The Multiversity

Pour rejoindre le Nanavut, Karen utilisa sa montre connectée. Celle-ci disposait d’un GPS « vol d’oiseau », fonctionnant comme une boussole. Elle avait conçu elle-même cette montre, qu’elle utilisait pour se repérer. Mine de rien, voler à toute allure en l’air était pratique, mais, sans GPS, on pouvait facilement se perdre. Une fois les coordonnées inscrites, Karen s’envola doucement, le temps pour Shayne de se faire à cette sensation. Elle l’avertit de se méfier de sa brusque accélération. Ensuite, Karen vola à une vitesse normale, s’adaptant en fonction des réactions de sa partenaire. Avec le vent qui vous fouettait le visage, et le froid, elle devait souvent voler à basse altitude, parfois en rasant la mer. Mais elle constata vite que Shayne ne semblait pas particulièrement indisposée.

Tout en volant vers le Nanavut, Karen se rappela sa première rencontre avec Jeannie. Elle se souvenait de cette fois où Jeannie avait jeté une malédiction sur un délinquant. Des voleurs qui avaient kidnappé un enfant… Elle avait sauvé l’enfant en le jetant par la fenêtre, tout en l’équipant d’un chapeau avec une hélice. Jeannie avait ensuite braqué l’arme du délinquant sur lui, et, faute de le tuer, l’avait maudit. Suite à cela, les deux femmes avaient débattu sur la justice, Karen essayant d’expliquer à Jeannie que son rôle n’était pas d’être un bourreau, ou de rendre justice. Elle n’était pas juge ni policière, simplement une super-héroïne qui mettait ses pouvoirs à contribution de la société. Elle n’était pas spécialement sûre que Jeannie ait pu comprendre tout cela.

*Quand je l’ai rencontré, je ne sais pas si Shayne existait… Enfin, si, elle existait forcément, mais Jeannie ne l’avait peut-être pas encore conçu…*

Est-ce que Shayne était le fruit de leur rencontre ? Karen savait que Jeannie pouvait changer la réalité, et donc modifier le temps. Elle songeait à tout cela tout en survolant les territoires sauvages d’Alaska, puis du nord du Canada. En traversant ainsi une partie du monde, elles purent voir le soleil qui dardait ses rayons sur le Canada. Karen s’abaissa pour survoler la cime des montagnes. C’était un paysage assurément dépaysant. Elles survolèrent les plaines du Yukon, vaste territoire sauvage et inhabité, survolèrent les parcs nationaux pour rejoindre les Territoires du Nord-Ouest. Karen s’amusa à voler en rase-mottes au-dessus du Grand Lac des Esclaves, et remonta ensuite vers le Nanavut. Karen utilisa ensuite sa vision spéciale, et repéra une île totalement vierge, où elle se posa. L’île comprenait quelques structures rocailleuses. Un vent frais, matinal, l’accueillit. Karen inhuma l’air, tandis que Shayne observait les lieux, avant de l’interroger.

« Il n’y a personne ici, les autorités locales ne risquent pas de nous embêter. Et puis, je ne suis pas sûre que le Code pénal sanctionne le fait de taper sur des montagnes… »

Karen se retourna vers Shayne quand celle-ci l’interrogea sur sa propre expérience.

« Eh bien, pour être honnête, je ne suis pas sûre d’avoir jamais été sur cette île. Plus je vieillis, plus j’apprends à canaliser ma colère. Quand j’étais plus jeune, soit quand j’étais sur mon monde natal, et que j’avais besoin de me défouler, j’allais sur ce genre d’île. Enfin, à la base, c’était pour m’entraîner avec mon père. On s’entraînait souvent dans la banquise, que ce soit à tester ma force, mes rayons lasers… Donc, non, on ne devrait croiser aucun super-héros. Enfin, sauf si Superman devait survoler le Nanavut, mais avouons que ce serait vraiment pas de bol… »

C’était sans doute le genre de choses que Jeannie pouvait faire, manipuler la réalité pour que Superman et toute la clique se mettent à survoler la région… Mais Karen escomptait que Shayne n’ait pas un tel pouvoir…

Jeannie incarne:



Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Karen croisa les bras en flottant en l’air. Elle ne savait pas trop ce que Shayne souhaitait faire, et elle-même ne savait pas trop quoi faire de Shayne. C’était elle qui avait débarqué en réalisant un faux braquage pour attirer son attention. Son plan était de base assez bancal, et ce qu’elle attendait de Karen l’était tout autant. Elle souhaitait que celle-ci lui prodigue des conseils pour savoir comment être une bonne mère. La requête était déjà de base étonnante, un peu surréaliste. Karen était beaucoup de choses, mais elle n’avait pas encore la chance d’être mère. Elle ne pouvait donc se fonder que sur ce qu’elle imaginait, sur ce qu’elle pensait savoir de la chose.

