisir.) Ce serait chouette si on devenait copines, tu ne penses pas ?

Si c'est pour manger, Marmelade ne réfléchit pas. Elle fait confiance à sa dernière maman en date et la suit aveuglément. Enfin, elle ouvre les yeux. Elle n est pas une chauve-souris comme Batman. Même Batman n'est pas une chauve-souris mais c'est son animal. Pas comme un chien domestique. Et puis... et puis ce n'est pas si important.

"Je suis un cochon tirelire tout rempli. Et pas une chauve-souris."

Sans avoir été dans sa tête, impossible de savoir pourquoi elle parle de l'animal qui avance avec un radar dans... sa tête. Triste répétition de mot. Répétition enfantine, juztifierons-nous.

"C'est trop génial, en fait ! Je vais pouvoir acheter tout ce que je veux. J'aurai les pièces pas bonnes et froides en échange de délicieuses pâtisseries aux milles couleurs. Non, pas mille. Cent ! C'est déjà beaucoup de couleurs cent couleurs."

Avec sa nouvelle silhouette de gamine obèse nourrie à la malbouffe, Marmelade se rapproche du cercle de voyage très très rapide. Elle lance un regard à la Dame toujours grognon. Le genre de regard très fier. Marmelade fait quelques chose d'exceptionnel et elle veut le faire savoir. Sans elle, la Dame au visage toujours pas content devrait faire deux fois plus d'efforts. Ou ramener deux fois moins de pièces jaunes. Ou faire deux fois plus d'efforts. Non, trois !

"Quatre peut être même ! Je suis trop trop importante dans ce groupe maintenant."

Pourtant sa démarche n'est pas divine. Elle est lourde. Un peu pataude. Ses jambes en gaufrette paraissent bien fragiles. Elles vont probablement partie en morceau et laisser le cœur de chocolat dans l'extrémité apparaître. Mais si, vous savez. Ce morceau de chocolat, ce petit trésor caché dans les glaces en cornet. Et... oui, il faudrait avancer. Littéralement. Dans le cercle qui fait de très très grandes distances en vraiment pas beaucoup de temps.

Et donc Marmelade est ailleurs. Un ailleurs qui ressemble trop à avant. Marmelade a pensé que ce serait une ville. Des rues. Des lumières. Et surtout des pâtisseries à la suite des unes des autres ! Alors elle croise les bras et fait la moue. En faite, elle tourne son visage vers la Dame toujours grognon et mimique son visage d'expression.

La nouvelle Dame lui tourne autour. C'est une amie de sa nouvelle maman. Les deux sont de la même famille. Elle a dit tante. Mais Marmelade ne comprend pas les liens de famille. Tante, c'est comme une opération mathématiques trop compliquée. De toute façon, elle dit qu'elle est minion. Marmelade croit que c'est mignonne le bon mot. Mais elle ne corrige pas. Elle suit des yeux et des oreilles la nouvelle Dame. Elle la renifle et lui parle.

"Marmelade veut bien être copine avec Aînée Bilibilisse. Surtout si la nouvelle copine de Marmelade a faim. Parce qu'on a dit à Marmelade qu'en faisant la tirelire, ça allait aider pour manger pleins de choses. Comme ces crayons. Mais il ne faut pas les manger."

Marmelade récupère un crayon-bonbon de sa ceinture de chauve souris. Il y a même une sorte de boucle de ceinture en forme de l'animal. Mais le corps est celui d'une fraise et les ailes sont deux arc-en-ciel.

"Si on a menti à Marmelade, Marmelade ne va pas être contente..."

La bouille aux grosses joues et aux deux fraises érigées sur le haut de sa tête était adorable. Un caprice d'enfant devait penser "Aînée Bilibilisse". Adorable ? Hmm... Elle ne connaissait pas encore le Titan de Faim qui sommeillait en elle...

Cette grosse boule de gomme vivante s'exprimait bizarrement. Mais Aynaëth en comprenait l'essentiel, et ça l'amusait plutôt bien. Elle avait l'impression d'avoir affaire à une gamine moins instruite qu'elle, moins mature. Une sorte de petite sœur, en quelque sorte. Une adorable fille qui sentait super bon, en plus de ça !
Absolument rien d'incompatible avec le caractère enfantin de la benjamine des Spirabilis.

- Alors comme ça tante Reshaa t'a promis à manger ? Et elle t'a même offert ces drôles de crayons ? Dis donc, t'en as de la chance !

Etait-elle jalouse ? Elle n'en avait absolument pas l'air. L'Héroïne en herbe avait surtout l'air heureuse par cette nouvelle compagnie. Dans cette grotte, les invités n'étaient pas légion. En fait, il n'y en avait quasiment jamais ! Hormis de grosses bêtes que la Gardienne pourfendait de son épée ou éloignait à l'aide de sa magie élémentaire.
Humant l'impatience de Marmelade, la Fine Djinn s'empressa d'attraper la main des deux protagonistes.

- Allez ! Tu viens avec nous, Aynaëth.

L'intéressée paraissait surprise.

- Hein ? Moi ? (Elle se pointa stupidement du doigt.) Mais je suis la Gardienne ! Qui va veiller sur le trésor à ma place ?

- A ton avis ? répliqua une voix acrimonieuse.

C'était Sadgyra. Les bras chargés d'or, elle avait passé le portail pour se décharger de son fardeau au-dessus d'un monticule de richesses.

- A cause de ta déserteuse de "tante", je vais devoir me taper un nombre abrutissant d'allers-retours. Tu peux prendre congé l'esprit tranquille. Mais n'en fais pas une habitude, petite peste. S'il y a bien une chose qui rend les jours de repos attrayants, c'est leur rareté. Rentre-toi bien ça dans le crâne, tu veux ?

- D'accord ! Mais tu ne préférerais pas plutôt que je t'aide pour tout transporter ?

Aux yeux de la Pécheresse, sa candeur avait quelque chose de proprement agaçant.

- Tu veux que je m'énerve sur toi ? Non ? Très bien. Alors file avec les autres avant que je fasse de toi un porte-bagage ambulant !

- Eeeeeeentendu patronne~

Elle se laissa emportée par Mylh'nom et sa nouvelle amie rondouillette. A la plus mature des deux, Aynaëth glissa à l'oreille :

- Elle est vraiment furax. Quelle mouche l'a piquée, cette fois ?

- La même que d'habitude. Son nom ? Frustration.

- Elle est du genre très persistante, hein ?

- Pour cette vilaine, le sang de la Pécheresse est comme du miel.

- Ça me donne faim.

- Et ça tombe rudement bien : nous allons de ce pas nous gaver de sucreries !

Le trio traversa un autre portail. Celui-ci avait été traversé sur une paroi polie de la grotte. Des symboles complexes, différents du premier, qui activèrent un nouveau sortilège de téléportation. Il y eut un nouveau flash de lumière. Explosion éthérée qui, par souci de discrétion, ne se reproduisit point de l'autre côté du "tunnel". Mylh'nom, Aynaëth et Marmelade furent recrachées à l'extrémité d'un cul-de-sac. L'entrée d'un bâtiment somptueux, plus grand que les autres, jouxtait la ruelle. C'était celle de la Flamboyante Couveuse, le luxueux lupanar des jumelles Spirabilis dans lequel était souvent blanchi une partie de l'incommensurable trésor de la Pécheresse et de l'Entourloupeuse.

- On pourrait passer faire un petit coucou à mes sœurs ?

- Pas tout de suite, ma mignonne. Tout comme vous, j'ai envie de sucre - j'ai besoin de sucre ! Alors filons-nous repaitre des mets les plus délicats que cette ville a à nous offrir. Lançons-nous à l'assaut des pâtisseries du coin ! Vidons les stocks à nous trois, les filles ! Laissez s'exprimer votre faim sans jamais vous soucier des kilos gagnés ! Absolument rien ne pourra nous arrêteeeeeeeer~

C'est le poing haut levé, tout en gueulant joyeusement ces monumentales inepties, que l'ambitieuse djinn, accompagnée de ses affamées d'alliées, rejoignit la grande allée où un groupe d'individus pour le moins louches attendait son heure de "gloire". Des racailles du coin. De la vermine enturbannée aux joues grignotées par une barbe mal taillée. Des basanés armés de cimeterres et de couteaux qui s'imaginaient pouvoir faire la loi en l'absence des autorités compétentes. Ils avaient une assez bonne marge, en considérant la démographie de la province impériale de Papua...
Le plus costaud de la bande se décolla d'un mur, leur coupant la voie.

- Holà, les filles ! Où c'est que vous comptez aller comme ça ?

Avant même qu'il ait terminé sa phrase, un autre s'était penché au-dessus de Marmelade comme pour la renifler.

- Mais c'est que ça sent l'or à plein nez, par ici ! (Hilare, il se tourna vers ses camarades.) Hep, vous autres ! Cette petite grosse faite en je-ne-sais-quoi, là, est littéralement bourrée de trésors ! J'vous propose de l'ouvrir pour toucher le pactole.

Et sans trop qu'on sache pourquoi, Mylh'nom éclata de rires.

Ah oui ? C’est rigolo ? Marmelade ne comprend pas pourquoi Mille prénoms rigole fort. Mais ça lui donne aussi envie de rigoler. Alors elle regarde Bilibilisse et hausse les épaules. Elle rit mais elle ne sait pas pourquoi. Forcément, ça énerve les méchants d’Aladin qui croient qu’on se moque d’eux.

