The Multiversity

Bubble grimpa donc derrière le Skull Raider, et se lova un peu contre lui. Aucun doute possible, c’était une femme ! Pour Bubble, aucune hésitation, le Skull Raider était Rini Koken ! Elle tenait manifestement à son identité secrète, ce que Bubble pouvait comprendre. Elle n’insista donc pas davantage… Pour le moment. La nuit allait être musclée. Rini alla stationner sa moto dans une ruelle avec une série de portails et de petits garages. Un endroit sûr. Tandis qu’elle y stationnait la moto, ; Bubble entendit des bruits, des frottements métalliques. En face de cette série de garages, il y avait un petit parc public, niché entre plusieurs immeubles, abritant un toboggan, un tourniquet, et un château pour enfants, ces constructions faites de cubes avec des passerelles en bois. Des premiers Yakuzas s’y tenaient, fumant lentement. Assis sur un toboggan, un Yakuza en costume jaune pimpant avec des lunettes de soleil et une barre de fer se redressa.

« Le Skull Raider… On se doutait bien que c’était toi. C’est qui, la nana ? Ta pute ? »

Bubble sourit. À gauche, au fond de la ruelle, une voiture ; à droite, des motos. Des renforts se rapprochaient, et Bubble grimaça en entendant des aboiements de chiens. Ils avaient mis le paquet. Les Yakuzas sur le parc public se rapprochaient, et ouvrirent le petit portillon en bois.

« Tu nous as trop longtemps provoqués, Skull Raider. Ce soir, on va te régler ton compte, et on baisera ta copine sous ton nez.
- Inutile d’appeler les flics, le poste de police roule avec nous ! Ce soir, c’est le grand soir ! »

La jeune Uatéenne fronça les sourcils.

« Quoi, c’est le soir où vous vous enculez à sec, les garçons ? »

Le Yakuza en smoking jaune grogna en serrant les lèvres.

« Putain de Long-Nez wokiste ! Tu feras moins la maligne quand je te foutrais ma barre de fer dans le cul, salope ! »

Bubble sourit doucement.

« J’comprends que tu cherches à compenser, vu l’étroitesse de tes noix. »

Néanmoins, elle avait retenu ce qu’il avait dit. Le grand soir… Qu’est-ce que cela voulait dire ? Les joues cramoisies de fureur, Smoking-Jaune se rapprocha, tout comme ses comparses. Bubble s’appuya sur ses jambes, et l’homme s’élança en hurlant, levant sa barre de fer en haut, et attaqua avec. Mouvement prévisible, calculé. Bubble plia les genoux, et frappa l’homme avec le plat de la main sur la côte, à hauteur de sa cage thoracique. Elle heurta son poumon, et se détendit ensuite. Bubble prit appui sur sa jambe droite, et pivota en emmenant sa jambe gauche, qu’elle replia dans la foulée, avant de l’ouvrir quand elle pivota. Sa jambe frappa ainsi Smoking-Jaune en pleine tête, brisant ses lunettes et lui cassant le nez. Smoking-Jaune tomba au sol dans un couinement en se tenant le nez.

« Butez-moi cette salope, bordel de merde !! » gémit-il.

Elle sourit ensuite, et leur fit signe de la main d’approcher.

« Allez, les garçons, c’est moi qui vais vous foutre ma queue dans le cul ! »