*Elle a beau détester sa mère, on dirait quand même que c’est en raison de l’influence de Jeannie qu’elle a pensé à moi…*

Certes, il y avait eu sa rencontre avec Helena, mais, de là à associer Power Girl à des conseils en matière de maternité, il y avait tout de même un écart. Et, pour autant qu’elle le sache, sa première rencontre avec Jeannie avait marqué la Déesse. Karen songeait donc à tout cela, tandis que, en contrebas, Alix détruisait des pierres et des rochers… Avec la seule force de son esprit. Karen s’était attendue à la voir dégommer les rochers à mains nues, comme elle-même le faisait quand elle avait besoin de se défouler. Il lui arrivait aussi de voyager sur la Lune pour cela. C’était encore mieux, car elle pouvait se lâcher. La surface de la Lune était après tout régulièrement assaillie d’astéroïdes, la Lune n’ayant pas d’atmosphère pour brûler ces corps célestes. Shayne n’avait peut-être pas de super-force ?

Karen observait les environs, admirant le lever du soleil. Une vue dont elle ne se lassait jamais. Elle sortit ensuite son téléphone portable, et envoya un SMS à Helena. Elle évita de lui dire qu’elle était en compagnie de Shayne, ne voulant pas que cela provoque chez elle des réminiscences. Elle lui signala juste qu’elle avait une urgence imprévue, qu’elle ne pourrait pas être là ce matin, et termina en lui rappelant qu’elle l’aimait, avec des smileys « cœur » et « bisous ». Une fois ceci fait, Karen se mit à redescendre.

« C’est bon ? Tu es soulagée ? Je suis un peu déçue, je pensais te voir suer en tapant sur des rochers à mains nues. Les femmes qui suent, c’est toujours très joli à voir… Enfin bref, tu veux qu’on fasse quoi ? Que je te conseille des films liés à la maternité ? Je pourrais aussi te conseiller les livres que je consulte à ce sujet. »

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Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

« Pourquoi se salir les mains quand je peux tout faire à distance? C’est ma sœur Alix, la grande brute musclée qui aime taper sur tout ce qui bouge. Comme j’adore l’espionner, tu peux toujours demander à Wonder Woman ce qu’elle pense d’elle, elles se sont rencontrées au moins une fois. Je pourrais taper sur des rochers, oui… Mais j’ai l’avantage de la sœur ainée. Si tant est que c’est applicable dans notre situation…

Ma matériakinésie est très efficace à distance, ce qui fait que je n’ai pas besoin d’un physique de brute comme Alix qui elle excelle avec sa matériakinésie à relativement courte portée. Oh je PEUX le faire à courte portée aussi, ce n’est juste pas mon style par défaut. De toute façon, ce n’est pas exposer une faiblesse que de le dire, n’importe qui avec un cerveau et un enregistrement de moi qui est sur… Le terrain… Le remarquera. »

Joignons le geste à la parole, tiens. Je n’ai pas particulièrement envie que Power Girl commence à se faire des plans dans sa tête pour me vaincre en cas d’affrontement et donc je m’approche de débris rocheux de ma petite séance de défoulement et je les pulvérise à mains nues. Ce que je peux détester agir comme une brute. Oh oui, le mot revient souvent quand je parle d’utiliser strictement la force physique pour arriver à ses fins. Rajoute cela à tes calculs, Power Girl. Je suis plus coriace que j’en ai l’air. Être une version plus sexy de Tyreen Calypso ne veut pas dire que je ne suis pas dangereuse au contact. Après bon, cette apparence est juste une dans une très longue liste, je change quoi, à peu près une fois par siècle? Je ne suis pas particulièrement attachée à cette forme. Elle est esthétiquement plaisante et elle est également pratique mais sans plus.