« Hey ! C’est vous qu’avez commencé. On ne dit pas à une dame qu’elle est grosse. Je veux dire, on ne lui demande pas son poids. Ou… quelque chose comme ça ? »

Marmelade regarde Mille prénoms et Bilibilisse pour avoir un a-cent-petit-ment. Un assenti… Enfin, qu’elles hochent la tête pour dire que le trio est d’accord !

Puis elle se renifle en levant le bras. Elle fait pareil avec son autre bras. Et puis, c’est comme si elle redécouvre les pièces d’or qui semblent bouger lentement, comme s’ils étaient dans une sorte de mélasse couleur grenadine mélangée dans de l’eau. Il y a aussi des pierres précieuses. Là une verte. Là une bleue. C’est joli les cailloux taillés, quand même.

« Quoi ! J’étais dans ma tête. Je pensais à des choses. J’ai oublié. C’est malin, gros bêta ! A quoi je pensais ? Toi non plus tu ne peux pas me dire. Et donc je vais devoir retrouver toute seule et faire une grimace de réflexion. Et puis, et puis l’argent n’a pas d’odeur. Le métal, ça sent pas grand-chose. Souvent les ennuis. Moi, je sens le sucre. C’est bien plus mieux ! »

Se mettant soudainement accroupie, Marmelade prend un de ses crayons-bonbons à sa ceinture fraisenciel. (parce que ce n’est pas une noire chauve-souris. C’est un logo fait d’une fraise et d’ailes en arc-en-ciel) et trace une ligne entre elle et le méchant d’Aladin qui l’a senti.

« Ca, tu n’as pas le droit de traverser. C’est une ligne magique. Parce que moi et les autres, on fait de la magie. Avant, on était dans une caverne d’Ali Baba. Là, on y est plus. Et c’est surement très loin. Même si je sais pas où. Et puis je m’en fiche. Entre le désert de sable et les collines de pièces d’or, je veux que les patisseries d’abord. »

Elle se tourne vers Mille prénoms.

« Je crois que j’ai fait un rime. Une rime ? »

Puis elle se tourne vers Bilibilisse pour lever un poing dressé en signe de victoire.

« Mais je suis gentille. Et je dois faire de la place pour les délicieuses, euh, déliciosités ? Enfin, pour manger tout plein de choses sucrées. Alors… tiens. Content ? »

Son bras droit qui était alors gros d’un trésor contenu ne l’est plus. Marmelade l’a secoué et toutes les pièces, et toutes les pierres précieuses de couleurs sont sortis de son corps. Il y en a partout. De chaque côté de la ligne imaginaire que le crayon-bonbon a tracé. Crayon qu’elle a ouvert pour manger les bonbons alors qu’elle regarde le méchant d’Aladin contempler le trésor à ses pieds.

*Alors qu’il y en a trois debout, me dirait Maman Lissandre. *

Aynaëth partageait l'innocence et la confusion de Marmelade. D'abord surprise par l'attitude de sa tante, elle s'était également mise à rire. Pourquoi ? Peu lui importait ; c'était contagieux, comme hilarité, tout simplement.

- Elles se foutent de nos gueules, cracha le brigand.

- J'aime pas beaucoup trop ça, surenchérit l'autre en faisant craquer ses phalanges.

La slime, en bonne gamine, leur fit remarquer que cela ne pouvait être que de leur faute. Le pire étant qu'elle avait bien raison, la petite !
Mais la raison, avec ces truands de basse-cour, ne servait pas à grand-chose.
En revanche, le voyou qui avait prévu de vider Marmelade s'était, pour l'instant, gardé de le faire. Il ne comprenait pas l'absence de peur chez cette créature étrange. Cela le perturbait, l'empêchait d'agir avec pour support préféré des racailles de son acabit : la pression qui neutralise toute réflexion.
Comme un con, il se fit noyer par le flot de paroles de l'obésité montée sur gaufrettes.
Et Mylh'nom qui ricanait de plus belle !

- Raaaah ! Mais ta gueule, toi !

Face à cette lame qu'il avait tournée vers son visage poupin, la djinn eut un mouvement de recul. Ses mains s'étaient levées devant elle comme ceux d'une parfaite innocente. Souriant toujours mais par les yeux, elle se pinça les lèvres en se passant le pouce et l'index joints dessus. Une façon de dire : "J'ai compris : motus, l'ami !"
La racaille grogna son assentiment avant de toiser Marmelade d'un œil inquiet, puis intéressé
La débiteuse de mots avait tracé une ligne dans le sable. Plus important encore : elle avait fait mention d'un trésor tout récemment découvert !

- Tu crois qu'elle pourrait nous y conduire ? demanda l'autre, tout crétin.

- Peut-être. j'en sais foutre rien ! Mais je veux d'abord ce que cette drôlesse a dans le bide.

Reshaa-Mess, qui n'avait pas quitté sa position, hocha la tête à l'attention de son adoptée.

- Une rime, confirma-t-elle malgré son (faux) vœu de silence.

Celui qui l'avait menacée la regarda de travers.
Aynaëth, que les glandus n'impressionnaient guère de toute manière, croisa les mains derrière sa tête avant de souligner le caractère aimable de sa nouvelle amie :

- Ces nigauds sont bien trop stupides pour remarquer à quel point tu es adorable, Marmelade.

Tous les regards mauvais s'étaient instamment braqués sur elle. Le danger paraissait réel, et à la fois si proche, quand la slime eut une réaction qui fit glapir de plaisir les méchants. Des pièces d'or anciennes et des couteux cailloux répandus partout ! Ils s'étaient rués pour les ramasser, quitte à se bousculer dans le processus.

- Ah, fit Reshaa-Mess. L'un de vous a dépassé la ligne !

Le concerné ne vit pas le pied arriver. Par contre, il le sentit se planter en plein milieu de son nez avant d'effectuer un salto arrière et de se ramasser sur le haut du dos, les quatre fers en l'air, des étoiles au-dessus de la tête.
Ses copains eurent un mouvement de panique ! Ils en oublièrent l'or répandu par terre et s'emparèrent de leurs armes.

- C'te sale pétasse !

Son cimeterre vola vers la gorge de la djinn. Cette dernière en effleura la lame du bout des doigts avant de l'éviter souplement. Son assaillant rugit et frappa à nouveau. Il ne remarqua pas le changement qui avait opéré entre ses doigts moites. Son épée se "brisa" entre les dents de la djinn, qui en savoura chaque morceau. L'explication étant simple : le cimeterre, sous l'influence du Myst, s'était transformé en guimauve.
Tour à tour, l'abruti regardait d'un air confus son arme et celle qui était en train de la mâcher.

- Hein ?! Mais c'est quoi, c'délire ?!

- Vraiment pas mauvais !

Tout en se léchant les doigts, la djinn balaya ses appuis avant de lui écraser la tête contre le sol avec son pied.
Visiblement, l'imbécile n'était pas un challenge pour elle !
Sans se soucier des gémissements de l'affreux barbus, Mylh'nom tourna son regard vers la Gardienne.

- Comment ça se passe, de ton côté ?

- Tout baigne !

En effet, Aynaëth maitrisait très bien son sujet : de chaque côté d'elle, il y avait deux bandits à genou qui se tenaient la gorge, comme incapables de respirer. C'était bel et bien le cas puisqu'une bulle d'eau, à la manière d'un scaphandre, leur couvrait la tête. Les autres fripouilles s'étaient enfuies comme des lâches. On les voyait détaler en arrière-plan. Les badauds se faisaient bousculer, dans leur sillage.

- Tu veux que je les rattrape ?

Mylh'nom secoua la tête.

- Inutile de faire du zèle, jeune héroïne ! Nous avons bien mieux à faire que de faire rugir Dame Justice.

Elle attrapa son voyou par la peau du cou avant de le jeter au milieu des trois autres.
La djinn regarda Aynaëth.

- Tes bulles, mon cœur.

D'un claquement de doigts, la demi-dragonne les transforma en flaques. Libérés de cette étouffante magie, les deux racailles, le cul par terre, prirent une grande inspiration.
Reshaa-Mess les contourna.

- Savez-vous pourquoi j'ai tant ri, tout à l'heure, en vous écoutant dire des bêtises ?

Les quatre zigotos n'étaient pas en mesure de lui répondre. De toute façon, la question était rhétorique !
La djinn les frappa derrière les genoux. Des frappes précises, millimétrées, qui allaient les empêcher de se relever pendant un bon bout de temps.

- Je vais vous le dire, mes petits diablotins : c'est en vous imaginant devenir nos montures que cette petite crise d'hilarité m'est apparue ! (Elle sourit, les coins de ses lèvres formant presque des boucles.) L'un d'entre vous n'aura hélas pas la chance d'avoir un joli popotin sur le dos. Il devra se contenter de nos courses. Et autant vous le dire tout de suite, mes louloutes, le dos de cet élu va prendre cher !

Elle se tourna vers Marmelade et lui fit une œillade.

- Bien ! Sur cette belle présentation, je t'invite à te décharger de ton rutilant fardeau sur le benêt de ton choix. En attendant, je vais de ce pas leur concocter des laisses adaptées~

Avec son Myst, la djinn conçut des colliers étrangleurs. Elle demanda ensuite à Aynaëth de les leur installer. Ce n'est que lorsque l'un de ces imbéciles se mit à protester que Reshaa-Mess, décidément moins patiente qu'elle en avait l'air, façonna des baillons boules avant de personnellement les leur enfiler.
Ah, qu'ils avaient l'air fin avec tout cet attirail de soumis sur la tronche !

