Izaël se gardait bien de dire ce qu’elle pensait de la véracité de cette impression. Les Beaumont étaient une puissante famille, historiquement très ancrée au sein de l’Empire, et, comme on pouvait s’y attendre de la part d’une telle famille, les sentiments personnels étaient souvent secondaires devant l’importance de la famille et des relations politiques. Dans ce domaine, Juliette était une vraie néophyte, car Père avait toujours veillé à l’écarter de ces jeux cruels et sardoniques. Juliette n’avait de Beaumont que le nom, car elle était effectivement trop douce, trop timide, pour se risquer au jeu du pouvoir et des trahisons politiques.
La jeune Beaumont à la chevelure blonde reprit donc :
« Juliette ne m’a jamais parlé de vous, ou, en tout cas, de manière plus précise, de votre relation. Mais je veille sur elle... Elle ne le sait pas, mais elle constitue une sorte de joyau au sein de la famille. Elle est la seule du clan qui puisse véritablement être qualifiée de pure, d’innocente. Juliette pense que c’est ce qui fait sa faiblesse, et, en un sens, il est vrai qu’elle est faible... Mais c’est une faiblesse que je souhaite protéger. Mes autres sœurs sont d’accord, même si toutes ont des vues différentes en ce qui concerne Juliette. S’il y en a d’une dont vous devriez vous méfier, c’est de Joan. Soumettre Juliette a toujours été son fantasme, et savoir qu’elle s’est déjà soumise à quelqu’un risque de l’énerver... C’est aussi pour ça que je tenais à vous voir. »
Les deux femmes continuaient tranquillement à marcher. Calme et apaisée, Izaël dégageait une assurance certaine, ainsi qu’un fort charisme. Une véritable beauté démoniaque, une magnifique blonde avec des yeux pénétrants et acérés. Sous-estimer cette femme était une erreur impardonnable, mais, si on croyait que, au sein des Beaumont, régnait une saine harmonie, on se trompait lourdement.
« C’est un vote au sein de la famille qui déterminera qui sera la prochaine Matriarche, soit la prochaine à diriger le clan. C’est aux femmes qu’il revient de voter, entre elles, et nous sommes cinq sœurs... Moi, Juliette, Joan, Penny, et Sancha. Sancha et Penny ne seront jamais candidates, pas plus que Juliette, ce qui ne laisse plus que moi et Joan. Nous sommes cinq, ce qui exclut toute égalité, car, quand viendra le moment de la succession, chaque voix sera égale à une autre. Les deux candidates seront donc moi et Joan. Si Joan cherche à soumettre Juliette depuis longtemps, c’est pour obtenir son vote. Vois-tu, nous sommes à peu près sûres de savoir pour qui Sancha et Penny voteront. Sancha votera pour celle qu’elle estime être la plus à même de diriger le clan, soit moi, tandis que Penny, elle, votera pour Joan, car elle aime beaucoup son esclave angélique. »
Cinq votes possibles, deux voix chacune... Nul besoin d’être une experte en mathématiques pour comprendre ce que cela signifiait. Izaël laissa ainsi, dans un geste théâtral, planer quelques secondes, afin de laisser le soin à Décatis de réaliser où Izaël voulait en venir. Cette dernière poursuivit donc, en concluant :
« La coutume des Beaumont est claire... Juliette aura, tôt ou tard, le dernier mot sur le clan, et décidera de l’avenir de l’une des plus puissantes familles de l’Empire. En devenant sa Maîtresse, vous rejoindrez un jeu où tous les coups sont permis. Je suis par exemple convaincue que ma sœur a fait appel aux Emreis pour attaquer le clan, et ainsi m’affaiblir. Alors, si vous voulez continuer à fréquenter Juliette, je vous encourage de bénéficier de ma protection... Ou de vous trouver des alliés puissants. »
Il fallait lire entre les lignes et saisir le sens caché de la proposition d’Izaël. Elle proposait à Décatis de prendre partie dans la course à la tête du clan.