Une apparence est pour moi l’équivalent d’un vêtement. Rien de plus, rien de moins. Et comme toute possession matérielle est sans valeur pour moi, la forme que j’emprunte suit la même logique. Enfin bon. Faisons plaisir à Power Girl. Elle veut voir une femme en sueur, donnons aux masses ce qu’elles demandent. Ce n’est pas très difficile pour moi de simuler la chose de façon très réaliste. Il faudra plus que de taper dans quelques débris pour m’essouffler, c’est évident. Pourquoi est-ce que je décide de faire plaisir à la kryptonienne, je ne sais pas. Surtout qu’il ne se passera rien entre nous, madame va se marier et en quelque part, je me suis déjà assez amusée avec Helena. Je doute qu’elle apprécierait que je donne le même traitement à la plantureuse blonde en costume de super héroïne. Quoi, vous pensez que je me laisserais dominer par quiconque? Non. Shayne domine. Point final.

« Voilà, contente? Une brute en sueur après avoir pulvérisé des rochers à mains nues. Quant à ton offre, tu peux toujours m’envoyer les titres mais je dirais avoir lu et vu pas mal tout ce qui est à la mode ou fortement recommandé. À moins que tu aies quelque chose de plus rare ou obscur… Mais ce sera toujours bon à avoir. Maintenant que ça c’est dit, une question qui mérite d’être posée… Ou reposée… Je ne sais plus…

Tu es une super héroïne. Je suis une super criminelle. J’ai plusieurs mandats d’arrêt contre moi et tu sais que j’ai fait quelque chose, sans savoir quoi, à la femme que tu aimes. Je peine à comprendre comment il se fait que tu ne sois pas en train de tenter de m’arracher la tête. Ou de m’arrêter. Je ne m’en plains pas. Je suis juste… Je veux dire, super héroïne, c’est un… Boulot… À temps plein, non? L’on ne choisit pas d’appliquer la loi quand ça nous tente dans ton métier… »

Karen l’avait emmené ici parce que Shayne souhaitait se défouler. Leur vol vers le Nanavut avait peut-être apaisé celle-ci, car elle lui indiqua qu’elle n’aimait pas utiliser sa force physique. Elle lui donna de la sueur en se fatiguant et en la générant sur son corps.

*Du polymorphisme ? Je crois que Jeannie pouvait en faire autant…*

Après tout, Jeannie pouvait modifier la réalité. Shayne semblait aussi pouvoir le faire. Elle lui parla de sa sœur, Alix, qui semblait être plus tournée vers la confrontation physique que Shayne. Karen n’avait pas rencontré cette Alix, elle ne pouvait donc pas juger de la pertinence de la chose. Elle conserva l’information dans un coin de sa tête. Shayne l’interpella ensuite, en lui faisant remarquer qu’elle ne comprenait pas pourquoi elle ne l’avait pas encore interpellé. Elle signala avoir plusieurs mandats d’arrêts à son actif, et que, après ce qu’elle avait fait à sa femme, Power Girl aurait dû l’arrêter. L’intéressée fit mine de réfléchir quelques instants.

« Helena n’est pas rentrée dans le détail de votre relation, je l’ai juste retrouvé alors qu’elle se masturbait frénétiquement en pensant à toi et en se caressant énergiquement avec un plug que tu lui avais offert, et en te surnommant ‘‘Maman Shayne’’. Elle n’a guère souhaité m’en dire plus, et je n’ai pas insisté. Je sais que Helena apprécie les femmes fortes. Il y a eu toi, il y a eu Ishtar… Et moi, cela m’offre à chaque fois des opportunités pour la punir… Sexuellement parlant, j’entends. Je ne peux pas vraiment te reprocher cela, surtout que j’ai moi-même un certain nombre d’amants. Helena et moi, nous sommes un couple assez libéré là-dessus. Le concept est de partager nos conquêtes, mais certaines des partenaires de Helena sont plutôt du style un peu trop possessive… Ce fut le cas avec Ishtar, notamment. Toi ? Je ne sais pas… Helena semblait plutôt se languir de ta présence. J’ignore si elle serait ravie ou non de te revoir… »

Karen haussa les épaules.

« Concernant tes mandats d’arrêt… Je l’ignorais. Je dois moi aussi avoir quelques mandats d’arrêt dans certains pays où les femmes comme moi sont peu appréciées. Russie, Corée du Nord, Iran… Il a déjà dû m’arriver de survoler certains de ses pays, et les dictateurs qui s’y trouvent n’ont pas apprécié cela. Et puis, c’est toi qui es venue à moi. Tout ce que tu as fait de pénalement répréhensible, c’est rentrer par effraction dans un centre commercial pour avoir envie de me parler. Je ne suis pas sûre que ce fait justifie qu’on se batte. »

Elle se tut pendant quelques secondes, avant de reprendre.