- Allez ! en selle, les filles~

Mylh'nom sauta sur le dos de son nouveau jouet. Aynaëth fit de même avec le sien.

Mille prénoms est gentille. Elle a répondu à son doute. Ce n’est pas une grosse question. Mais c’est bien d’avoir une réponse. Peut-être qu’elle pourra faire comme les autres enfants. Ceux de son monde. Enfin, du monde de sa Maman Lissandre. Apprendre des choses. Grandir. Avoir un travail. Et… Marmelade ne sait pas trop pourquoi en fait. Parce que les adultes grandissent, perdent du temps, pour passer le peu qui leur reste pour faire des activités d’enfants. Bon, elle hausse les épaules, pas grave. L’important c’est que rime est fille. Comme toutes les trois.

Puis un nouveau jeu commence. Mais Marmelade ne comprend pas les règles. Ce qui est sur, c’est que ça a commencé avec le franchissement de sa ligne. Ca ressemble à a de la bagarre. Marmelade regarde Mille prénoms. Elle a peur pour elle et commence à se demander quoi faire ! Et puis elle rigole. C’est top bien une lame dangereuse qui se mange. Et elle veut goûter ! Alors elle évite les méchants d’Aladin. Fait un coucou à Bilibilisse qui a rigolé elle aussi. Et puis elle ramasse le cimeterre-à-papa. Mouais, elle n’est pas sur pour l’invention du nom. Mais elle goûte et brandit un pouce levé de la victoire !

« C’est bon ! Tu es sur que tu n’as pas une patisserie magique à toi ? Tu devrais peut-être en ouvrir une. Hum… Il faut que je trouve un nom. Hum… Raa, c’est pas facile. Je ne sais pas quoi dire. Hum… »

Marmelade comprend soudain. Les bulles d’eau. Tout baigne qu’elle a dit. C’est un jeu de mots ! Ah ah ! Puis ça lui rappelle la piscine à l’extérieur de la villa de chez Maman Lissandre et Maman Fönn. Elle en oublie ce qu’il se passe et n’entends pas tout ce qui se dit. Ah ? Mille prénoms la regarde. Marmelade doit se concentrer.

« « Rutilant » fardeau ? « Bénêt » de mon choix ? Et des laisses en plus ? »

Elle est perdue. Alors elle regarde tout le monde en fronçant les traits de sa petite bouille. Elle a vu ça chez les grands. Ils font tous des grimaces. Ca semble aider à réfléchir. Et Marmelade doit comprendre ce que Mille prénoms lui a demandé. Elle a eu envie de dire que c’est pour les chiens de mettre des laisses. Mais elle se souvient que les adultes font aussi des jeux bizarres. Elle a vu ça sur un ordinateur d’une de ses Mamans. Ca l’intéresse pas, elle.

Mais il faut qu’elle comprenne le mot « rutilant » et le mot « bénêt ». Elle ne les connait pas. Elle ne veut pas demander. Marmelade n’est pas idiote. Elle ne va pas à l’école mais elle n’est pas idiote. Elle doit apprendre toute seule. Il faut qu’elle le fasse pour être une bonne grande sœur pour bébé Iris. Et pour les deux prochains bébés qui arrivent. Mais « rutilant » ? Et si elle le décompose ? Rue, tuile, an ? Ca aurait un rapport avec les maisons ? Peut-être l’âge des maisons ? L’an des tuiles de la rue ? Marmelade lève la tête. Donc elle doit se secouer et mettre toutes les pièces jaunes et les cailloux de couleurs sur les toits ? Elle hausse les épaules. Elle a un doute. Il y a encore le mot « bénêt ». Elle va essayer de le décomposer aussi. La lettre B, et… nais ? Nait ? Naitre ? La naissance du B ? Marmelade est perdue. Ca doit être une spécifi… une sficici… une spéfici… un détail ! d’une maison. Mais elle ne voit pas de B sur les maisons. Ni d’autres lettres d’ailleurs.

Marmelade n’a pas vu la création des baillons boules. Parce qu’elle est là-haut sur un toit. Comment elle est montée ? Par la magie de l’ellipse. Elle fait le tour d’elle-même. Et puis elle trouve ça rigolo. Alors elle en refait un autre. Et puis encore un autre. Avant de se dire de se concentrer et de ne pas tomber de l’autre côté. Elle commence alors à gigoter dans tous les sens comme une danse. Les pièces et les pierres partent dans tous les sens ! De l’autre côté de la rue. Proche de la ligne qu’elle a tracé sur le sol. Sur la tête de Bilibilisse.

« Oups ! DESOLE BILIBILISSE ! » qu’elle crie en mettant ses mains en porte-voix.

Il faut qu’elle redescende. Mais elle sourit. Elle se sent plus légère. Elle voit l’un des méchants d’Aladin à quatre pattes et se demande pourquoi. Il a peut-être mal au dos ? Marmelade met sa main en visière et regarde si dans les environs elle voit une grosse croix rouge.

« C’est dommage qu’il ait bobo. Je ne vois pas de grosse croix rouge. Ou un bâtiment blanc pour ça. Souvent, c’est blanc. C’est bizarre. Dans un endroit où on saigne, ça devrait être rouge pour pas que ça se voit. Mais je ne vois rien. Et ça m’agace. Moi j’ai envie d’aller dans les pâtisseries. Pas dans un hôpital. »

Quelque chose tomba sur la tête de la demi-elfe. Une chose brillante, rapidement suivie d'une autre, tintante.

- Aïe ! Ouille ! Mais... qu'est-ce que c'est ? On nous attaque ?

Juchée sur sa monture humaine, Aynaëth, les sourcils froncés d'incompréhension, se pencha pour ramasser une pierre précieuse. Confuse, elle en arracha une autre qui s'était coincée dans ses chignons.
Le cri d'excuse de Marmelade la fit sursauter.

- Euh... tante Reshaa ?

- Oui ?

La djinn n'avait visiblement pas été touchée par cette pluie de richesses.

- Marmelade vient de grimper sur le toit de cette maison, lui annonça-t-elle en levant un doigt accusateur. Et je crois qu'elle est en train de se purger.

- Hein ?!... Par le divin postérieur de la princesse de Papua, Marmelade, qu'est-ce que tu fiches ainsi perchée ?!

La tirelire s'était débarrassée de tout son précieux contenu !
Choquée, la djinn vit des passants se ruer sur le fruit de leur labeur.

- Argh ! Non, pas question : c'est à nous, bande de voleurs opportunistes ! (Elle talonna sa monture.) Avance, maudit Médor ! Ne vois-tu pas que ces idiots se gavent sur notre dos ? (Elle dut lui remettre un coup pour qu'il accélère la cadence.) Arrière, faquins ! Ces richesses sont les nôtres !

Aynaëth, violentant pareillement son humain asservi, brandit sa lame dentelée sous le nez des profiteurs. En tant que dévoreuse de contes pour enfants, elle s'imaginait parfaitement bien dans la peau d'un chevalier.

- Toi, le manant ! fit-elle à l'attention d'un pauvre couillon qui avait commencé à se remplir un sac. (Il s'immobilisa, apeuré.) T'ai-je demandé de te figer, couard ? Non ! Alors tu vas me faire le plaisir de continuer à bourrer ce sac que tu tiens là et de nous le remettre en main propre une fois chose faite. (Elle effectua quelques moulinets histoire de bien se faire comprendre.) Si jamais tu essayes de te faire la malle avec notre butin, je te couperai les deux mains. Compris ?

Il ne se le fit pas dire deux fois !
Entre-temps, Reshaa-Mess se fit fort de limiter les pertes, ceci en commençant par réquisitionner de la fraiche main d'œuvre parmi les grappilleurs. Elle n'hésita pas une seule seconde à recourir à ses pouvoirs de djinn afin de les mettre au pas ! Le temps lui manquait pour jouer les économes.
J'ai commis une erreur, comprit-elle, la sueur au front, en entendant Marmelade débiter des inepties depuis les hauteurs. J'ai tenu des propos trop complexes ; elle n'a absolument rien bité de ce que je lui ai dit tout à l'heure !
Heureusement que la Pêcheresse n'était pas là pour assister à cette scène d'épouvante...

- Descends de là, Marmelade ! Tu en as assez fait. (Elle évacua un lourd soupir avant de lui désigner du doigt sa monture, qui ne savait plus trop où se ranger avec tous ces esclaves agglutinés autour de sa ridicule personne.) Monte tout de suite sur le dos du monsieur si tu veux que je t'emmène chez le pâtissier ! Je ne le répéterai pas.

Elle croisa fermement les bras sur sa poitrine.
Aynaëth vint lui glisser discrètement à l'oreille que les grappilleurs avaient rassemblé leur dû dans un sac qu'ils avaient fixé au dos de la quatrième carne barbue.

- Beau boulot, merci. (A contrecœur, elle fit signe à ses obligés de s'approcher.) Je vous cède une petite pierre à chacun - pas plus. Remerciez moi et disparaissez. Que je ne vous revoie plus jamais !

Personne ne la contredit.
Cet incident eut au moins le mérite de faire gonfler son égo sur le dos de la populace !
Mais à quel prix ?
Reshaa-Mess préférait ne pas compter...
Elle fit tourner un index au-dessus de sa tête.