Une fois la moto garée à un endroit répondant aux critères sélectifs de sa propriétaire casquée, celle-ci en descendit tranquillement avec sa passagère. Non loin d'elles, dans un parc pour enfants, leurs premiers ennemis patientaient. Avec leurs vêtements tape-à-l'œil, ces quelques truands avaient l'air plus grotesque qu'intimidant...
Le Skull Raider tourna sa sombre visière en direction du vilain à moitié déguisé en poussin. Un provocateur de bas étage qui venait de considérer Bubble comme "sa pute".
Des insultes toujours aussi inventives, songea Rini alors que l'insultée, loin d'être vexée, souriait comme une gamine. Ça se confirme ; elle bouillonne à l'idée de maltraiter ces caves.
Toutefois, la combattante aux cheveux mauves perdit un peu de sa superbe en se rendant compte de ce qui les attendait. Outre cette voiture pleine de fripouilles et ces motos chevauchées par le même type de racailles, il y avait aussi des chiens dont elles n'entendaient encore que les aboiements colériques.
Je répugne à faire du mal aux bêtes mais les circonstances étant ce qu'elles sont...
Le Yakuza au costume jaune poursuivit sur sa lancée, leur promettant de leur faire vivre un enfer comme elles n'en avaient jamais connu. Situation dans laquelle les flics ne pourraient pas les secourir puisqu'ils "roulaient" avec eux.
Le "grand soir" des connards ? Un étouffant dîner à échelle urbaine.
Personne n'allait s'ennuyer.
Le Skull Raider laissa sa partenaire donner la réplique au porte-parole des consanguins. Une répartie qui avait le don d'irriter le cosplayé en poussin.
Avec ses petits copains, le vilain, brandissant sa barre de fer, donna l'assaut en hurlant ! Réceptionné par la fulgurante contre-attaque de Bubble, Il fut le premier à déguster, le nez en sang et le cul écrasé par terre.
Même ainsi humilié, il trouva bien sûr, par la force de son entourage, l'énergie d'intimer à ses compagnons de les "buter".
Bubble, en agitant les doigts à l'intention de cette mauvaise troupe, enfonça le clou bien comme il fallait.
Leur morgue a été suffisamment excitée comme ça. Inutile d'en rajouter.
Sans plus attendre, les yakuzas s'élancèrent comme des bêtes enragées, dépassant leur allié vindicatif !

Le Skull Raider bondit alors sur l'un de ses ennemis qui se tenait en première ligne. L'homme, une lueur de démence dans les yeux, les mâchoires grandes ouvertes, avait armé sa batte de baseball en la tenant des deux mains. Plus rapide que lui, Rini abattit son gantelet renforcé contre son visage grimaçant. Ses bras devenus mous, il tourna de l'œil rapidement. Le réceptionnant d'un coup de genou en plein ventre, le Skull Raider le fit se plier en deux. Son dos courbé lui servit de marchepied pour se propulser sur un nouvel adversaire. Plus vigilant que que son prédécesseur, ce dernier amortit d'un bras solide le coup de pied que lui avait lancé le justicier.

- T'vas voir ta gueule !

Plutôt que de frapper avec sa matraque télescopique, il tenta de lui décocher un coup de poing. Souple comme un serpent, Rini se contorsionna dans les airs, enroulant ses jambe et ses bras autour de son membre protecteur et de son épaule, puis elle se servit de son poids pour les faire basculer au sol. Les autres yakuzas durent se reculer. Comme elle avait verrouillé sa prise en plein vol, déboiter l'épaule de son adversaire ne lui prit que peu de temps. Suffisamment pour se déloger de sa victime hurlante, sans se faire piétiner alors qu'elle se rétablissait d'une roulade vers l'arrière.

- Saloperie ! beugla un autre assaillant.

D'un coup de pied frontal, il fit reculer le Skull Raider sur un pas. Ses pieds bien ancrés au sol, son casque s'était légèrement incliné.
Un mouvement de faiblesse ?
Cela arracha un sourire au Yakuza, qui avait gagné en confiance.

- Pfah ! Comme quoi t'es pas aussi robuste qu'on le prétend...

Le Skull Raider releva légèrement la tête. Derrière sa visière teintée, le voyou costumé discerna un éclat rouge comme le sang.

- ...Nhé ?!