« Pourquoi me demander ça ? Tu as envie qu’on se batte ? Je croyais que tu voulais juste me parler… »

Jeannie incarne:



Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

« Hum. Intéressant. Pas que je m’attendais spécialement à ce que tu essaies de me défoncer la gueule pour avoir fait… Quelque chose… À ta petite amie mais je mentirais si je disais que je ne me serais pas attendu à une certaine forme d’hostilité. Difficile de juger du degré de possessivité de quelqu’un, après tout. Encore plus quand il s’agit de relations amoureuses, ce genre de choses… Mais c’est une bonne nouvelle.

Cela dit, ce qui me surprend énormément, c’est ce manque de… Comment dire… Zèle à vouloir appliquer la loi à tout prix. La plupart des super héros que j’ai rencontré, pas tous, ne généralisons pas mais disons la grande majorité, étaient plus du genre : appréhender d’abord, discuter ensuite. Je sais très bien que je suis venue vers toi pour discuter. Je dis juste qu’en général, les super héros semblent par nature méfiants des criminels.

Et non. Je n’ai absolument pas envie de me battre. Je pourrais. Je veux dire, je suis matériakinésiste, je peux manipuler la matière et en faire de la kryptonite si l’envie me prend. Disons que j’estime avoir des bonnes chances de gagner si on en vient à cette éventualité. Seulement voilà : si tuer ne me fait même pas sourciller, je ne cherche pas activement le conflit. Considérant ce que je suis par nature, cela me surprend moi-même.

Honnêtement, quand j’ai cherché à te contacter, je m’attendais à ce que les choses tournent mal très vite. Je suis… Agréablement surprise de l’absence d’hostilité. Pouvoir avoir une conversation cordiale fait du bien. Je n’ai pas de réponse définitive à ce que je cherche, c’est vrai, mais… J’ai quand même l’impression de progresser. De cheminer dans tout ça. Alors j’imagine… À mon tour de te faire une faveur? Un truc du genre? »

Je n’ai pas dit que j’allais faire tout ce qu’elle pourrait demander de moi. Franchement, je ne suis pas stupide. Mais disons que je reste encline à un minimum de générosité. On va dire ça comme ça. Chose relativement rare me concernant. Je suis plus du genre à me dire que bon, si j’ai besoin de quelque chose, je prends. Si vous êtes assez fort pour m’en empêcher, tant mieux pour vous. Sinon, tant pis pour vous. Je ne suis pas quelqu’un de terriblement compliquée au quotidien. Certains de mes plans le sont, oui. Mais bon, on ne parle pas des plans, on parle de moi. Prenez la situation actuelle, tiens. Faire venir Power Girl. Discuter avec Power Girl. Obtenir les informations dont j’ai besoin. Mission accomplie. Est-ce qu’il fallait que ce soit plus complexe que cela? J’en doute fort. Est-ce que j’ai tort ou raison? Je ne sais pas. Et je m’en fous, bien franchement.

Ce qui est certain c’est que je la regarde avec attention. Qu’est-ce qui se trame dans ce cerveau brillant qui est le tien, Power Girl? Est-ce que tu es en train de me tendre un piège élaboré ou est-ce que tu es sincère? Par nature, je me méfie de tout et de tout le monde. Est-ce que tu as évité la confrontation car tu avais deviné ce que je pourrais faire avec mes pouvoirs? Peut-être qu’elle a un moyen de contacter des renforts et que c’est une embuscade en devenir. Me faire venir là où il n’y aura pas de victimes collatérales, pas de témoins… L’idéal pour faire disparaitre quelqu’un. Tout bien considéré, ce serait absolument brillant comme plan. Parfaitement mon style. Une vengeance personnelle pour ce que j’ai fait à Helena? Ou peut-être qu’elle connaissait certaines de mes victimes? Si désireuse d’avoir des réponses à mes questions, j’ai complètement baissé ma garde…

Shayne fit à nouveau part de son étonnement quant au fait que Karen ne lui ait pas tapé dessus. Karen ne voyait pas bien quoi rajouter de plus à ce qu’elle avait dit. Tout ce qu’elle avait vu, c’était une femme entrer sans autorisation dans un centre commercial fermé. Elle n’avait vu aucune trace d’effraction, de tentative de vol, ou de coups et blessures infligés à des vigiles. Quant au pedigree de Shayne, Karen ne le connaissait pas. Elle se doutait toutefois que la femme ait dû faire des actes pénalement répréhensibles, mais, tant qu’elle n’en voyait aucun, elle se devait d’accorder à Shayne le bénéfice du doute. C’était aussi simple que ça.