- En route, les filles.

Mille prénoms est bien une Maman avec sa voix autoritaire et son attrait pour le métal froid. Marmelade s’exécute et redescend. Elle a fait une bêtise. Elle aurait dû rester grosse et remplie. Un gros soupir plus tard et la voilà au niveau du sol devant un humain à quatre pattes. Elle se met à son tour devant lui, agenouillée devant lui. Puis elle se souvient très vite de la voix de Maman qui n’a plus de patience. Au revoir l’observation, bonjour le dada.

« Avance dada. »

Marmelade ébouriffe les cheveux de son humain-cheval. Non, son humain-poney. Ou peut-être que c’est un poney-humain. Elle ne sait pas ce qui est le plus exact. Et un regard à Maman mille prénoms lui dit de ne rien lui dire. Sa bêtise est trop fraîche. Et elle veut ses pâtisseries ! Alors elle se tait et elle avance. Enfin, elle se laisse avancer. Elle ne sait pas où aller. Quoique… quand elle était là-haut, elle a pu voir comme une carte de la ville.

Il faut que Marmelade fasse quelque chose. A part s’accrocher à sa monture, elle n’a rien à faire. Aller voir Bilibilisse est une idée. Elle espère une bonne. Mais elle ne sait pas pourquoi. Elle ne sait pas quoi lui dire. Alors Marmelade la regarde. Et elle voit l’armure de Bilibilisse. Elle peut faire pareil. Elle pense et son corps se transforme. Au début, c’est comme une religieuse. Une grosse boule au niveau de ses hanches. Une plus petite au niveau de sa poitrine. Elle n’oublie pas d’ajouter la crème au beurre entre les deux boules. Ça fait des petites décorations. Un peu comme au niveau de ses cuisses au-dessus de ses gaufrettes.

« Allez dada, mets-toi au côté de Bilibilisse. »

Un doigt pointé et l’humain à l’harnachage de soumis s’execute.

« Je suis Marmelade la Religieuse. »

Bilibilisse a une arme. Une lame dentelée. Il faut que Marmelade la Religieuse a aussi une arme. Mais quoi ? Une épée ? Ça combat avec quoi les gens en robe des églises ? Marmelade ne sait plus. Elle se souvient alors de moines dehors en train de marcher. Donc avec un bâton. Donc il lui faut un bâton. Mais quel genre de bâton ?

« Et je suis toujours accompagné de mon arme qui a un nom. Parce que toutes les meilleures armes du monde ont toujours un prénom. Un prénom ET un nom ? Je ne sais plus. Marmelade la Religieuse a son Bâton Eclair. »

Au début ça ressemble à un gourdin. Et aussi à un éclair en pâtisserie au glaçage jaune citron. Mais Marmelade se rend compte que ça ne ressemble pas à un bâton. Alors elle l’allonge. Et en même temps elle le rétrécit. Et puis au bout, il faut que ça vrille comme un éclair. Alors le glaçage déborde de l’espèce de petit pain. Et ça forme alors un éclair jaune. Que Marmelade a très envie de manger !

« Tu crois que c’est qui la plus forte entre Marmelade la Religieuse et Bilibilisse la… euh… »

Pour le bonheur égoïste de la djinn, Marmelade en avait terminé avec ses éclaboussures de richesses. Comme les deux autres cavalières, elle avait grimpé sur le dos de sa monture humaine et suivi le pas. Cependant, elle n'était pas du genre à tenir en place. Ce n'était qu'une question de minutes - non, de secondes ! - avant qu'elle ne se remette à faire des bêtises.
Sa prochaine cible était-elle la Gardienne ?
Aynaëth n'avait pas l'air dérangée par ses caprices. Elle n'apparaissait pas aussi sérieuse que sa soi-disant tante, pour commencer.
Du coin de l'œil, elle la vit approcher son soumis du sien.
Sa pédante présentation la fit à la fois sourire et hausser un sourcil amusé.

- Tu es Marmelade... la Religieuse ?

Son buste avait changé. Des renflements ponctués de quelques décorations - toujours sucrées - ornaient sa façade avant.
Le don de la slime laissait énormément de place à l'imagination !
Que ne pouvait-elle pas faire avec un corps pareil ?
La question du jour !
"Bilibilisse", comme la surnommait sa récente amie, étudiait son cas avec grand intérêt. La slim trouva autre chose à ajouter à son attirail. Un "Bâton Eclair", en l'occurrence ! Pour créer ce drôle de sceptre, Marmelade dut procéder étape par étape : générer le stick, installer le glaçage spécial, modifier la forme de l'ensemble...
La slime n'était pas aussi simple d'esprit qu'elle en donnait l'impression.

- "Bilibilisse" l'Héroïne, armée de la majestueuse Gyldinn ! s'exclama la demi-elfe en tirant son épée droit vers le ciel.

- Je constate que vous vous trouvez sur la même longueur d'onde, commenta la djinn. Ça fait plaisir à voir ! La bonne entente, c'est primordial. Sans elle, pas de confiance. Et sans confiance, pas de bénéfices !

- C'est aussi simple que ça, tu crois ?

- La plupart du temps. (Du menton, elle lui indiqua une échoppe.) Voici notre première destination, les filles ! (Elle talonna son voyou assagi.) Continuez à échanger, toutes les deux. Moi, je m'en vais traiter avec ce marchand bedonnant.

Tout le monde les vit arriver. En même temps, un trio de jeunes femmes hétéroclites montées sur des grands barbus enturbannés ? C'était une vision pour le moins insolite ! Mylh'nom ne prêta aucune attention aux passants et aux clients. Elle passa moins d'une minute à discuter avant d'exposer, d'un geste impérieux de la main, son "porte-monnaie" ambulant. Le quatrième transporteur était en souffrance mais de cela même le marchand s'en fichait ; ses petits yeux gourmands ne voyaient plus que les pierres précieuses et les pièces anciennes qui allait pouvoir palper - dans la limite du raisonnable.

- A compter de ce jour, vos marchandises sont nôtres, déclara la djinn. Personne d'autre n'est autorisé à piocher dedans ! Tout ce qui était vôtre - y compris la devanture - vient de basculer dans notre escarcelle. En échange, je vous cède ceci~

Elle lui confia une partie de son trésor. Une généreuse portion séparée du reste grâce à son pouvoir de djinn ! Reshaa-Mess n'avait pas besoin de descendre de sa vieille carne pour conclure cette affaire. Son sourire, à la fois chafouin et supérieur, était de mise.
Tandis que le marchand quittait les lieux avec ses énormes gains, Mylh'nom se tourna vers Marmelade et Aynaëth.

- Servez-vous ! C'est tata la djinn qui régale la troupe~

- A l'assaut, Marmelade ! s'enthousiasma la Gardienne en bondissant de son vulgaire destrier. Allégeons les stocks !

Et tout ça sans avoir à le produire avec son Myst !
Elle était pas belle, la vie ?
Les poings sur les hanches, la Fine Djinn rigolait à gorge déployée !
Elle se goinfrerait une fois sa jouissive crise de rire passée.
Sans toutefois se douter qu'une concurrente aisée l'épiait depuis l'autre côté de l'allée.

"Bilibilisse l'Heroine, ça sonne trop bien !"

Bon, Marmelade est toujours pas convaincu par faire a dada sur l'humain a quatre pattes. Mais elle ne veut pas énerver encore Maman Mille Prénoms. Enfin, c'est pas faire a dada qui lui plaît pas. C'est plutôt que sa monture a pas envie de jouer.

"Par contre, Géraldine, c'est pas génial. Ça fait arme de vieille. Alors que si ça faisait vieille arme, ça sonnerait différemment. Ah, au fait, elle sonne ta Géraldine ? Elle chante ? Elle parle peut-être ?"

La partie de confiance et de bénéfices ? Marmelade s'est pas arrêtée dessus. Ça ressemble trop aux ennuis d'avant. Quand elle était toute grosse de pièce et de pierres. Elle préfère s'attarder sur autre chose. Et très vite, Tata Djinn lance le top départ. Elle a acheté la boutique et tout ce qui est à l'intérieur est à elles toutes trois. Tout !

"Trop cool !"

La première victime de Marmelade est une sorte de beignet blanc. Avec une touche de couleur au dessus.

"Le dedans c'est tout vert à la pistache. Goûte !"



Marmelade a peut être fait une bêtise. Les pâtisseries arabes lui ont faire perdre sa concentration. Oui, elle n'en a déjà pas beaucoup de base. Mais le sucre est une vraie drogue. On pourrait lui faire faire des bêtises en la manipulant ainsi... Et de bêtise, il s'agit de son Bâton Éclair qu'elle a laissé en appui contre le flanc de son dada. A la portée de n'importe quelle main voleuse.
.
"Ça me rappelle la fête foraine ! Mais sent. On dirait du parfum de maman."

Marmelade est déjà en train de goûter une autre spécialité. Ça ressemble à des churros mais ça sent comme des fleurs.



"Et là on dirait vraiment des fleurs ! C'est trop mignon ! Et, HUM ! C'est trop bon ça aussi. Ça a goût d'amande. Il faut que tu goutes ça aussi."



Bilibilisse doit suivre le rythme. Ou ça peut être Tata Djinn. Marmelade s'en fiche du moment qu'elle partage les sucreries avec quelqu'un.