Son instinct lui soufflant de ne pas lui accorder le moindre répit, le Yakuza brandit au dessus de sa tête ce lourd tuyau auquel il s'était cramponné.
Trop tard pour lui.
Poussant sur ses jambes fléchies, le justicier de l'ombre lui rentra dedans avec une force inouïe ! Le voyou eut l'impression de se recevoir un boulet de canon en travers de la poitrine. Emporté par le choc, ses pieds soulevés du sol, le pauvre type vola en arrière.
Il ne s'arrêta qu'après avoir percuté l'un des siens.

- Putain ! Mais il vient de faire quoi, là ? s'écria un autre clown sans avenir.

Son voisin renifla bruyamment, captant dans l'air une curieuse odeur de brûlé. Le même type qui s'avisa rapidement de l'état de santé de celui que le Skull Raider avait littéralement éjecté. Sur le devant de sa veste, l'on voyait un cercle au pourtour carbonisé. De façon tout aussi incompréhensible, des poings du motard s'élevaient des rubans de vapeur rouge comme le sang.

- Une arme ! déclara quelqu'un. Ce salopard cache forcément une arme à l'intérieur de ses gants !

- Non, fit le Skull Raider en réajustant sa garde. Ce que vous voyez là n'est rien d'autre que mon aura de combat.

Celle que Rini, lorsqu'elle portait cette tenue, couplait efficacement à ses facultés de métahumaine. Un art unique qu'elle avait peaufiné depuis sa plus tendre enfance, vivement encouragée par sa mère, à l'époque.

- C'est quoi, c'te connerie ?!

- Vous ne comprendriez pas mes explications, répondit le Skull Raider. Inutile que je perde mon temps à instruire la vermine. (Le même éclat que tout à l'heure - menaçant ! - brilla à travers sa visière.) Je vais tous vous réduire au silence. Prestement !

Ils n'eurent pas à se déplacer. Ils n'eurent par à le rejoindre. Ils n'en eurent pas le temps.
Son aura de combat s'étant propagé jusqu'à ses pieds bottés, le Skull Raider leur avait foncé dessus comme s'il était monté sur propulseurs !
Les yakuzas connurent ainsi un avant-goût de l'enfer.

Bubble avait vu Rini en combat au club de dojo. Le Skull Raider s’avéra plus rapide, plus violent, et plus efficace que Rini. Pour autant, Bubble restait persuadée qu’il s’agissait de la même personne. Elle en acquit à nouveau la conviction en voyant le Skull Raider tournoyer dans les airs, notant combien la courbe de ses fesses évoquait celle de Rini. Ce n’était sans doute qu’un détail, et probablement un biais cognitif, mais Bubble était têtue ! En tout cas, la démonstration du Skull Raider occulta Bubble, surtout quand une aura d’énergie se mit à entourer le Skull Raider. Les Yakuzas en furent surpris, et le Skull Raider fusa ensuite sur l’un d’eux, et le frappa avec une force redoutable. Il le frappa au torse avec ses deux mains, et le Yakuza décolla du sol. Il heurta la rambarde de l’aire de jeux, et tomba de l’autre côté.

« Putain, défoncez-les ! »

Bubble vit un forban se rapprocher d’elle, et leva son pied gauche. Un coup de pied élancé en hauteur qui frappa l’ennemi au visage. Il gémit tandis que le sang jaillit de ses narines. Tandis que lui tombait au sol, dans le dos de Bubble, un Yakuza la poussa du pied en heurtant son dos. Bubble bascula en avant, et eut à peine le temps de se retourner que son agresseur bondissait sur elle. Il pivota aussi sur place, et opta pour un coup de pied retourné qui frappa la pauvre Bubble au ventre. Elle heurta la rambarde, et bascula dans l’aire de jeux. Bubble atterrit dans l’herbe synthétique de l’aire de jeux, et se redressa. Un autre Yakuza jaillit alors, et elle para son attaque en croisant les bras. Elle n’avait pas le halo énergétique du Skull Raider, mais Bubble savait tout de même se battre ! Elle intercepta ainsi le coup de poing de son ennemi avec le tranchant de sa main droite, et la main gauche répliqua par un uppercut au visage. Bubble frappa le nez de l’homme, sentit la douleur le long de ses doigts, rapidement gommée par l’adrénaline.