« Mon père m’a bien formé, rétorqua-t-elle alors. Il m’a enseigné à utiliser mes pouvoirs avec parcimonie, et à ne pas me prendre pour une bourrelle. Il est étonnant que tu insistes là-dessus, si tu veux qu’on se batte, tu peux le dire franchement, tu sais. Quand des types comme Lobo débarquent dans mon bureau, c’est pour qu’on se tape, il y en a qui aiment ça… Je ne critique pas, soit dit en passant, je dois être un punching ball plus agréable que des rochers. »

Karen sourit ensuite. Shayne lui avait affirmé qu’elle pourrait générer de la kryptonite avec ses pouvoirs. Karen ignorait comment son pouvoir fonctionnait, est-ce que Shayne avait déjà vu de la kryptonite ? Comment pouvait-elle générer une matière qu’elle ne connaissait pas, et qui venait d’un autre monde ? Karen décida de laisser ce genre de questions de côté. Shayne lui accordait une faveur. Karen n’avait rien de particulier à souhaiter, si ce n’est de retrouver Helena, mais elle ne pouvait pas non plus mettre fin si abruptement à cette conversation. Elle ignorait d’ailleurs pour l’heure si cette conversation était d’une quelconque utilité pour Shayne.

Power Girl fit donc mine de réfléchir.

« Une faveur, donc… Très bien. Je souhaite avoir un avant-goût de tes actions ayant permis de perturber l’esprit de ma chère Helena. Je veux que tu m’embrasses… Sur la bouche, bien sûr. Et je veux un vrai baiser, pas juste un frottement de lèvres. »

C’était sa demande, à Shayne de voir si elle pouvait l’honorer ou non !

Jeannie incarne:



Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

La proposition de Karen était honnête. Un baiser. Dans les contes de fées, un baiser marchait toujours, et levait toutes les malédictions. Ne semblait-il pas logique, après tout, que Karen cherche à en savoir plus sur les talents de cette femme ? Qu’est-ce qui faisait d’elle « Maman Shayne », cette femme qui avait perturbé sa chérie au point que Karen avait dû appliquer un traitement intensif pour la recalibrer ? Elle avait dû faire longuement l’amour à Helena pour que « Maman Shayne » devienne « Maman Karen », et ainsi la remettre en forme. Shayne était prête à le faire. Karen se rapprocha donc d’elle. L’espace entre les deux femmes se raccourcit. Karen posa ses mains sur les hanches de Shayne, croisant son regard. Elle pouvait sentir toute l’intensité de Shayne dans ses yeux.

*Elle ne fait pas que manipuler la matière…*

Ou, plutôt, peut-être qu’en manipulant la matière, elle influait aussi sur les sentiments, les émotions ? Manipuler la matière, c’était un concept vague, cela permettait aussi de modifier les odeurs, le toucher, ce genre de choses… Indirectement, cela modifiait aussi les émotions. La matière était liée à la perception sensorielle. Le souffle des lèvres de Shayne siffla sur la bouche de Karen, qui frémit doucement. Elles s’embrassèrent ensuite, scellant leur accord par un baiser. Karen remonta sa main pour empoigner les cheveux de Shayne, s’appuyant sur l’arrière de son crâne. C’était un délicieux baiser, et Karen frémit. Elle sentit ce baiser gagner en intensité, déchaînant chez elle une kyrielle de sensations, de souvenirs… Comme une sorte de madeleine de Proust intense. Elle se rappela ses premiers baisers, sa première fois avec Helena, dans la Gotham City de Terre-2. Karen, si sage, avait suivi une Helena beaucoup moins sage, qui lui avait proposé de faire le mur en allant à Gotham. Helena était après tout la fille de Catwoman et de Batman, soit deux personnalités fortes. Elles avaient volé jusqu’à Gotham, avaient neutralisé des criminels, puis Helena avait sauté dans le vide, pour que Karen la rattrape. Ensuite, elles s’étaient embrassées. La jeune Supergirl qu’était Kara avait ainsi été influencée par elle.