(HRP : c'est que ça donne faim de s'intéresser aux spécialités sucrés arabes ! ^^)

Contrairement à Marmelade qui laissait trainer son bâton n'importe où, Aynaëth avait remis son épée au fourreau. Elle avait besoin de ses deux mains pour boulotter tout ce qui passait dessous. Heureusement que sa nouvelle amie l'accompagnait dans cette tâche : son appétit pour les sucreries dépassait laaaaaaaaaaaaargement le sien.
J'espère que tante Reshaa va se joindre à la dégustation.
Mais elle ne se laissa point décourager par cette montagne de pâtisseries. La slime goûtait tout la première avant de l'autoriser à croquer à son tour. Et il y en avait pour tous les goûts ! Entre les biscuits fourrés, les morceaux de pâte à choux et ces espèces d'imitations de fleurs enroulées sur elles-mêmes... c'était un coup à se gaver jusqu'à ce que mort s'ensuive !

- C'est dingue, tout ce choix qu'on a sous les yeux ! (Avec sa petite bouche, elle peinait à suivre le rythme.) Douchment Marmchmaladche, bafouilla la demi-elfe. Chai les choues 'leines à chraquer !

- Oui... C'est ça : faites-vous plaisir ! Régalez-vous, mes jolies petites dévoreuses~

Ça y est ? La djinn avait fini de se fendre la poire en solitaire ?
Ses mains bougeaient rapidement. Bien trop vite pour qu'un œil humain puisse les suivre, oui ! Les sucreries disparaissaient dans sa bouche qui, même si elle ne se déformait pas, paraissait sans fond. Le tout descendait sans encombre dans sa gorge. Mylh'nom vivait pour ces moments-là. L'excès ? C'était sa spécialité ! Qu'il fut question de trésor, de nourriture ou de sexe... la Malicieuse ne se limitait jamais.
Aynaëth pouvait manger sur ses deux oreilles : bientôt, très bientôt, il n'allait plus rien rester de la marchandise sucrée !
Dans le dos de tout le monde, la monture humaine de Marmelade s'était redressée sur ses genoux en prenant appui sur le Bâton Eclair qu'elle avait négligé. Une colère froide assombrissait son regard de fripouille. La tête pointue de l'arme se tourna vers la plus redoutable des trois gourmandes. Reshaa-Mess n'y prêtait aucune attention. Même si le vilain ignorait tout du mode d'emploi de ce sceptre bizarre, son désir de vengeance était tel qu'il en fit flamber la pointe !
Dommage qu'il ne pouvait pas sourire avec ce fichu collier boule entre les lèvres.

- Oh, non ! Pas maintenant, mon mignon.

Lorsque cette voix chantante retentit, la magie de son arme volée s'était aussitôt retournée contre lui, le foudroyant sur place !
Le soumis fut traversé de spasmes avant de s'immobiliser comme une statue, son corps grisé fumant de partout.
La sorcière aux longs cheveux rose bouclés lui tapota gentiment la tête avant de lorgner en direction du petit commerce.

- Hm ?

Attirée par tout ce boucan, Reshaa-Mess s'était tournée pour jeter un coup d'œil à la fauteuse de troubles.
Ses yeux de génie devinrent aussi ronds que des soucoupes !
Avec ce qu'elle venait tout juste d'ingurgiter, elle manqua s'étouffer et se frappa la poitrine avec le poing.

- Kof-kof ! ...Ah ! E-Ebony ? Q-quelle bonne surprise ! Ha ha !

Etait-ce de la nervosité que l'on percevait dans sa voix ? Chez cette djinn d'ordinaire si confiante ?
Aynaëth, trop occupée à manger pour parler, haussa un sourcil intrigué.
C'est qui, cette drôle de dame ?
Elle la trouvait belle, certes, mais aussi vachement excentrique avec sa longue robe d'un bleu clair et rose bonbon.

- A t'entendre, on aurait tendance à penser l'inverse, lâcha la "dame" sur un ton accusateur. Je suis en partie rassurée de constater, de par ton attitude transparente, que tu n'as pas oublié qui je suis et ce dont je suis capable. (Elle lorgna vers ce sac rempli de trésors que le soumis portait sur son dos douloureux.) Aujourd'hui, tu vas enfin pouvoir me dédommager de tout ce que tu me dois - préjudice moral inclus !

- Quoi ?! Non, attends une minute ! Je peux tout t'expliquer !

Mais Ebony récitait déjà une formule magique. La Malicieuse n'eut pas l'occasion de l'interrompre, seulement le temps de tendre une main en désespoir de cause. L'instant d'après, elle fut remplacée par une figure féminine en pain d'épice. D'un mouvement de doigts, la sorcière intima à sa création de venir la rejoindre. Celle-ci, étant muette puisqu'elle arborait un masque en sucre glace, obéit sans rechigner. Sa démarche rigide ressemblant à celle d'un pingouin. Ni Aynaëth ni Marmelade ne pouvaient empêcher cela.

- Tante Reshaa ! hurla la première avant de se mettre à grogner. Tu l'as transformée en gâteau, sale sorcière !

- Non, pas exactement, gloussa la concernée en la voyant tirer son épée. Je l'ai enfermée DANS le gâteau. Cette sculpture, que j'ai fait apparaître à la place de ton insignifiante petite tante, est un de mes dévoués serviteurs. Un golem, en d'autres termes, qui lui sert de prison vivante~

- Pourquoi est-ce que tu lui as fait ça ?! (Elle s'était hérissée.) Libère-la tout de suite, espèce d'infâme morue !

Ebony eut un rictus méprisant. D'un claquement de doigts, elle suscita l'apparition d'une grosse sucette en spirale.

- Vous autres, les chiens débiles !

Les esclaves de Mylh'nom braquèrent immédiatement leurs yeux terrifiés sur sa splendide personne.

- Observez un peu~

Elle agita sa sucette. Ils la contemplèrent sans piper mot. C'est alors que des spirales remplacèrent leurs mirettes d'ahuris. Puis ils se mirent soudain à se transformer ! De la crème chantilly sortit de leurs bouches pour leur couvrir entièrement la tête. Des vêtements leur poussèrent à même la peau, avec quelques pièces d'armure constituées de cônes, de sucre d'orge et de beignets débordant de chocolat qui se superposaient sur plusieurs couches. Dressés comme de bons petits soldats, des armes leur avaient poussées entre les mains - un bouclier et une canne. Celui qui s'était fait foudroyé portait désormais, à une différence près, le Bâton Eclair de Marmelade.

- Dorénavant, vous faites partie intégrante de ma garde rapprochée !

De ce poing qui tenait le bouclier, les élus se frappèrent le torse de conserve !
Aynaëth, choquée, trouvait cela tout de même étrange de ne pas avoir été transformée comme les autres...
Ebony sourit vilement à son attention.

- Pour vous, les gourmandes, j'ai d'autres projets plus croustillants~

- Nan ! gronda l'Héroïne. Tu décides de rien du tout !

Elle brandit son épée bien haut et bondit !
Mais les soldats, plus rapides qu'ils en avaient l'air, dressèrent leurs boucliers comme une véritable muraille. Aynaëth n'eut pas le temps d'abaisser son arme : elle se cogna contre les gêneurs avant d'être propulsée en arrière, droit sur Marmelade.
Et pendant ce temps-là, la sorcière s'était remise à incanter...

- Soyez punies pour votre péché commun, clama-t-elle. Que le Cercle de la Gourmandise vous emporte !

Un éclair frappa le magasin, modifiant l'ensemble de sa structure. L'entrée de celui-ci s'était métamorphosée en une gueule parfumée. Une énorme langue striée de couleurs vives en sortit, fauchant le duo... pour effectivement l'avaler et le transporter du même coup en un endroit légendaire.
Le fameux Cercle de la Gourmandise !

Il est joli le bonhomme en pain d'épices qui marche. Mais où est passé Maman Djinn ? Marmelade ne sait pas. Et ce n'est pas très grave. Elle a du bon sucré dans la bouche. Elle a du bon sucré dans les deux mains. Et il y a encore plein de bon sucré dans leur magasin à elles toutes.

"Je ne comprends pas. Maman Djinn est le rigolo pain d'épice ? A la maison, j'ai vu le film Shrek. Et il y a un bonhomme pain d'épices aussi au dedans."

C'est la dame aux cheveux roses qui transforme les hommes de Maman Djinn en bonhomme sucré soldat ? C'est trop bien ! Marmelade les aime trop comme ça. Bien plus beaux. Bien plus coloré. Bien plus rigolo !

Mais... mais Marmelade ne comprend pas pourquoi Bilibilisse a crié. C'est donc si grave que ça d'habiter dans un bonhomme pain d'épice ?

"Maman Djinn ? Tu n'aimes pas ça ?"

Pas de réponse. Voilà que Bilibilisse parle comme une enfant. La jolie dame aux cheveux roses qui fait des choses rigolotes se fait attaquer à l'épée ? Marmelade déglutit péniblement pour se libérer la bouche. Elle a envie... de s'interposer. Mais Marmelade aime bien Bilibilisse. Elle ne sait pas quoi faire. Et... ça commence à l'agacer...

Son bras se transforme en cornet de glace avec une grosse boule de glace/poing américain. Marmelade sourit encore. Elle fait quelques pas pour s'approcher des deux autres filles.