Le Yakuza qui l’avait projeté dans l’aire de jeux, et qui maîtrisait de toute évidence les arts martiaux, l’attaqua encore. Bubble reconnut son style, le muay-thaï. Une discipline de combat utilisant toutes les parties du corps, que son adversaire couplait à d’autres arts martiaux. Il attaqua encore en déployant sa jambe, cherchant à atteindre la tête de Bubble. Celle-ci esquiva en pliant les genoux, et tenta de le frapper en levant son poing, visant son menton. Las, son coup frappa dans le vide, effleurant le menton du Yakuza qui tournoya sur place, et la frappa sur la nuque avec le tranchant de sa main, tout en avançant sa jambe pour faucher celle de Bubble. Résultat des courses ? La jeune femme s’affala sur le sol. Son ennemi leva ensuite à nouveau bien haut son pied, comme pour l’abattre avec le talon sur le dos de Bubble. La jeune femme roula sur le côté, évitant l’impact. Elle se releva ensuite, et sentit alors une présence dans son dos. Un bras passa autour de son cou, et commença à serrer, venant l’étrangler.

« Qu’est-ce que tu croyais ? Que de petits rigolos comme vous pouvaient nous tenir tête ? »

Bubble grogna, et frappa avec son talon sur le pied de son agresseur. La douleur éclata en lui, l’amenant à lâcher prise. Bubble le frappa d’un coup de coude en arrière, qui le heurta à la tempe, puis elle le repoussa. L’homme était plutôt gros. Il recula en arrière, mais, d’ores et déjà, l’autre Yakuza, le nak muay, fusa sur elle. Il bondit en avant avec son genou. Bubble esquiva. Le Yakuza qu’elle avait au début de cette séquence projeté de l’autre côté de l’aire de jeux s’était également relevé, et sortit un couteau à cran d’arrêt.

Quant au Skull Raider, il allait se confronter aux chiens, que le maître-chien lâcha sur lui. Un pitbull et un dobermann qui aboyèrent furieusement en se ruant à toute allure sur le Skull Raider…

Ce qui aurait dû être un passage à tabac tenait maintenant de l'irréel. Le Skull Raider avait déchaîné ses pouvoirs face aux voyous costumés. Ces imbéciles reposaient dans la poussière, étalés en nombre comme de vulgaires enfants écoulant leur sieste au beau milieu d'une aire de jeux. Leurs parents - s'ils étaient toujours en vie - avaient largement de quoi être fiers...

- Vous êtes tous des adultes, leur fit remarquer le Skull Raider. Depuis un certain temps... (Il secoua la tête.) Il est désolant de constater qu'aucun parmi vous n'a encore fait l'effort de se comporter comme tel.

Tous n'étaient pas encore HS. Certains étaient même parvenu à se relever !
Le Skull Raider avait-il doser ses coups ? Son aura mystique ne fumait pas en permanence. Il ne s'en servait pas comme d'une armure ; il ne l'utilisait que pour intensifier quelques-unes de ses impulsions. Le reste dépendait principalement de son talent, de sa technique... un concentré mixte, issu de plusieurs écoles de la ville.
La force combinée des associations martiales d'Atarashï Yoake !
Un Yakuza qui se tenait le bras grogna de colère.

- Putain d'enfoiré ! Tu vas pas tenir comme ça éternellement ; au final, c'est toi et ton pote qui allez pleurer vos mères !

De son côté, Bubble se démenait face à un adversaire un peu plus sérieux que les autres. Un Yakuza au style martial plutôt bien fourni. Un type qui n'en demeurait pas moins aussi déloyal que ses congénères puisqu'il ne voyait aucun inconvénient à poursuivre son combat avec une vicieuse assistance, le genre tout à fait capable de se jeter dans le dos des autres.
Le Skull Raider serra les poings. "Il" devait faire confiance à sa coéquipière. Le monde de la nuit ne pardonne aucune faiblesse.