Karen papillonna des yeux quand le baiser se termina. Un mince filet de salive relia les lèvres des deux femmes, et elle l’effaça d’un coup de langue, puis sourit à Shayne.

« Un vrai baiser de conte de fées… Tu es sûre que tu es une super-vilaine ? Ce sont les Princes charmants qui embrassent comme ça… Ou les Princesses charmantes, dans ton cas… »

Jeannie incarne:



Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Je ne sais pas ce que Power Girl a expérimenté pendant le baiser. Ah j’y ai mis du mien, c’est certain. Mais je ne lis pas dans sa tête. Tout simplement. Et comme je ne lis pas dans sa tête, je dois me montrer prudente sur comment répondre à son commentaire et… Quoi? Curieux. Ma télépathe m’informe qu’elle n’a pas eu grand-chose à faire. Ce qui me surprend car je n’ai définitivement pas de pouvoirs psychiques. Est-ce qu’il y avait une attente, un désir latent, quelque chose qui existait déjà chez Power Girl et que j’aurais chimiquement amplifié? Difficile à dire. À froid j’aurais dit non mais les résultats semblent parler d’eux-mêmes donc… Peut-être. Qui sait comment une anatomie extraterrestre réagit à mon genre de manipulations? Elle a aimé. C’est l’essentiel. Et elle me traite de princesse charmante. Je n’ai pas envie de pourrir l’ambiance mais…

« Je ne sais pas si je suis une super vilaine. Je suis définitivement une hors la loi car je ne les suis pas. Toutefois, comme ce n’est pas un job à temps plein, rien ne m’empêche d’être… Cordiale… De temps en temps. S’il fallait tout le temps que je sois en train d’exploser des trucs ou tuer des gens, ce serait lassant extrêmement vite… Surtout que bon, concentré d’énergies négatives ou pas, la destruction pour la destruction…

Bref. Ravie que tu aies aimé le baiser. Honnêtement, je ne sais pas si tu l’as ressenti de la même façon qu’Helena. Chaque personne est différente après tout. Je suppose que tu le sais déjà mais tu sors avec une femme vraiment extraordinaire. Elle a réussi à faire dérailler des siècles de certitudes bien ancrées. Je suspecte que je lui dois en grande partie l’adoption de ma fille. Vraiment, je ne sais pas si je dois la maudire ou la remercier. »

Les choses sont tellement plus simples quand tout est en noir et blanc… Saloperies de nuances de gris. Il y en a plus de cinquante! Le bien. Le mal. Et rien entre les deux. Et pourtant, même en tentant d’être aveugle à la réalité, on ne peut faire autrement que de le remarquer à un moment ou à un autre. Mais bon. Philosopher, philosopher… Je me sens un brin joueuse. Une vieille pub pour du lait, si je ne m’abuse disait, en parlant d’un verre de lait : un c’est bien mais deux c’est mieux. Donc je décide d’appliquer ce principe aux baisers et donc, sans avoir à le demander, Power Girl a droit à un deuxième baiser. Qui risque de « résonner » en elle différemment du premier. Et comme il y a aussi un adage qui dit « jamais deux sans trois »… Elle aura eu un trio de baisers d’une demi-déesse, criminelle recherchée et source de « tourment » pour sa chère Helena…

« Que disait Katy Perry déjà dans son iconique chanson? Ah oui. I kissed a girl and I liked it. Je ne dis pas que le jour où tu devras vraiment m’affronter et m’arrêter cela va changer quelque chose mais… Un petit cadeau de ma part. Un souvenir à ramener avec toi. Franchement, il ne doit pas y avoir des centaines de personnes qui peuvent se vanter d’avoir embrassé une des superhéroïnes les plus connues de la planète…

Comme il n’y a pas de risque qu’Helena soit jalouse, de ce que je comprends de votre relation, je n’ai donc pas à culpabiliser sur quoi que ce soit. Ce qui est une bonne chose. Mais à moi de poser une question : tu es sûre que tu es une super héroïne? Demander un baiser à une dangereuse criminelle… C’est quoi, un pot de vin? Une tentative de corruption? Je m’imagine mal Superman ou Batman faire une telle chose. Ou Wonder Woman. Bien trop sérieux dans leur approche… »