Mais déjà elle trotinne. Son bras connaît encore une transformation. Une nouvelle boule de glace s'ajoute à la première. Des morceaux de fraise sont hérissés. Tellement bizarre d'écrire que les fraises sont aiguisés. Marmelade ne sourit plus.

Elle sprinte ! Son visage s'est assombri. Ce n'est pas une façon de parler. Son visage est vraiment sombre. Elle fait la gueule. Et voilà qu'une nouvelle boule de glace est apparue et se met à tourner comme si c'est un outil pour faire des tunnels. Mais là, Marmelade va faire des tunnels dans le corps des gens... Elle a même grandi Marmelade. Elle est déjà plus grande que Bilibilisse et la dame aux cheveux roses.

Éclair ! Mais pas son Baton Éclair qu'elle a laissé dehors. Enfin un autre dehors. Parce que Marmelade est ailleurs. Elle ne sait pas où. Avec Bilibilisse et elle est colère

"Je suis colère."

Et en même temps, cet endroit est trop bien. Elle ne sait plus trop, Marmelade. Partagé entre son amour du sucré et sa colère de titan. D'ailleurs, elle n'arrive pas à choisir. Alors sa tête commence à se fissurer. Semblant annoncer une séparation en deux de son corps. Car une partie de sa tête est sombre. Et l'autre est normale comme la Marmelade optimiste et souriante que Bilibilisse connait.

Que s'était-il passé ? Aynaëth s'était sentie partir et tourbillonner dans tous les sens avant de s'écraser contre une surface molle et d'y rebondir plusieurs fois ! Lorsqu'elle eut rouvert les yeux, la semi-dragonne découvrit un monde haut en couleurs constitué exclusivement de sucreries. Comme ce matelas gélatineux sur lequel son dos n'avait de cesse de monter et de descendre. Comme cette grande fontaine de miel, un peu plus loin, au sommet de laquelle trônait une plate-forme taillée dans un immense biscuit. Comme ces gros cakes couronnés d'une touche de crème qui, posés ça-et-là par la main d'on-ne-savait-quel-géant-gourmand, donnaient l'illusion de quelques habitations. Les arbres moussus, enroulés sur eux-mêmes avec leurs délicieuses décorations en forme de boules, s'étiraient vers le ciel. Ah ! Et que dire de ces tablettes de chocolat noir et blanc qui tantôt servaient de ponton, tantôt reposaient dans un coin en attente d'être utilisés.
Un paysage qui aurait éveillé l'appétit de n'importe qui... en d'autres circonstances.
Tournant rapidement la tête vers la slime, Aynaëth la retrouva dans un drôle d'état.

- Marmelade ? Tu vas bien ?

Vraisemblablement ? Non !
Son visage s'était divisé en deux expressions contraires - une gentille et une qui le semblait beaucoup moins. D'un côté, elle avait l'air normale mais de l'autre, elle faisait peur...
Elle était "colère", comme elle disait.

- Oh, non ! C-c'est pas le moment, Marmelade !

Cette maudite sorcière les avait toutes les deux transporté dans un autre monde envahi par d'innombrables douceurs et voilà que la slim, en proie à un trouble intérieur, faisait maintenant sa crise ?
L'Héroïne en herbe roula hors de son coussin pour retomber sur ses pieds. Sur le sol en pâte dure, elle trouva sa précieuse épée. Aynaëth la ramassa, s'approcha doucement de son amie de plus en plus inquiétante et... réprima un ignoble frisson !
Elle éprouvait cette désagréable de sensation d'être observée.
En se retournant alors, la Gardienne vit une énorme boule de gelée, coiffée d'une crotte de chantilly elle-même surmontée d'une cerise, qui n'était pas là avant. Des yeux ronds et niais s'ouvrirent sur un visage qui n'en était pas un. Une bouche aux joues rebondies soulignait cette expression passablement ahurie.

- Waaah !! Qu'est-ce que c'est que ça, encore ?!

Aynaëth pointa sa lame dans sa direction avant de voir d'autres créatures rappliquer par petits bonds. Ces machins étaient pour la plupart imposants - au moins trois à quatre fois sa taille ? - mais ne produisaient que très peu de bruit en se déplaçant. Ils lui faisaient vite de l'ombre, à force de se rameuter ainsi.
Qu'est-ce que je dois faire dans ces conditions ? Tailler dans le vif ? Tenter de nouer le dialogue ?
L'Héroïne en herbe manquait encore d'expérience...
Qu'allait être la réaction de Marmelade, que ces gluants encerclaient aussi ?

« Ce ne sont pas de gentilles pâtisseries ! Les gentilles pâtisseries ne bougent pas et ne sourient pas et n’ont pas des yeux pour nous regarder ! »

Pourquoi Marmelade est colère ? Elle ne sait pas vraiment. Peut-être parce que Maman Djinn est en prison dans un biscuit. UN BISCUIT ON LE MANGE ! ON LE GACHE PAS COMME CA ! Cet endroit il devrait être trop bien. Marmelade devrait rire comme un enfant addictif au sucré. Mais Marmelade est colère. Comme si on l’avait forcé à se transformer dans ce sens. Vers le Titan-Marmelade. Mais elle n’est pas encore un titan.

Le visage de Marmelade s’effrite comme ça arrive parfois avec les glaces en cône. C’est embêtant quand le morceau du bout rempli de chocolat se brise. Ça n’empêche pas de manger la glace. Mais il faut se presser si on ne veut pas que ça coule. Et là, Marmelade semble pressée. Elle rue sur le premier Gluant et le défonce de son poing qui tourne comme une foreuse. Marmelade est éclaboussée d’un liquide jaune et plutôt solide. Elle s’arrête juste le temps de prendre une grosse bouchée du chapeau-chantilly. Grosse bouchée car sa bouche se déforme comme seul un personnage de toon dans un dessin animé devrait être capable de le faire…

Puis Marmelade enchaîne. Bilibilisse est toute nulle et toute immobile et toute elle-sait-pas-quoi. Alors Marmelade saute et tape. Saute et tape. Glisse et défonce. Elle est éclaboussée encore et encore par les gros Gluants qui soutient. Même quand ils se font défoncer. A croire que ce sont des gentils. Ils ne se défendent pas. Marmelade ne leur laisse pas le temps de toute façon…

Son visage reste tout sombre. Ses yeux ne sont plus. Ce ne sont que deux lumières jaunes qui semblent provenir tout droit du monde des démons. Cette lueur n’est pas sans rappeler celle d’un Démon du Rêve et des Cauchemars. Il y a un feu qui brûle au-dedans. Un mauvais feu. Mais le genre de feu qui ne nous laisse pas regarder ailleurs. Et que dire de cette bouche ?... Cette gueule toujours ouverte. Marmelade fait peur. C’est une toute petite phrase. Mais il n’y a pas meilleure explication.

« Marmelade va tout frapper. Marmelade va tous les manger. OU EST MAMAN DJINN ?!! »

Marmelade est maintenant plus haute que Bilibilisse. Elle a doublé de taille. Le bas de son corps a vu apparaitre une sorte de grosse queue derrière ses fesses. Ses jambes sont devenues plus épaisses. Ce qui ne l’a pas empêché de se propulser rapidement pour faire exploser les Gluants. Marmelade semble défier les lois même de la physique ! Des embryons de cornes sur le côté de sa tête. Un tout petit nuage qui semble être ce fameux nuage noir de l’expression. Quand ça ne va pas. Quand il arrive que des malheurs.

Oui, Marmelade fait peur. Toute couverte d’un épais liquide jaune, d’éclaboussures de chantilly et de quelques cerises fichées dans son corps.

« Où est Maman Djinn ? BILIBILIIIIIIISSE !!! OU ELLE EST ?!! »

Autour d'elle, Marmelade faisait un carnage. Elle n'avait pas cherché à taper la causette. Les flans tout ronds se faisaient laminer par ses poings mutés ! La slime sucrée en avait même profité pour croquer un chapeau d'une de ses victimes souriantes.
Curieusement, le spectacle était loin d'être répugnant...
Aynaëth se passa la langue au coin des lèvres, recueillant entre ses dents une échantillon de "chair" ennemie.

- Hé ! Mais c'est que ça a bon goût, en plus !

Un goût de vanille. Les yeux de la semi-dragonne s'étaient mis à pétiller de gourmandise alors que la terrible Marmelade propageait la destruction.
Je ne sais pas trop si elle a conscience de ce qu'elle est en train de faire, mais j'ai bien l'impression que ça fait nos affaires.
L'Héroïne en herbe ne souhaitait pas la déranger. D'autant plus que Marmelade, dans son état de moitié berserk, avait une mine à faire peur !
Soudain inquiète, elle fronça les sourcils.
C'est moi où elle est devenue vachement grande, la copine ?
Non seulement la violente slime avait gagné en hauteur, mais en plus de cela elle paraissait beaucoup plus véloce ! Son corps ayant opéré de nouvelles transformations, elle possédait désormais une queue et des jambes - ou pattes ? - plus imposantes...
En fait, je crois que je devrais plutôt essayer de la raisonner...
Enervée, Marmelade hurlait comme une folle !
La Troisième Spirabilis, jusqu'alors indécise, sursauta.

- Euh... j-je ne sais pas ? Je veux dire... euh... hein ?

Une ombre la recouvrit. Aynaëth s'en rendit compte bien trop tard. Elle leva la tête pile au moment où un gluant lui tomba dessus, l'enveloppant de tout son être.

- Blugh ?!