- Si j'avais vraiment peur du nombre, je ne serais pas ici, ce soir, à tous vous confronter en même temps.

Rini n'était pas parfaite. Elle n'avait pas pu tout anticiper. Lors de la mêlée, d'aucuns avaient réussi à l'atteindre en traître. Mais les dommages, grâce à sa combinaison, avaient été moindres ; et ses répliques musclées, toujours beaucoup plus sévères. Le résultat - scandalisant, estomaquant - était là, parfaitement visible au regard de tous. Répandu en un terrain inadéquat, enfantin, et pourtant bien hospitalier. Le Yakuza qui tenait encore debout tremblait sur ses jambes. Les autres n'en menaient pas large non plus.
D'une levée de pied, le justicier de la nuit récupéra sans se baisser une barre de fer qui avait échappé à la poigne d'un rétamé. En la calant contre son épaule, le Skull Raider tendit un bras et fit signe à ses opposants d'approcher.

- Je déteste avoir à taper sur les plus faibles de la portée. Les lâches ne m'intéressent pas - qu'ils décampent donc et s'en aillent implorer la douteuse pitié de leur maître. (Il inclina légèrement la tête, un éclat sanglant filant à travers sa visière noire.) Je me contenterai de remettre les plus vaillants à leur place.

- Il ne se prend pas pour de la merde, ce con, grinça le yak' en détournant son attention vers les autres. On arrête de jouer ! Que quelqu'un me passe un flingue, et je le transforme en passoire !

- ATTENTION ! hurla son voisin.

Mais le Skull Raider était déjà sur eux.

- Qu- ?!

Un high kick redoutable ! Il ne vit qu'une semelle noire en gros plan. Sa tête partit violemment en arrière. Quelques éclats blancs volèrent un peu plus loin ; ses dents, arrachées au moment du choc, touchèrent le sol juste après que son corps eut fait de même.

- F-FAIT CHIER !

L'autre dressa sa garde. La barre de fer percuta l'écran formé par ses avant-bras, son impact métallique résonnant jusque dans ses os. Le Skull Raider n'insista pas ; n'attaquant pas dans l'unique but de détruire, il lui frappa plutôt la cuisse d'un coup de pied cinglant, là où son regard ne portait pas. Le Yakuza gémit de douleur, ployant sur sa jambe. Cette fois-ci, le tuyau cogna juste sous sa tempe, le faisant s'écraser comme un château de cartes. Dépliant ses doigts gantés, le combattant des rues laissa choir la barre à ses côtés.

- J'abhorre les armes à feu. Leurs utilisateurs ne m'inspirent aucune pitié.

Soudain, la captation de grognements de bête féroce ! Rini les entendit à bonne distance - malgré le port de son casque. Elle se retourna et vit les deux monstres se ruer dans sa direction. Dobermann et pitbull aboyaient et cavalaient comme des hyènes courant après une gazelle.
Le Skull Raider ne prétendait pas au statut de proie. Et il ne partageait pas non plus le cruel appétit de ses assaillants, qui n'étaient rien de plus que des outils entre les mains du vil maître chien.
Que l'on réduise des animaux à un tel niveau de servitude...
Cela l'écoeurait profondément.
Derrière sa visière ténébreuse, le rouge ardent abdiqua pour le bleu glacial. La couleur du froid et, dans ce cas précis, de la clémence.
Tout en se soustrayant souplement aux morsures, le Skull Raider décrivit plusieurs cercles avec ses bras. Autour de lui, dans un rayon de trois mètres, l'air se rafraîchit et le sol se couvrit d'une fine pellicule de glace. Les chiens, en s'acharnant comme des enragés, dérapèrent dessus. Le pitbull, plus lourd que le dobermann, resta à portée de frappe tout en ne pouvant s'empêcher de tourner sur lui-même. Rini, son aura active, le heurta avec précision, le bout de ses doigts froids butant contre son front plissé.
L'animal devint inexplicablement aussi raide qu'une statue !
Au suivant.
Sa visière se tourna vers le second chien d'attaque. Celui-ci était sorti du cercle, lui montrant les dents.
L'aura vaporeuse du Skull Raider s'intensifia alors. En se mélangeant à ses frissons, sa simple vue instilla la peur dans l'esprit primal du canidé.