Comme prisonnière d'un aquarium, l'Héroïne en herbe s'était mise à flotter. Ses membres lui semblaient bien lourds, dans ce gros corps rondouillard...
Manquant lâcher sa lame, elle eut vite fait de revenir à l'instant présent.
Pas question de dormir là-dedans à tout jamais !
Il ne lui était plus possible de respirer, après tout.
Croisant les bras contre sa poitrine, la demi-elfe concentra sa magie. Au moment de la libérer et d'écarter les poings, Aynaëth poussa un cri silencieux. Un vortex inversé naquit à l'intérieur du gluant, le faisant gonfler plus qu'il ne l'était déjà, grimacer sous l'effet d'une torsion interne, pour finalement provoquer son implosion !
Lame au poing, son ex-prisonnière retomba souplement sur ses pieds, levant son visage collant sur la terrible Marmelade.
Les gluants la fuyaient désormais.
Aux yeux de la Gardienne, c'était tout à fait compréhensible...

- Reprends-toi, Marmelade ! lui cria Aynaëth en ayant levé une main en porte-voix. Tante Reshaa n'a pas été téléportée avec nous ! La sorcière aux cheveux roses nous a séparées d'elle et compte certainement faire durer le plaisir ! C'est elle, ou un de ses sous-fifres, qu'il faut que l'on trouve !

Pour le moment, la semi-dragonne était incapable de sonder les alentours. Elle se méfiait de la transformation de Marmelade, qui semblait avoir perdu la moitié de ses esprits au profit d'un pouvoir monstrueux.

« Trop de mots ! Et pas de Maman Djinn ! »

Marmelade en forme normale est déjà hyperactive. Mais sous sa forme titanesque, cette impatience occulte sa capacité à raisonner. Bilibilisse parle trop. Les gens qui parlent beaucoup cachent toujours des choses. Titan-Marmelade pense à ouvrir en deux Bilibilisse pour trouver le secret à l’intérieur. Elle n’agit pas parce qu’elle ne sait pas si le secret se trouve en plein milieu, derrière la prison des os (la cage thoracique, un mot trop compliqué…). Ou si elle doit ouvrir la tête. Parce que c’est le cerveau qui pense, après tout.

Titan-Marmelade a reçu un grand spash sucré suite à l’attaque de Bilibilisse. Il y a du blob tout sucré tout sur elle. Alors sa langue sort et commence à lécher son visage. Tout son visage. Puis elle commence le reste de son corps. Et s’allonge naturellement. Encore et encore. Pour tout manger. Mais ce n’est pas du tout naturel d’avoir un tel organe. Titan-Marmelade est une chose non naturel non plus.

« Si Bilibilisse a pas la réponse. Bilibilisse inutile. Marmelade s’en va. »

Elle a rétréci. Pas énormément. Peut-être dix centimètres. Mais parler semble mobiliser sa tête. Et quand la tête est l’acteur principal, la violence est obligée d’attendre son tour. Donc la rage doit attendre. Donc la transformation doit aussi attendre. Mais parler avec Titan-Marmelade semble difficile. Non, C’EST difficile. Et qui aurait envie de parler à un blob peut-être berserk et se faire bouffer tout cru ? Il faudrait avoir une grosse force. Mentale. Et une autre physique. Les deux. Combinés. Au moins ça. Peut-être davantage !

Marmelade s’en va. Et l’environnement réagit. Un paysage peut être capable de réaction/réflexion ? Impossible que… Si ? Et si ?... Difficile d’écrire. Titan-Marmelade veut agir. ELLE agit ! Elle avance sur ses deux pattes. Sa queue traîne par terre comme un poids mort. Titan-Marmelade veut passer sous une arche. Et l’environnement lui donne un adversaire plus puissant que le dernier. Est-ce que l’environnement subit les lois d’un jeu vidéo ? Après le gros blob tout mou et tout sourire : un gâteau à la coque dure sans expression faciale. Une sorte d’Oreo qui est aussi un gardien de porte et qui est aussi un lancier. Quel drôle de personnalisation que d’entourer les petites pattes de bandages ? A quoi bon ? Bref !

(CRAC !)

Le biscuit dur n’est pas une armure. Le poing de Titan-Marmelade est tombé comme le jugement du bourreau. La lance ? Elle traverse le corps de part en part de Titan-Marmelade. Elle ne ressent pas de douleur. Seulement une gêne quand elle bouge le bras. Mais elle est pressée dans sa tête : elle DOIT retrouver Maman Djinn. Elle se fiche du pourquoi. Elle AGIT. C’est tout.

(re-CRAC !)

Deuxième garde réduit en bouillie. La crème blanche se répandant tout autour. Formant comme une onomatopée blanche visuelle si on regarde de haut. La lance du deuxième garde ? Egalement dans le corps de Titan-Marmelade qui a déjà récupéré les dix centimètres de tout à l’heure. La colère alimente à nouveau son moteur sucré.

Marmelade ne voulait pas comprendre. L'espace d'un instant, c'est à dire avant qu'elle ne voie cette grosse langue de titan sortir de sa bouche pour se nettoyer tout le corps, Aynaëth crut assister au caprice d'une enfant. Mais si la fille-slim en avait l'attitude, ses pouvoirs et sa force physique dépassaient l'entendement.
A quoi pensait tante Reshaa en récupérant un monstre pareil ?!
L'intéressée ne l'avait sans doute jamais vue sous cette forme effroyable ! En son absence, l'Héroïne en herbe se retrouvait avec une responsabilité absolument colossale sur les épaules.
Comment pourrait-elle supporter une charge de cette ampleur ?
Puis Marmelade décida de l'abandonner là. Parce qu'elle lui était inutile, disait-elle.
La concernée eut l'air encore plus choquée d'apprendre ça !

- Quoi ?! Mais c'est horrible de me sortir un truc pareil ! (Indignée, elle agitait les mains au-dessus de sa tête.) Je fais d'mon mieux, figure-toi ! Et j'utilise ma tête, moi au moins ! Je ne me comporte pas comme la dernière des bourrines, espèce d'ingrate !

Marmelade avait rétréci ? Possible ! Aynaëth n'y avait pas trop fait attention, dans l'état où elle était.
En revanche, elle collait au train de la délaisseuse tout en prenant garde à sa queue qui fauchait absolument tout et n'importe quoi - y compris le sol. Dans le sillage de la fille-slim titanesque, le paradis sucré s'en retrouvait tout saccagé. Là-bas, un sucre d'orge décapité. Dans le coin, une tablette de chocolat blanc réduite en miettes. Un peu plus à l'écart, un biscuit dont un pan entier avait sauté...
Avant de songer à contourner sa drôle d'amie dans l'espoir d'attirer son attention, la semi-elfe ramassa ce qu'elle put et s'empiffra sans retenue. La faim la rendait agressive, incapable de conserver son sang-froid, et tout ce sucre gâché lui faisait mal au cœur. Le meilleur moyen qu'elle avait trouvé de supprimer ces deux tares était donc de grignoter les restes.

- *Bafr* *Boufr* *miam* *scornch* !

Du grand n'importe quoi...
Entre-temps, Titan-Marmelade passa sous une arche et élimina deux gardes armés d'une longue lance chocolatée.
Aynaëth refusa de lécher les grosses flaques de crème qu'elle avait laissées sur le sol craquant.
Si elle refuse de m'écouter, je vais devoir lui barrer la route !
Planquée derrière un "buisson" de gaufrettes en éventail, la Gardienne tendit les mains et invoqua sa magie. Des geysers d'eau claire crevèrent la voute terrestre. La pression était si importante qu'elle souleva Titan-Marmelade et la maintint dans les airs, à quelques bons mètres du sentier qu'elle avait emprunté.

- Arrête de tout casser, Marmelade ! s'écria la magicienne par intérim, ses mains levées en porte-voix. Ce n'est pas en piétinant à l'aveuglette que nous parviendrons à nos fins ! Alors écoute-moi, nom d'un donuts, et je t'assure que je nous trouverai une solution !

De son point de vue surélevé, la slime au cul trempé, en prolongeant son regard dans le lointain, pouvait voir un nuage de poussière sucrée se déplacer. Au pied de cette colonne odorante ? Des soldats marshmallows en armure à moitié flambée, avec au bout d'une main un bâtonnet de réglisse surmonté d'une guimauve couverte de braises ! Avant d'être en mesure d'attendre les envahisseuses, il leur restait un grand virage à négocier ainsi qu'une rivière de miel à traverser. Les monstres trottinaient, le torse bombé, la hampe sur l'épaule. Ils ne craignaient point la mort, ne vivant que pour défendre ce royaume prétendument infernal.

- Est-ce qu'on peut savoir ce que tu regardes comme ça ?

Les joues gonflées d'agacement et les bras croisés sur sa poitrine, Aynaëth fixait hargneusement la géante qu'elle avait inconsciemment affligée de ce rôle de vigie.
Elle ne voyait rien de ce qui se tramait dans son dos, par-delà cette rivière de miel et les vallons que le regard de Marmelade avait sans doute survolés.

Trop d’eau, trop d’eau, TROP D’EAU !

« Marmelade a pas le temps de prendre une douche ! »

Elle ne comprend pas. Non, elle ne veut pas comprendre. La colère nourrit la colère. La colère épuise le corps et puise dans les sucres contenus. Et plus Marmelade a faim, plus elle est colère. Terrible cercle qui auto alimente la forme titanesque.