- Ne reste pas planté là à grogner bêtement et attaque ! lui ordonna son impatient de maître.

Vêtu d'un costume noir par-dessus une chemise rouge, la clope au bec, le gredin était armé d'un outil électrique hi-tech. Un genre de fouet, avec un manche en plastique au bout duquel se tortillait un agrégat de petits éclairs. Jusqu'à aujourd'hui, Rini n'en avait encore jamais vu.



Le Yakuza s'en servit sur le dos du pauvre dobermann. La douleur eut un impact tel qu'il le poussa à braver sa peur et à bondir bien plus haut qu'il ne l'aurait pu en temps normal.

- Humpf !

Les mâchoires se refermèrent sur son avant-bras caparaçonné. Rini sentit les canines creuser la manche de sa combinaison. Elle ferma le poing aussi fort que possible, projetant la paume de sa main droite sur le museau contracté. Le dobermann ressentit un froid si intense qu'il dut lâcher prise et se reculer précipitamment sur le sol glissant. Il glapit de façon misérable avant de se mettre à éternuer. Au troisième éternuement, sa mâchoire inférieure s'affaissa, se retrouvant comme bloquée dans cette position. La bave de l'animal qui s'en écoulait se figea elle aussi.

- Plat de givre du Poing Symphonique des Deux Extrêmes, lâcha le Skull Raider. Stimulations électriques ou non, ton chien ne mordra plus personne. Alors cesse cette torture, veux-tu ?

- Quelle belle attention, Skull Raider, jubila l'ignoble maître-chien. Tu as préféré l'épargner, pas vrai ? Pfah ! Avec un tel état d'esprit, tu ne vas pas vivre assez longtemps pour nous présenter tes excuses...

- A ton tour, à présent.

Le justicier remonta sa garde. Sa voix se fit aussi coupante que la lame d'un scalpel :

- Sois rassuré : à toi, je ne ferai aucun cadeau.

Le Yakuza inhala les derniers vestiges de sa cigarette avant de balancer son mégot.

- Ne me fais pas rire, héros à la mords-moi le nœud !

Lors de cet affrontement au dénouement prévisible, le dobermann n'assista point son propriétaire indigne.

Tandis que le Skull Raider se retrouva confronté à des chiens et à leur maître-chien, Bubble, elle, continuait à se battre contre les mêmes ennemis. Face au Yakuza champion de muay-thaï, Bubble faisait du mieux qu’elle pouvait, mais se retrouva en infériorité numérique, face à un comparse qui s’équipa d’une lame. Un redoutable couteau. Bubble le vit s’élancer vers elle, et tentait de la lacérer en levant sa main, pour abattre son couteau. Réactive, elle l’intercepta en posant ses deux mains sur son poignet, et croisa son regard. Bubble agit alors à l’instant… Et lui cracha dessus. Elle cibla son œil, et l’homme gémit, surpris. Elle lui tordit le poignet en profitant de sa surprise, le forçant à lâcher son couteau, qui tomba sur la pelouse synthétique de l’aire de jeux. Un violent coup la frappa ensuite dans le dos, et la propulsa vers le toboggan de l’aire de jeux. Il venait de son ennemi champion d’arts martiaux, qui la poursuivit ensuite en levant bien haut son pied, décrivant un arc-de-cercle avec. Bubble bloqua en croisant les bras au-dessus de sa tête. Le pied de l’homme frappa avec force, et déstabilisa la jeune femme, dont les chevilles heurtèrent le rebord du toboggan. Elle tomba dessus sur les fesses. Le temps que son ennemi se remette en position, Bubble choisit de grimper en haut du toboggan, et rejoignit un petit chapiteau qui surplombait le toboggan, avec un pont en bois à côté.

*Il est coriace, lui…*

Depuis l’autre côté de l’aire de jeux, sur la ruelle, le maître-chien fit tournoyer son fouet énergétique.

« Voyons voir si tu es à la hauteur de ta réputation, Skull Raider ! »

Le fouet claqua alors, et s’étira, fusant vers le Skull Raider comme un éclair. Le héros des rues put réussir à esquiver ce coup, et fusa vers le maître-chien, qui pivota sur le côté, esquivant l’attaque. Le fouet électrique se rétracta totalement, et le maître-chien orienta la pointe vers le SKull Raider, venant alors le frapper quand le fouet se détendit. Le Skull Raider tomba au sol sous l’impact, son armure absorbant l’impact. Un Yakuza jaillit alors dans le dos du Skull Raider pour frapper ce dernier.

« Non ! Il est à moi, bande de minables ! Allez plutôt vous occuper de l’autre salope pendant que je lui règle son compte ! »

Depuis l’aire de jeux, Bubble se retrouva aux prises avec le Yakuza précédemment équipé d’un couteau. L’aire de jeux se composait d’une sorte de grand château pour enfants avec quatre tours, ainsi que d’une petite colline végétale en herbe synthétique au centre comprenant un tunnel. L’homme délesté de son couteau n’opposa aucune résistance sérieuse à Bubble, qui esquiva son attaque, et prit appui avec ses deux mains sur les accoudoirs du pont. Elle s’en servit pour soulever son corps, et enroula la tête de l’homme avec ses jambes, puis le fit basculer par-dessus le pont. Une posture aussi sensuelle que redoutable qui conduisit le malandrin sur la colline au centre. D’autres Yakuzas se rapprochèrent ensuite.

*Me voilà assiégée…*

L’un d’eux tenta de grimper sur le toboggan. Bubble l’accueillit à pieds joints. Elle posa ses deux mains en appui sur une barre métallique entourant le toit de la tourelle pour enfants, et élança ses jambes en avant. Ses deux pieds frappèrent le Yakuza au torse alors qu’il avait péniblement réussi à se dresser au sommet du toboggan, et le coup le catapulta en contrebas.

« Hyaaargh !!
- Attrapez cette salope ! »

De son côté, le maître-chien continuait à sourire, la clope au bec.

« Tu vaux sûrement mieux que cela… » la provoqua-t-il.

Cet abject individu n'était pas qu'un simple dresseur de canidés. Le Skull Raider le comprit en ayant eu un avant-goût de ses déplacements millimétrés. Le héros avait esquivé son fouet avant de se jeter au contact ; le vilain avait esquivé l'attaque avec un timing digne d'un torero ! Evitement souple qui s'était soldé par un cinglant rappel de son arme électrique. Touché à l'omoplate, le justicier de la nuit, secoué par une décharge à peine contenue par sa combinaison, trébucha, manquant se rétamer sur la visière de son casque.
Surmontable.
La douleur s'effaça très vite.
Soudain, un autre Yakuza se dressa dans son dos pour le frapper !
Grésillant dans l'air, le serpent de foudre éteignit aussitôt cet impudent.

- Non ! Il est à moi, bande de minables ! Allez plutôt vous occuper de l’autre salope pendant que je lui règle son compte !