« Marmelade veut pas écouter Bilibilisse ! Bilibilisse sait pas où est… OU EST !... »

Plus elle s’énerve, plus elle grandit. Mais aussi : plus elle grandit, moins elle arrive à réfléchir. Il y a un visage dans sa tête. Son bras se tend vers l’image. Mais l’image n’existe pas. C’est agaçant ça aussi !

« C’est qui ce visage ?! »

Et il y a cette eau. Et il y a ces guerriers tout brûlé. Les marschmallows, c’est un peu bizarre. Mais Marmelade en a déjà mangé. C’est surtout les faire cuire qui est rigolo. Ca et les partager avec Maman… Maman, euh…

« MAMAN COMMENT ? Elle est toute rose et… ET !... »

Non. Tout l’énerve. Cette fille jeune vieille au-dessous d’elle. Elle a la peau d’une enfant et la couleur de cheveux d’une vieille. Elle ne comprend pas. Et elle la regarde. Qui c’est ? Est-ce que c’est elle qui a fait ces geysers d’eau ? Titan-Marmelade sait de moins en moins. Elle grossit encore. Sa queue commencer à tourbillonner autour de l’éruption aqueuse. Mais ça ne change rien. Et les guerriers qui ont gâché les marschmallows continuent de venir.

Alors Titan-Marmelade commence à faire des trous dans son corps. Pour laisser passer l’eau à travers elle. Mais elle CRIE quand l’eau touche le plafond et l’arrose comme une pluie avec beaucoup beaucoup trop beaucoup de gouttes !

Une fente apparait là où elle pourrait avoir un sexe de femme. Comme cette personne en rose dans sa tête. Ce visage qui n’a plus de nom. Ça l’énerve ! la fente se poursuit. Etrange aberration entre sexe féminin et mutation monstrueuse. Marmelade n’est pas sexualisée. Pourtant, elle a une petite poitrine. C’est une slime définitivement bizarre. Il y a des blocages en elle, dans sa tête. Un syndrome de Peter Pan, très probablement. Mais ce n’est pas important. Cette fente s’élargit et lui créer deux jambes qui s’allongent et viennent toucher le sol. Sauf que le geyser continue de propulser son eau… en plein dans la fente.

« (quelque chose qui rappelle le cri de Godzilla) ! »

Sauf que Titan-Marmelade est une slime. Elle a la capacité de modifier son corps. Et toute l’eau se stocke au-dedans. Une énorme bulle qui gonfle dans son dos alors qu’elle commence à essayer de marcher vers…

« VERS QUOOOOIII ?!! »

Aynaëth palissait au fur et à mesure que Marmelade grossissait. Ses geysers d'eau pure n'allaient pas la retenir longtemps. D'autant plus que le corps de la slime fonctionnait comme aucun autre organisme vivant : il était hautement malléable et répondait à la volonté libératrice de cet esprit dérangé qui le contrôlait... plus ou moins ?
C'était quoi, ce hurlement ?
La semi-dragonne avait dû se boucher les oreilles. Le sol, frappé par le vacarme aérien, s'était mis à trembler violemment. Les structures alentours, plus fragiles que certaines, s'effondrèrent sous leur propre poids avant de se fracasser sur un sol heureusement bien plus épais.
Et Titan-Marmelade, l'effroyable gueulante, son dos gonflé d'une eau magique capturée, avait retrouvé le sol en allongeant ses gigantesques jambes désormais comparables des échasses.

- Là, je commence à être à court d'idées...

Pourtant, elle ne devrait pas. Les héros en possédaient toujours ! Tout comme les aventuriers. Les premiers d'entre-eux à mourir n'étaient-ils pas ceux qui manquaient d'imagination ?
Aynaëth secoua la tête en même temps que ses méninges.
Soufflant fort par les narines, elle leva un regard déterminé sur sa compagne d'aventure.

- Foi de Spirabilis, je ne te laisserai pas t'égarer plus longtemps !

Pour commencer, l'Héroïne en herbe était résolue à ne pas la perdre de vue. Même si Marmelade était immense à l'heure actuelle, sans doute que ce monde l'était bien plus. Le risque de la voir disparaître de ses radars n'était donc pas à exclure.
Etape numéro un : neutraliser ses appuis.
Aynaëth murmura une incantation venteuse. Le sort augmenta sa vitesse de déplacement dont elle se servit pour se propulser entre les guiboles de la géante. En chemin, la métisse recourut à son sang de dragon, et des ailes membraneuses jaillirent de son dos ! Elle vola en rase-motte, ses pieds ne touchant le sol que pour mieux la pousser dans la bonne direction. Très vite, malgré l'allonge phénoménale de Titan-Marmelade, l'Héroïne en herbe contourna la queue monstrueuse et passa sous l'arche mobile qu'était devenue sa folle alliée.

- Tu m'excuseras mais tu ne me laisses pas vraiment le choix...

Psalmodiant un nouveau sort qu'elle infusa cette fois-ci dans son arme favorite, Aynaëth cibla les pattes de la déambulatrice. D'un coup droit et d'un revers successif, l'aventurière généra deux lames d'air qui sectionnèrent ses appuis. Dans la continuité de son mouvement, elle lui passa devant et se mit à battre des ailes dans un vol stationnaire.
Etape numéro deux : s'accaparer son attention.
Encore une fois, l'élément du vent allait l'aider à mieux se faire entendre. Aynaëth concentra son pouvoir dans sa gorge avant de prononcer ces mots amplifiés par le pouvoir :

- Tu ne sais pas où aller ? Tu ne veux rien savoir ? Très bien ! Alors suis-moi si tu t'en crois capable, stupide Marmelade qui n'écoute rien de rien !

En voilà un jeu dangereux !
Exciter la morgue d'une gamine titanesque ? Aynaëth jouait avec le feu.
Elle fit volte-face pile au moment où le régiment de soldats marshmallows s'était arrêté pour faire barrage à Titan-Marmelade. Face à leur nombre, la métisse plissa des yeux suspicieux.
Un groupe important, lourdement équipé, qui faisait forcément partie d'une autorité locale bien organisée.
S'il fallait trouver une solution à leur problème, ces gens-là étaient peut-être en mesure de les aiguiller.
Etape numéro trois : nous dénicher un objectif.
Aynaëth n'entreprit point de nouer le dialogue avec ce corps armé. Elle battit puissamment des ailes, se propulsant plus haut dans les hauteurs de sorte à s'attirer l'ire de Titan-Marmelade telle une mauvaise étoile polaire.
Inutile de leur demander poliment le chemin : cette remarquable unité a laissé énormément d'empreintes derrière elle, et moi je compte bien les suivre jusqu'à leur quartier général.
L'Héroïne en herbe ne l'apercevait pas encore mais, dans le lointain, au-delà des monts et des innombrables sucreries plantées à même le sol comestible, s'élevait un magnifique château. Le sentier lisse qui zigzaguait entre les éléments colorés de ce décor gourmand n'était pas encore apparu dans son champ de vision encombré.
Ce Cercle de la Gourmandise comprenait-il un royaume et, par extension, une tête couronnée, voire carrément un couple qui en partageait le pouvoir absolu ?
Tout cela restait à définir mais en attendant...

« Marmelade est pas stupide ! C’est toi qu’est stupide ! C’est la première qui dit qui y’est ! »

Titan-Marmelade a perdu ses jambes. Pas grave, elle n’a qu’à avancer comme un escargot. Sans jambes et en laissant un truc qui brille et qui a goût de sucre derrière elle.

« Marmelade elle écoute ! C’est Bilibilisse qu’écoute pas Marmelade ! »

Un enfant : c’est mignon. Quand un titan aux pouvoirs destructeurs agit comme tel : ce n’est plus DU TOUT mignon. Pourtant l’Héroïne ne panique pas. Elle parvient à fomenter un plan tout en esquivant les différents dangers et en découvrant des empreintes au sol. Nul doute que le groupe dans lequel elle se trouve doit lui en faire voir de toutes les couleurs !

« Bilibilisse va pas échapper longtemps à Marmelade. Marmelade va attraper Bilibilisse ! »

Sur un rocher dort tranquillement un escarglacegot mauve et rose. Mais il ne dort pas longtemps quand les doigts géants de Titan-Marmelade le prend par sa coquille, le retourne et aspire le contenu.

« Marmelade fait une pause goûter. HEY, BILIBILISSE ! POUCE ! »

Un deuxième escarglacegot finit dans le ventre de slime titanesque. Marmelade se souvient qu’elle a toujours le premier dans son autre main. Elle n’a pas pensé qu’elle peut manger la gaufrette-coquille. Ca croque sous ses dents. Il n’y a plus rien.

Et parce qu’un danger ne suffit pas, un autre se profil. Titan-Marmelade ne le voit pas de sa position assise en train de manger ses desserts de goûter. Mais pas loin, un gros GROS escargot se rapproche. Le problème ? C’est lent. C’est terrrriiiiblement lent.

En fait, Titan-Marmelade pourrait même avoir le temps de se relever et de recommencer à jouer à « Attrape-Bilibilisse » avant de se retrouver en duel de titans de plusieurs mètres de hauteur. Mais non, pas tout de suite. Marmelade se joue au présent.

« Un escargot vert qui court dans l’herbe ♩
Je l’attrape par la gaufrette, je la montre à la madame ♩
La madame me dit « blablabla » ♩
Trempe ça dans le chocolat ♫ »