Il me sous-estime au point de refuser le soutien de ses camarades ? Tant mieux.
Rini sourit sous son casque. Ce temps mort lui permit d'ailleurs de relever la tête et d'apercevoir Bubble qui avait carrément grimpé dans l'aire de jeux pour enfants. Contrairement à elle, Maria exploitait les particularité de leur environnement à merveille ! Les Yakuzas qui, au sein de l'espace restreint de sa forteresse enfantine, cherchaient à l'approcher s'en retrouvaient éjectés aussi sec.
C'était assez plaisant à regarder.
Une voix - presque un murmure lugubre - la ramena à ses propres affaires :

- Tu vaux sûrement mieux que cela…

Le Skull Raider se redressa, inclinant sa visière vers cet homme imbu de lui-même. Le maître-chien avait pris le temps de rallumer une cigarette, qu'il avait pincé entre ses lèvres. Un fin sourire les tordait en coin.

- Ta trop grande confiance en toi te perdra, le prévint Rini.

- Ah oui ? s'amusa-t-il. Moi, j'crois plutôt que c'est ma lanière qui ne te loupera pas.

D'un coup de poignet, il fit vrombir son fouet.

- Vas-y : attaque ! Je te laisse une dernière chance pour te la jouer héroïque.

Dressant sa garde, le Skull Raider accepta muettement cette sobre opportunité. Il y eut un bref moment de silence au cours duquel son aura bleutée s'était mise à rougeoyer. Le héros de la nuit décrocha un talon du sol. Une micro détonation s'ensuivit, le projetant directement sur le maître-chien. Celui-ci n'en fut pas spécialement surpris. Avec ses réflexes reptiliens, il recula tête et buste, évitant de ce fait un crochet meurtrier. Nouvelles étincelles sous les bottes du Skull Raider, qui décrivit un large arc de cercle avec le revers de jambe droite détendue ! Spirale infernale que son opposant évita en fléchissant sur ses genoux. Plutôt que d'utiliser son fouet, celui-ci lança son poing en hauteur. Un uppercut que le Skull Raider, en suspension dans l'air, ne pourrait pas éviter. Sauf que cette flamboyance qui avait jailli de ses talons fit de même au niveau de ses paumes, lui permettant de se déporter en arrière de justesse. Le poing du maître-chien siffla inutilement dans l'air. Le Skull Raider retomba au sol à la manière d'une araignée. Elle avait ramené une main dans son dos, derrière lequel un discret filet de vapeur s'étirait dans les air pour y mourir paresseusement.

- Fuir, c'est retarder sa mort, jubila le truand en réajustant son smoking.

Imitant nonchalamment sa posture, Rini se remit droite. Elle lui exhiba sa main droite gantée. Entre l'index et le majeur était coincée la cigarette encore allumée du maître-chien.
Ce dernier fronça les sourcils. Une manifestation de son inquiétude ?
L'homme n'arrivait pas à se souvenir du moment où ce démon lui avait chipé son tabac...
Cette question intérieure, le Skull Raider la lut dans son regard vicié.

- Au tout premier assaut, lui annonça-t-il. Ce n'est pas tout. (Il pointa du doigt sa cravate.) Il s'en est fallu d'un cheveu, tu ne penses pas ?

Le maître-chien percevait de l'ironie dans sa remarque. Comme s'il avait fait exprès de roussir la moitié de sa cravate. Qu'il aurait pu le faucher, lui, avec ce coup de pied tournoyant...
Quand il reporta son regard sur la visière du Skull Raider, la peur s'insinuait déjà dans son esprit.
Ce sinistre héros lui donnait l'impression d'avoir gagné en taille. Et c'était aussi perturbant qu'énervant !

- Tu vaux surement mieux que cela, fit le justicier en faisant flamber sa cigarette. Tu comptes me sous-estimer encore longtemps ? Parce qu'avec un tel état d'esprit, tu ne feras pas long feu.

La clope se vaporisa entre ses doigts.
Un avertissement ? Une... dernière chance pour lui ?
Le sang-froid du maître-chien menaçait de fondre sous le flot déraisonnable de sa colère.